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mens du pouvoir séculier sur des droits inhérens à la puissance ecclésiastique et ne pouvant bien s'exercer que dans l'ordre fixé par l'Eglise elle-même.

N'est-ce pas, je le demande, le cas d'appliquer à l'établissement hospitalier si profondément humilié pour les fautes de ses protecteurs et de ses chefs, ces énergiques paroles de saint Chrysostome s'adressant aux usurpations séculières de son tems, sous l'emblème d'Ozias, roi de Juda : « Et la lèpre parut aussitôt sur son front, afin qu'il » portât sur son visage le signe de la vengeance, afin que cette ven» geance y fût gravée comme les lettres sur un cippe. Car ce qui ar>> riva ne fut point fait pour lui, mais pour ceux qui devaient venir >> après lui.... Dieu lui inscrivit sur le front comme en un lieu élevé, >> cette sentence où il était dit: Ne faites pas de telles choses, si vous » ne voulez recevoir de semblables châtimens. Une sentence vivante » fut prononcée et le signe de son front parla plus haut que la voix » d'une trompette... De même que les criminels condamnés à la » corde sortent en portant cette même corde à leur cou; de même » celui-ci parut portant au lieu de corde la lèpre sur son front1.»

Du reste, ce qui avait été pour le Saint-Bernard la cause de si grands maux, cette protection des princes si fatale à sa liberté, devint entre les mains de Dieu l'occasion dont il se servit pour la lui rendre.

D'une part, en effet, la protection de la France, implorée dans les derniers tems, devint un frein pour la maison de Savoie. De l'autre,

' Saint Jean Crysos., Hom. iv, sur ces paroles : J'ai vu le Seigneur.

• Les religieux du Saint-Bernard opposés au droit de nomination des prévôts par la maison de Savoie, écrivirent au roi de France la lettre suivante, dans le courant de 1745. « Il serait difficile, disent-ils, de n'être pas pénétré de la plus » vive et de la plus respectueuse reconnaissance, voyant le plus grand des rois occupé du soin de rétablir un empereur dans ses Etats, jeter en même tems »» les yeux sur notre monastère hôpital du Grand Saint-Bernard. Nous en avons déjà senti les effets à Rome, où les ministres de Votre Majesté ont empêché » le Père commun des fidèles de sacrifier nos droits en faveur d'un prince

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qu'il affectionne; et louons la divine Providence qui semble vous avoir » mis, Sire, sur le thrône, autant pour être le protecteur et le défenseur » des opprimés dans tout le monde, que pour être le père de son peuple; » nos très-humbles remercimens, tels qu'ils puissent être, ne pourraient approcher de la grandeur de nos obligations. Il ne nous reste donc que de re

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Comme toutes ces précautions déjà excessives vis-à-vis des religieux, étaient néanmoins insuffisantes pour arrêter la Savoie, le Valaismit l'interdit civil sur les terres que l'hospice possédait sur le territoire de la République. Le Valais y intéressa de plus tous les cantons catholiques de la Suisse; et quoiqu'en 1646 la duchesse de Savoie écrivant aux chefs du gouvernement, déclarât être « la bien bonne amie, alliée et confédérée » du pays, on n'en lutta pas moins éner¬ giquement contre ses prétentions. On fit de cette résistance une affaire d'Etat, et l'on finit par refuser absolument de reconnaître le dernier prévôt nommé par la Savoie. Pour terminer de pareils différens, Benoît XIV n'eut d'autre moyen que d'enlever à l'hospice tous les biens situés en Piémont, et d'acheter à ce prix une liberté si longtems et si opiniâtrement contestée.

Nous redirons ailleurs combien de maux ces mêmes luttes entraînèrent pour l'ordre intérieur du malheureux hospice. Nous devons nous borner ici à indiquer la division profonde qui en résulta entre les membres de la congrégation hospitalière appartenant à la Savoie et au Valais. C'est ce qu'on eut la douleur de voir surtout lors de la réforme si justement provoquée par le prévôt Boniface. « Ex his, di> sait le chanoine Bodmer dans une lettre sur ces tristes tems, ex his » exurgunt rixæ, ex rixis injuriæ, ex injuriis ad minas vel etiam » mortis devenitur.» A quoi l'on peut ajouter ce que rapporte Vacher, le compétiteur du prévôt Michelod, lorsque dans une lettre du 31 janvier 1747, il parle des rivalités excessives qui divisaient les religieux Valaisans des Valdotins. Il se plaint de ce qu'on refuse jusqu'à l'eau bénite et aux suffrages de prières à ces derniers. Enfin, dans les actes capitulaires de la même année, on est contraint d'avouer avec douleur, que par suite de ces mêmes divisions, l'institut marche à grands pas vers sa ruine; que le relâchement s'introduit, même parmi les plus fervens religieux, et que les novices s'éloignent d'un établisse→ ment où la paix de Dieu, où la charité fraternelle n'existent plus.

Et de tous ces maux quelle est la principale source? L'ambition des princes, déguisée sous le nom de protection généreuse, les empiéte

De là viennent les rixes, des rixes viennent les injures et des injures on passe aux menaces, même de mort. »

mens du pouvoir séculier sur des droits inhérens à la puissance ec-clésiastique et ne pouvant bien s'exercer que dans l'ordre fixé par l'Eglise elle-même.

N'est-ce pas, je le demande, le cas d'appliquer à l'établissement hospitalier si profondément humilié pour les fautes de ses protecteurs et de ses chefs, ces énergiques paroles de saint Chrysostome s'adressant aux usurpations séculières de son tems, sous l'emblème d'Ozias, roi de Juda: «< Et la lèpre parut aussitôt sur son front, afin qu'il

portât sur son visage le signe de la vengeance, afin que cette ven» geance y fût gravée comme les lettres sur un cippe. Car ce qui ar>> riva ne fut point fait pour lui, mais pour ceux qui devaient venir >> après lui.... Dieu lui inscrivit sur le front comme en un lieu élevé, >> cette sentence où il était dit : Ne faites pas de telles choses, si vous >> ne voulez recevoir de semblables châtimens. Une sentence vivante >> fut prononcée et le signe de son front parla plus haut que la voix » d'une trompette... De même que les criminels condamnés à la » corde sortent en portant cette même corde à leur cou; de même » celui-ci parut portant au lieu de corde la lèpre sur son front1.»

Du reste, ce qui avait été pour le Saint-Bernard la cause de si grands maux, cette protection des princes si fatale à sa liberté, devint entre les mains de Dieu l'occasion dont il se servit pour la lui rendre.

D'une part, en effet, la protection de la France, implorée dans les derniers tems, devint un frein pour la maison de Savoie. De l'autre,

Saint Jean Crysos., Hom. IV, sur ces paroles: J'ai vu le Seigneur.

• Les religieux du Saint-Bernard opposés au droit de nomination des prévôts par la maison de Savoie, écrivirent au roi de France la lettre suivante, dans le courant de 1745. « Il serait difficile, disent-ils, de n'être pas pénétré de la plus » vive et de la plus respectueuse reconnaissance, voyant le plus grand des rois » occupé du soin de rétablir un empereur dans ses Etats, jeter en même tems »» les yeux sur notre monastère hôpital du Grand Saint-Bernard. Nous en avons

déjà senti les effets à Rome, où les ministres de Votre Majesté ont empêché » le Père commun des fidèles de sacrifier nos droits en faveur d'un prince » qu'il affectionne; et louons la divine Providence qui semble vous avoir › mis, Sire, sur le thrône, autant pour être le protecteur et le défenseur » des opprimés dans tout le monde, que pour être le père de son peuple; » nos très-humbles remercimens, tels qu'ils puissent être, ne pourraient approcher de la grandeur de nos obligations. Il ne nous reste donc que de re

le pape Benoît XIV brisa les chaînes dorées qui retenaient l'institut à cette dernière. Et ainsi, au moment où tout paraissait ruiné sans reiour, de l'excès même du mal naquit un bien que les religieux euxmêmes ne tardèrent point à comprendre. Si la protection d'une puissance temporelle quelconque eût été nécessaire à un pareil établissement, celle de la France, pourvu qu'on la maintînt dans de justes limites', eût compensé bien amplement celle de la Sardaigne. La maison hospitalière devint moins riche, mais avec le besoin revinrent la bonne administration et l'économie.

On reconquit surtout la liberté religieuse si longtems opprimée, et certes, nous l'avons dit et nous le répèterons encore, cet avantage vaut micux que les trésors et les faveurs des rois.

J. P. O. LUQUET,

Evêque d'Hésebon.

» doubler nos vœux au ciel pour que toutes choses succèdent à la gloire de Votre Majesté soit dans la guerre, soit dans les traités de paix, dans lesquels nous la prions très-humblement de ne pas nous oublier. Plaise au > Tout-Puissant vous donner, Sire, une couronne dans l'immortalité aussi distinguée que celle qu'elle porte l'est sur toutes les autres de la terre, et >ici-bas une vie aussi longue que glorieuse! Qu'il lui plaise encore bénir le » mariage de Monseigneur le Dauphin par une génération qui ne finisse qu'avec les siècles! >> - Notes de M. Rion, p. 113.

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1 Lorsque la bulle de Benoît XIV eut aussi considérablement diminué les revenus du Saint-Bernard qu'elle le fit, les religieux sollicitèrent des secours de la France, qui accorda en effet au prévôt une pension de 186 louis, véduite de nos jours à 100. Mais comme les princes ne savent guère proléger J'Eglise sans s'immiscer aussitôt dans des choses où la liberté seule peut produire de bons fruits, le résident de France en Valais, M. Chaignon eut déjà trop de part à l'élection du prévôt français, Claude-Philippe Thévenot, élu le 26 septembre 1758. Cette nomination, en effet, excita dans la communauté des troubles où l'évêque de Sion et le résident de France prirent une part déjà trop active. L'hospice supplémentaire bâti au Saint-Bernard à cette époque reçut le nom d'Hôtel Saint-Louis en l'honneur de la France.

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Philologie Orientale.

TABLEAU DES PROGRÈS

FAITS DANS L'ÉTUDE

DES LANGUES ET DES HISTOIRES DE L'ORIENT PENDANT LES ANNÉES 1846 ET 1847.

Suite'.

9. rogrès dans l'étude de la littérature persane moderne.

La littérature persane moderne a reçu des accroissemens assez nombreux. M. Torrens a publié pour la Société de Calcutta, le texte persan d'une Histoire de Nadir-Schah, probablement la même que sir W. Jones a traduite; mais je n'ai pas de certitude sur ce point, l'ouvrage ne se trouvant pas en Europe.

Sir Gore Ouseler avait commencé, dans les dernières années de sa vie, à faire imprimer des notices sur différens auteurs persans 3, et le comité des traductions de Londres a fait achever l'ouvrage après sa mort par M. Reynolds. Sir Gore était un homme d'esprit, d'un goût littéraire cultivé, qui, pendant un long séjour dans l'Inde et en Perse, avait formé une bibliothèque exquise de manuscrits persans. Il avait rédigé, sans ordre systématique, des notices et des traductions partielles d'une trentaine de ces manuscrits, et il se proposait de continuer ce travail que sa mort a interrompu, Son ouvrage, quoique fragmentaire, est une addition agréable et utile à nos connaissances sur la littérature persane.

M. Bland a publié, dans le Journal de la Société de Londres, un travail du même genre, mais plus systématique et plus savant, sur les auteurs qui ont traité de la biographie des poètes persans 1. Ce sont

Voir le 1er article, au no précédent, ci-dessus, p. 325.

• Tareekh-i Nadiree. Calcutta, 1846, in-8°. (Prix : 8 roupies.)

3 Biographical nolices of persian poets, with critical and explanatory remarks, by the late sir Gore Ouseley. Londres, 1846, in-8°. ( ccxxvi et 387 ). * On the earliest persian biography of poest, by Muhammed Aufi. and on

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