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chef; à la mort de Leclerc, il revint en France. Au camp de Boulogne, il fut employé comme chef d'état-major du génie. Il commanda, en 1805, le 11e régiment de ligne, et, en 1809, devint général de brigade. Il assista à la bataille de Wagram, eut, en 1811, le commandement en second de Dantzick, et fit la campagne de Russie. Il commandait l'arrière-garde dans la retraite de Tilsitt. En 1813, il fut fait général de division. Au 20 mars 1815, le général Bachelu courut offrir le service de son épée à l'empereur; il se distingua aux Quatre-Bras, et reçut une blessure à Waterloo. Après le licenciement de l'armée, il fut arrêté à Paris par ordre du ministre de la guerre, resta quatre mois en prison, et fut ensuite exilé. Rappelé en 1817, il continua à faire partie de l'état-major de l'armée, jusqu'à ce que l'ordonnance royale de 1824 l'eût mis à la retraite. Depuis cette époque, le général Bachelu à fait partie de la chambre des députés, où il a constamment siégé sur les bancs de l'opposition.

BACHER (François-Marie), chargé d'affaires de France près la diète de Ratisbonne, commença sa carrière diplomatique en qualité de secrétaire d'ambassade en Suisse, sous Barthélemy. En 1795, il négocia l'échange de la fille de Louis XVI contre les représentants du peuple livrés aux Autrichiens par Dumouriez. Il réussit, mais ne déguisa pas ses sentiments contre-révolutionnaires. Barthélemy ayant été nommé directeur, Bacher représenta la France en Suisse. Sa manière d'agir et ses liaisons avec Barthélemy, connu comme royaliste, le firent soupçonner de trahison; ses papiers furent saisis; mais, comme il ne s'y trouva rien qui pût le compromettre, il fut continué dans ses fonctions. En novembre 1797, il présenta au sénat de Bâle une note dans laquelle il demandait la mise en jugement de quelques officiers suisses, qui avaient favorisé la marche des Autrichiens venant attaquer le pont d'Huningue. Chargé d'une mission diplomatique à la diète de Ratisbonne

pendant le congrès de Rastadt, il fut ramené aux avant-postes français après le massacre des plénipotentiaires de la république. Bientôt après, il fut envoyé comme commissaire dans les États de Naples et de Toscane. Après la révolution du 18 brumaire, il représenta encore la France à Ratisbonne; et, dans le mois d'octobre 1805, il remit à la diète des notes pleines d'énergie au sujet de l'agression de l'Autriche. Bacher, décoré de la Légion d'honneur pour sa conduite dans cette circonstance, se retira de la carrière diplomatique, et fut employé au ministère des affaires extérieures, d'où il ne sortit qu'à la rentrée des Bourbons, qui le mirent à la retraite.

BACHER (N.), marchand à Naples, conspira en l'an VII, dans le but de renouveler les vêpres siciliennes, en massacrant l'armée française qui occupait Naples. Le complot ayant été découvert, Bacher fut condamné à mort, et exécuté avec quelques-uns de ses complices.

BACHET (Claude-Gaspard), sieur de Meziriac, naquit à Bourg en Bresse, le 9 octobre 1581. Il passa une grande partie de sa jeunesse à Paris et à Rome. Dans cette dernière ville, il fit force vers italiens, ayant pour émule Vaugelas, qui s'y trouvait aussi à cette époque. Lorsqu'il était encore à Paris, il fut question de le faire précepteur du roi Louis XIII. Meziriac était si peu courtisan, et il avait tant d'amour pour l'indépendance, qu'une pareille proposition l'effraya. Il quittà brusquement la capitale, et il disait qu'il n'avait jamais été si en peine, s'imaginant porter déjà sur les épaules le lourd fardeau du royaume. De retour chez lui, à Bourg, il se maria. Son choix fut heureux à ce qu'il paraît, car il disait lui-même que c'était la meilleure chose qu'il eût faite en sa vie (*). Doué d'un esprit vif, naturel et très

(*) Le nom de cette femme mérite d'être retenu : c'était Philiberte de Chabeu, fille de Claude de Chabeu, écuyer, et de Péronne du Puget.

cultivé, d'une humeur douce et enjouée, il gagna l'estime et l'affection de tous ceux qui le connurent. Il était l'ami du poete Racan, dont il fit jouer les Bergeries à Bourg sur un théâtre de société, après avoir fait quelques changements à la pièce. En 1635, l'Académie française, qui venait de s'établir, le reçut au nombre de ses membres. Quoique sa santé fût généralement bonne, et n'eût été troublée que par quelques légères atteintes de goutte, il mourut jeune, n'ayant que cinquante-sept ans. Sa mort arriva le 26 février 1638. Meziriac fut, au rapport de Bayle, un assez bon poëte en français, en italien et en latin, un excellent grammairien, un grand grec, un grand critique. Il fut aussi philosophe, théologien et mathématicien. Voici la liste de ses ouvrages:

I. Problèmes plaisants et délectables qui se font par les nombres. Ce livre, le premier que publia Meziriac, fut imprimé en 1613. Onze ans après, l'auteur lui-même en donna une seconde édition corrigée et augmentée.

II. Diophanti Alexandrini Arithmeticorum libri sex, et de numeris multangulis liber unus. Nunc primum græce et latine editi, atque absolutissimis commentariis illustrati, auctore Claudio Gaspare Bacheto Meziriaco Sebusiano. Paris, 1621, in-fol. Pelisson dit que Fermat et tous ceux qui entendaient l'algèbre, faisaient grand cas de cet ouvrage; Vossius en a parlé avec beaucoup d'éloges; Descartes le tenait aussi en grande estime. Il n'en était pas de même de Malherbe. Un jour qu'il entendait louer extraordinairement ce livre comme fort utile au public, il demanda s'il ferait amender le pain. On eût pu adresser la même question au poëte, au sujet de ses odes.

III. Les Épitres d'Ovide en vers français, avec des commentaires fort curieux, par Claude Gaspard Bachet, sieur de Meziriac. Première partie. A Bourg en Bresse, par Jean Teinturier, 1626, in-8°. Cet ouvrage est celui qui a fait principalement la réputation de Meziriac. Če n'est pas

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à cause de la traduction, car elle est diffuse et dégénère souvent en une languissante paraphrase; la poésie d'ailleurs, en a vieilli, et depuis longtemps on ne la lit plus; mais les commentaires que l'auteur a joints à cette traduction font autorité parmi les savants. Une érudition riche et variée, une critique judicieuse, un style clair et aussi agréable que de pareilles matières peuvent le permettre, en rendront toujours la lecture utile et même attachante. Meziriac s'y montre surtout fort entendu à débrouiller les faits mythologiques, et à démêler, avec une merveilleuse sagacité, l'inextricable labyrinthe de ces généalogies enchevêtrées les unes dans les autres. Cet ouvrage était devenu une véritable rareté typographique, lorsqu'on en publia une nouvelle édition, augmentée de plusieurs opuscules du même auteur, tels que: une Epitre de la Vierge Marie à Jésus-Christ, en vers latins; des Poésics italiennes; la Vie d'Esope, tirée des anciens auteurs; un Discours sur la traduction, des Remarques sur l'origine du mot Lugdunum; des Remarques sur un passage de Pline (XXXIII, 3). Tous ces opuscules avaient été publiés séparément les deux derniers seuls étaient inédits. Cette nouvelle édition parut à la Haye, chez H. du Sauzet; 1716, 2 volumes in-8°. Ajoutons que, parmi les ouvrages que Meziriac se proposait de publier, si la mort lui en eût laissé le temps, se trouvait un Commentaire sur Apollodore, que l'auteur paraît avoir laissé en manuscrit, mais qui n'a jamais vu le jour. La vaste érudition mythologique et les autres mérites que nous avons signalés dans les Commentaires sur les épîtres d'Ovide, feront toujours regretter la perte du Commentaire sur Apollodore.

BACINETS, ancienne coiffure militaire, consistait en un chapeau de fer assez léger porté par les soldats, que l'on appelait aussi bacinets. Ainsi, Monstrelet dit : « Il y avait six bannières et deux cents bacinets. »>

BACLER D'ALBE (le baron LouisAlbert-Ghislain), peintre et ingénieur

géographe, naquit à Saint-Pol, le 21 cctobre 1761. Occupé de l'étude des arts lorsque la révolution éclata, Bacler en accepta les principes, et voulant en assurer les conséquences, il s'enrôla, et devint bientôt capitaine d'artillerie, pendant le siége de Toulon. Bonaparte, durant les campagnes d'Italie, l'attacha à son état major en qualité de directeur du bureau topographique, puis de chef des ingénieurs géographes. Il fut chargé, après la paix de Campo-Formio, de dresser la carte de l'Italie en cinquante-quatre feuilles. Devenu géné ral de brigade, il fut nommé, en 1813, chef du dépôt général de la guerre; mais la restauration lui enleva cette place, et Bacler se retira à Sèvres, où il se livra de nouveau à la culture des arts. Il s'occupa de la lithographie, et fit plusieurs publications qui popularisèrent cette précieuse découverte. Bacler mourut à Sèvres, le 12 septembre 1824. Parmi ses œuvres d'art, on doit citer plusieurs ouvrages lithographiés sur la Suisse, l'Espagne, etc, et surtout deux tableaux, les batailles d'Arcole et d'Austerlitz, auxquelles il avait assisté. Comme cartographe, Bacler d'Albe est au premier rang: il a publié dans le Mémorial topographique plusieurs dissertations sur la gravure des cartes; il a formé les artistes du dépôt de la guerre, qui depuis ont gravé de si admirables cartes. C'est lui qui a fait prévaloir la projection horizontale sur l'ancienne méthode perspective. A tant de titres, on doit ajouter le service que Bacler a rendu à la France, en empêchant les alliés de s'emparer des cuivres de la grande carte de Cassini.

BACO DE LA CHAPELLE était procureur du roi à Nantes, lorsqu'il fut envoyé aux états généraux en 1789. Travaillant surtout dans les comités, il ne prit la parole à la tribune qu'une seule fois, contre Maury. Toutefois, Baco n'embrassa pas franchement le parti de la révolution, et se déclara ouvertement contre la journée du 31 mai, ce qui le fit accuser de fédéralisme. Enfermé à l'Abbaye, il en sortit

après le 9 thermidor. Envoyé en qualité de commissaire par le Directoire exécutif, aux îles de France et de la Réunion, il n'y fut pas reconnu par les autorités du lieu, et fut même déporté aux Manilles. De retour en France après bien des obstacles, il fut quelque temps directeur de l'Opéra, place qui lui convenait beaucoup mieux que la première. Enfin, chargé de se rendre comme commissaire délégué à la Guadeloupe, il s'acquitta assez bien de sa mission, et mourut à la Basse-Terre, en 1801.

BACON (Alexandre-Mathieu), né à Verseville, dans le département du Calvados, était parvenu au grade de capitaine au 10 régiment de chasseurs, lorsque le 3 juillet 1796 il fut chargé d'enlever une batterie dont le feu nuisait à une division française. Il avait réussi à s'emparer de deux pièces de canon, quand il fut coupé en deux par un boulet, au moment où il s'élançait sur une seconde batterie, à la tête de cinquante hommes.

BACON (N.), s'engagea au commencement de la révolution, et se distingua dans la première guerre contre l'Espagne, à la prise de Bilbao, le 30 octobre 1798, et de Santander le 7 novembre de la même année. Au combat de Guinas, dans la province de Biscaye, où les Espagnols perdirent quatre mille hommes, Bacon se conduisit si bravement, qu'il fut cité par le maréchal Lefebvre. Le courage et les talents militaires de Bacon le firent nommer colonel du 63° régiment d'infanterie de ligne.

BACON (N.), cultivateur du Pas-deCalais, fut député par les électeurs de ce département au Conseil des cinq-cents. La journée du 18 fructidor le renvoya à la charrue. Quoique né dans les rangs du peuple, Bacon vota toutes les mesures contre-révolutionnaires. Il est resté ignoré depuis sa sortie du Corps législatif.

BACOURT, terre et seigneurie dans le duché de Bar, à 13 kilomètres de Château-Salins.

BACQUET (Jean), qui vécut au seizième siècle, était conseiller et avocat

du roi à la chambre du trésor, à Paris, et en même temps avocat au parlement. Il plaidait peu, compilait beaucoup et écoutait encore mieux. On le voyait toujours derrière le barreau, prenant note de tous les points remarquables des plaidoiries et arrêts, et poursuivant les avocats et les juges pour se faire expliquer ce qu'il n'avait pas bien compris. Pendant que personne ne faisait attention à lui, il entassait les matériaux de divers sujets relatifs au domaine royal. Il est auteur de plusieurs traités qui lui ont mérité l'honneur d'être le plus complet et le plus clair de nos domanistes anciens. On cite de lui une réponse maligne au jurisconsulte Chopin, qui lui reprochait un jour d'avoir pillé son traité de Domanio, écrit en latin assez barbare: « Je l'aurais bien voulu faire, « lui répondit Bacquet, mais il faut que je vous confesse qu'ayant voulu lire votre latin, je n'ai pu le comprendre.»> BADAJOZ (PAIX DE). Bien que ce traité ait été signé entre l'Espagne et le Portugal, nous avons cru devoir, en raison de ses conséquences, le mentionner dans ce dictionnaire. L'Espagne, depuis la paix de Bâle (1795), était devenue l'alliée fidèle de la république française; elle avait déclaré la guerre à la Grande-Bretagne, et dès l'année 1797 elle avait menacé le Portugal d'une invasion, s'il ne renonçait à l'alliance anglaise. Les négociations traînèrent en longueur jusqu'à l'établissement du consulat. Alors Bonaparte envoya son frère Lucien à Madrid,et bientot après Gouvion SaintCyr, pour håter la solution de la question. Le Portugal hésitant encore, une armée espagnole, soutenue par une armée française, envahit le Portugal, conquit l'Alentejo et força le Portugal à signer la paix à Badajoz, le 6 juin 1801. Le Portugal cédait Olivenza à l'Espagne, et plusieurs places sur la Guadiana, qui devint la limite des deux Etats; le Portugal consentait à ne plus recevoir les vaisseaux anglais dans ses ports du Tage et du Douro. Mais Bonaparte s'indigna de ce qu'on avait traité sans son ordre, refusa

de ratifier le traité et fit marcher contre le Portugal une armée sous le commandement du général Leclerc. Aussitôt l'ambassadeur de Portugal à Madrid se hâta de signer avec Lucien un nouveau traité qui ne différait en rien du traité de Badajoz. Alors Bonaparte y donna sa sanction, et le Portugal entra pour quelque temps dans l'alliance francaise.

BADAJOZ (prise, siége et bataille de).-La bataille de Geborra, gagnée par le maréchal Soult sur les Espagnols, le 19 février 1811, ouvrit à nos troupes les portes de Badajoz, capitale de l'Estramadure, où elles entrèrent le 11 mars. Deux mois après, cette ville fut investie par Béresford, général anglais, à la tête de trente mille hommes, que couvrait en outre une armée espagnole presque aussi nombreuse. A cette nouvelle, le maréchal Soult réunit ses forces pour secourir cette place, et s'avance contre Béresford. Celui-ci, à son approche, lève le siége, et se porte avec toutes les troupes anglaises, espagnoles et portugaises qu'il commande, en avant de Burgos, sur les rives de l'Alboïrra, petite rivière qui se jette dans la Guadiana. Le combat fut opiniâtre de part et d'autre et les pertes considérables. Les alliés laissèrent dix mille hommes sur le champ de bataille et les Français cinq mille. L'ennemi perdit ses positions et battit en retraite : cependant il célébra cette journée comme un triomphe. Le maréchal Soult, de son côté, s'attribua la victoire; et certes il en avait le droit, puisqu'il avait à regretter la moitié moins de monde que l'ennemi; puisque le champ de bataille lui était resté; puisqu'il avait atteint le but qu'il s'était proposé, de dégager Badajoz, et de faire entrer des secours dans la place. Toutefois, les chants de triomphe de l'ennemi eurent un fâcheux résultat pour les Français. Les cortès, qui étaient à Cadix, avaient envoyé une députation au roi Joseph, pour traiter de la paix; mais arrivés à Séville où ils apprirent que dans les deux camps ennemis on se faisait honneur du gain de

la bataille de Badajoz, les députés, jugeant que si la victoire appartenait aux Français, elle n'avait point eu de résultat décisif, hésitèrent d'abord à aller remplir leur mission, puis bientôt rebroussèrent chemin. Après avoir assuré la défense de Badajoz, Soult revint à Séville, où était son quartier général. Mais bientôt il fut forcé de voler de nouveau au secours de la place. Béresford avait opéré sa jonction avec Wellington, et, leurs forces réunies, ils avaient repris le siége de Badajoz et ouvert la tranchée. Deux assauts terribles furent livrés; mais la ville repoussa avec vigueur les assiégeants. Cependant Soult et Marmont s'étaient réunis à Mérida et marchaient contre l'armée anglo-espagnole. Mais Wellington, fidele à ses habitudes de retraite, ne crut pas devoir les attendre. Le 17 juin, il leva le siége et repassa la Guadiana. En vain Soult lui présenta-t-il la bataille, le général anglais la refusa, et rentra en Portugal.

BADAUD. Dans la basse latinité, le mot badare, que la langue italienne a conservé, signifiait l'action de regarder, faire attention, réfléchir; de ce mot dérivait le substantif badaldus, d'où vient le mot français ba daud. Si l'on en croit Furetière et ses copistes, badaud voudrait dire sot, niais, ignoraut, qui s'amuse à tout, qui admire tout. Il prétend qu'en vieux français bader veut dire « tenir la bouche ou la gueule ouverte et béante, » ce qui, suivant Lavater, serait un signe certain de bêtise, d'imbécillité, d'idiotisme. Il ajoute encore: « C'est un sobriquet injurieux qu'on a donné aux habitants de Paris, à cause qu'ils s'attroupent et s'amusent à voir et à admirer tout ce qui se rencontre en leur chemin, pour peu qu'il leur semble extraordinaire. » En 1642, Corneille disait dans son Menteur:

Paris est un grand lieu plein de marchands mêlés;
L'effet n'y répond pas toujours à l'apparence;
On s'y laisse duper autant qu'en lieu de France;
Et, parmi tant d'esprits plus polis et meilleurs,
Il y croit des badauds autant et plus qu'ailleurs.

En 1669, Molière, dans son Pourceaugnac, faisait encore dire à un

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provincial, parlant à des Parisiens, Eh! messieurs les badauds, faites vos affaires; » et depuis on n'a cessé de jeter cette épithète à la tête des Parisiens, de rassembler mille historiettes attestant toutes la frivolité des habitants de la capitale. Ainsi on cite un monsieur qui, arrivant à l'Observatoire après une éclipse, priait l'astronome de recommencer son expérience. Un autre trouvait que la Loire était une assez belle rivière pour une rivière de province. Un autre demandait à son domestique s'il était endormi. Oui, monsieur. C'est bon. Une Parisienne se plaignait de ne pas pouvoir se voir dormir dans la glace. Et tout récemment encore un admirateur de Napoléon, trompé par la rhétorique de M. Remusat annonçant la translation des cendres de l'empereur à Paris, demandait, avec une généreuse indignation, si les Anglais avaient brûlé le grand homme. On appelle ces gens-là des badauds, et l'on a grand tort: ce ne sont pas des badauds, ce sont des imbéciles ou des niais: il y a des imbéciles partout; or il n'y a des badauds qu'à Paris.

Le badaud parisien n'est pas un imbécile, c'est un observateur, fin, philosophe, cherchant des impressions et s'y livrant avec joie. Tous ces ouvriers qui, aux heures des repas et les jours de fète, se promènent dans Paris, admirant ses monuments, ses merveilles, flanant au Louvre, lisant les affiches, les proclamations, les avis du pouvoir, riant à la vue des caricatures chez Martinet, et s'extasiant devant le luxe des magasins d'orfévrerie, sont-ce des imbeciles, eux qui admirent les chefs-d'œuvre de l'art, eux qui s'intéressent aux actes du pouvoir, qui s'enquièrent de leurs droits et de leurs devoirs politiques? souvent tel badaud, debout devant une affiche blanche, est un pauvre diable qui lit une ordonnance de recrutement, et se prépare à verser son sang pour la patrie; ou bien, s'il rit à Martinet, c'est que là on ne paye pas, c'est que la liberté de la presse n'étant qu'une dérision pour lui, il va

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