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gles, corrompus, remplis de préjugés ; ils nous demandent purement et simplement d'être éclairés pour pouvoir connaître la lumière; d'être réglés pour pouvoir connaître les règles, etc., etc.

Voilà le paralogisme sur lequel s'appuie depuis longues années l'enseignement philosophique meme catholique! et l'on pourrait s'étonner que l'esprit humain, essentiellement logique, refuse de se soumettre à une semblable sagesse !!

Prouvons que tel est le raisonnement de M. Gioberti, nons n'avons qu'à choisir. Voici comment il continue:

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« La soumission du génie aux oracles de l'Église est sincère, pro» fonde, illimitée, parfaite... S'il y a des esprits qui la repoussent, >> c'est qu'ils n'ont ni l'esprit vigoureux ni l'ame forte (p. 245)... » Ce sont des esprits effrénés, forts en apparence et faibles en réalité, puisqu'ils brisent le joug de l'obeïssance légitime, pour se faire » esclave des sens, de l'imagination et de la coutume, etc., etc. » (p. 248). »

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Ainsi voilà ce que sont les hommes dont l'intuition ne voit pas les mêmes choses que M. Gioberti. Ce ne sont plus des hommes divins, etc., ils sont des esclaves des sens, de l'imagination, de la coutume. Voilà la dernière raison de M. Gioberti, raison que ses adversaires lui jetteront au visage, avec le mème droit. C'est le renouvellement des folies du paganisme, le combat scandaleux des dieux contre des dieux; on se lance des montagnes, on s'injurie, on se blesse, mais personne ne meurt. Car vainqueur ou vaincu, chacun se croit encore Dieu, ou inspiré de Dieu, ou participant à Dieu, comme auparavant.

Nous finirons cet article par la définition nouvelle du génie, que M. Gioberti a placée à la fin de son chapitre, pour prouver, sans doute, son orthodoxie.

« Le vrai génie est chrétien et catholique; car s'il n'était pas l'un » et l'autre, il ne serait point idéal (245).»

Voilà comment M. Gioberti formule, de sa propre autorité, des axiomes à l'usage de tous ces autres individus qu'il a, de son autorité aussi, gratifiés de la révélation intérieure et naturelle du Verbe.

Voici maintenant comment il définit la Révélation chrétienne. Il continue:

« Carla révélation du Christ, manifestée par l'Église, est la con

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séquence nécessaire et le nécessaire complément de l'IDÉE » (245). »

Le Christ nous avait dit lui-même qu'il était venu accomplir la loi et les prophètes', c'est-à-dire une croyance et une morale fixes, déterminées, révélées; mais M. Gioberti est venu changer tout cela. A la place de la loi et des prophètes, il met l'IDÉE, et encore, notez-le bien, SON IDÉE. Comment de semblables rêves ont-ils pu entrer dans un esprit philosophique et chrétien? Comment ces rêves ont-ils pu entrer dans la vie commune, dans l'application, dans la pratique? Car il ne s'agit plus de dire maintenant qu'on ne parle que de théories, comme l'ont si long tems dit nos imprudens docteurs. Aujourd'hui on tire la conséquence de toutes ces folies; en voici la preuve; nous là trouvons dans l'organe officiel d'une secte puissante, la Démocratie pacifique, l'ennemie la plus déclarée de l'Église et de son chef:

L'IDÉE DU SIÈCLE.

« Cet ideat de justice, de paix, d'harmonie, de bonheur et de liberté, c'est Tideal commun à presque tous les socialistes: c'est le grand desideratum social qui, en ce moment de l'histoire, se dégage de la conscience humaine chez tous les peuples civilisés, sortant plus abondamment d'abord du sein des classes les plus souffrantes. Et cet ideal, qui se degage de l'humanile vivante, s'en dégage invinciblement, parce que le tems du grand phénomène palingenesique de la rénovation du vieux monde a sonné! parce que cette rénovation est la conséquence pratique, logique, nécessaire, fatale, des principes reveles au monde, il y a dix-huit siècles, par l'Evangile (dites plutôt des principes enseignés dans les écoles depuis environ 300 ans), mûris par la philosophie et par l'histoire, proclamés en 89 par la nation française; parce qu'il est la conséquence logique, nécessaire, fatale, de ces principes pour lesquels cette grande nation initiatrice et martyre a versé son sang par de larges blessures: : pour lesquels elle est morte à Waterloo, elle est descendue dans la tombe de la restauration et de la royauté philippiste, et a ressuscité glorieusement le 24 février 1848 en renversant la pierre du sépulcre et les soldats qui la gardaient!

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Représentans de César, scribes, pharisiens, prêtres et princes des prêtres, hommes du passé sous toutes les robes et sous tous les habits, et vous athées et sceptiques, et vous adorateurs des faux dieux, il faut en prendre votre

Non veni solvere legem, sed adimplere. Math., v, 17.

parti..... le Christ glorieux est ressuscité, et vous ne le retuerez pas. Vous ne le retuerez pas, car il est esprit.

Ce CHRIST est une IDÉE.

Et cette IDÉE a pris possession de la conscience des peuples, et elle grandit en proportion des efforts que vous faites pour l'étouffer.

Et cette Idee qui grandit ainsi, qui agite le peuple, qui fait bouillonner les couches profondes de la société dans toute l'Europe, et déjà même au-delà de l'Atlantique; cette Idee, dont vous riiez dédaigneusement hier encore, sur Jaquelle vous faisiez hier si dédaigneusement silence; mais qui, aujourd'hui, vous harcèle de toutes parts, qui vous enveloppe, qui vous déborde ; que vous essayez maintenant de tuer par la calomnie, d'éteindre par le sophisme, et qui vous étreint comme la flamme d'un incendie inextinguible; cette Idée, c'est le besoin, la volonté d'une société nouvelle, c'est l'invincible réclamation d'une société juste, libre et heureuse, d'une société humaine et chrétienne, faite à l'inverse de la société égoïste, barbare et païenne que vous voulez conserver et que vous ne conserverez pas.... CETTE IDÉE enfin qui, comme l'homme armé de l'Ecriture, s'est emparée des âmes et prend possession de ce siècle... c'est le SOCIALISME. Et, je vous le dis, moi, homme de paix, moi qui ai passé vingt années à combattre l'esprit de désordre, de lutte, de renversement, de révolution, je vous le dis: Vous n'avez qu'un moyen de salut : — c'est de faire penilence et de vous convertir. »

Qu'en pensent M. l'abbé Gioberti, M. l'abbé Maret, et tous ceux de la funeste école de l'idée ? ne reconnaissent-ils pas là les principes mêmes qu'ils s'efforcent d'établir?

A. B.

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Dans notre dernier compte-rendu, nous avons parlé des feuilles catholiques que la dernière révolution avait ou tuées ou blessées. Nous croyons utile aujourd'hui de dire quelques mots des publications auxquelles elle a donné jour.

La principale est l'Ère nouvelle, journal quotidien qui parut le 15 avril, sous la direction spéciale du R. P. Lacordaire.

Immédiatement après les jours de février, les principaux rédacteurs de l'Univers et les personnes les plus influentes, ayant les mêmes croyances catholiques, eurent différentes réunions pour se concerter sur la position qu'il convenait de prendre dans ces conjonctures, et sur la direction qu'il y avait à donner aux publications catholiques. Les chefs de cette réunion furent le R. P. Lacordaire, M. le comte de Montalembert, et le directeur de l'Univers M. Veuillot. Mais alors s'élevèrent des dissentimens profonds et inconciliables. Le P. Lacordaire trouva que l'Univers était trop arriéré, trop rétrograde, et quant à M. de Montalembert, on prétendit que le mémorable discours qu'il avait fait à la chambre des pairs, sur la révolution suisse, lui ôtait toute influence dans les circonstances actuelles. Pour nous, nous croyons que ce discours, où était flétrie avec tant de justice et aux applaudissemens de l'Europe entière, l'indigne conduite que les démocrates de Fribourg ont tenue à l'égard de la religion, se posa comme un avertissement et une menace devant les vainqueurs de février, et que c'est à ces nobles paroles que nous devons la contenance respectueuse et convenable que les meneurs et

les menés de février ont conservée à l'égard de la Religion et de l'Église. Mais quelques-uns de nos amis n'en jugèrent pas ainsi ; ils prétendirent que M. de Montalembert y avait trahi la cause de la démocratie, et qu'en conséquence, il ne lui restait que le parti de se mettre à l'écart et de garder le silence.

La question étant posée en ces termes, il n'y avait plus moyen de s'entendre, et la fondation d'un journal nouveau, consacré à la cause des idées nouvelles, fut décidée.

Après quelques délais et quelques difficultés, l'Ère nouvelle parut le 15 avril, sous la direction du P. Lacordaire, secondé de M. l'abbé Maret, de M. Ozanam et de M. de Coux, qui, avant les journées de février, avait déjà quitté l'Univers.

Sur ces entrefaites, le P. Lacordaire fut nommé représentant du peuple par le département des Bouches-du-Rhône, et il vint prendre place à l'Assemblée nationale, sur les bancs de l'extrême gauche, au milieu des montagnards.

Mais bientôt le découragement s'empara de cet esprit ardent et impétueux; la lenteur des délibérations, les pertes de tems et de paroles, les contradictions et les oscillations d'une si grande assemblée durent singulièrement refroidir et décourager cette âme accoutumée au silence et aux succès des principales chaires de l'Europe. A notre avis, le célèbre prédicateur prit mal son tems, ne put pas se ménager assez, parla sur des questions de nulle importance, et ne sut pas attendre que l'importance de la question obligeât la Chambre à l'écouter et donnât à sa parole l'occasion de se déployer tout entière. Sur ces entrefaites arriva l'audacieux coup de main du 15 mai, et deux jours après, le R. P. Lacordaire donna sa démission qu'il motiva par ces paroles :

Il y avait en moi deux hommes: le religieux et le citoyen. Leur séparation était impossible; il fallait que tous deux dans l'unité de ma personne fussent dignes l'un de l'autre, et que jamais l'action du citoyen ne causât quelque peine à la conscience du religieux. Or, à mesure que j'avançais dans un carrière si nouvelle pour moi, je voyais les partis et les passions se dessiner plus clairement. En vain faisais-je effort pour me tenir dans une ligne supérieure à leurs agitations; l'équilibre me manquait malgré moi. Bientôt je compris que dans une assemblée politique, l'impartialité condamnait à l'impuissance et à l'isolement, qu'il fallait choisir son camp et s'y jeter à corps perdu. Je

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