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bon-Vendée, n'a point assisté le président de la Cour d'assises dans le débat du procès de Jean-René Gaboriau, qui a eu lieu les 6 et 7 janvier dernier, il est établi par les pièces du procès que le magistrat qui en cette dite qualité a fait l'instruction dece procès a assisté le président de la Cour d'assises le 2 du même mois, jour de l'ouverture des assises du trimestre, et dans lequel a été arrêtée la liste des trente jurés, suivant le procès-verbal dudit jour; qu'il a concouru aux arrêts qui ont été rendus sur les excuses des jurės absens, et à ceux relatifs à leur remplacement, opérations dont l'influence s'étend sur toute l'assise ;-Attendu qu'il y a une corrélation nécessaire entre la formation de la liste des trente jurés et les affaires qui sont jugées dans la même session, par le tirage au sort des jurés qui forment le jury de jugement, et qu'en ce qui concerne Jean-René Gaboriau, le procès-verbal du 1 janvier se rattache à celui du 6, et que son résultat produit le même effet que s'il avait eu lieu le même jour; d'où il suit que M. Jacques-Marie Rouillé, juge d'instruction, a assisté le président de la Cour d'assises dans cette affaire; que dès-lors il y a eu une violation de l'art. 257 du Code d'instr. crim., prescrit à peine de nullité :—D'après ces motifs, casse et annulle la formation du jury, en ce qui concerne Jean-René Gaboriau, le tirage du jury, le débat, tout ce qui s'en est ensuivi, fors et excepté les réponses du jury favorables au demandeur, en ce qui concerne les vols commis au préjudice des sieurs Rouillon, Baquenard, Bachelier et Murgron, et la circonstance aggravante de la nuit quant au vol commis au préjudice du sicur Flavien Baranger, répondues négativement et acquises à l'accusé, et qui sont maintenues sur le pourvoi dudit accusé ; casse et annulle l'arrêt de condamnation du - janvier 1832 ; et pour être procédé et statué confor mément à la loi sur l'accusation portée contre ledit Jean-René Gaborian, par arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour royale de Pois tiers, du 10 novembre précédent, après nouvelle formation du jury sur les faits de ladite accusation maintenus, renvoie ledit Gaboriau en état d'ordonnance de prise de corps devant la Cour d'assises du département des Deux-Sèvres (1).

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Du 2 février 1832. Cour de cass. M. Rivière, rapp. M. Ripault, av.

(1) Nous respectons les motifs qui ont dicté cette décision : elle a pour but de garantir l'accusé contre toutes les influences possibles que pourraient subir ses juges. Toutefois la Cour de cassation n'a-t-elle pas étendu dans cette circonstance la prohibition que la prévoyance du législateur avait établie? Le juge d'instruction n'est point frappé d'une incapacité absolue de siéger à la Cour d'assises ; cette incapacité n'existe que dans les seules affaires qu'il a instruites; c'est ce qui résulte des dispositions textuelles de l'art. 257 du Code d'instr., que l'orateur du gouvernement expliquait d'ailleurs en ces termes : « Une disposition formelle défend aux juges de la Cour impériale qui ont concouru à l'accusation, ainsi qu'au juge instructeur du procès, de remplir, dans la même affaire, aucune fonction à la Cour d'assises. Cette prohibition porte en elle-même sa justification. » Mais on a plaidë devant la Cour de cassation que l'incapacité, devant s'étendré à toutes les audiences où la Cour d'assises s'occupe de l'affaire instruite par le juge d'instruction, existait à l'égard de la première audience de la session, attenda qu'il y a une corrélation nécessaire entre la formation du jury, qui se fait à cette audience, et les affaires jugées dans la session. Ce système a été ac

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L'accusé absous ne doit pas être condamné aux frais. (Art. 368 du C. d'inst. crim.)

1re ESPÈCE.

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Pierre Finet était accusé d'attentats à la pudeur consommés ou tentés avec violence sur deux jeunes filles au-dessous de 15 ans.. Traduit devant la Cour d'assises de la Vienne, le jury le déclara coupable de ces attentats, mais il écarta la circonstance constitutive du crime, celle de la violence.. Sur cette déclaration et par arrêt du 23 mai 1831, la Cour d'assises de la Vienne prononça l'absolution de l'accusé, et ordonna qu'il serait sur-lechamp mis en liberté, s'il n'était détenu autre cause. pour - La Cour d'assises ayant omis de condamner Finet à la restitution des frais avancés par l'Etat, le procureur-général a attaqué en cette partie son arrêt pour violation de l'art. 368 du Code d'inst. crim. - Ce pourvoi porté à l'audience de la chambre criminelle du 5 nov. 1851, il y intervint, au rapport de M. Ollivier, un arrêt qui, sur le point de savoir si l'arrêt attaqué serait cassé,

cueilli par la Cour. Le raisonnement sur lequel il se fonde ne nous paraît pas exact. Nul doute qu'il n'existe une corrélation entre la formation du jury et le jugement de chaque affaire; mais là n'est pas la question: elle est de savoir si cette corrélation peut fonder l'incapacité des juges dans le premier e as, comme dans le second. Le motif de cette incapacité relative est évi demment que le juge d'instruction pourrait, même à son insu, apporter à L'audience les préventions de l'instruction. Mais ces préventions ont-elles un moyen quelconque d'action dans l'opération de la formation de la liste des trente jurés? Comment pourraient-elles s'exercer sur le tirage au sort des jurės supplémentaires et l'admission des excuses des jurés? Comment les garanties d'un accusé seraient-elles diminuées par l'assistance du juge d'instruction à une opération qui se rattache à toutes les affaires de la session, et non à la sienne en particulier ? Comment, enfin, imaginer une circonstance où la présence de ce magistrat à cette première audience pût nuire à l'accusé jugé six jours après? La conséquence d'un pareil système ne serait-elle pas que la seule présence d'un membre de la chambre d'accusation au tirage des quarante jurés par la Cour royale, annullerait et les débats et l'arrêt, car il y a aussi corrélation entre ce tirage et le jugement? Enfin, comment un magistrat saurait-il qu'il doit se déporter, si ce n'est par la lecture de l'acte d'accusation qui lui révéle qu'il a déjà instruit l'affaire? Or, le nom des accusés n'est pas même prononcé à la re audience de la session. Le système de la Cour de cassation produirait des nullités fréquentes. Il nous semble donc que la loi, en établissant à l'égard du juge instructeur l'incapacité de siéger dans l'affaire qu'il a instruite, a limité cette exclusion aux débats de cette affaire, puisque ce n'est qu'alors que le motif qui la fonde peut s'appliquer. Assurément nos principes ne sont pas de restreindre aucune des garanties que la loi a accordées à l'accusé, mais nous ne saurions voir, soit dans le texte, soit dans l'esprit de l'art. 257, un seul motif de justifier cette extension d'une exclusion qui, par sa nature, est de droit étroit.

ou le pourvoi du min. pub. rejeté, en ce qui concerne la noncondamnation de Pierre Finet aux frais, déclara qu'il y avait partage, et ordonna qu'il serait vidé conformément à la loi. Le 16 décembre 1831 est intervenu l'arrêt définitif ainsi conçu :

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Vidant le partage déclaré par

son arrêt du 5 nov. dernier : Attendu que l'accusé ayant été absous, le fait dont il était déclaré l'auteur ne constituant ni crime, ni délit, ni contravention, la Cour d'assises n'était pas obligée de le condamner aux frais, et qu'en ne le faisant pas, Parrêt attaqué n'a violé aucune loi; — Rejette le pourvoi du procureur-général à la Cour royale de Poitiers.

-Du 16 décembre 1831.-C. de cass. - M. Ollivier, rapp.

2o ESPÈCE.

Nous avons rapporté (1831, t. 3, p. 321) un arrêt de la Cour d'assises de la Seine, du 5 nov. 1831, qui, en prononçant l'absolution de Louis Alexandre, déclaré coupable par le jury d'un attentat à la pudeur sur Athénaïs Seigneur, agée de moins de 15 ans, mais sans violence, refusa, malgré les réquisitions du ministère public, de le condamner aux frais. — Le procureurgénéral s'est pourvu en cassation.

--

ARRÊT.

LA COUR, - Statuant sur le pourvoi du procureur-général à la Cour royale de Paris ; —Attendu que l'art. 368 du Code d'instr, crim, impose aux Cours d'assises l'obligation de condamner aux frais l'accusé qui succombe;— Qu'il appartient aux Cours d'assises, quand l'accusé est acquitté ou absous, d'examiner si, d'après l'instruction et les débats, il n'a pas donné lieu aux frais exposés; et si, d'après l'art. 366 du Code d'instr. crim. et l'art. 1389 du Code civil, les frais ne doivent pas être à sa charge à titre de restitution ou dommages-intérêts envers l'État, qui, suivant l'avis du Conseil d'État du 26 fructidor an 13, a, sur ce point, les mêmes droits que les plaignans ou accusateurs privés; - Attendu que, dans l'espèce, l'accusé ayant été absous, la Cour d'assises a pu, d'après les circonstances de la cause, le condamner ou ne pas le condamner aux frais; et que si les motifs en droit donnés par la Cour peuvent être en opposition à l'esprit de la législation, son dispositif n'est contraire à aucun article de loi; qu'ainsi, en l'état, il y a lieu de rejeter le pourvoi : —" Sans approuver les motifs en droit de l'arrêt atta qué, rejette le pourvoi du procureur-général à la Cour royale de Paris.

Du 22 décembre 1831. - C. de cass. M. Ollivier, rapp.

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Observations. Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur ces deux arrêts. Ils révèlent un changement très-remarquable dans la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point important de la législation criminelle. Cette Cour avait jusqu'à présent jugé que tout accusé absous, soit par suite de son état de démence, soit parce que le fait qui lui était reproché ne constituait ni crime

ni délit, devait nécessairement encourir la condamnation des frais (1). Nous avons combattu cette jurisprudence dans nos articles 629, 714 et 760, en nous appuyant sur le texte même de l'art. 368, qui n'impose la charge des frais qu'à l'accusé qui succombe. Notre opinion se trouve aujourd'hui confirmée par les arrêts qui précèdent; toutefois ces arrêts y apportent quelques restrictions qu'il est important de remarquer. La Cour de cassation reconnaît aux Cours d'assises la faculté de décharger l'accusé absous de la condamnation aux frais; mais elle veut en même temps qu'elles examinent si l'accusé n'a pas occasioné par son fait les frais de la procédure, et dans ce cas elle les met nécessairement à sa charge, à titre de dommages et intérêts. Il nous semble difficile d'admettre cette distinction en présence de l'article 368. Cet article ne permet de faire supporter à l'accusé les frais de l'instruction que lorsqu'il succombe, c'est-à-dire lorsqu'il encourt une condamnation quelconque. Car comment soutenir qu'il a succombé dans les débats, lorsqu'il est renvoyé des fins de l'accusation, soit qu'il soit déclaré non coupable, soit que le fait incriminé ne constitue ni crime ni délit, soit enfin que ce fait ne soit pas punissable, s'il a agi sans aucune intention criminelle, comme au cas de la démence? Posons donc en principe, comme nous l'avons précédemment établi, que les frais ne peuvent être que l'accessoire d'une condamnation principale. Quant à l'assimilation des frais aux dommages-intérêts, elle n'est pas toujours exacte. Les frais sont la conséquence immédiate, non pas du fait poursuivi, mais du fait de la poursuite elle-même. A la vérité, quand l'accusé encourt une peine, et que la poursuite est ainsi reconnue fondée, on peut lui imputer le préjudice causé à l'État par cette poursuite, et lui faire supporter les frais qu'il a indirectement occasionés. Mais quand il a triomphé de l'accusation, cette sorte de fiction ne peut plus être invoquée; car, d'après l'arrêt de la Cour d'assises, c'est à tort que la poursuite a été exercée; le fait de cette poursuite ne saurait donc lui être légitimement imputé; il lui est étranger, il ne l'a point provoqué, il ne peut en être responsable. Cette opinion nous paraît assise sur un texte si formel de la loi, elle est si rigoureusement conforme aux règles de justice et d'humanité, que nous avons la conviction qu'elle sera bientôt consa crée sans restriction par la jurisprudence. La Cour de cassation, en répudiant la doctrine qui mettait dans tous les cas et nécessairement les frais à la charge de l'accusé absous, a révélé une tendance à adopter un esprit d'interprétation moins rigoureux dans les lois criminelles. Nous applaudissons à cet esprit d'une sage réformé, qui s'étendra successivement, nous en avons l'espoir,

(1) Arrêts des 19 déc. 1830 et 2 juin 1831. (Voy. nos art. 629 et 714.)

à d'autres points non moins graves, sur lesquels nous avons signalé l'extrême sévérité de sa jurisprudence.

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La Cour d'assises doit-elle condamner aux frais le prévenu, declaré coupable de vol, qui est acquitté comme ayant agi sans discernement? (Art. 368 du Code d'instr.)

Antoine Delahaye et Charles-Henri Chevalier, agés de moins. de 16 ans, avaient été traduits devant la Cour d'assises de la Seine sous la prévention de vols avec circonstances aggravantes, Le jury les déclara coupables sans circonstances aggravantes, mais en ajoutant qu'ils avaient agi sans discernement. La Cour d'assises prononça, en conséquence, leur acquittement. Le ministère public s'est pourvu en cassation, en se fondant sur ce que l'arrêt d'acquittement n'avait pas condamné les prévenus aux frais du procès.

ARRÊT.

LA COUR, Vu l'art. 368 du Code d'instr. crim.; Attendu que Chevalier et Delahaye avaient été déclarés coupables de vols sans discer nement; —Que si, à raison de cette circonstance, ils furent acquittés de la peine, ils n'avaient pas moins succombé quant à la déclaration de culpabilité; que dès-lors ils devaient, d'après l'art. 368, être condamnés aux frais les concernant; qu'ainsi, en ne les condamnant pas, l'arrêt attaqué a violé l'art. 368 précité : - Par ces motifs, casse (1).

-Du 5 janvier 1832. Cour de cass. M. Ollivier, rapp.

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Observations. A la première vue, cet arrêt paraît en contradiction avec les deux décisions rapportées dans l'article précédent, mais cette contradiction n'est qu'apparente, et il est facile de les concilier. Dans le système de la Cour de cassation, la déclaration du jury sur la question relative au discernement ne donne lieu qu'à l'exemption des peines afflictives et infamantes que la loi attache au crime, mais elle ne fait point nécessairement disparaître la culpabilité de l'accusé; en conséquence, cette Cour considère comme une véritable pein e la détention dans une maison de correction, que les juges ont la faculté d'ordonner, même en cas d'acquittement de l'accusé âgé de moins de 16 ans. Ce motif explique suffisamment cette diversité de jurisprudence, puisqu'ici l'accusé peut en courir une peine, quoiqu'acquitté, tandis que, dans les espèces des premiers arrêts, les accusés n'étaient

(1) Voy. Arrêts identiques des 25 février 1808, 6 août 1813, 19 mai 1815, 27 mars 1823, 30 avril 1825, 12 février 1829, etc.

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