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plusieurs cours inquisitoriales, et d'avoir appelé les rigueurs de la puissance séculière sur des hommes contre lesquels il eût mieux valu n'employer que des moyens de persuasion. Le roi de France, Philippe de Valois, vint visiter Benoît XII à Avignon, et prit le prétexte d'entreprendre une nouvelle croisade pour lever sur le clergé des décimes dont il employa les deniers à la guerre contre l'Angleterre. Benoît lui écrivit pour se plaindre de cette conduite. L'extension du droit de régale, résultant de l'ordonnance appelée Philippine, excita aussi les réclamations du pape. Mais le roi y ayant persisté, Benoît XII ne crut pas devoir pousser les choses plus loin.

Benoît XII prit part à toutes les affaires de son temps; il intervint dans toutes les négociations qui eurent lieu entre les princes. Son pontificat, qui dura sept ans, ne fut pas signalé par de grands événements, mais il fut rempli de travaux utiles à la religion. Benoît XII mourut à Avignon, le 25 avril 1342.

BENOÎT (Élie), né à Paris en 1640, d'un père calviniste, fut nommé ministre de la religion réformée à Alençon, et eut dans cette ville une dispute violente avec le jésuite Larue, à l'occasion de falsifications que celui-ci reprochait à la Bible de Genève. Le savant Huet s'en mêla, et ne put s'empêcher de donner tort au jésuite, qui avait montré une aigreur et une violence inexcusables. A la révocation de l'édit de Nantes, Benoît se réfugia à Delft, où il devint ministre de l'église walonne. Ce fut là qu'il vécut jusqu'à sa mort, arrivée en 1728. Il avait composé plusieurs ouvrages, dont les principaux sont l'Histoire de l'édit de Nantes; Delft, 1693-1695, 5 vol. in-4°, et l'Histoire et l'apologie de la retraite des pasteurs à cause de la persécution; Francfort, 1687, in-12.

BENOIT (Françoise-Albine Puzin de la Martinière, femme), née à Lyon en 1724, est auteur de plusieurs ouvrages, dont le plus estimé est celui qui a pour titre, les Lettres du colonel Talbert (1766). En 1757, madame Benoît

avait publié un journal en forme de lettres, dans lequel elle disait, en parlant des femmes de lettres : « Pourvu que l'État ni leurs maris n'en souffrent point, qu'elles donnent des citoyens à la patrie, je crois qu'elles peuvent aussi se livrer à la gloire de donner des enfants à la république des lettres. »

BENOÎT (le P. Jean), né à Carcassonne, en 1632, prit à dix-huit ans l'habit de Saint-Dominique, et acquit la réputation d'un prédicateur distingué. Il mourut à Toulouse, le 8 mai 1705, à l'âge de soixante-treize ans. Il s'est surtout fait connaître par son Histoire des Albigeois et des Vaudois, publiée à Paris en 1691, 2 vol. in-12. Il a aussi écrit une Vie de saint Dominique; cet ouvrage parut à Toulouse, en 1693, in-12.

BENOIT (Michel), jésuite de la mission de Pékin, naquit à Autun le 8 octobre 1715. Il dirigea ses études vers les mathématiques et l'astronomie. Avant de partir pour la Chine, il se perfectionna dans les sciences avec Delisle, de la Caille et le Monnier. Il était à Pékin en 1745. C'est lui qui introduisit en Chine l'usage des jets d'eau et de toutes les applications alors connues de l'hydraulique. Les Chinois lui durent aussi le télescope à réflexion, la machine pneumatique, et une foule d'instruments de physique et d'astronomie. Il fit, pour l'empereur KienLong, une mappemonde, sur laquelle il traça toutes les nouvelles découver tes, et fit corriger, d'après son travail, toutes les cartes et spheres de l'empire. Il répandit dans l'empire toutes les découvertes des astronomes européens. Ce fut lui qui fit graver la grande carte de Chine, par ordre de l'empereur, en cent quatre feuilles; il eut une peine infinie à former des graveurs, des imprimeurs en taille-douce, à construire des machines, et à triompher des préjugés et de la routine, mais enfin il parvint à surmonter tous les obstacles. Benoît mourut le 23 octobre 1774.

BENOÎT (René), le pape des halles, naquit à Savenières, près d'Angers, en 1521, Il s'annonça par une traduc

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tion française de la Bible publiée en 1566 (in-folio, Paris). Cette traduction, faite d'après la version de Geneve, souleva une vive opposition; on l'accusait d'hérésie. Benoît répondit à ces attaques souvent injustes, que les reproches qu'on faisait à son ouvrage venaient surtout des préjugés existant contre les traductions destinées à mettre l'Écriture entre les mains de tout le monde. « La langue française, disait-il, est-elle donc plus excommunice, pour parler chrétien, que la latine, ou autre langue quelconque? Son livre fut censuré en 1567. Benoît devint le confesseur de Marie Stuart et la suivit en Écosse. En 1567, il fut nommé professeur de théologie au collége de Navarre. Nommé curé de SaintEustache, en 1569, il acquit bientôt le surnom de pape des halles, à cause de l'influence qu'il exerçait sur ses paroissiens. Chassé de Paris par les Seize, en 1591, il se retira auprès de Henri IV et entreprit de le convertir. Benoît est un de ceux qui déterminèrent ce prince à embrasser le catholicisme. Après la conversion du Béarnais, il devint son confesseur, puis fut élevé à l'évêché de Troyes; mais le pape ne voulut jamais consentir à lui accorder ses bulles. Il mourut le 7 mars 1608.

BENOÎT (Vincent Vernier) naquit à Dôle, en 1769. Destiné d'abord à l'état ecclésiastique, il en fut bientôt dégoûté par la lecture des ouvrages philosophiques. Il fut employé dans diverses administrations, et obtint la confiance de Maret, qu'il accompagna dans ses voyages et dans toutes les campagnes où ce ministre suivit Napoléon. Après la bataille de Waterloo, il fut chargé de diriger les bureaux du gouvernement provisoire. Avant de quitter les Tuileries, il eut la précaution d'anéantir toutes les pièces dont la découverte aurait pu compromettre quelques personnes. Cependant il fut inquiété par la police royale, à cause de ses anciennes liaisons, subit une longue détention dans les prisons de Bourg, et fut ensuite mis en surveillance à Orléans. Après quoi il obtint

enfin la permission de revenir à Paris. Il fut, en 1817, l'un des collaborateurs de la Bibliothèque historique, et inséra dans ce recueil, contre le clergé catholique, un article qui donna lieu à un procès. Il mourut du choléra le 12 avril 1832. On a de lui: De la liberté des cultes et des concordats, 1818; De la liberté religieuse. Ces ouvrages ont eu quelque vogue, mais sont maintenant complétement oubliés.

BENSERADE (Isaac de) naquit en 1612, à Lyons-la-Forêt, petite ville de la Normandie. Sa famille était protestante; mais, peu de temps après sa naissance, son père, maître des eaux et forêts, abjura, et Benserade fut élevé dans la foi catholique. Venu à Paris, il y fit rapidement fortune : la vivacité de son esprit, sa gaieté, sa facilité à composer de petites pièces de vers telles qu'il en faut à une société ingénieuse et frivole, la prétendue parenté de sa famille avec celle du cardinal de Richelieu, lui valurent de la faveur, des pensions et de la renommée. Ses quatrains, ses rondeaux, ses sonnets, faisaient de lui un des héros de l'hôtel de Bourgogne. On sait quel bruit fit son sonnet de Job, et comment Voiture, en ayant composé un dans le même temps sur une belle du nom d'Uranie, le public se partagea sur le mérite des deux pièces avec une chaleur qui produisit la fameuse et puérile querelle des Uranistes et des Jobelins. Les deux pièces sont médiocres; toutefois, comme l'observe la Harpe, celle de Benserade roule sur une idée assez piquante, et la manière dont il rapproche et met au-dessus de la patience de Job celle d'un amant éprouvé par les plus cruelles rigueurs, est ingénieuse et délicate. Sous le cardinal Mazarin, Benserade conserva et vit s'accroître encore sa vogue et son crédit. Les libéralités d'une cour reconnaissante de l'art avec lequel il savait la flatter et l'amuser, augmentèrent assez son revenu pour qu'il pût se donner un carrosse, sorte de luxe qui semblait réservé exclusivement à la noblesse, et auquel les plus grands poëtes du dix-septième siècle ne pen

sèrent jamais. Sous Louis XIV, il enchanta tout le monde par les vers qu'il composa pour les ballets où les personnages de la cour et le monarque lui-même étaient acteurs. Il savait glisser dans les rôles qu'il leur destinait une foule d'allusions délicates à leur caractère, à leurs titres, à leurs amours surtout; souvent il fit reconnaître dans Louis XIV, sous les attributs d'Apollon ou de tout autre dieu de la fable, l'amant passionné de Lavallière; et ces indiscrétions, adroitement voilées, étaient, pour la cour et le souverain, un plaisir piquant. Aujourd'hui qu'elles ont dû perdre ce mérite, les poésies de Benserade ne nous paraissent pas aussi dignes d'admiration; cependant il ne faut point les traiter trop sévèrement, ni s'étonner que Boileau en ait parlé avec estime. Si le genre dans lequel elles sont renfermées est frivole et emprunte beaucoup aux circonstances, il faut reconnaître dans presque toutes la pureté, la souplesse et la grâce du langage. C'est une prose élégante et saine mesurée avec facilité. Benserade composa quelques pièces de théâtre qui eurent peu de succès. L'ouvrage qui lui a fait le plus de tort est cette singulière traduction d'Ovide en rondeaux, à laquelle il occupa sa vieillesse. Il mourut en 1691. Il était de l'Académie depuis 1674.

BENTABOLLE (Pierre) était avocat au moment de la révolution; il en adopta courageusement tous les principes. Nommé d'abord procureur syndie du département du Bas-Rhin, il fut ensuite envoyé par ce département à la Convention, y siégea parmi les montagnards, et vota constamment avec eux. Il contribua surtout à l'établissement d'une commission chargée d'examiner la conduite des généraux. Dans sa mission à l'armée du Nord, il destitua le général Hédouville, et chargea lui-même les ennemis à la tête des colonnes républicaines. De retour à Paris, il céda à des inspirations dangereuses, et la réaction thermidorienne le compta au nombre des plus terribles adversaires de Robes

pierre. Devenu, en 1795, membre du Directoire, il revint à ses principes républicains. Du reste, il mérita, par son extrême désintéressement et par ses efforts constants à demander la punition des dilapidateurs de la fortune publique, l'estime de ses ennemis mêmes. Toute sa vie fut honorable. Il ne commit qu'une faute, celle que nous lui avons reprochée, et qu'il reconnut lorsqu'il vit que la république allait succomber sous les intrigues des rovalistes. Il mourut à Paris, le 22 avril 1798.

BERA OU LA Berre, Byrra, petite rivière du Languedoc, qui se perd, après un cours de dix-huit kilometres environ, dans l'étang de Sigean. Charles Martel remporta près de ses rives une victoire sur les Sarrasins.

BERAIN (Jean), dessinateur ordinaire de la chambre et du cabinet de Louis XIV, naquit à Saint-Mihiel en 1630, et mourut en 1697. On a un recueil de gravures faites d'après ses dessins; elles représentent des arabesques, des ornements pour la décoration des appartements; ces dessins sont faciles, de bon goût, et témoignent d'une imagination féconde. Son fils Jean fut, comme lui, dessinateur. donna le plan des cérémonies funèbres faites à Saint-Denis à la mort du dauphin et lors des funérailles de Louis XIV. Il fit un grand nombre de dessins pour les sculptures dont on ornait alors les proues et les poupes des vais seaux. Il dessina aussi beaucoup de costumes pour les carrousels. Ces deux artistes, assez peu connus, méritent cependant de l'être, par leur talent et les utiles applications qu'ils suren en faire.

BÉRANGER (Pierre-Jean de). Ce homme dont le génie devait, par un genre de poésie tout nouveau, pre parer l'accomplissement d'une grande révolution politique et enrichir notre littérature, naquit, en 1780, dan la boutique d'un vieux tailleur, for pauvre et très-peu noble, malgré de placé devant son nom. Le poët a consacré dans ses chansons plus d'un souvenir à ce bonhomme qu

était son aïeul. Nous ne savons rien de son père et de sa mère, si ce n'est que leur vie était humble et précaire, et que, ne pouvant élever euxmêmes leur enfant, ils le confièrent à une tante qui tenait une auberge à Pé

ronne.

Garçon d'auberge, imprimeur et commis, voilà ce que devait être tour à tour un des poëtes dont notre âge s'honore le plus. Dans cette auberge il y avait quelques livres; cette tante, bonne et pieuse femme, n'était point lettrée, mais se trouvait avoir en sa possession plusieurs de nos chefs-d'œuvre, quelques volumes de Racine, de Voltaire, que le jeune homme lut avec avidité, et dont l'étude fut pour son intelligence un premier éveil. Sans instruction, il avait déjà une sorte de passion pour les lettres, lorsqu'il entra dans l'impri merie de Péronne, dont le chef, M. Laisney, homme aimant, esprit cultivé, apprécia et développa ses dispositions, lui fit prendre goût à la poésie, lui donna des leçons de versification et corrigea ses premiers essais.

Dans l'art des vers c'est toi qui fus mon maître, Je t'effaçai sans te rendre jaloux. Ainsi parle Béranger dans une chanson inspirée par l'émotion des souvenirs et de la reconnaissance. Bientôt après, il suivit les leçons que la jeunesse de Péronne recevait dans une école primaire fondée par un député de l'Assemblée législative. Là, son esprit avide de savoir acquit quelques connaissances nouvelles; mais on n'enseignait pas les langues anciennes dans cette école, et Béranger n'y reçut pas même les premières notions du latin et du grec qu'il ignora toujours. A dix-sept ans, sans ressources, sans appui, mais plein d'une ardeur que lui donnait la conscience de ses facultés, rêvant la gloire littéraire, il vint à Paris pour y chercher une place, en attendant qu'il pût vivre de sa plume. Il ne prévoyait pas les longs et cruels mécomptes que ses espérances allaient rencontrer. Des promesses auxquelles il ajoutait foi, n'étaient suivies d'aucun effet. Confiant dans les

forces de son esprit, mais incertain sur la direction qui leur convenait le mieux, il s'exerçait dans des genres peu faits pour lui, qui lui coûtaient beaucoup d'efforts, et où il n'arrivait qu'à des résultats médiocres : c'est ainsi qu'au milieu des embarras d'une vie passée à solliciter en vain, il composa une comédie intitulée : les Hermaphrodites, ouvrage faible, qu'il abandonna bientôt lui-même. Une erreur plus grande de sa jeunesse, ce fut un projet de poëme épique de Clovis. Le poëme épique fut mis de côté avec découragement comme la comédie. En 1803, la difficulté de vivre devenait plus pressante; Béranger commençait à se lasser des déceptions qu'il essuyait dans le monde et dans ses travaux lorsque Lucien Bonaparte, à qui il avait envoyé ses essais poétiques, l'appela, l'encouragea, et joignit à d'utiles conseils une procuration pour toucher le traitement de l'Institut dont il était membre. C'est Béranger lui-même qui nous a transmis la mémoire de ce bienfait dans la préface de son dernier recueil; il l'expose tout entier et l'exalte avec une vivacité et un attendrissement qui honorent son cœur. Bientôt, sur la recommandation de Lucien, il fut employé par M. Landon à la rédaction des Annales du Musée. Quelque temps après, une protection meilleure encore, celle d'un ami, lui procura une place au ministère de l'instruction publique, modeste, il est vrai, mais suffisante pour ses goûts modérés et favorable à son indépendance. Cette place de commis, due à M. Arnault, lui donna cette sécurité dont le talent a besoin, sans gêner chez lui l'essor poétique. Tandis que sa main seule copiait des dépêches, le poëte se livrait à ses heureuses conceptions. C'est alors que cet esprit ingénieux et profond, mais trop libre pour porter les entraves d'une entreprise étendue et régulière, et trop gai pour s'imposer longtemps le ton sérieux, adopta un genre où l'originalité était plus à l'aise et qui s'adaptait à son humeur. Il prit le genre où avaient brillé Collé et Panard; mais ses premières chansons, où il traitait les

mêmes sujets qu'eux, laissaient déjà loin celles de ces deux auteurs, parce qu'à la gaieté elles joignaient des observations de mœurs profondes et fines, et offraient un tour de style plus savant et plus fort. Bientôt, en présence des grands événements qu'enfantait la lutte de l'Europe contre le despotisme, et des sentiments de colère, de douleur ou d'espoir qui agitaient la France, son génie conçut pour la chanson un domaine plus vaste et un rôle plus glorieux. Il fit de la chanson l'expression des passions et des vœux du peuple, il la consacra à la défense des intérêts et des droits de la nation, sans renoncer à s'en servir d'une manière plus frivole et à célébrer, dans ses refrains, les amours et les plaisirs en disciple intelligent d'Epicure et d'Horace. Aussi, la variété parut-elle un des mérites les plus frappants des premiers recueils qu'il publia. Il chante le vin et sa maîtresse avec un aimable abandon; il s'indigne à la vue des étrangers auxquels on livre la France, et devient sublime en opposant la gloire de son pays à ses malheurs; il revient aussitôt après au rire et aux joyeux ébats, dont il tempère souvent la vivacité par une mélancolie charmante, et qu'il mêle à de pieux souvenirs ou à de généreuses et saintes espérances. Certes, on peut s'étonner que le même poëte soit l'auteur de la Bouteille volée, des Gaulois et des Francs, de la Gaudriole et de la Bonne Vieille. Rien n'égale la souplesse de ton avec laquelle Béranger passe d'une chanson de table à une ode politique du style le plus élevé, d'une bouffonnerie égrillarde à une élégie touchante. Quelquefois, dans les regrets que lui arrachent les défaites de la liberté, dans les leçons joyeuses et délicates qu'il donne à ses compagnons de plaisir, on retrouve un souvenir et comme une trace de la muse antique; il semble avoir ressaisi la pureté et la largeur des poëtes de Rome et d'Athènes, il possède la vigueur d'Alcée et la grâce d'Horace. En vain une éducation incomplète lui a laissé ignorer les plus beaux modèles: il se rapproche

d'eux, il est antique comme eux, parce qu'il est comme eux fort et simple, et il a le droit de s'écrier dans une de ses odes les plus admirées :

En vain faut-il qu'on me traduise Homère, Oui, je fus Grec; Pythagore a raison. L'enthousiasme que de telles publi« cations excitèrent s'augmenta encore quand les rigueurs du pouvoir essayèrent de réduire au silence cette voix trop libre. Condamné, malgré la spirituelle et puissante éloquence de M. Dupin, à trois mois de prison, Béranger vit se tourner sur lui les regards de la France entière, et cette détention fut un long triomphe, pendant lequel les témoignages les plus flatteurs de sympathie et d'admiration lui arrivalent de toutes parts. Rendu à la liberté, il entreprit, contre un gouvernement qui méconnaissait de plus en plus le vœu de la nation, une nouvelle campagne, et s'attira par de nouvelles hardiesses une autre condamnation plus rigoureuse que la première; mais, sous les verrous de la Force, il chantait déjà d'une voix prophétique le triomphe de la cause dont il avait été le courageux soldat. Nul ne salua avec plus de bonheur la liberté renaissante: mais le citoyen seul se réjouissait en lui; car il jugeait que sa carrière de poëte était finie avec l'ordre de choses qu'il avait combattu; il disait que la révolution de juillet avait détrôné Charles X et la chanson. Il changea d'avis quelques mois après, en voyant le nouveau pouvoir prendre une direction contraire aux espérances que nourrissait son âme de patriote. Cependant il ne rentra pas dans la lice, et se contenta de faire voir par quelques vers éloquents qu'il ne jugeait pas l'œuvre achevée. Croyant avoir payé sa dette à son pays, il aspirait au repos, et son cœur l'éloignait d'une lutte qui l'eût mis en péril d'être ingrat, puisque la plupart de ses amis et de ses bienfaiteurs avaient été portés par la révolution aux fonctions les plus hautes. Depuis huit ans il vit dans la retraite qu'il à préférée aux honneurs dont tout lui ouvrait l'accès. Il s'y occupe de la composition d'un ouvrage historique

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