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Lorsque le juge le moins ancien du tableau fait partie d'une Cour d'assises, il y a présomption que les plus anciens ont été légitimement empêchés, et le défaut de mention de cet empêchement n'est pas une nullité.

L'accusé ne peut demander la remise de la cause à une autre session, par le motif de la non-comparution d'un témoin citė; ce droit n'appartient qu'au ministère public (1).

L'arrêt par lequel la Cour d'assises rejette une pareille demande, étant de pure instruction, n'a pas besoin d'être motivé.

La déclaration du défenseur de l'accusé de ne plus vouloir continuer de le défendre, par suite du refus de la Cour de renvoyer l'affaire à la session suivante, et celle de l'accusé de ne plus vouloir donner de réponse, n'empêchent pas que les débats ne puissent être régulièrement continués (2).

ARRÊT (Chadrin).

LA COUR, Attendu, sur le premier moyen, que si c'est un juge dernier dans l'ordre du tableau qui a été appelé a compléter la Cour d'assises, les juges plus anciens étaient présumés de droit légitimement empêchés; que dès-lors l'appel de ce juge n'avait rien de contraire à l'art. 253 du Code d'inst. crim.;

Attendu, sur le deuxième moyen', que l'art. 354 du Code d'instr. crim. n'accorde qu'au ministère public le droit de demander, par le motif de la non-comparution d'un témoin cité, la remise de la cause à la session prochaine; que ce même article, en attribuant à la Cour d'assises la faculté de prononcer ce renvoi, ne lui en impose pas l'obligation; que, d'ailleurs, la décision de la Cour d'assises, étant de pure instruction, n'avait pas besoin d'être motivée;

Attendu,sur le troisième moyen, que l'accusé avait choisi pour défenseur

(1) Les termes de l'arrêt que nous avons reproduits, dans la notice sont trop absolus. Le renvoi de l'affaire à la prochaine session ne peut être ordonné, dans le cas de l'art. 354, que sur la réquisition du ministère public, mais rien n'empêche l'accusé de provoquer cette mesure. D'ailleurs, il résulte de la manière dont est rédigé l'art. 354 que le procureur-général peut requérir le renvoi de l'affaire à la session suivante, lors même que c'est un témoin cité à la requête de la partie civile ou à celle de l'accusé qui est défaillant. (CARNOT, sur cet article, t. II, p. 693.)

(2) Cette décision est fondée sur ce que c'est par le fait du défenseur et de l'accusé lui-même que ce dernier a été privé d'un conseil, et qu'il ne peut pas dépendre d'un accusé de faire renvoyer l'affaire à une autre session. Un arrêt du 22 septembre 1826 avait déjà consacré ce principe. Il nous paraît qu'il aurait dû être nommé un nouveau conseil à l'accusé, lors même qu'il eût déclaré n'en point vouloir, ainsi que la Cour de cassation l'a ellemême reconnu par deux arrêts des 14 prairial an 7 et 27 vendémiaire an 8.

Me Willaime, avoué; que ce choix a été fait conformément aux dispositions de l'art.294 du Code d'instruct. crim.; que, par l'entremise de ce défenseur, il avait reçu copie des pièces qui devaient lui être délivrées d'après l'article 305 du même Code; que l'arrêt de la Cour d'assises constate que le défenseur accepté par l'accusé, en remplacement de Me Willaime, tombé malade, avait eu le temps suffisant pour avoir communication des autres pièces; que, d'après ces faits, le refus de renvoyer à la session prochaine n'a rien de contraire à la deuxième disposition du paragraphe 2 de l'arti cle 302 du Code d'instr. crim.; qu'enfin la déclaration du défenseur de ne plus vouloir continuer à défendre, et celle de l'accusé de ne plus vouloir donner de réponse, d'abord parce que sa demande en renvoi avait été rejetée, et ensuite parce qu'il n'avait plus son défenseur, n'ont pu empêcher que les débats n'aient été régulièrement continués et l'arrêt prononcé, conformément à la loi: Rejette.

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JURY.- MAJORITÉ DE PLUS DE 7 VOIX. — CIRCONSTANCES AGGRAVANTES.

L'avertissement donné par le président des assises au jury, que si l'accusé était déclaré coupable du fait principal à la majorité de plus de sept voix, ils devaient en faire mention en tête de leur déclaration, est incomplet, puisque cette mention doit s'appliquer tant au fait principal qu'aux circonstances aggravantes. Un tel avertissement laisse donc du doute sur la majorité à laquelle la déclaration a été rendue sur ces circonstances, et dès-lors cette déclaration doit être annulée. (Art. 3, loi dù 4 mars 1831.)

ARRÊT (Rouchy).

LA COUR, - Vu l'art. 3 de la loi du 4 mars 1831; - Attendu en droit que l'obligation où est le jury de faire connaître, à peine de nullité, par sa déclaration même, que la décision portée contre l'accusé s'est formée à la majorité de plus de sept voix, s'applique également à la décision sur le fait principal, et à celle qui a pour objet les circonstances aggravantes; Attendu que le président de la Cour d'assises, en se bornant à avertir les jurés que si l'accusé était déclaré coupable du fait principal à la majorité de plus de sept voix, ils devaient en faire mention en tête de leur déclaration, ne leur a donné qu'une instruction incomplète sur le mode de constater, suivant le vœu de la loi, la majorité dont elle devait être le résultat ; Attendu que, dans la réponse du jury sur la deuxième question qui lui était soumise, la mention que la déclaration de culpabilité s'est formée à la majorité de plus de sept voix, rapprochée de l'avertissement insuffisant du président, laisse du doute sur la question de savoir si elle s'applique tant au fait principal qu'aux circonstances aggravantes; qu'elle ne peut donc subsister; d'où il suit que cette réponse incomplète du jury n'a pu servir de base à l'arrêt de condamnation qui a été rendu ; — Par ces motifs, casse.

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M. Chantereyne,

ART. 815.

RÉVISION. -COUR DES PAIRS.

La révision des procès criminels peut-elle être autorisée hors des cas spécialement désignés par les art. 443, 444 et 445 du Code d'instr. crim.?

La révision par voie gracieuse peut-elle être légalement admise?

Un arrêt de la Cour des pairs peut-il être attaqué par la voie de la révision, lorsqu'il est constant qu'il a été rendu sur de fausses déclarations?

La demande en révision du procès du maréchal Ney a fait surgir ces hautes questions de droit criminel. Plusieurs jurisconsultes les ont examinées, et dans la controverse qui s'est établie à ce sujet, des doctrines ont été émises que nous ne pouvons partager. Nous croyons devoir rappeler des principes méconnus, en interrogeant le texte des lois et en recherchant leur véritable esprit ; il serait inutile d'ajouter ici que nous ne voyons dans cette question qu'une question de droit, et que c'est en criminalistes, et non en suivant des inspirations politiques, que nous allons l'examiner.

Un mot sur les faits. Le maréchal Ney, traduit en 1815 devant la Cour des pairs, avait invoqué pour sa défense la capitulation de Paris, qui devait protéger la vie de tous les citoyens. Mais l'organe du ministère public, et les ministres eux-mêmes ayant affirmé que cette convention était étrangère au roi Louis XVIII, on ne permit pas au défenseur de l'illustre accusé de plaider ce moyen capital de sa défense: il fut condamné. C'est ce même moyen que la veuve et les enfans du maréchal invoquent aujourd'hui pour obtenir la révision de l'arrêt.

Il est indispensable de jeter un coup d'œil sur la législation. Les art. 8, 9 et 10 du titre 16 de l'ordonnance criminelle de 1670, autorisaient la révision des procès criminels. Le condamné s'adressait par requête au prince, qui accordait, s'il le jugeait à propos, des lettres de révision; ces lettres renvoyaient aux mêmes cours où le procès avait déjà été jugé. La révision pouvait aussi être ordonnée après la mort du condamné et pour purger sa mémoire: il fallait alors obtenir des lettres en la grande chancellerie. Cette sorte de révision gracieuse fut abrogée en 1791; l'Assemblée constituante crut cette voie de recours incompatible avec l'institution du jury. Un décret du 10 août 1792 autorisa seulement la Cour de cassation à prononcer sur les demandes en révision formées antérieurement. Mais un décret de la Convention, du 15 mai 1793, créa une exception à ce nouveau principe : la révision fut admise pour le cas de l'existence de deux condamnations inconciliables et contradictoires. Le Code du 3 brumaire an 4 ne statua rien sur cette ma-tière, et le cas de révision prévu par le décret du 15 mai 1793 fut seul admissible jusqu'à la promulgation du Code d'instr. crim., qui l'adopta dans son art. 443, et ouvrit, dans les art. 444 et 445, deux autres cas de révision, celui de l'apparition de la personne dont la mort prétendue aurait déterminé la condamnation, et celui de la condamnation de témoins à charge pour faux témoignage. Il est digne de remarque que cette nouvelle révision n'est plus accordée par lettres de grâce; elle est déférée aux tribunaux. T. IV.

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Recherchons maintenant le caractère de cette révision. Sous le régime de l'ordonn. de 1670, où les accusés étaient jugés sur une instruction écrite, d'après des preuves légales et par des juges permanens, les jugemens ne devaient pas avoir la même certitude de vérité dont ils sont aujourd'hui empreints; il était donc naturel que la révision fût une voie de recours ordinaire, pour laquelle la procédure écrite offrait d'ailleurs des élémens toujours vivans. Toutefois, il est à remarquer que si l'ordonnance de 1670 autorisait la révision, ce n'était qu'en vertu de lettres émanées du roi, qui ne les accordait qu'en connaissance de cause. Cette procédure criminelle n'existe plus : ce n'est plus sur une procédure écrite et par des juges permanens que les prévenus sont jugés ; c'est d'après un débat oral; tout repose, dans le jugement, sur la seule conviction d'un jury, qui cesse d'exister au moment même où la déclaration est rendue. Les jugemens de jurés, expression d'une conscience indépendante, et rendus sur une procédure où toutes les garanties environnent l'accusé, offrent au plus haut degré le caractère de la certitude. De là le principe fondamental qui déclare leurs décisions sans recours. Donc, si l'ancienne procédure, féconde en erreurs judiciaires, avait dû faire de la révision un droit commun, notre procédure par jurés, qui ne présume pas les erreurs, devait repousser cette voie de recours.

Ensuite, l'immutabilité des déclarations de jurés faisait une loi de les environner d'un respect et d'une confiance.sans bornes; or, la révision porte une atteinte grave à leur caractère de vérité. Et puis, tout est fugitif dans une procédure orale; il ne reste plus aucune base pour la révision. Ce recours est donc aujourd'hui sinon impossible, au moins bien difficile à exercer. Cependant il est admis; mais remarquez avec quelles restrictions; c'est la nécessité des circonstances qui a forcé la main au législateur. En 1793, un procès célèbre présente deux jugemens contradictoires et un innocent condamné; de là la loi qui formule ce cas de révision. En 1808, une antre erreur crée une seconde espèce. Il a donc fallu que chaque fois la justice fût prise en défaut flagrant, pour que le législateur consentît à consacrer une ouverture de révision pour chacun de ces cas. C'est qu'il y aurait eu plus de dangers de laisser subsister un jugement frappé d'une erreur mathématiquement démontrée, que de l'anéantir; et la révision d'ailleurs était facile, puisqu'elle s'appuyait sur un fait matériel, un fait patent, comme l'existence de deux condamnations contradictoires, l'apparition d'un homme cru mort, un faux témoignage constaté. De ce qui précède, il faut inférer que le législateur n'a point voulu poser la révision en principe, mais en exception. Citons quelques autorités à l'appui de cette doctrine.

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Long-temps on a cru, disait M. Berlier, en exposant les motifs du titre de la révision (1), que toute révision, quelque plausible qu'en fût le motif, était incompatible avec l'institution du jury... En admettant des causes de révision, on eût craint d'attaquer la base même sur laquelle repose tout le système de notre procédure criminelle. Sans doute cette crainte eût été et serait encore légitime, s'il s'agissait de généraliser la révision et de l'appliquer, hors un petit nombre de cas où il y a soit erreur évidente, soit au moins une juste présomption d'erreur..... C'est ici qu'une grande circonspection est nécessaire, car tout excès serait nuisible. Sans des limites tracées

(1) Locré, t. 27, P. 71 et 72.

avec précision, ce ne serait plus la justice appliquée à quelques espèces, mais l'arbitraire planant sur toutes, et tendant, sous de frivoles prétextes, à tout remettre en question... Cet écueil a été aperçu et évité. En parcourant avec soin tous les points du vaste horizon que présente cette matière, trois cas seulement ont été recueillis comme dignes de fixer votre attention. Nous rapporterons également l'opinion de M. Carnot, qui écrivait en 1812, et qui, par conséquent, a pu recueillir de plus près les inspirations du législateur.

« En autorisant la révision, dit ce jurisconsulte, dans les cas mentionnés aux art. 443, 444 et 445 du Code d'instr. crim., on a fait tout ce qu'il était possible de faire en faveur des condamnés; on n'aurait pu autoriser indistinctement la révision, sans laisser une incertitude perpétuelle sur la chose jugée, sans autoriser des révisions fondées sur des déclarations collusoires, sans égarer l'opinion publique sur la culpabilité des condamnés, sans jeter, par une suite nécessaire, une grande déconsidération sur la magistrature, qui doit être environnée d'un respect presque religieux (1). » M. Carnot ajoute la réflexion suivante : « Si l'ordonnance de 1670 avait autorisé la révision sans restriction, elle y avait apporté ce tempérament salutaire, que la demande ne pouvait en être formée qu'en vertu de lettres émanées de l'autorité souveraine, qui ne les accordait qu'en grande connaissance de cause. Si le Code n'a pas exigé cette formalité, il a circonscrit les cas de révision dans des bornes que les tribunaux ne peuvent franchir. Tout est positif dans la nouvelle forme de procéder et de juger en cette matière (2). » Ces citations confirment pleinement le principe que nous avons posé; essayons maintenant de l'appliquer.

Toute l'argumentation, dans la controverse que nous résumons, roule sur l'art. 445. On dit : « Le maréchal a été condamné par suite d'une fausse déclaration; or, cette fausse déclaration offre tous les caractères d'un faux témoignage à charge. » Cet argument s'évanouit devant le texte seul de l'ar-' ticle; nous ne jugeons pas ce texte; mais il est sans réplique; en effet il s'agit d'un témoignage, c'est-à-dire d'une déposition faite sous la foi du serment par une personne appelée en justice; ici, de l'interprétation vraie ou fausse' d'un traité, d'une assertion qui, même en la supposant perfide, ne constituerait pas le faux témoignage. Ce n'est pas tout : il ne suffit pas que le témoignage soit faux pour que la révision puisse être admise, il faut qu'il y ait eu condamnation pour faux témoignage. Or, cette circonstance n'existe pas, elle ne peut même exister, puisqu'il n'y a pas eu faux témoignage punissable. Enfin, l'art. 445 n'autorise qu'une révision contradictoire ; il l'interdit si le condamné a cessé d'exister. Comment donc est-il possible de l'invoquer?

Voici l'un des argumens qui ont été faits:

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« La révision est un droit pour les condamnés; car la justice est un devoir pour la société, et il n'y a pas de justice possible là où le juge est réputé infaillible, où l'erreur d'un jugement est irréparable. Le Code a pu modifier ce droit, non le détruire. Il vit donc indépendamment de ses dispositions, qui peuvent être limitatives quant aux genres des cas de révision, mais qu

(1) Carnot, Instr. crim., t. 3, p. 253, nouv. édit. (2) Ibidem.

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