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Séparer l'Église et l'État, abolir les délits de la pensée, détruire l'armée permanente commandée par le ministre de la guerre, et l'armée permanente de douaniers, de contrôleurs ambulants et sédentaires, de receveurs et de commis à pied ou à cheval que commande le ministre des finances, ce n'est pas faire autre chose que travailler à la liberté extérieure de l'homme; de même qu'établir l'instruction obligatoire, c'est travailler à sa liberté intérieure. Nous essayons, par ces divers moyens, de rendre la liberté effective et pratique, parce que nous sommes fatigués d'être déclarés libres, depuis quatre-vingts ans, par toutes les Constitutions et tous les plébiscites, et de ne pouvoir encore ni penser librement, ni travailler à notre guise, ni vendre à nos prix. Nous voudrions, s'il était possible, en finir avec les vérités convenues, et vivre de la vérité vraie, qui est le propre aliment de l'homme. Nous n'obtiendrons pas

de sitôt la suppression de la conscription; les concordats tiennent bon, quoique ébranlés; l'art. 8 de la loi du 17 mai 1819 sera maintenu, demain, à une forte majorité; mais conscription, concordats et délits de presse ont contre eux les télégraphes, les chemins de fer, la chimie reine des enchantements,

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et le peuple; l'instruction obligatoire fait des progrès de géant, même parmi les conservateurs; les articles 414, 415 et 416 du Code pénal sont abolis; quant aux anciens ennemis du libre-échange, ils l'acceptent en principe, et ne demandent qu'à atermoyer. Nous avons le marché commun, en attendant la paix universelle. La révolution pratique succède à la révolution théorique. Elle la fixe; elle la termine. La philosophie a trouvé deux auxiliaires, dont elle avait grand besoin, et qui la feront marcher vite, sans guerre civile le suffrage universel, et la chimie.

PREMIÈRE RÉUNION

DE L'ASSOCIATION

DU LIBRE-ÉCHANGE

DE BORDEAUX

LE 25 NOVEMBRE 1869

M. Jules SIMON :

Messieurs, comme mes collègues, je me suis empressé d'accourir à l'appel de votre Comité, et, comme eux aussi, je puis dire que je viens défendre au milieu de vous une cause à laquelle je suis dévoué depuis longtemps.

Il y a à présent vingt ans que je suis un défenseur du libre-échange: c'est vous dire que je connais les états de service de la ville de Bordeaux, et que je me rappelle les noms de M. Duffour-Dubergier et de beaucoup d'autres que je pourrais et que je devrais citer ici avec honneur.

Tout récemment, vous venez de publier deux documents qui resteront dans l'histoire de la lutte du libre-échange contre la protection: c'est d'abord le Rapport de M. Lalande, que vous avez tous lu avec le plus grand intérêt (oui! oui !), et que j'ai, pour ma part, non-seulement lu, mais étudié, comme vous le verrez tout à l'heure; c'est ensuite le Manifeste dont on vous a donné lecture à cette séance même.

Quand nous avons conféré, ce matin, mes collègues et moi, sur l'organisation de cette soirée, ils ont bien voulu me charger de reprendre et de développer devant vous les principes sur lesquels nous appuyons la légitimité de notre cause; par conséquent, ils m'ont condamné à ne rien dire qui ne vous soit parfaitement connu, et qui n'ait été dit avant moi. Ma seule excuse pour parler peutêtre un peu longuement, c'est que je ne parle pas seulement à l'assemblée qui m'écoute. Vous ne m'avez pas chargé de venir vous dire pourquoi, vous et moi, nous sommes partisans du libreéchange (sourires d'adhésion), mais de le dire, au milieu de vous, à ceux qui ne partagent pas nos doctrines, afin que mes paroles, fortifiées par votre assentiment, nous fassent quelques conquêtes, je ne dirai pas dans les rangs de nos ennemis, mais

parmi les incertains et les hésitants. (Oui! Trèsbien! très-bien !)

Le caractère de notre association est d'être une association libre-échangiste. Son but immédiat est de s'opposer à la dénonciation du traité de commerce avec l'Angleterre. Vous savez que ce traité n'est pas unique, et que nous avons une série de conventions analogues, dont les dernières expirent seulement en 1878. Un traité dénoncé, pendant que les autres subsistent, ne serait qu'une occasion fournie à la fraude. J'ajoute que notre situation actuelle, issue des déclarations du mois de janvier 1860, n'est à aucun degré le libre-échange; ce n'est, à proprement parler, qu'un acheminement vers le libre-échange. On a renoncé définitivement aux próhibitions, c'est un grand pas 'de fait; mais on a conservé le principe de la protection, en limitant le maximum des droits protecteurs à 25 %, et même pour la fonte à 30 %. Les tarifs cessent d'être dérisoires, et d'équivaloir, dans beaucoup de cas, à une prohibition déguisée; ils n'en sont pas moins des tarifs de douanes. Qu'il soit bien entendu qu'il ne s'agit pour nous, ni du maintien d'un traité unique, ce qui serait absurde, ni même de la conservation de tous les traités, mais de l'abolition entière et définitive des tarifs protecteurs. Loin d'amoin

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