Page images
PDF
EPUB

passibles d'aucune peine. Néanmoins, cette distinction ne nous paraît point exacte. Le jury, en déclarant que l'enfant a agi sans discernement, exclut par là même la résolution criminelle; car comment concevoir une intention criminelle si l'accusé n'a pas su ce qu'il faisait? Cette déclaration n'efface donc pas seulement les peines afflictives et infamantes, elle efface même le crime. On objecte que la Cour d'assises peut prononcer la détention dans une maison de correction, et que cette détention est une peine. La réponse est d'abord dans l'art. 66 du Code.pén., qui déclare que l'accusé qui aura agi sans discernement sera acquitté, ce qui exclut de la part du législateur l'intention de le condamner, et démontre que les mesures prescrites ultérieurement par le même article ne doivent être considérées que comme prises dans le seul intérêt de l'accusé. Mais il faut, d'ailleurs, remarquer que, dans l'espèce de l'arrêt qui précède, l'accusé a été remis à ses parens; or, assurément, comme le fait très-bien observer M.Carnot (Instruction crim., t. 2, p. 755), le renvoi de l'accusé à ses parens ne constitue pas une peine; il est donc vrai de dire que dans ce cas il n'en est prononcé aucune: comment donc appliquer l'art. 368? Une autre considération ne doit pas être perdue de vue. L'intention du législateur a été de ne pas jeter légèrement dans les prisons de jeunes prévenus qui y sucent le poison de la corruption. Mais si vous les condamnez aux frais, même en les acquittant, ne les mettez-vous pas dans le cas d'être retenus dans les prisons pendant une année entière, si leurs parens sont insolvables? Le vou de la loi est donc trompé par cette condamnation, et vous effacez le bien qu'elle avait voulu produire.

ART. 800.

"ADMINISTRATION FORESTIÈRE. DOMMAGES ET INTÉRÊTS.

L'administration forestière peut, comme toute partie civile, être condamnée en des dommages-intérêts envers les parties qu'elle aurait injustement traduites devant les tribunaux. (Art. 436 du Code d'instr.)

L'administration des forêts, ayant été condamnée par la Cour royale de Pau en des dommages-intérêts envers le sieur Latrille, contre lequel elle avait dirigé une action correctionnelle, 's'est pourvue contre cet arrêt. On a plaidé, à l'appui du pourvoi, que, dans la poursuite des délits forestiers, l'administration devait être assimilée au ministère public, qu'elle pouvait donc en invoquer les garanties. Mais cette assimilation est écartée par les art. 184 et 187 du Code for. et d'ailleurs l'art. 436 est général. En conséquence, ce système n'a pas été accueilli.

ARRÊT.

LA COUR, — Vu les art. 187 du Code forest., 212, 436 du Code d'instr.

crim. et 158 du Tarif des frais en matière criminelle; - Attendu que les administrations publiques sont assimilées aux parties civiles dans la poursuite des actions qu'elles intentent; qu'elles peuvent donc être condamnées aux dommages et intérêts lorsqu'elles succombent dans leur poursuite; que le principe consacré par l'art. 436 du Code d'instr. crim. doit recevoir son application devant tous les tribunaux; et attendu qu'en accordant des dommages et intérêts au défendeur injustement poursuivi, la Cour royale de Pau n'a violé aucune loi: - La Cour rejette le pourvoi de l'administration forestière.

[ocr errors]

Du 7 janvier 1832.- Cour de cass. M. Dupaty, rapp.

[blocks in formation]

Lorsqu'un citoyen a usé de la faculté que la loi donne à toute personne de répondre, dans un journal, à un article où elle se trouve attaquée, si le journaliste fait suivre cette réponse de réflexions nouvelles qui confirment son inculpation, l'inculpé est en droit de faire insérer dans le journal une nouvelle réponse. (Art.11, loi du 25 mars 1822,) (1)

Le jugement suivant, rendu par le tribunal de Cambrai le 12 novembre 1831, retrace suffisamment les faits:

LE TRIBUNAL,-Considérant que la loi donne au citoyen qui se trouve inculpé dans un journal le droit de répondre à l'article qui l'attaque; que si le journaliste fait suivre cette réponse de réflexions nouvelles qui confirment son inculpation, l'inculpé doit avoir le droit de faire insérer dans le journal une nouvelle réponse; que, s'il en était autrement, le droit sacré de la défense deviendrait illusoire, et l'honneur des citoyens abandonné à la discrétion des passions ou de l'esprit de parti; Considérant que, dans le n° 1200 de la feuille de Cambrai, l'éditeur de cette feuille a articulé comme un fait certain que, lors du tirage au sort qui eut lieu au Cateau, plusieurs maires' s'y étaient présentés décorés de l'écharpe blanche; Considérant que le sous-préfet de Cambrai a requis l'insertion dans ladite feuille d'une lettre par laquelle il démentait un fait de sédition qui aurait eu lieu sous ses yeux, et aux opérations du tirage qu'il présidait;-Considérant que l'éditeur, en insérant cette lettre, l'a fait suivre de réflexions qui paralysent la réponse du sous-préfet, en laissant au moins planer le doute sur le fait rapporté, dont la fausseté est d'ailleurs démontrée;: Considérant que le demandeur a intérêt à ce que la vérité soit conque tout entière; que c'est dans ce but et pour détruire l'effet des réflexions qui suivent la première réponse, qu'il réclame l'insertion de sa seconde lettre, en date du 24 mars

[ocr errors]
[ocr errors]

(1) « Les propriétaires ou éditeurs de tout journal ou écrit périodique se, ront tenus d'y insérer dans les trois jours de la réception, ou dans le plus prochain numéro......, la réponse de toute personne nommée ou désignée dans le journal, sous peine d'une amende de 50 à 500 fr...... (Art. 11, loi du 25 mars 1822.) »

831;—Vu l'art. 11 de la loi du 25 mars 1822: —Condamne Hurez, éditeurgérant de la feuille de Cambrai, à l'insertion de la lettre dont il s'agit, à 50 fr. d'amende et aux frais.

Appel de la part du prévenu.

ARRÊT.

LA COUR, Adoptant les motifs des premiers juges, confirme (1).

correct.

- Du 23 décembre 1831.-C. de Douai; chamb. M. Dupont, pr.-M. Tailliar, subst. du proc.-gén. — MM. Dumon et Roty, av.

[ocr errors]

ART. 802..

EXCUSE. RÉUNION SÉDITIEUSE.

DÉCLARATION DU JURY.

La Cour d'assises peut-elle refuser de poser la question d'excuse, sur le motif qu'elle ne résulte pas des débats? (Art. 339 du Code d'intr. crim.) (2)

Lorsque, dans une accusation d'attentat contre le gouvernement, le jury déclare l'accusé coupable seulement d'avoir fait partie d'une bande armée qui n'avait pas pour but de détruire le gouvernement,

(1) Nous croyons cette décision conforme à l'esprit qui a dicté l'art. 11 de la loi du 25 mars 1822. Nous renvoyons nos lecteurs à l'art. 189 de notre recueil (t. 1er, p. 288), où nous avons examiné cette disposition et analysé les discussions auxquelles elle a donné lieu dans les Chambres.

(2) On peut soutenir pour la négative, et contrairement à l'arrêt de la Cour de cassation, qu'attribuer à la Cour d'assises le droit de rejeter, sans le soumettre au jury, les faits d'excuse légale proposés par l'accusé, c'est dépouiller les jurés d'une partie de leur pouvoir, pour en investir les magistrats; qu'une Cour d'assises, en décidant qu'une question résulte ou non des débats, subordonne le jugement du jury à son propre jugement, et tranche à la fois une question de fait, ce qui est une atteinte grave à l'institution du jury. On peut encore ajouter que l'attribution exorbitante que le système confère aux présidens et aux Cours d'assises n'est point dans la loi. Il ne s'agit, en effet, que d'interpréter l'art. 339, qu'il faut se garder de confondre avec celui qui le précède; l'art. 338 attribue au président le droit d'interroger d'office les jurés sur une circonstance aggravante que les débats auraient établie il faut donc qu'aux yeux du président la circonstance aggravante résulte des débats, pour qu'il puisse la soumettre au jury. D'après l'article suivant, au contraire, c'est sur la demande seule de l'accusé qu'une circonstance atténuante peut être posée en question; cette articulation, cette simple demande suffit pour constater son existence aux débats, et si elle constitue un fait légal d'excuse, le jury seul peut l'apprécier. Tels sont, sommairement, les motifs qui peuvent combattre le système de la Cour de cassation. Mais cette question, l'une des plus graves qu'ait fait surgir le Code d'instr. crim., doit perdre de son importance, d'après les modifications qui vont être apportées au Code pénal, puisque, suivant le projet, le jury sera appelé à déclarer dans toutes les affaires s'il existe des circonstances atténuantes. La position des questions d'excuse légale deviendra dès-lors fort secondaire pour l'accusé, puisque ces questions forment nécessairement des circonstances atténuantes.

cette declaration est régulière, et la Cour d'assises ne peut provoquer une nouvelle délibération du jury, sous prétexte que le fait déclaré constant est étranger à l'accusation.

Il existe une corrélation nécessaire entre l'art. 98 et les art. 87 et 91 du C. pén., et le crime prévu par l'art. 98 n'est qu'une modification des crimes prévus par les autres articles (1).

[ocr errors]
[blocks in formation]

[ocr errors]

LA COUR, Vidant le délibéré prononcé à l'audience d'hier et continué à ce jour ; Attendu que les faits sur lesquels le demandeur fon de son premier moyen sont antérieurs à l'arrêt de renvoi et qu'il n'y a pas eu de pourvoi contre cet arrêt; — Rejette ce moyen;-Attendu que les faits d'excuse sur lesquels le demandeur avait requis qu'il fût posé une question aux jurés, ont été déclarés par la Cour d'assises être contraires aux faits établis par les débats; que cette appréciation appartenait à la Cour d'assises, et qu'en refusant de poser la question demandée, il n'y a eu violation, ni de l'art. 339 du Code d'instr. crim. ni d'aucun autre article de la loi; tendu que la première réponse du jury déclarait l'accusé coupable seulement d'avoir fait partie d'une bande armée qui n'avait pas pour but la perpétration des crimes prévus par les art. 87 et 91 du Code pén. ; que cette déclaration précise et régulière était légalement acquise à l'accusé, et le reconnaissait coupable du crime prévu par l'art. 98 du même Code; — Attendu qu'il existe une corrélation nécessaire entre cet article et les art. 87 et 91, et que le crime prévu par l'art. 98, et puni de la peine de la déportation, ne forme pas dans l'espèce un crime étranger à ceux qui constituaient l'accusation; qu'ainsi la Cour d'assises, en renvoyant le jury dans la chambre de ses délibérations pour obtenir de lui une nouvelle réponse, a commis un excès de pouvoir, violé l'art. 360 du Code d'instr. crim., et par suite faussement appliqué l'art. 87 du Code pén.: Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, casse et annulle: 1o l'arrêt par lequel la Cour d'assises de Maine-et-Loire a renvoyé le jury à délibérer de nouveau; 2o la deuxième déclaration du jury, et spécialement l'arrêt de condamnation qui en est résulté; renvoie, etc.

[blocks in formation]

Voisins, rapp.-M. Dupin aîné, proc.-gén.

Cour de cass.

ART. 803.

M. Gilbert des. M. Dubois, av.

[blocks in formation]

Le rédacteur d'un journal poursuivi à raison d'un de ses articles peut-il invoquer comme excuse que l'article incriminé aurait été extrait d'un autre journal non poursuivi? (Art. 8, loi du 18 juillet 1828.)

Nous avons rapporté dans notre art. 783 les faits qui ont ac

(1) Cette solution conservera son intérêt sous la nouvelle loi pénale, qui n'a rien changé à l'économie de ces articles, quoiqu'elle ait légèrement mo¬ difié leurs dispositions. - V. infrà l'art. 808.

compagné la poursuite exercée contre la Gazette de Bretagne. La Cour de cassation, par un arrêt dont nous avons combattu les anotifs, a annulé l'arrêt de la chambre d'accusation de la Cour royale de Rennes, qui avait déclaré n'y avoir lieu à suivre, et a renvoyé le prévenu devant la Cour royale d'Angers. C'est par suite de ce renvoi que le gérant de ce journal a été cité devant la Cour d'assises de Maine-et-Loire; il a fait défaut, et la Cour a rendu l'arrêt suivant :

ARRÊT.

LA COUR,-Attendu que l'article incriminé a été, il est vrai, extrait de la Gazette du Languedoc, qui l'avait elle-même publié, à ce qu'il paraît, le 9 du même mois de septembre; mais que ces circonstances ne peuvent ecarter la responsabilité que la loi prononce contre le gérant de la Gazelle de Bretagne, à l'égard de toutes les publications qui lui sont propres; que cette responsabilité s'étend et doit s'étendre, en effet, à tout le contenu de son journal, quelle que soit l'origine des articles qui y sont insérés, de quelque part qu'ils viennent, quel que soit l'auteur qui les ait fournis; qu'une première publication, restée sans poursuite, ne peut assurer l'impunité d'une autre publication, lors surtout que celle-ci a lieu dans un autre pays; qu'autrement, un délit de la presse qui aurait échappé à la surveillance du ministère public dans une certaine localité, se renouvellerait et se multiplierait à l'infini dans tout le royaume, au grand détriment de l'ordre et de la paix publique; que d'ailleurs le danger des 'publications de la presse est relatif et subordonné à la disposition des esprits, à la crédulité et à l'ignorance qui règnent plus ou moins en certains pays; que la raison et toutes les considérations d'intérêt public se réunissent pour écarter le système qui vient d'être examiné, et qui, dans l'état, ne peut élever aucupe fin de non-recevoir en faveur du prévenu Hardouin ;-Attendu....:-Par ces motifs, condamne le gérant de la Gazette de Bretagne à trois mois d'emprison nement, 1000 fr. d'amende et au remboursé de tous les frais.

Du 14 décembre 1831. C. d'assises d'Angers.

[ocr errors]

gnier, prés. (1).

[ocr errors]

M. Ré

[blocks in formation]

La déclaration du jury est-elle nulle lorsqu'elle exprime qu'elle a été rendue à l'unanimité? (Loi du 4 mars 1831.) (2)

ARRÊT (Boullay).

LA COUR,-Vu l'art. 5 de la loi du 4 mars 1831, portant que la décision des jurés contre l'accusé doit se former à la majorité de plus de sept voix,

(1) Nous avons déjà rapporté (art. 699) un arrêt de la même Cour d'assises rendu dans le même sens. Ce système a été adopté par la Cour de cassation (Arr. du 21 octobre 1831, V. art. 783). Néanmoins nous avons cru devoir publier ce nouvel arrêt, parce qu'il s'appuie sur des motifs trèssolides et qui n'avaient point encore été exprimés.

(2) La Cour de cassation a rendu une foule d'arrêts semblables. Nous

« PreviousContinue »