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quent ce n'est pas en réalité sur le marché anglais que pèse le tarif protecteur, c'est sur les marchés français; c'est notre agriculture qui le paie; oui, c'est le travail de notre agriculture qui le paie! C'est notre vigne, voyez-vous, qui paie les cotonniers, et quand ils nous demandent de maintenir les priviléges dont ils jouissent, ils nous le demandent à nos dépens. Je dis en outre, je répète, que quand on nous force à payer un peu plus cher les objets de consommation, c'est un impôt qui frappe sur la masse ; que c'est surtout le prolétaire qui en souffre; je le dis très-haut, parce qu'il faut qu'on le sache. En vérité, ne voyons-nous pas tous les jours les villes prendre des mesures pour exempter de l'impôt les petits loyers? La ville de Paris exempte les loyers inférieurs à 400 francs; elle fait bien; c'est un cadeau de 2 ou 3 francs fait aux familles gênées. On prend à ces mêmes familles, par l'octroi, par le prix du coton et du fer, 50 fois, 100 fois plus qu'on ne leur donne. Laissons les expédients, allons droit au remède. Le remède en tout, c'est la liberté.

Non-seulement vous faites une faute économique et une faute politique en demandant des impôts sur la consommation. Mais vous vous obstinez à soutenir des doctrines perdues; l'octroi est mort, la douane est morte leurs analogues, qui sont les

armées permanentes et les lois répressives de la pensée, ne vivent plus que d'une vie factice, agonisante. Ce sont des spectres d'un monde passé, qui hantent encore le monde nouveau, et ne tarderont pas à s'évanouir. Oui, cette assimiliation est complète, elle est juste; la guerre à l'homme, la guerre à la pensée, la guerre à la richesse économique, c'est le même principe, c'est toujours la guerre. Savez-vous pourquoi j'avais tant raison quand je disais que toutes les libertés s'allument les unes aux autres comme des flambeaux par une divine contagion? J'avais raison, Messieurs, parce que c'est la guerre sous une triple forme, qui tue avec des chassepots, qui tue avec des inquisitions, qui tue avec des prohibitions. Les uns suppriment les individus, les autres les aliments du corps, les autres ceux de l'esprit ; et si nous voulons être les hommes de la paix, entendezmoi, pasteur (l'orateur se tourne vers M. le pasteur Martin-Peschoud placé près de lui sur l'estrade), si nous voulons faire des congrès de la paix qui soient autre chose que des échanges d'homélies, pardonnez-moi de le dire, faisons des congrès de la paix qui soient animés de la haine des armées, de la haine des prohibitions, et qui en finissent avec les armées et avecles tarifs sur les

conditions essentielles de la vie. Alors nous pourrons dire que nous ne sommes plus ni des douaniers ni des soldats, mais enfin des hommes. Voulezvous l'être, Messieurs, voulez-vous que les barrières disparaissent, voulez-vous sentir battre le cœur de l'humanité dans vos poitrines? eh bien, soyez des hommes de paix, soyez-le partout, dans la pensée, dans la vie civile et dans l'industrie. (La salle entière éclate en applaudissements enthousiastes, un grand nombre de spectateurs se précipitent sur l'estrade pour serrer la main de l'orateur et le féliciter.)

CORPS LÉGISLATIF

DISCUSSION GÉNÉRALE

DES INTERPELLATIONS

SUR LE

RÉGIME ÉCONOMIQUE

Séance du 19 Février 1870

M. Jules SIMON. Messieurs, la discussion à laquelle nous nous livrons a beaucoup d'aspects différents, et, dès l'abord, en commençant ma discussion, que je tâcherai d'abréger je crains bien qu'elle ne soit longue je rencontre plusieurs points de vue qui se combattent.

Par exemple, il peut être permis de penser que la conclusion de ce débat étant par avance connue

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