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FLAJSHANS ET KOMINKOVA: MAG. JOANNIS HUS SUPER IV SENTENTIARUM. 433

M. L. M. a eu l'heureuse pensée de comparer cette charte municipale avec celles d'autres pays de la province romaine, tels que Campagnano, Civita- Vecchia, Montelibretti, Nemi, Tecchiana et Rome même, et il en a tiré cette conclusion que ces statuts procèdent les uns des autres. Il serait intéressant d'en étudier les différents articles; remarquons en particulier celui qui interdisait l'usage de la torture pour les instructions judiciaires.

L'étude sur les tonnare semble avoir été désignée à M. L. M. par un procès qu'il eut à rapporter, en 1890, devant la Cour de cassation de Palerme (p. 44). Dès les temps les plus reculés, la pêche du thon a été pratiquée sur les côtes de Sicile. L'auteur cite les textes juridiques qui, depuis le Digeste jusqu'à nos jours, en passant par les ordonnances byzantines, normandes, angevines, espagnoles, en ont réglé l'exercice. La tonnara était l'étendue de mer côtière où la pêche du thon était réservée au gouvernement ou à ceux qui l'avaient reçue de lui. L'auteur décrit plusieurs de ces tonnare, en particulier celles des environs de Termini et de Palerme.

Sa troisième étude est un nouvel appendice à ses travaux sur l'antique législation des cités siciliennes. Il y démontre que les anciennes coutumes de Messine furent adoptées en 1331 par Trapani, de même qu'elles fournirent un grand nombre d'articles aux statuts de Grigente, Patti et Noto. Il en publie ensuite le texte.

Jean GUIRAUD.

Mag. Joannis Hus Super IV. sententiarum, édité par FLAJSHANS et Marie KOMINKOVA. Prague, 1905. In-8°, XL-371 pages.

Palacky, il y a fort longtemps déjà, avait insisté sur l'intérêt que présenterait la publication des sources de l'histoire religieuse de la Bohême au moyen âge. Mais à ce moment, en dehors même des résistances qu'une semblable entreprise aurait rencontrées dans le gouvernement, les ressources du pays étaient insuffisantes pour s'attaquer à une œuvre aussi longue et aussi coûteuse. Il légua du moins son désir à ses continuateurs et l'Académie de Prague, soutenue par la municipalité, a commencé la publication des œuvres de Hus.

Le plan de la publication même a donné lieu à quelques objections. On s'est plaint que l'on eût procédé un peu au hasard, et il semble bien en effet que l'on a été déterminé surtout dans le choix des textes qui ont été édités tout d'abord par des raisons personnelles. Pourquoi a-t-on commencé par l'Expositio decalogi et le De sanguine Christi? Évidemment parce que M. Flajshans était en mesure de fournir la copie. Après tout, ce n'est pas très grave, et mieux vaut encore quelques incertitudes dans le plan plutôt que de se perdre dans des discussions interminables. Tout le monde aussi n'a pas été satisfait du choix de

M. Flajshans, à qui l'on reproche quelques incertitudes de pensée et une certaine inconstance d'opinions. Les adversaires de M. Flajshans reconnaissent d'ailleurs sans peine qu'il est fort bien doué, que son érudition est très étendue et qu'il était préparé à la lourde tåche qu'il a commencée par de longues études spéciales.

L'œuvre qu'il nous donne aujourd'hui, le Commentaire de Hus sur le livre des Sentences, est absolument capital pour l'histoire du réformateur. Le Manuel de Pierre Lombard était alors la base de l'enseignement théologique et les explications du maître de Prague nous fournissent ainsi les indications les plus précieuses sur l'origine et le développement de sa pensée. Le Commentaire a été composé de 1417 à 1419, c'est-à-dire au moment du plein développement de l'esprit de Hus, à la veille du jour où les événements allaient le pousser au premier plan et attirer sur lui l'attention générale. « La destinée, écrit très justement M. Flajshans, ne lui permit pas, comme à Thomas d'Aquin et Wiclif, qui avaient aussi commencé par commenter le livre des Sentences, d'exposer ensuite lui-même son système dans une œuvre d'ensemble analogue à la Somme ou au Trialogus, mais son opinion sur le Macrocosme et le Microcosme n'en apparaît pas moins claire et précise dans son Commentaire. »

Un des faits qui résultent de la publication de Flajshans, c'est que l'action de Wiclif a été très forte sur Hus, beaucoup plus profonde que je ne l'avais cru jadis. Loserth avait d'ailleurs déjà attiré l'attention sur les emprunts très nombreux qu'il a faits au célèbre théologien anglais. Faut-il en conclure que Hus n'est pas autre chose qu'un disciple de Wiclif? Il est certain, au contraire, qu'il a subi d'autres influences. Lesquelles? Peut-être celles de Stanislas de Znaym, pense l'éditeur, mais la question demeurera sans doute longtemps obscure, parce que nous ne possédons plus l'œuvre de Stanislas. D'ailleurs, même si on retrouve le Commentaire de Stanislas, il resterait toujours à expliquer pourquoi ce fut précisément en Bohême que les doctrines hérétiques, qui étaient en somme à peu près partout également répandues, aboutirent à une révolte. En histoire, il importe moins de connaître le sens exact des livres que de savoir comment ils ont été lus et interprétés. Ce qui ne veut pas dire que nous devions moins de reconnaissance à M. Flajshans. C'est seulement quand il aura terminé son œuvre que nous pourrons espérer avoir une étude vraiment scientifique et complète des origines de la réforme tchèque.

E. DENIS.

Lord Edmond FITZ-MAURICE. Charles William Ferdinand, Duke of Brunswick. An historical Study (1735-1806). London, Longmans Green and Co., 1901.

Le livre de Lord Edmond Fitz-Maurice est sorti d'un essai fort distin

FITZ-MAURICE CHARLES-WILLIAM FERDINANd duke of brunSWICK. 455 gué, publié dans l'Edinburgh Review. L'auteur a mis à contribution les Mémoires de Massenbach, de Boyen, de Mallet du Pan, de Frédéric II, de Ségur, de Beauchamp, les vies de Scharnhorst, de Hardenberg, de Stein, les livres de Carlyle, de Sybel, de Sorel, de Chuquet. Son travail, destiné au grand public, ne contient rien d'inédit. Il n'en est pas moins fort utile. La vie politique et militaire de Brunswick, présentée avec une élégante sobriété, nous paraît appréciée avec justesse. Nous reconnaissons bien le représentant du despotisme éclairé, capable de s'élever jusqu'à la conception du libéralisme aristocratique de l'Angleterre, mais que Custine trouvait si éloigné de la démocratie (p. 47).

Sans préjugés religieux (p. 19), d'un esprit élevé et très pénétrant, il ne voyait que trop tous les côtés d'une question, surtout les mauvais; de là son impuissance à prendre une résolution ferme. Il finissait ainsi par adopter les plans des autres, bien qu'il en sentit parfaitement les inconvénients. Plein de mépris pour les émigrés (p. 51, 56), il avait percé à jour leur ignorance de la force révolutionnaire de la France. C'est l'explication de sa prudence et de ses hésitations, si fort incriminées, mais inévitables. Massenbach (cité à la page 63 par Lord Edmond Fitz-Maurice), a trouvé le mot : « Ceux, dit-il, qui, après la chute de Verdun, ont affirmé que l'armée pouvait immédiatement marcher sur la forêt de l'Argonne, avaient appris l'art de la guerre chez les Iroquois. »

La faiblesse avec laquelle Brunswick se laissa arracher la signature du fameux manifeste est plus étonnante. On sait combien il a regretté d'avoir endossé les sottises de Limon et de Calonne (p. 57). Aujourd'hui cependant, nous avons toute raison de croire que les idées principales du manifeste avaient été fournies par la cour de France; le duc doit donc bénéficier de circonstances très atténuantes, sur lesquelles Lord Edmond Fitz-Maurice aurait pu insister.

Rien n'est plus curieux que l'ambition intermittente de cet homme excellent et très intelligent. D'aucuns, en France, le regardaient comme le sauveur attendu. Par timidité, par une défiance assez naturelle de l'opinion, il a refusé, par deux fois, en 1791, lors de la mission de Custine, et en 1799, d'être l'arbitre des destinées de notre pays (p. 47, 89).

Et quelle fin lamentable! Obligé, lors de sa belle campagne du Palatinat, de se défendre contre des intrigues de cour, malheureux dans ses fils et dans sa fille, la pauvre et folle Caroline, alors princesse de Galles, il mourait misérablement dans l'effondrement d'Auerstædt sans pouvoir rendre le dernier soupir dans sa capitale.

Lord Edmond Fitz-Maurice, rappelant une phrase du général von Boyen qui comparait Brunswick à Napoléon, s'est servi du mot de Lucain, non coiere pares » (p. 99). C'est trop évident. Mais je ne crois pas qu'on puisse jamais faire de Napoléon un homme de conscience et d'abnégation. Lord Edmond Fitz-Maurice a montré nettement que

Brunswick avait été cet homme à plusieurs reprises. C'est le plus bel éloge qu'on puisse faire de lui et du livre qui lui est consacré.

P. BONDOIS.

Pierre Boyé. Les travaux publics et le régime des corvées en Lorraine au XVIIIe siècle. Paris et Nancy, Berger-Levrault, 1900. 4 vol. in-8°, 87 pages. (Extrait des Annales de l'Est.)

C'est une fort intéressante contribution à l'histoire des travaux publics et de la corvée en France au XVIe siècle. M. Boyé montre très nettement que l'administration royale en Lorraine n'a fait que suivre les errements du duc Léopold, qui, dans le premier tiers du siècle, avait déjà fait construire un grand nombre de routes. Pendant le règne de Stanislas, on exécute une plus grande quantité encore de chaussées et de travaux d'art; vers 1750, tout un réseau de chemins sillonne la Lorraine et la fait communiquer avec les provinces limitrophes.

Ce sont les corvées qui ont permis d'exécuter ces immenses travaux. L'auteur prouve qu'elles ne sont pas d'importation française: elles ont été établies régulièrement par un acte de Léopold, du 12 mars 1699, qui oblige les communautés à fournir les manoeuvres, les voitures, les bois nécessaires aux entrepreneurs; ainsi, la Lorraine a devancé la France, où le régime des corvées ne devient général qu'à partir de 1737.

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Pas plus en Lorraine qu'en France, les corvées ne pèsent sur les membres des ordres privilégiés l'arrêt du conseil des finances, du 7 décembre 1737, en exempte les ecclésiastiques, les nobles, les commensaux du souverain; quant aux bourgeois, ils peuvent se faire remplacer par leurs domestiques ou par des préposés quelconques. En réalité, toute la charge des corvées retombe sur les paysans, et ce sont les plus misérables d'entre eux, les journaliers, qui en souffrent le plus violemment.

M. B. prouve encore qu'en aucune région les corvées ne furent exigées avec plus de dureté qu'en Lorraine de 1743 à 1759. Ainsi, pour les travaux des « ponts de Toul, » dans la forêt de Haye, on mobilisa les corvéables des communautés qui se trouvaient à dix ou quinze lieues à la ronde. On les astreignait au plus pénible labeur pendant plusieurs semaines, au grand détriment des travaux agricoles; ils devaient se nourrir à leur compte, et beaucoup d'entre eux se trouvaient réduits véritablement à la mendicité. L'intendant, M. de La Galaizière, se montrait d'une dureté hautaine à l'égard de ces malheureux, réprimant impitoyablement la moindre négligence, et ses subordonnés, ingénieurs, conducteurs, piqueurs, se permettaient des exactions de toutes sortes. Mais, à partir de 1759, le régime des corvées s'est nota

LE PRÉSIDENT TH. ROOSEVELT LA CONQUÊTE DE L'OUEST. 157 blement adouci, grâce à l'influence du nouvel intendant, M. de La Galaizière fils, dont la douceur et l'équité contrastaient étrangement avec la violence et l'injustice de son père. Il regardait la corvée comme la contribution la plus fâcheuse et la plus inique; il s'efforça tout d'abord d'en atténuer les effets en Lorraine, faisant exécuter à prix d'argent les travaux les plus difficiles, protestant contre les réquisitions qui astreignaient les Lorrains à effectuer des corvées en dehors de la province, dans les Trois-Évêchés. Malgré les résistances que son initiative généreuse rencontra à Versailles, il fut un des intendants qui réclamèrent avec le plus d'énergie la suppression des corvées en nature, leur remplacement par une taxe pécuniaire. En 1770, Terray l'autorisa, dans des cas exceptionnels, à permettre le rachat des corvées; mais les populations étaient si misérables, manquaient à tel point d'argent qu'elles se montrèrent peu favorables aux tentatives de La Galaizière et à la réforme radicale de Turgot. Une preuve, c'est qu'en 1777, sur 2,400 communautés, 200 seulement se prononçaient pour le rachat; et, lorsque la déclaration du 27 juin 1787 vint définitivement abolir la prestation en nature, en la remplaçant par une taxe pécuniaire, de nombreuses protestations s'élevèrent contre cette transformation, qui nous semble si bienfaisante.

La corvée royale, qui infligea de si vives souffrances aux populations agricoles, assurait-elle au moins d'une façon satisfaisante l'entretien des routes? M. B. montre, au contraire, que la périodicité des travaux de corvées était un obstacle à cet entretien, qui demande des soins continus.

Henri SEE.

Le président Th. ROOSEVELT. La conquête de l'Ouest. Des Alleghanys au Mississipi, 1769-1777, trad. par Alb. SAVINE. Paris. Dujarric et Cie, 1905. In-12, XVIII-345 pages.

M. Th. Roosevelt a voulu expliquer comment ses compatriotes, dès avant la Révolution, ont commencé cette marche vers l'Ouest qui devait les mener au Pacifique. « Ils créaient dans le désert un foyer pour leurs enfants, et, en travaillant ainsi, ils préparaient l'avenir d'une nation continentale. »>

Le livre est animé d'un ardent enthousiasme pour l'œuvre civilisatrice des Anglo-Saxons: Pendant les trois derniers siècles, l'expansion des peuples de race anglaise... a été... le trait le plus frappant de l'histoire du monde. Il respire une vivifiante senteur de forêt et de bruyères, et c'est avec amour que l'ancien rough rider nous décrit les scènes de cette « vie de la frontière » qu'il a en partie revécue lui-même un siècle plus tard : Nous gardions nos troupeaux de bêtes à cornes marquées au fer rouge et de chevaux à long poil; nous chassions l'ours,

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