Page images
PDF
EPUB

L'écriture babylonienne, la plus compliquée et probablement la plus ancienne des écritures cunéiformes, n'a pas encore trouvé d'interprète, au moins il n'est venu à ma connaissance que des commencemens de déchiffrement tentés par M. Grotefend et M. Hinks, et il est assez naturel qu'on ne s'en occupe sérieusement que quand les inscriptions assyriennes seront expliquées.

8. Progrès dans l'étude de la littérature babylonienne.

Je ne dois point quitter ce sujet sans mentionner la publication des monumens relatifs au culte de Mithra, par M. Lajard'. L'auteur a réuni depuis trente ans, en Europe et en Orient, tout ce qui existe des monumens du culte mithriaque, tels que bas-reliefs, cylindres gravés, sceaux et médailles. Un assez grand nombre de ces objets remontent au tems des Babyloniens et des Assyriens, comme on peut s'en assurer par les inscriptions qu'ils portent. A la vérité, on a continué à imiter, sur les cylindres, ces inscriptions jusque dans des tems où l'écriture cunéiforme était oubliée depuis des siècles, mais on distingue facilement ces imitations par la mauvaise conformation des lettres, et partout où les inscriptions sont bien taillées, toutes les fois qu'elles s'accordent avec la forme des lettres qu'on trouve sur les

Paravey. Paris, 1845-6, in-8°. (8 et 12 pages. ) Cette brochure est tirée des Annales de philosophie chrétienne.

La phrase de M. Molh pourrait faire croire que M. de Paravey pense que les Assyriens ont été chercher leur écriture en Chine; mais c'est tout le contraire qu'il établit. En effet, M. de Paravey n'admet qu'une seule écriture hieroglyphique, employée d'abord vers l'Indo-Perse, puis à Babylone, sur les briques, puis en Egypte sur les monumens, et ensuite portée en Chine sous Sésostris et les rois postérieurs; il est convaincu que MM. de Rougé et Botta trouveraient dans les anciens livres conservés en Chine la solution des nombreuses difficultés qui les arrêtent. Le docte M. de Hammer, ce prince des orientalistes allemands, a reconnu la justice des vues émises par M. de Paravey, et l'exactitude de ses rapprochemens, entre les briques de Babylone et les anciens livres conservés en Chine. Voir une lettre de M. de Hammer à M. de Paravey dans les Annales, t. x11, p. 355 (2a série).

1 Introduction à l'étude du culle public et des mystères de Mithra en Orient et en Occident, par M. Félix Lajard. Livraisons 1-15. Paris, 1847, in-fol,

[ocr errors]

briques et les monumens sculptés, on peut être assuré que l'objet est du tems que les caractères dé l'inscription indiquent. M. Lajard a fait graver avec un très-grand soin et une fidélité parfaite ces mo❤ numens, dont quelques-uns avaient été déjà publiés dans divers ouvrages, mais presque aucun avec l'exactitude qui, seule, peut permettre de s'en servir avec confiance; les autres étaient inédits et inconnus, et la collection entière forme un tout que l'on peut considérer à juste titre comme parfaitement nouveau. M. Lajard y a ajouté un texte dans lequel il indique la matière de chacun des monumens, l'endroit où il se trouve, et tous les autres signes qui peuvent aider à constater son identité; mais il ne fait connaître aucune des conclusions auxquelles il est arrivé par l'examen de ces monumens; ce ne sont encore que les pièces justificatives du grand ouvrage qu'il a composé sur le culte de Mithra, et dont la publication doit suivre de près celle-ci...

(La suite au prochain no ).

MOLH
De l'Institut.

Histoire Ancienne.

HISTOIRE

DE L'ESCLAVAGE DANS L'ANTIQUITE,

PAR H. WALLON'.

Deuxième Article 2.

-

De l'esclavage à Rome, et de l'état des esclaves. Leur origine, leur condition, leur nombre.

[ocr errors]

Leurs travaux, leur influence. Ils ruinent la fa

mille et l'état. Quelques critiques du livre.

Nous avons rendu compte, dans ce recueil, du premier volume et de la première partie de cet ouvrage; nous avons essayé de donner au lecteur une idée juste de l'importance et du mérite de ce beau travail : nous essaierons de faire connaître avec la même impartialité les deux derniers volumes qui le complètent.

Le 2 volume contient l'histoire de l'Esclavage à Rome, depuis les origines jusqu'à l'époque des Antonins: c'est la seconde partie de l'ouvrage. L'auteur a suivi, dans cette seconde partie, le même plan que dans la première.

Après avoir montré ce qu'était l'esclavage à Rome dans les premiers siècles, il fait connaître les sources d'où les Romains tiraient leurs esclaves, le nombre de ces esclaves, leur prix, leur condition devant la loi et dans la famille, l'influence de l'esclavage sur les classes serviles et sur les classes libres, enfin, les différentes sortes d'affranchissement.

Cette uniformité de plan n'est pas sans inconvénient, sans doute; et cependant, on conçoit qu'aucune de ces questions ne pouvait être retranchée : il fallait, dans cette seconde partie, montrer l'esclavage sous toutes ses faces, comme dans la première. L'histoire de l'escla

1 4 vol. in-8, prix 28 fr. A Paris, chez Désobry. Voir le ler art. dans notre tome xvn, p. 48.

vage dans l'empire romain, qui a envahi tous les autres empires, c'est presque l'histoire de l'esclavage dans toute l'antiquité.

་་

L'esclavage eut peu de développemens à Rome dans les premiers >>tems: le peuple romain était un peuple pauvre et belliqueux, simple » dans ses mœurs, mais honorant et pratiquant l'agriculture. » Il devait donc y avoir peu d'esclaves. Les maîtres partageaient avec eux les travaux de la campagne : le joug devait donc leur être plus léger. Il ne faudrait pourtant pas croire que les grands de Rome fussent tous alors des Régulus, n'ayant qu'un esclave pour cultiver leur petit champ. Plus de cent ans avant Régulus, le tribun Licinius avait bien de la peine à faire passer la loi qui réduisait les possessions domaniales du riche à cinq cents arpens. Il est certain que cette extension de la propriété devait exiger un grand nombre d'esclaves.

Rome tira ses esclaves des mêmes sources que la Grèce. On naissait esclave ou on le devenait : c'est ce que disent les Institutes.

Au maître appartenait la postérité de ses serviteurs. On devenait esclave 1o par la volonté du père, maître absolu de la vie de ses enfans, et qui pouvait vendre son fils jusqu'à trois fois ; 2o par l'action du créancier, qui pouvait mettre à mort ou, par grâce, sans doute, vendre son débiteur après l'avoir tenu quelque tems à la chaîne. Et s'il y avait un seul débiteur pour plusieurs créanciers, la loi permettait de le partager. « Il ne faut pas, dit M. Wallon, chercher

α

>> deux sens à cette loi, mais ajoutons qu'il n'en faut pas non plus >> chercher l'exécution dans l'histoire ; » 3° enfin, et surtout par la guerre. L'Épire, après la défaite de Persée, fournit aux Romains 150,000 esclaves; les Cimbres et les Teutons 150,000; les Juifs, après la ruine de Jérusalem, 97,000; les Gaulois, au tems de César, 1,000,000. Il faut voir dans l'ouvrage le tableau saisissant de vérité où l'auteur, toujours guidé par les textes les plus sûrs, nous représente les populations de l'Asie écrasées l'une après l'autre par ces odieux tyrans, qui semblaient n'avoir l'empire dans les mains que pour asservir tous les peuples et anéantir les superbes, qui osaient défendre contre eux leur indépendance: debellare superbos.

C'est bien là « cette béte terrible, merveilleuse et d'une force ex» traordinaire que vit le prophète, armée de grandes dents de fer,

» broyant et dévorant toute la terre, et foulant les restes avec ses » pieds 1. »

L'auteur nous fait connaître ensuite les lois qui régissaient la vente des esclaves, ou pour mieux dire cette législation tout entière qui semble n'avoir eu qu'un but, celui de protéger l'acheteur contre les ruses sans nombre du vendeur. Quant à l'esclave, la loi s'inquiétait fort peu de ce qu'il pouvait avoir à souffrir dans ces exécrables marchés. Comment pouvait-elle s'en inquiéter? elle mettait ces malheureux sur la même ligne avec la brute « (Lex) ut apparet servis nos» tris exæquat quadrupedes, quæ pecudum numero sunt, veluti oves, » capra, boves, equi, muli, asini.» Les porcs faisaient question, dit l'auteur avec un ton d'ironie indignée que l'horreur de tant d'atrocités lui fait prendre assez souvent; les porcs faisaient question; mais Labéon répond oui, et Gaïus approuve (p. 69).

Quel était à Rome le nombre des esclaves, et à quoi les employait-on? Tel est le sujet du 3e chapitre.

Tant que Rome se trouva serrée par les Etrusques, les Sabins et les Volsques, c'est-à-dire pendant les cinq premiers siècles, le nombre des esclaves y fut peu considérable : ils faisaient « la huitième partie » de la classe libre tout au plus, et peut-être seulement la seizième. »> Mais quand l'Italie entière eut été soumise, ce nombre s'accrut considérablement, et bien plus encore après la conquête de l'Orient et de l'Occident.

Pour arriver à la connaissance de ce nombre, dans le silence des historiens, M. Wallon a recours à un moyen analogue à celui qu'il a employé pour connaître par approximation celui des esclaves de l'Afrique. Il détermine d'abord la population de l'Italie en évaluant d'une part la quantité de blé que ce pays pouvait produire, de l'autre la quantité que chaque individu pouvait consommer, et en s'appuyant sur les données les plus récentes de la statistique, il arrive à ce résultat que l'Italie pouvait avoir un peu plus de 8,000,000 d'habitans. Ce chiffre diffère beaucoup de celui de M. Dureau de la Malle qui donne à peine 5,000,000. Nous rendrons justice aux recherches savantes de M. Wallon, comme lui-même le fait à l'égard du docte académicien;

g Daniel, vi, 7, 23.

« PreviousContinue »