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son cabinet. C'est à Erfurth qu'il a fait reconnaître ses droits sur l'Espagne; et, par une réciprocité fatale au droit public, l'empereur Alexandre a fait reconnaître ses droits prétendus sur la Finlande suédoise. Nouveaux engagemens contractés pour le blocus continental; mais entre les deux empereurs, on ne peut plus reconnaître celui qui joue et celui qui est joué. Enfin, Napoléon a usé de quelque ménagement envers le roi de Prusse, parce que le désastre de Baylen lui commande de retirer une partie de ses troupes de l'Allemagne.

D'Erfurth il a volé à Baïonne, théâtre honteux de ses fraudes politiques. Ses armées, pour la première fois vaincues et dispersées, lui en montrent le succès. Il va soutenir ce qu'il n'a pas encore connu, la résistance d'une nation, et il subit le désaveu de la sienne; il est vrai que l'opinion ne peut plus guère se faire entendre à lui que par le silence; mais ce silence a été expressif; l'adulation elle-même a été déconcertée et n'a su comment prononcer le nom d'Espagne. On dit que, dans son conseil, il a essuyé de M. de Talleyrand des représentations sévèrement prophétiques. Enfin, comme il assiste par de nombreux et vils témoins à une foule d'entretiens, il sait

comment sont jugés les détrônemens du père et du fils, et la captivité des princes qui se sont commis à sa foi. Il sait que sur un tel sujet ses ennemis sont ardens, que ses amis restent glacés. Il sait que ses meilleurs généraux calculent avec trop de certitude les chances déplorables d'une telle guerre, et que ses soldats quittent avec regret les gîtes paisibles des bons Allemands pour se transporter chez des hôtes aussi dangereux que les Espagnols. Le roi qu'il veut donner à ce peuple, son frère Joseph ne quitte qu'à regret le trône de Naples pour régner sur une nation qui frissonne d'horreur au nom de Bonaparte. Au milieu de tant d'obstacles, sa ressource est de dire: A moi la victoire! Mais ce n'est que pour les esprits grossiers et les ames rampantes que le mot de victoire est synonyme de légitimité.

Ses triomphes s'accumulent; mais tandis que deux ou trois batailles lui ont suffi pour disposer en maître de l'Autriche et de la Prusse, cinquante victoires remportées en Espagne, moins par lui que par ses lieutenans, lui soumettront des villes sans lui soumettre le pays. Les combats de Burgos et de Domo-Sierra lui ont ouvert Madrid. Le maréchal Lannes a su atteindre à Tudela

Castanos, vainqueur à Baylen, et lui a fait éprouver la plus sanglante défaite. Le maréchal Victor bat à Espinosa (Vieille-Castille) les Espagnols commandés par la Romana, et les Anglais; le maréchal Soult attaque ces mêmes Anglais dans la Gallice, et après divers combats dans lesquels le général en chef des Anglais, Moore est tué, il les force à se rembarquer du Ferrol, de la Corogne, et enfin d'Oporto dans le Portugal. Le maréchal Gouvion-Saint-Cyr a obtenu des succès dans la Catalogne. Mais au milieu de ces victoires, toutes attestées par d'immenses colonnes de prisonniers et par la prise de canons sans nombre, la situation des Français reste équivoque. Les débris d'une armée sont pour eux plus dangereux que cette armée même. Les guérillas s'organisent, suivent les lois de la chouannerie qui a si longtemps infesté nos provinces, et en surpassent de beaucoup l'atrocité. Bientôt elles couvrent toute l'Espagne; les Français s'irritent, et leurs représailles cruelles, trop souvent leurs rapines, ne font que provoquer de nouveaux assauts de barbarie. Prêtres, moines, vieillards, femmes et enfans, tous veulent gagner le paradis par le meurtre.

A travers toutes ces scènes d'horreur, l'Es- février 1809.

pagne voit renaître dans Saragosse quelque chose de plus sublime que la défense désespérée de Numance et de Sagonte. Quarante mille habitans sont devenus quarante mille soldats. Le courage donne à des murailles qui tombent en ruines l'effet des ouvrages de Vauban. L'héroïsme est partout. L'àme du plus grossier artisan répond à l'âme de Palafox. Les légions de martyrs tombent et se regarnissent sous les boulets, la mitraille, les bombes et les obus. Le service divin vient seul se mêler à cet horrible bruit. Huit mois d'investissement et de siége ont fait subir aux habitans des privations de tout genre; c'est lorsque la disette est devenue famine, qu'il faut supporter vingt-huit jours de tranchée ouverte. Plus de murailles, et la ville se défend encore. Le maréchal Lannes, qui voudrait mettre un terme aux fléaux d'un tel siége, ne reçoit que des réponses fières et indignées. Du camp français, on entend dans Saragosse des chants religieux et lugubres, qui annoncent que des mourans célèbrent pour eux-mêmes le service des morts. Les décombres se transforment en fortifications nouvelles; il s'établit des îles de maisons, et chacune de ces maidéfendue par des spectres héroïques,

sons,

réclame un assaut particulier et quelquefois plusieurs assauts. Ce genre inouï de siége dure encore vingt-trois jours. Une telle gloire relève les malheureux Espagnols de leurs nombreuses défaites.

Nouvelle guerre contre l'Autriche Batailles d'Eckmulh, d'Essling et de Wagram. Traité de Vienne. Mariage de Napoléon avec Marie-Louise d'Autriche, - 1809 à 1811.

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Mais déjà Napoléon a quitté l'Espagne; il s'est dérobé à son armée avec une précipitation, un mystère qui semblent rappeler un peu son départ d'Egypte; mais c'est ici que sa vigilance se montre dans toute son étendue. De Madrid il a observé l'Autriche qu'il tenait sous ses pieds après la bataille d'Austerlitz, envers laquelle il a usé de magnanimité, et qui vient de se relever menaçante, lorsquelle a vu le lion emporté au loin dans sa course et qu'elle l'a cru erné dans les ravins de l'Espagne. L'or de l'Angleterre a rendu à cette puissance son audace et sa fierté. Elle déploie toutes ses forces, saisit l'offensive, marche sur la Pologne, et déjà d'un côté menace Varsovie, de

TOME 1.

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