Page images
PDF
EPUB

Histoire.

LE

GRAND SAINT-BERNARD

ANCIEN ET MODERNE.

Quatrième Article",

VII. AVANTAGES ET INCONVENIENS DES EXEMPTIONS ECCLÉSIASTIQUES POUR LA MAISON DU SAINT-BERNARD.

Rien n'est plus admirable, non-seulement aux yeux de la foi, mais encore à ceux de la raison humaine, que l'ensemble de la hiérarchie sacrée instituée, dans son Église, par N. S. Jésus-Christ.

Un chef suprême, vicaire du Sauveur en ce monde ; un guide pour les agneaux et pour les brebis; puis, au-dessous de ce pasteur des pasteurs, d'autres chefs ayant sous leurs ordres les prêtres et les ministres: parmi ces derniers, enfin, l'admirable gradation indiquée par la prescription suivante : « Qu'en tout lieu, soit en public, soit dans >> l'église, le prêtre rende honneur à l'évêque, le diacre au prêtre, le » sous-diacre au diacre, l'acolythe au sous-diacre, l'exorciste à l'aco» lythe, le lecteur à l'exorciste, le portier au lecteur, l'abbé au por» tier, à l'abbé le moine2. »

De plus, si l'Église reconnaît aux évêques unis à leur chef, et sous la direction de ce chef auguste, la mission divine de la régir 3, comme l'âme humaine régit notre corps 4; si elle les considère comme indispensables à sa propre existence; si elle confesse qu'elle est constituée

Voir le 3 art. au no précédent ci-dessus, p. 182.

2 Syn. rom. - Quelque opinion qu'on se fasse de ce canon, il est certainement l'expression la plus parfaite de l'ordre hiérarchique établi entre les différens clercs là où les abbés et les moines ne sont pas promus aux saints ordres. 3 Act., xx, 28.

• Syn. ar., an. 1025.

sur eux, et que chacun des actes de son gouvernement s'accomplit par eux, cette même Église ne reconnaît qu'au successeur de Pierre le droit et le pouvoir de confirmer dans la foi, et d'exercer d'une manière infaillible le gouvernement suprême sur les pasteurs et sur le troupeau. De telle sorte que si les évêques ont acquis, par rapport au pontife suprême, le titre de frères attaché à leur épiscopat, ils demeurent dans un sens également vrai ses fils, comme le sont les prêtres, les ministres et les simples fidèles.

En un mot, l'Eglise de tous les âges et de tous les pays répètera toujours de Pierre, immortalisé dans ses successeurs, ce que l'Orient et l'Occident proclamaient depuis dix-huit siècles; elle lui redira toujours : « Vous, prince et chef des apôtres, colonne de la foi, fonde» ment inébranlable de l'Eglise de Jésus-Christ, vous vivez encore de » notre tems, et vous vivrez éternellement dans les pontifes qui vous » succèdent; vous recevrez toujours les instructions de votre saint >> docteur pour paître le troupeau universel qui vous est confié. »

Aussi voyons-nous, dans cette admirable variété de moyens mis à la disposition du chef auguste de la hiérarchie chrétienne pour atteindre le but de son institution; nous voyons, dis-je, les souverains pontifes modérer et conduire avec une sagesse infinie pasteurs et brebis, évêques et ministres. Nous les voyons appuyer toujours, dans ce qu'elle a d'essentiel et de divin, la puissance épiscopale des héritiers des douze 3, mais en même tems la restreindre ou l'étendre dans ce qu'elle a d'accidentel et de variable, suivant les besoins des tems et des circonstances.

C'est ainsi, en particulier, que le Saint-Siége apostolique sut agir quand il eut à régler les rapports entre les évêques et les sociétés religieuses, ces institutions que la bénédiction des pontifes a fécondées, ces institutions si utiles et si puissantes, quand elles savent se maintenir dans l'esprit de ferveur et de soumission hiérarchique dont leurs fondateurs étaient animés.

S. Cyprianus, De lapsis.

Conc. Eph., Act. 11, apud Labbe.

Il ne s'agit ici, bien entendu, que du pouvoir des apôtres comme évêques, mais pas comme apôtres.

Et en effet, dans les âges heureux où, sons le gouvernement d'évêques selon Dieu, avec un clergé plein de vertus et de zèle, on vit les religieux placés complètement sous la direction et la surveillance épiscopale, s'adonner uniquement aux œuvres de la prière et de la pénitence. On les vit retirés qu'ils étaient, la plupart du tems loin des villes, ne réclamer, par rapport aux évêques, d'autre privilége que celui de se sanctifier et de sanctifier les autres par l'exemple, sous la conduite de pasteurs chéris de Dieu'.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

2

Mais plus tard, lorsque le relâchement s'introduisit dans le clergé; lorsque, pour nous servir des expressions d'un grand et saint religieux « la moisson des âmes fut devenue grande et qu'il y eut » peu d'ouvriers propres à la recueillir; lorsque les péchés, se multiplièrent dans l'Église, que les évêques occupés aux soins de » la terre ne pouvaient plus s'appliquer aux choses spirituelles; lorsque très-peu de pasteurs résidaient personnellement dans leurs Églises, et qu'ils confiaient le soin de leurs brebis, c'est-à-dire » des âmes, à des vicaires, à des mercenaires en qui bien souvent » se rencontraient le défaut de capacité, d'honnête vie, la négli» gence et les autres vices, par quoi ils étaient incapables de gou>> verner les âmes; lorsque personne enfin n'instruisait le peuple » et ne le retirait de la fange du vice, le Saint-Siége appela les religieux << en aide du clergé et du peuple, afin que par l'office de la prédication et de la confession ils secourussent les âmes et qu'il

[ocr errors]
[ocr errors]

■ . OEcumenica synodus Chalcedonensis, habita an. 451 constituit: - Mona>> chos verò per unamquamque civitatem aut regionem subjectos esse Episcopo, et quietem diligere, et intentos esse tantummodo jejunio et orationi, in locis in quibus renuntiaverunt sæculo permanentes; nec ecclesiasticis » verò, vel sæcularibus negotiis communicent, vel in aliquo sint molesti, » propria monasteria deserentes; nisi fortè his præcipiatur propter onus ne» cessarium ab Episcopo civitatis. » Ce canon est cité, ainsi que plusieurs autres de même nature dans l'intéressant ouvrage publié récemment par le docteur Verhoeven, sous ce titre : De regularium el sæcularium clericoLes rum juribus et officiis, etc. In-12. Louvain. Fonteyn. 1846, p. 14. hermites de Saint-Pacôme en Sicile donnent encore aujourd'hui l'exemple d'une semblable institution monastique.

[ocr errors]

› ⚫ Saint Bonaventure dans son écrit intitulé : Determinationes quæstionum circa regulam S. Francisci. Quæst. 2. Edit. de Venise, 1754, t. v, col. 748.

» soulageassent les pasteurs en prenant sur eux une portion du poids de cette charge. »

"

De la même manière, lorsque les évêques, non-sculement eurent le malheur de multiplier autour d'eux les mauvais exemples, mais qu'ils abusèrent de leur autorité pour empêcher les réformes. Lorsque au lieu de gouverner en pères, comme auparavant, on les vit s'ériger en tyrans et en persécuteurs des monastères qu'ils devaient défendre; alors aussi la voix et le bras des pontifes suprêmes s'élevèrent pour signaler et punir de semblables excès.

Alors par exemple un saint Grégoire-le-Grand fit retentir du haut de la chaire apostolique des paroles que répétèrent après lui tous ses successeurs. Alors naquirent des privilèges, des exemptions que les duretés épiscopales rendaient nécessaires.

Malheureusement, comme il n'arrive que trop à notre faible et imparfaite nature humaine, ce moyen de salut offert aux religieux par l'Eglise, devint bientôt pour eux, une source nouvelle de maux. Trop souvent ils faussèrent les intentions de l'Eglise en exagérant ces mêmes faveurs; l'indiscipline se produisit là où devait fleurir la régularité, d'opprimé on devint oppresseur; et la chaire apostolique, et les saints conciles avec elle durent combattre ces nouvelles tendances avec autant de persévérance, avec non moins d'énergie que les premières.

L'histoire particulière de l'établissement hospitalier qui nous occupe, nous offre bien des exemples de cette double vérité.

Ainsi nous voyons d'après la bulle de confirmation d'Alexandre III (en 1177), que, dès l'année 1146, le pape Eugène III, passant au Saint-Bernard, avait accordé les plus grandes faveurs à l'hospice.

Alexandre déclare en effet dans sa bulle, qu'il veut suivre l'exemple d'Eugène et le nomme patrem et predecessorem. Il prend l'hospice sous sa protection et sous la protection de saint Pierre; il con

'S. Greg., lib. 1, Epis. 2, Conc. Lal.

On peut voir en partie le décret de Boniface IV; celui du concile de Vienne en présence d'Urbain II; saint Grég. VII, Ep. ad Cunip. episc. sus.; enfin la constitution par laquelle Sixte - Quint établit une congrégation spéciale pour régler les différens entre les évêques et les réguliers.

Et en effet, dans les âges heureux où, sous le gouvernement d'évêques selon Dieu, avec un clergé plein de vertus et de zèle, on vit les religieux placés complètement sous la direction et la surveillance épiscopale, s'adonner uniquement aux œuvres de la prière et de la pénitence. On les vit retirés qu'ils étaient, la plupart du tems loin des villes, ne réclamer, par rapport aux évêques, d'autre privilége que celui de se sanctifier et de sanctifier les autres par l'exemple, sous la conduite de pasteurs chéris de Dieu '.

[ocr errors]
[ocr errors]

2

Mais plus tard, lorsque le relâchement s'introduisit dans le clergé; lorsque, pour nous servir des expressions d'un grand et saint religieux : « la moisson des âmes fut devenue grande et qu'il y eut » peu d'ouvriers propres à la recueillir; lorsque les péchés, se multiplièrent dans l'Église, que les évêques occupés aux soins de » la terre ne pouvaient plus s'appliquer aux choses spirituelles; lorsque très-peu de pasteurs résidaient personnellement dans leurs Églises, et qu'ils confiaient le soin de leurs brebis, c'est-à-dire » des âmes, à des vicaires, à des mercenaires en qui bien souvent » se rencontraient le défaut de capacité, d'honnête vie, la négli»gence et les autres vices, par quoi ils étaient incapables de gou» verner les âmes; lorsque personne enfin n'instruisait le peuple » et ne le retirait de la fange du vice, » le Saint-Siége appela les religieux «< en aide du clergé et du peuple, afin que par l'office de la >> prédication et de la confession ils secourussent les âmes et qu'il

>>

OEcumenica synodus Chalcedonensis, habita an. 451 constituit: Mona>> chos verò per unamquamque civitatem aut regionem subjectos esse Episcopo, et quietem diligere, et intentos esse tantummodo jejunio et orationi, in locis in quibus renuntiaverunt sæculo permanentes; nec ecclesiasticis » verò, vel sæcularibus negotiis communicent, vel in aliquo sint molesti, ⚫ propria monasteria deserentes; nisi fortè his præcipiatur propter onus ne» cessarium ab Episcopo civitatis. » Ce canon est cité, ainsi que plusieurs autres de même nature dans l'intéressant ouvrage publié récemment par le docteur Verhoeven, sous ce titre : De regularium el sæcularium clericorum juribus et officiis, etc. In-12. Louvain. Fonteyn. 1846, p. 14. hermites de Saint-Pacôme en Sicile donnent encore aujourd'hui l'exemple d'une semblable institution monastique.

[ocr errors]

Les

Saint Bonaventure dans son écrit intitulé: Determinationes quæstionum circa regulam S. Francisci. Quæst. 2. Edit. de Venise, 1754, t. v, col. 748.

« PreviousContinue »