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Jongkind: Le Boulevard de Port-Royal, 4,000 francs; Honfleur, 6,200 francs; l'Embouchure du Merwelde, 10,900 francs; les Patineurs, 18,000 francs; Canal en Hollande, l'hiver, 5,500 francs; le Moulin, 8,500 francs; Port de Rotterdam, 13,000 francs.

Lépine Chevaux au pâturage, 3,000 francs.

Ed. Manet Jeune femme en blanc, 10,800 francs.

Claude Monet: La Promenade, 4,700 francs; la Mère Paul, 4,500 francs; les Pins parasols (Cap d'Antibes). 20,000 francs; le Parc de Pourville, 24,000 francs; Argenteuil, 10,900 francs. Berthe Morizot: Femme à l'éventail, 5,200 francs.

C. Pissarro Les Bords de l'Epte, 2,500 francs; le Champ de blé, 2,700 francs.

Renoir: Une Route à Barbizon, 5,100 francs; Têtes d'enfants, 3,200 francs.

F. Rops Étude de femme, 620 francs.

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A. Sisley La Route de Moret à Saint-Mammès, 5,500 francs: la Briqueterie, 3.600 francs; la Gelée à Louveciennes, 9,300 fr.; le Printemps après la pluie, 5.000 francs; a Mairie, 8,000 fr.; Port-Maly avant l'inondation, 13,000 francs; l'Inondation. 8,900 francs; le Givre, 6.700 francs; Saint Cloud, 8,500 francs; Hampton-Court, 8,700 francs; le Pont de Moret, 10,100 francs; la Neige à Louveciennes, 8.000 fr.; la Gelée blanche, 15,100 fr. James M. N. Whistler : L'Enfant, 14,500 francs, etc. Une aquarelle de Manet, La Femme au voile, a été adjugée 6,000 francs au Musée de Lyon.

PETITE CHRONIQUE

Le peintre W. Degouve de Nuncques, qui vient de passer deux ans et demi aux Baléares, rentrera en Belgique dans quelques jours. Il rapporte de son séjour dans l'île de Majorque une intéressante série de tableaux et d'études qui, exposée récemment à Barcelone, a été très élogieusement appréciée par la critique et par le public.

Mme Degouve de Nuncques (Julie Massin), qui accompagnait son mari, a, dans une suite de dessins en couleurs que réunira le prochain Salon de la Libre Esthétique, pénétré avec une singulière acuité et un goût raffiné le caractère spécial de cette contrée de rêve si poétiquement dénommée l'lle dorée.

Une vente d'estampes de Marcellin Desboutin a eu lieu en la salle Charles Vos, rue de la Putterie.

Parmi les belles gravures du maitre français que se sont disputées nos amateurs d'art figurait la célèbre série de cinq planches dites Les Fragonard de Grasse. Elle a été adjugée à M. Schleisinger pour 1,400 francs. D'autres planches remarquables ont été vendues à des prix variant de 100 à 300 francs, notamment au Musée des estampes, à MM. Van Cutsem, Max Sainctelette, Bivort.

Le peintre Hennebicq vient d'achever le tableau que lui a commandé la municipalité de Tournai pour orner la salle des mariages de l'hôtel de ville et qui a pour sujet Philippe-Auguste remettant aux Magistrats de la ville de Tournai la charte de 1187.

Aujourd'hui dimanche, au Waux-Hall, concert extraordinaire avec le concours de Mme G. Bastien, du théâtre de la Monnaie, qui chantera l'air d'Elisabeth (de Tannhäuser), la Fiancée du Soldat, de Chaminade, et un air de Samson et Dalila.

Dimanche prochain, 22 juin, à 3 h. 1/2, à l'Ecole de musique et de declamation d'Ixelles (directeur-fondateur: Henri Thiébaut; local Ecole primaire, 53, rue d'Orléans): Dix-septième conférence donnée par M. Paul Spaak. Sujet : Un conservatoire au XVIe siècle.

L'édilité de Saint-Josse-ten-Noode, avec des subsides du gouvernement et des autres communes intéressées, se propose d'élever un monument pour commémorer la distribution des eaux du Bocq dans les faubourgs.

Le règlement du concours pour les maquettes et plans s'originalise par des conditions nouvelles en la matière : C'est ainsi que le choix de l'emplacement du monument est laissé à l'appréciation de l'artiste. Des indemnités, pour frais d'étude, seront allouées aux concurrents évincés par le jury, mais dont le travail aura paru méritoire.

La Gazette fait au sujet des reproductions du Musée du Cinquantenaire cette réclamation que nous souhaitons vivement voir favorablement accueillie :

Il existe au Musée du Cinquantenaire - on ne le sait peut-être pas assez un atelier de moulages qui fournit des reproductions des chefs-d'œuvre de la statuaire et de la sculpture ornementale qui y sont rassemblés. Chacun peut se procurer là. à peu de frais, de fort belles choses.

Malheureusement, l'acquisition du moindre objet catalogué entraîne des formalités ennuyeuses. Il faut, pour entrer en possession d'un panneau, d'une torchère, d'un médaillon de quelques francs, adresser une demande spéciale, attendre une autorisation du ministre, qui se fait quelquefois attendre longtemps.

Pourquoi ce service n'est-il pas plus simplement, plus commercialement organisé? L'État ne cherche pas à tirer profit des moulages qu'il fournit de la sorte; il en évalue le prix à la rémunération du travail qu'ils lui coûtent; son but, en les mettant à la portée des particuliers, est de développer chez eux le goût des belles choses voilà qui est fort bien.

Mais dans quelle intention, alors, en soumet-il la livraison à des complications administratives, à une paperasserie qui dégoûte beaucoup d'amateurs ?

Monna Vanna passe le détroit. Sous les auspices du célèbre peintre Alma Tadema et de M Comyns Carr, critique dramatique du Daily News, la troupe de l'OEuvre donnera à Londres, avec le concours de Mme Georgette Leblanc, trois représentations du drame émouvant de Maeterlinck pendant les fêtes du couronnement, les 19, 20 et 21 juin.

Ces représentations sensationnelles, qui auront lieu sur l'une des grandes scènes de Londres avec le luxe que les théâtres anglais apportent à la mise en scène, mettent d'ores et déjà en émoi la Cour et la Ville.

Monna Vanna sera représentée l'hiver prochain en anglais. En outre, l'œuvre a été traduite en italien et sera vraisemblablement jouée par Mme Eléonore Duse.

L'Opéra-Comique de Paris, dont Pelléas et Mélisande achève triomphalement la saison, on a fait la semaine dernière 7.395 francs de recette et refusé plus de cent personnes. — prépare déjà le programme de sa prochaine campagne. Parmi les nouveautés que montera M. Albert Carré figurent la Carmélite de M. Raynaldo Hahn, Titania de M. Georges Hue et la Reine Fiamette de M. Xavier Leroux. On reprendra aussi Iphigénie en Tauride pour les représentations de Mme Rose Caron. C'est le Emma Calvé, réengagée de novembre à juin, qui créera la Carmélite.

Un Musée Falguière à Paris :

Mme Falguière, mettant à exécution la pieuse idée qu'elle avait conçue au lendemain de la mort de son mari, vient de transformer en un petit musée de ses œuvres l'un des ateliers de la rue d'Assas, où le grand artiste travailla pendant les dernières années de sa vie.

Nous apprenons avec plaisir le succès que remporte à Paris le peintre Alfred Hazledine, dont trois Puvres ont été acquises au Salon des Indépendants. M. Hazledine est invité à exposer un ensemble de ses toiles à la Société des Beaux-Arts de Dieppe, qui réunira des envois de Claude Monet, Camille Pissarro, etc.

Un comité vient de se former, sous la présidence de M. Henry Roujon, directeur des Beaux-Arts, en vue d'organiser à Paris une exposition complète des œuvres du maitre peintre-graveur Marcellin Desboutin, récemment décédé.

Le peintre Henry Lerolle achève en ce moment une importante décoration destinée à l'église de Brides (Savoie). Cette décoration se compose de trois grands panneaux formant triptyque et figurent le crucifiement.

M. Henry Krauss, le comédien distingué qui a laissé à Bruxelles les meilleurs souvenirs, vient d'être engagé au théâtre de la Porte-Saint-Martin où il jouera les grands drames à panache d'autrefois Paillasse, Le Bossu, La Tour de Nesles, etc.

Les éditeurs A. Durand et fils mettent la dernière main à l'impression du Cours de composition musicale de M. Vincent d'Indy. l'important ouvrage dont nous avons annoncé la publication. Ils ont bien voulu nous autoriser à donner aux lecteurs de l'Art moderne la primeur de l'« Introduction » dont M. d'Indy a fait précéder son traité.

Cette étude paraitra dans nos colonnes en septembre, précédant la mise en vente du premier volume de l'ouvrage.

La Société des Artistes décorateurs, créée à Paris il y a un an, vient de constituer une section dite «< Section de l'Art rustique », et, désireuse de mettre en vue les créations du paysan, que jusqu'ici les expositions industrielles ont dédaignées au profit d'objets de faux luxe, souvent moins sincères, prépare une exposition d'art rustique où ne seront acceptées que des œuvres originales portant le nom d'un ouvrier de campagne, et d'une inspiration réellement rustique. Dans ce but, elle fait appel à tous ceux qui s'intéressent aux manifestations de l'esprit artistique à la campagne et elle recevra avec reconnaissance les indications qui lui seront fournies sur les ouvriers et les paysans travaillant encore en province<< à leur idée» et faisant à la mode du pays >> des objets usuels et d'un caractère local.

Toutes les communications devront être adressées à M. Pierre Roche, sculpteur, 25, rue Vaneau.

On a inauguré la semaine dernière à Paris, au pavillon de Marsan (Louvre), les huit premières salles du Musée des arts décoratifs, ce qui représente à peu près le quart de l'espace qu'occupera ce Musée quand il sera définitivement installé.

A l'entrée on remarque des groupes d'animaux d'Auguste Cain et, sur le vaste palier formant galerie, l'exposition de la manufacture de Sèvres, des œuvres d'Emile Gallé et autres verriers modernes.

A droite de cette galerie, le XVIIe et le début du XVIIIe siècle, et, à gauche, la suite du XVIIIe jusqu'à l'art moderne, déroulent leur

histoire décorative: dessins de Huet pour la manufacture de Jouy, maquettes de Carriès, de Chéret, de Besnard, œuvres des céramistes contemporains, etc.

A l'étage au-dessus, l'art arabe, l'art persan, l'art japonais; là, les plus grands collectionneurs ont fait assaut de générosité, et la plupart d'entre eux ont prêté les plus belles pièces de leurs galeries.

C'est plutôt une exposition temporaire que la véritable installation du Musée des arts décoratifs, mais un tel ensemble et si joliment présenté ne peut que håter la solution des dernières difficultés qui retardent l'organisation définitive.

Les théâtres populaires : On a commencé à Oberammergau la construction d'un petit théâtre sur lequel les acteurs désignés pour les prochaines représentations de 1910 pourront s'exercer. On y donnera d'ailleurs tous les ans, en été, quelques représentations pour attirer les étrangers et faire d'Oberammergau un lieu de villégiature. Le potier Lang, qui figurait le Christ en 1900, a été à Bayreuth avec une famille anglaise qui l'y avait invité et est revenu enthousiasmé de Parsifal; il dit qu'il y a beaucoup appris et qu'il jouera, en 1910, le Christ beaucoup mieux que la dernière fois.

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VINGT- XIÈME ANNÉE.

N° 25.

22 JUIN 1902.

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Il est une ile singulière qui fait face à la berge de Billancourt, et dans laquelle je vais parfois me promener, le dimanche soir. On peut y admirer les danses et les agitations de quelques dizaines de couples saisis par une légère ivresse et secoués par une joie exultante et saccadée. Bientôt la nuit tombe et mon plaisir commence : sur le plancher inégal, poussiéreux et jaune du fait de trois lampes tremblantes, les quadrilles se dissolvent et perdent à chaque figure quelque danseur. La mélancolie qui monte du fleuve fait frissonner les jeunes femmes et trembler les lèvres des garçons à casquette... C'est alors

que les maigres bosquets de l'ile deviennent curieux à visiter. On y perçoit des gémissements, des soupirs à demi étouffés et, contre le tronc d'un saule, le bruissement continuel de la Seine qui s'épanche. Dans l'atmosphère humide flotte une odeur de vin médiocre et de tabac moisi, et le spectacle devient bientôt d'une lubricité assez navrante. J'entends un rire aigu, strident et mince, un bruit de brise, un juron, une branche et un busc de corset qui craquent. Je ne sais pourquoi, mais il m'a semblé voir de cette scène une transposition élégante et raffinée dans le dernier livre de M. Willy : Claudine en ménage, ou, plutôt, ai-je retrouvé dans cette histoire impudique et jolie le même plaisir triste et mêlé de dégoût que j'ai à regarder vivre le monde un peu spécial de l'ile dont je vous parlais. Oui, c'est bien cela! je reconnais l'odeur de mort, les relents de pourriture spirituelle, les tentatives de joie. De ce roman, qui est à mon avis très supérieur aux deux autres Claudine dont il forme l'ingénieuse et indécente conclusion, se dégage une mélancolie affreuse et, tout entier, il figure. une œuvre exquise en chacun de ses traits, mais sinistre à lire. Pourtant, il passe pour un livre gai.

Voilà qui serait excellent, en somme, et je sais plus d'une belle histoire d'amour depuis Manon jusqu'à Un Amateur d'ames et la Double Maîtresse qui nous donne cette même saveur de sensualité mortelle; d'ailleurs, pour citer le roman que j'ai entendu des gens de sens et de goût délié proclamer le chef-d'œuvre de la narration courte, la Femme et le Pantin ne nous montre-t-elle pas le masque le plus tragique et le plus horrible que puisse prendre l'amour? Mais ces livres ont

un caractère commun: on n'y trouve point de grivoiseries, et c'est à cause d'un certain air grivois que Claudine en ménage, avec un style délicat, une composition habile, d'indéniables qualités d'émotion et des caractères bien vivants, me semble être le fruit blet d'un mauvais arbre.

Voici qu'une impulsion galante se révèle à nouveau dans le roman français; bientôt on ne s'occupera plus du tout d'amour, mais seulement de gymnastiques amoureuses, et, de la première page aux dernières lignes, la lampe sera baissée et l'alcove ouverte. Hélas! ce sera tant pis. Qu'on fasse le compte de ce que ce genre littéraire nous a laissé : nous trouverons un seul nom, celui de Crébillon le fils, et encore je pense bien que personne ne lit ses ennuyeuses turlutaines pour un autre profit que celui de tacher à ravir le secret d'un style admirable. Tout le reste est allé à l'égout, et le nom même de cent auteurs d'ouvrages galants que les contemporains prisaient fort sont allés rejoindre les vieilles lunes sans que nous ayons gardé le moindre souvenir de leurs gentillesses. Or, qu'on le remarque bien : enlevez à Claudine les qualités de facture, de description et d'émotion, il restera une horrible petite chose dans le genre leste et retroussé.

Il y a dans ce livre deux parts à faire : l'une est composée des pages où l'auteur nous dit son amour pour la campagne, les occupations légères qui sont la menue. monnaie de la vie, la tristesse et les sourdes angoisses de l'amour; cette part-là est tout à fait exquise et parfois même belle; mais il y en a une autre où nous sont décrites des caresses trop prolongées, de mauvaises mœurs et des derrières de petites filles malpropres. Eh bien, je pense vraiment que cette part-là ne vaut rien. C'est tout ce que je voulais dire.

A. GILBERT DE VOISINS

LE NU DANS L'ART

Au sculpteur FIX-MASSEAU.

Il me tombe sous la main un article d'un certain M. Fenollosa qui fut tour à tour, parait-il, professeur à l'Université Impériale de Tokyo, professeur d'anglais et de littérature anglaise à l'École normale de cette ville, et eut à s'occuper, en qualité de commissaire du Gouvernement japonais, de l'organisation du musée des Beaux-Arts. Il est maintenant un des éditeurs des Selected Relics, grand ouvrage donnant des reproductions des plus belles et des plus intéressantes œuvres d'art connues actuellement au Japon.

Il aurait écrit un article (1) assez documenté, pour faire renoncer l'artiste japonais à la reproduction du nu, alléguant que le nu n'est qu'un état très passager dans les circonstances de la vie, que

(1) Dans le Far East.

ce ne doit être qu'un prétexte d'étude tout au plus, mais jamais un but ni le prétexte d'un tableau ou d'une statue qui veulent être des œuvres définitives. Nous connaissions depuis longtemps ces théories qui sentent le clergyman d'une lieue, et nous craignons bien que les Japonais ne les prennent au sérieux et rougissent désormais de leur nudité dans le bain, en désavouant leurs artistes, Kvonaga, Outamaro ou Houkousaï. Mais où la chose nous touche rait plus particulièrement si nous n'étions déjà émus par cette codification restrictive en matière d'art, c'est en voyant M. Fenollosa incriminer tout particulièrement la France et les Français, pour cette reproduction obstinée des nudités qui foisonnent à tous nos salons, et ratiociner sur ces œuvres qu'il stigmatise de décadentes.

D'abord, n'en déplaise à M. Fenollosa, l'état de nudité qu'il considère comme un état accidentel me paraît être aussi bien l'état naturel de l'homme et il était primitivement l'état normal, si l'on s'en rapporte à la Bible, chère sans doute à notre honorable contradicteur. Ce n'est qu'après la faute, qu'Adam et Ève ont rougi de leur nudité; peut-être pourrait-on en conclure que ce sont ceux qui pêchent le plus qui souffrent davantage de l'exhibition de leur personne. Quel bouc d'iniquités pourrait être ainsi M. Fenollosa! L'état de nudité est une confession physique et les corps immaculés devraient n'avoir rien à craindre du jugemen des hommes.

M. Fenollosa en vient à incriminer les Grecs qui ne se sont complu, dit-il, à ne reproduire le nu que vers le re et le me siècle seulement avant notre ère, c'est-à-dire à l'époque de décadence. Mais ce qui est décadence pour les uns n'est pas décadence pour les autres qui l'envisagent plutôt comme un raffinement; la décadence est parfois la conséquence d'un extrême dilettantisme. Il y a des critiques qui ont trouvé que le xvIIIe siècle en France était une époque de décadence relativement au XVIIe. Beaucoup ne partagent pas cette opinion; loin de là. Toujours est-il que M. le professeur à l'Université de Tokyô est tellement outré de la représentation de la nudité qu'il en vient à dire que les « hideuses nudités des colossaux Rubens, attestent l'absurdité de transplanter les types grecs chez les peuples et dans les climats du Nord».

Combien est grand l'exclusivisme de M. le professeur d'anglais, et comme il faut que sa haine de la nature l'ait aveuglé, pour qu'il n'ait pas été un moment émerveillé par la somptuosité et l'exubérance de santé qui ruisselle des toiles du maître anversois. Celuici a, dans son œuvre puissante, rassemblé toutes les richesses terrestres, les étoffes opulentes, les métaux, les joailleries, les fleurs et les fruits, tout ce qui reluit, tout ce qui étincelle, tout ce qui est une réjouissance pour les yeux. Il l'a généreusement répandu dans ses compositions et il était logique qu'il y ajoutât, comme complément indispensable, la chair de la femme qu'il a appréciée comme une merveilleuse matière, dont les nuances délicates et nacrées étaient à elles seules un festin pour son œil de coloriste. Rubens s'est complu à nous représenter fougueusement tout ce qui est bon dans la vie. Il nous rattache à l'existence par ce que la nature et le travail de l'homme ont donné de splendeurs. Honneur à lui! Monsieur, car s'il a magnifié la matière, s'il nous a démontré ainsi la promesse d'une joie terrestre, il nous a doté d'une figuration de beauté qui correspond à la race flamande, à son milieu particulièrement riche et fertile.

Oui, Monsieur le professeur d'anglais, les Van Dyck et les Jor daens sont des illuminateurs féconds et salutaires, qui resplen

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