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c'est le canal! Elle charrie les bateaux et les reflets des maisons. Gustave Kahn s'y embarque et il arrive à Amsterdam. En savant, en profond artiste, il dit le charme de cette ville, et cette fois il emprunte ses tons à Pieter de Hooghe ou à Van der Helst. Puis il chante les « ponts » et spécialement le Pont-Neuf. Et l'on croit feuilleter une collection de Callot. On voit défiler les poètes crottés, les filles folles, les tire-laine, les arracheurs de dents, les débitants d'herbes magiques, les vendeurs de libelles. Sur les tréteaux, il y a Mondor, vêtu en gentilhomme, Tabarin en cape courte et jaquette ample, avec son Marocain.

Le chapitre suivant est consacré aux « foires» descriptions curieuses, abondantes en détails. Puis Kahn s'occupe des églises et des beffrois, des places et surtout de la place Royale à Paris, puis des entrées de rois. Et tout cela amuse comme si l'on voyait passer des processions et des cavalcades. On n'est pas penché sur un livre on se trouve assis à une fenêtre ouverte, on voit des drapeaux, des oriflammes, des peuples en liesse, on entend des sonneries de trompes et des orchestres circulent dans les rues en fête.

La deuxième partie du livre est consacrée à la Rue d'Aujour d'hui.

Tout d'abord : « la rue des Utopies ». C'est l'histoire des projets de transformation que certains écrivains modernes ont voulu imposer aux villes, ou bien c'est la vision que les poètes de notre temps ont eue des cités. Très intéressant, le projet de bouleversement de Paris du docteur Tony Moilin, lequel fut fusillé en 1870. Notre-Dame, cathédrale encombrante, est rasée et remplacée par le Temple de la Religion socialiste!! Mais à côté de cette profanation stupide, voilà la première idée du Métropolitain, les premières applications du fer dans les bâtisses, et enfin des constructions extraordinaires de « passages ». Puis il y a Bellamy, lequel dans son Looking backward n'est pas plus vraiment neuf que Moilin. Alors M. Kahn étudie la ville moderne à travers les romans d'Emile Zola, les poèmes de Verlaine, de Rimbaud, de Baudelaire, de Poe, de William Morris. Étude pénétrante et très originale.

Le chapitre suivant parle de la Polychromie de la rue par les couleurs des façades, les affiches et la lumière. Il contient d'excellentes choses sur Chéret et son école, sur l'influence des bibelots japonais et anglais, sur le rôle du gaz, sur les céramiques, les ardoises, les briques, les pierres, le fer forgé. Il consacre des pages typiques à la ville de Bruxelles, dont il décrit l'architecture nouvelle. D'ailleurs, dans le chapitre suivant, Gustave Kahn étudie à fond le mouvement d'art bruxellois et analyse l'œuvre des Horta et des Hankar. Il fait un vif éloge de la Maison du Peuple et des habitations nouvelles qu'on édifie chez nous.

Enfin, après avoir écrit des considérations pittoresques sur les toits, le pavé, les tavernes, les fêtes modernes, M. Kahn est amené, pour donner une conclusion à son très intéressant livre, à présager l'esthétique citadine de l'avenir. « L'art de la rue sera, dit-il, l'aboutissement des recherches qui s'orientent vers la création d'un style nouveau. » Et embrassant dans un tableau d'ensemble les évolutions successives qu'ont amenées dans le décor intérieur des villes les régimes politiques et les transformations sociales auxquelles celles-ci ont été soumises, il dépeint l'aspect qu'offriront les cités dont la vie publique aura pris l'importance qu'elle tend de plus en plus à acquérir, dans un temps où les Maisons du Peuple et les théâtres populaires se seront multipliés, où l'adoption d'une journée de travail de durée uni

par cette

!forme aura créé à la masse plus de liberté. Et il termine vision qu'il déclare n'être point « rêves d'âge d'or >»: « Le loisir donnant le droit à de la vie intérieure, il est à croire que, dans un décor sobre et clair, des gens un peu septentrionalisés de coutumes et de costumes, antidéclamateurs, chercheront dans leurs manifestations, dans tous les objets qui les entoureront un cachet d'élégante utilité, parleront de sujets élevés avec le moins de rhétorique possible et qu'ils voudront autour d'eux, à côté d'une littérature d'idée, un art de sobriété sans boursouflures et sans emphase. » EUGÈNE DEMOLDER

TRAITS CARACTÉRISTIQUES
du génie de J.-S. Bach (1).

J.-S. Bach est né à la fin du XVIIe siècle et a vécu de sa vie artistique la plus intense pendant la première moitié du XVIII. Il n'a jamais quitté l'Allemagne. Il n'a donc pas subi directement l'influence des autres pays, et spécialement de l'Italie et de la France qui, à cette époque, brillaient par leurs écoles musicales. Son génie s'est développé dans un sens tout à fait germanique. Bach est, avec Wagner, le plus allemand de tous les grands compositeurs.

Mais encore faut-il délimiter le génie allemand et particulièrement celui du début du XVIIIe siècle. L'Allemagne d'alors ne formait pas un grand empire unitaire comme aujourd'hui. C'était un amalgame de royaumes, de grands-duchés, de duchés, de principautés, qui n'avaient guère de lien bien fort entre eux. A la tête de chacun de ces pays se trouvaient de petits princes, la plupart de religion protestante, qui protégaient les arts et les artistes et qui avaient leurs Capellmeister, auxquels ils accordaient des pensions ou des traitements qui leur permettaient de vivre.

L'Allemagne d'alors était protestante en majorité, et protestanie luthérienne surtout. Cette religion, nouvelle depuis le xvIe siècle, et qui s'était répandue rapidement, par suite de la dégénéres cence du christianisme du moyen-âge, qui désormais s'appelle catholicisme, avait trouvé en Allemagne un champ d'action très favorable et avait bientôt remplacé l'ancienne religion. Et comme toute nouvelle religion qui succède à une ancienne que l'on délaisse, elle avait, par ses grands principes de morale chrétienne régénérée, suscité parmi ses adeptes un grand enthousiasme.

A l'époque où Bach entra dans la vie musicale, la religion du grand propagandiste Luther était arrivée à son point culminant, surtout depuis que Louis XIV avait pris contre les protestants des mesures sévères qui les avaient forcés à fuir la France et à se réfugier dans les pays protestants. Le luthérianisme d'alors était très pur, très élevé, et d'autant plus respectable que le culte n'avait pas encore détruit la simplicité, la naïveté et la profondeur des croyances par l'étalage d'un luxe trop grand dans les églises. Le dieu de Luther était un dieu grand, puissant, fort, miséricordieux, mais peut-être trop puissant, en ce sens qu'il mettait pour ainsi dire à néant la volonté de l'homme en lui dictant, en toutes circonstances, ce qu'il avait à faire.

Bach avait été élevé dans le culte de ce dieu. Et comme luimême était un homme excessivement simple, naïf, pur et profon

(1) Extrait d'une conférence faite à la Section d'art de la Maison du Peuple de Bruxelles le 12 novembre 1901.

dément croyant, il est tout naturel que, dans la plupart de ses œuvres, il se soit inspiré de la divinité qu'il plaçait au-dessus de tout. La plupart de ses œuvres, en effet, sont des œuvres religieuses. Mais, comme l'idée que l'on se fait de Dieu est toujours plus ou moins influencée par le caractère que l'on a soi-même, il se produisit pour Bach, dans cet ordre d'idées, le phénomène suivant :

Jean-Sébastien était très doux. Sa biographie, ses portraits, tout le démontre. Sa bonté était absolue, et sa vie fut très heureuse, calme et tranquille, bien que sa famille fût très nombreuse: il eut vingt enfants! Aussi son Dieu est-il, comme celui de Luther, un être bon et miséricordieux, mais ce n'est pas un dieu farouche, terrible, annihilant la volonté humaine. C'est un dieu qui s'est pour ainsi dire dépouillé de sa toute-puissance, et qui l'a donnée à l'homme pour lui permettre de se développer de toute la force de son corps et de son âme. Bach se fait de Dieu et c'est là une chose naturelle à l'homme, et surtout à l'homme de génie une idée qui semble lui avoir été imposée par l'observation de sa propre personnalité. Il est donc un mystique, c'est-à-dire un homme qui croit profondément à l'existence d'un être supérieur, mystérieux. Mais ce n'est pas un mystique purement intellectuel et ascète. C'est un homme qui aime aussi la vie matérielle : il a le courage de l'affronter, en dépit de tous les obstacles, et par la pureté de son âme il réussit à se faire une vie de bonheur, à se créer une famille modèle, à devenir, en un mot, un véritable patriarche. Bach est donc un esprit calme, optimiste, peu enclin à la mélancolie et délicatement expansif.

Ces traits de son caractère se reflètent d'une façon admirable dans son œuvre. Prise dans son ensemble, elle constitue véritablement un triptyque, dont les trois panneaux représentent les différentes faces de son génie. Certains de ses Petits Préludes et quelques-unes de ses Inventions sont de vrais éclats de rire, sonores ou délicieusement perlés. Il me semble parfois que ses gentilles petites fugues, si finement dentelées, représentent une partie de cache-cache animée et toute pleine d'incidents; ses Suites françaises et arglaises, admirables de rythme, de coloris et de lumière, me donnent l'impression de paysages printaniers au milieu desquels évoluent des groupes de gracieux adolescents tout couronnés de fleurs et de feuillage frais. En un mot, les petites œuvres de Bach m'apparaissent comme la représentation de la vie de ses enfants. C'est le premier panneau du triptyque. Au centre, un second panneau, plus grand que le premier, présente un aspect plus grandiose, plus magnifique c'est le vaste ensemble des pures convictions chrétiennes de Jean-Sébastien, c'est l'épopée géante de ses conceptions religieuses, c'est le spectacle de ses graves et profonds sentiments de fervour, c'est le symbole de ses fortes convictions. Oh! cette Messe en si mineur, ce Magnificat! comme ces œuvres sont saines, puissantes, écrasantes de pureté, de sincérité et de foi : l'athée lui-même ne peut résister à leur enchantement. Et puis, la Passion selon saint Mathieu, cette œuvre de vie et de contrastes, étonnamment audacieuse, dans laquelle le divin et l'humain sont tour à tour si tragiquement et si radieusement représentés! Et cet Oratorio de Noël, si grand et si vivant dans son humilité, dans sa naïveté et sa grâce! Et ces exquises Cantates de Pentecôte, d'une exubérance si juvénile, d'une tendresse si joyeuse, si passionnée quelquefois, mais toujours si pure!... Telle est la partie centrale du triptyque.

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Il y a enfin un troisième panneau : Bach, à certains moments, se recueille, se replie sur lui-même, s'analyse inconsciemment;

et c'est alors qu'il exprime, avec une variété infinie, ses états d'âme, tantôt joyeux, tantôt doucement ou tendrement mélancoliques, tantôt graves, tantôt naïvement enjoués. Ses préludes et fugues du Clavecin bien tempéré sont l'exemple le plus frappant de cette analyse de soi, de cette expression spontanée et si vivante de sentiments personnels. Dans ses admirables pièces d'orgue, qui me paraissent trouver également leur place dans ce troisième panneau, le maître d'Eisenach, aidé par la puissance et par la diversité de l'instrument qu'il emploie, amplifie ses pensées et ses aspirations, leur donne plus de relief et de coloris et exprime ainsi ce qu'il sent, avec une intensité portée à son maximum.

Certes, la vie de Bach est assez mystérieuse pour nous, tant elle fut simple; mais je crois que nous pouvons la connaitre mieux que par ses biographes: car son œuvre, c'est sa vie, c'est lui-même. Et si nous étudions bien son œuvre, nous découvrirons ses pensées, ses aspirations, son idéal et nous vivrons dans la pure intimité de sa belle âme candide.

CHARLES VAN DEN BORREN

LES MUSÉES FRANÇAIS

Léon Frédéric.

Les collections de l'État français viennent de s'enrichir de deux donations considérables. D'une part, M. Thomy Thiéry, un Mauricien établi à Paris, amateur éclairé et ultra millionnaire, a légué au Louvre douze Corot, onze Delacroix, dix-sept Decamps, douze Jules Dupré, six Millet, six Isabey, onze Troyon, cinq Meissonier, douze Diaz, dix Théodore Rousseau, treize Daubigny, un tableau et une série importante de bronzes de Barye. L'ensemble du legs est évalué à neuf millions!

D'autre part, un amateur moins connu, mais qui rassembla un choix de fort beaux tableaux modernes, a légué au Musée du Luxembourg toute sa galerie. Or, et ceci nous touche de plus près, il avait commandé à Léon Frédéric trois panneaux destinés à décorer son appartement et symbolisant le Matin, le Soir et la Nuit. Commencés il y a un an, ces trois tableaux, qui comportent chacun un grand nombre de figures, viennent d'être achevés. Mais l'amateur n'aura pas eu la joie de les voir....

Avant de les expédier à Paris, où ils prendront place, au Musée, à côté de son triptyque Les Ages de l'ouvrier et de sa Vieille servante, l'artiste les a exposés pendant huit jours dans son atelier. Ce sont de fort belles compositions dans lesquelles Léon Frédéric affirme ses hautes qualités de penseur et de peintre.

Le Matin groupe de gracieuses figures d'enfants et de jeunes femmes sous des pommiers en fleurs, dans un paysage évocatif de la West-Flandre toits rouges illuminés de soleil, horizons déployés à perte de vue sur lesquels se silhouette quelque tour massive novée dans la brume. Tout est joie et clarté, et de jolis gestes flexibles s'harmonient à la gaîté du coloris, dont la patine du temps atténuera à coup sûr la crudité.

Dans une gamme plus chaude, un couple de vieillards, auréolé des lueurs pourpres du couchant, forme avec d'autres figures, graciles et ingénues, le centre de la deuxième composition, Le Soir. Fruits et fleurs. C'est la maturité de l'automne. Sous les pampres d'une véranda ouverte sur un paysage ardennais, la famille est rassemblée: famille idéale, symbole d'humanité plutôt, évoqué par des nus traités avec le souci de vérité et le sentiment mystique dont la fusion donne à l'art de Frédéric une si curieuse personnalité.

Enfin, La Nuit. A l'entrée d'un vallon dont la perspective fuit sous le ciel étoilé, des bergers sont couchés en des attitudes accablées, tassés les uns contre les autres comme les moutons qu'ils gardent. Une clarté de lune, douce et argentée, enveloppe le groupe plongé dans la paix du sommeil. De rêve et d'humanité,

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Comme tant d'autres, M. Henry Janlet subit l'hypnotisme de la Hollande. Il aime ses prairies plantureuses, ses eaux calmes, ses villages aux maisons en bois peint, ses moulins plantés le long des canaux comme de vigilantes sentinelles, et nul pays ne lui parait plus beau. La palette de l'artiste, sonore et vibrante, s'accorde avec l'harmonie grave des terrains, des ciels et des horizons. Ses brosses expriment avec force la plénitude de vie que dégagent les pâturages et les vergers. Apparentée à celle de Courtens, sa technique, un peu appuyée, a parfois des lourdeurs. Puis les plans ne s'espacent pas toujours avec assez de recul. Mais la vision est saine, la main ferme. Des Crépuscules finement observés montrent, par leur opposition avec un Matin blond et frais, que le peintre scrute et pénètre la nature jusqu'en ses intimités et ne se borne pas à en décrire le décor. Et ses Dunes de Katwyk, ses Villageois se rendant aux vêpres, ses sites des environs de Delft attestent une étude persévérante en même temps qu'une réelle sensibilité.

IPHIGÉNIE EN TAURIDE

Avec sa belle ligne expressive, sa pureté de style, sa noblesse et ses accents poignants, Iphigénie demeure, malgré le temps destructeur d'illusions, l'une des œuvres maitresses du théâtre lyrique Et le plaisir qu'on a éprouvé, la semaine dernière, à l'écouter au théâtre de la Monnaie a égalé celui que fit ressentir, il y a deux ans, sa première exécution. Le voisinage terrible du Crépuscule n'est pas fait pour en diminuer l'impression. Ce sont, l'une et l'autre, œuvres de la même lignée, orientées vers un idéal d'art semblable, exprimant toutes deux, avec des moyens différents, ce qui demeure éternel: la joie et la souffrance du cœur humain. Gluck apparait comme la racine du géant sylvestre dont Richard Wagner figure la luxuriante frondaison. Ne vous étonnez pas, si vous prêtez une oreille attentive aux récits de Pylade, aux plaintes d'Oreste, aux lamentations d'Iphigénie, de voir évoquées devant vous telles pages de la Valkyrie, de Siegfried ou du Crépuscule. Non point, cela va de soi, qu'il s'agisse de reminiscences. C'est dans la structure du mélos, dans l'adaptation à telle idée de telle formule sonore que git l'analogie, et surtout dans la concentration de toutes les ressources musicales et scéniques sur le drame intérieur, sur l'action psychologique qui se déroule parallèlement à l'affabulation extérieure. Le rapprochement est intéressant et instructif.

On sait que depuis le commencement de la saison, la reprise d'Iphigénie était annoncée. M. Gevaert, qui avait pris à cœur d'en surveiller les répétitions, tenait à lui donner une interprétation rigoureusement conforme aux traditions dont le Conservatoire garde pieusement le dépôt. De là vient, peut-être, que cette restitution paraît moins vivante que celle que nous donnèrent, naguère, les artistes laissés à leur propre initiative. Mme Bastien est, plastiquement, une fort belle Iphigénie, et son chant ne manque ni d'expression ni de chaleur, bien que le rôle soit bien haut pour sa voix de mezzo grave. On souhaiterait toutefois la sympathique artiste plus spontanée dans ses gestes et ses attitu des. Il semble que des légions de sculpteurs lui aient fait étudier devant une psyché chacun de ses mouvements et qu'elle se borne a répéter en scène la leçon apprise dans quelque atelier... Nous

la croyons femme à secouer tout ce bagage de convention et à se montrer elle-même, dans l'originalité de son tempérament.

Les rôles d'hommes sont fort bien tenus par MM. Imbart de la Tour (Pylade), aussi bon chanteur que tragédien expressif, et Albers (Oreste), qui donna notamment à la scène du deuxième acte une ampleur superbe. M. Grossaux remplaça, au pied levé, dans le personnage de Thoas, M. D'Assy indisposé, et se tira à son honneur de cette tâche périlleuse. La jeune personne chargée de représenter Diane pourrait évidemment chanter avec plus de justesse et la mise en scène imaginée pour son apparition en dessus de porte ne donne guère d'illusion... Mais dans son ensemble, t à part quelques ratages auxquels il sera facile de porter remède, la reprise d'Iphigénie, conduite avec autorité par M. S. Dupuis, offrit aux fervents de la musique de réelles jouissances. 0. M.

La Musique à Paris.

Premier Concert de la Société Nationale.

Le premier concert de la saison avait attiré à la Nationale un nombreux public de musiciens. Le programme, fort intéressant, ne comprenait, à part le premier et le dernier numéro, que des œuvres inédites. A tout seigneur tout honneur : c'est le Deuxième quatuor de Vincent d'Indy qui ouvre la séance. Sans prétendre découvrir cette œuvre déjà classique, toute de noble et pure beauté, disons tout au moins qu'il n'en est pas où la nature propre de chacune des cordes de chacun des instruments soit plus pleinement mise en valeur; chacune a sa voix et l'infinie variété des sonorités qui disent ou commentent la pensée du maitre, sans que la simplicité et l'unité de l'ensemble soient en rien amoindries, pourrait être l'objet d'une intéressante étude. Ensuite venaient trois pièces pour piano de Debussy: la première, Prélude, très élégante avec des gammes de tons entiers, des passages à mains croisées très pianistiques, un joli épisode pianissimo, comme en carillon, avec des cascades de fluides arpèges. Puis une sarabande, restée drôlement vieillotte sous ses harmonies ares, telle une aïeule qui aurait revêtu des étoffes Liberty. Enfin une toccata pleine de verve, où un chant hésitant des basses, bientôt nové sous des harmonies perverses, revient à l'aigu et se développe accompagné de fusées de gammes étranges et scintillantes. Gros succès. M. Vines a montré, dans l'interprétation de ces trois pièces, d'exceptionnelles qualités son jeu est pur. plein d'autorité à la fois et de charme, musical en un mot. Il a également joué une Suite de Glazounow, sur le nom SAS CHA, laquelle est construite tout entière sur un thème mi la mi do si la; sans être dépourvue d'intérêt, cette œuvre ne nous a paru très russe ni de pensée ni de couleur. Trois délicates mélodies de M. Bordes, chantées par Me Nelly Lombroso, complétaient la partie inédite du programme qui se terminait par le Quatuor (inachevé) de Lekeu, euvre fortement pensée, solide, un peu touffue, qui peut occuper une place honorable à côté de la belle Sonate pour piano et violon du même auteur.

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M.-D. CALVOCORESSI

A Verviers.

(Correspondance particulière de l'ART MODERNE.)

Avec son artistique maestria et son intelligente compréhension des choses d'art, notre ami Louis Kefer dirigea mercredi dernier le concert de la Société d'Harmonie.

Au programme de cette fête furent inscrits pour l'orchestre l'ouverture d'Egmont. très correcte d'exécution, et la suite de Schéhérazade de Rimsky-Korsakoff, œuvre nouvelle pour les Verviétois et dont généralement ils ont admiré l'originalité d'allures. la variété de rythmes, l'éclatante polyphonie. Les solistes y furent appréciés. C'étaient Voncken. Massau et autres professeurs de l'École de musique de Verviers.

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Un poète et critique français qui s'était surtout consacré, en ces dernières années, à divulguer l'art indépendant en organisant des expositions à l'étranger, M. Julien Leclercq, est mort à Paris. âgé de trente-six ans. Il fut l'un des fondateurs du Mercure de France et collabora, par des chroniques qui décelaient, en même temps qu'un écrivain distingué, un critique exactement renseigné, à la Gazette des Beaux-Arts.

Nous le vimes l'été dernier à Bruxelles, où il vint recruter des collaborateurs pour le grand journal international L'Européen dont il préparait la fondation avec le concours de diverses personnalités éminentes de la littérature, de la politique, de la sociologie et du droit. Sa mort sera vivement regrettée par tous ceux qui ont pu apprécier, outre son talent, la droiture et la serviabilité de son caractère.

Parmi les œuvres que laisse Julien Leclercq, citons un volume de vers, Strophes d'amant (1891), et trois pièces de théâtre : La Fin d'un rêve, La Vie sentimentale et La Nargue. Remaniée, celle-ci parut ensuite sous le titre définitif : La Misanthropie de Maxime Bourguès et constitue le meilleur de ses écrits.

Le peintre finlandais Edelfeldt a fait de lui un fort beau portrait qui figura à l'Exposition universelle de Paris 1900.

E. Onslow Ford

L'Angleterre vient de perdre un de ses statuaires les plus estimés, M. Onslow Ford, mort à Londres en pleine maturité, à quarante-neuf ans. Il avait étudié la peinture à l'Académie des beauxarts d'Anvers, puis à Munich, et ne se consacra que plus tard à la sculpture, qui lui valut la renommée. Au jury de sculpture de l'Exposition universelle de Paris, où il représenta l'Angleterre, la netteté de son jugement, sa cordialité et sa bienveillance furent unanimement appréciées.

Onslow Ford s'est particulièrement signalé comme portraitiste. Il fit les bustes de Gladstone, de Gordon-Pacha, de Rowland Hill, d'Irving et celui de la reine Victoria qui figura au Pavillon de l'Angleterre de la rue des Nations. On lui doit aussi divers monuments, notamment celui de Shelley, une Ophélie, un Écho, etc. Il prit part en 1895, par l'envoi d'une statuette et d'un buste, au Salon de la Libre Esthétique.

ACCUSÉS DE RÉCEPTION

POÉSIE

Elévation, poèmes, par JULIEN ROMAN. Bruxelles, 0. Schepens et Cie. ROMAN: L'Education amoureuse, roman illustré, par PAUL ANDRÉ. Paris, collection « Orchidée », Offenstadt frères.

CRITIQUE Opinions sur l'Art décoratif du temps présent à propos des Salons de 1901, par CHARLES SAUNIER. En-têtes d'Eugène Belville. Paris, éd. de la Plume. Etude littéraire et apologétique sur « Quo Vadis » de H. Sienkievicz, par J. SEMERIA, Barnabite. Traduction de J.-P. WALTZING. Bruxelles, 0. Schepens et Cie. Les Mannier, peintres officiels de la Cour des Valois au XVIe siècle, par ETIENNE MOREAU-NÉLATON. Quatorze illustrations; tirage à 200 exemplaires. Paris, Gazette des Beaux-Arts.

BEAUX-ARTS: Modern designs in jewellery and fans (Special Winter number of The Studio). Texte par G. MOUREY, A. ValLANCE, W. FRED, CHR.-F. MORAWE, F. KHNOPFF et G. BROCHNER. Soixante-dix illustrations en couleurs et plus de trois cents en noir. Londres, Ed. du Studio.

DIVERS Le Journal d'un Pestiféré, par LEON HENNEBICQ. Édition du Journal des Tribunaux. Bruxelles, Vve F. Larcier. Récits à mes enfants. La Légende de Bouddha, par HENRY ROUSSEAU. Bruxelles, Imp. X. Havermans.

THEATRE: Drames et comédies, par MARTIN SCHWEISTHAL (Le Tableau, Anne de Laval, Les Corsaires, Justice perdure). Paris, E. Flammarion.

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MUSIQUE Cinq lieder pour chant et piano (Éphémère amour, Chanson du matin, Reste belle, Odelette, Caprice), par ÉRASME RAWAY. Bruxelles, Breitkopf et Härtel.

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PETITE CHRONIQUE

L'État vient d'acquérir pour le Musée de Bruxelles cinq des œuvres de Paul De Vigne récemment exposées au Cercle Artistique, et notamment le buste de Liévin Dewinne et le joli fragment de Sainte-Cécile que nous avons particulièrement loué.

De son côté, M. Eugène Smits a fait don au Musée de son buste en bronze, l'une des œuvres capitales de l'exposition De Vigne.

Le développement qu'ont pris en Belgique les arts de l'industrie et de l'ornementation font rechercher à l'étranger les artistes qui en ont été les inspirateurs. Nous avons annoncé la nomination de M. A.-W. Finch comme professeur à l'Ecole des arts décoatifs de Helsingsfors (Finlande). Nous apprenons que M. H. Van de Velde vient d'ètre appelé à Weimar par le grand-duc de SaxeWeimar pour y organiser des ateliers d'art et orienter vers les idées nouvelles l'essor artistique du pays.

Après avoir été longtemps, grâce à F. Liszt, puis à Ed. Lassen, un foyer d'art musical d'avant-garde, voici Weimar voué à l'esthétique nouvelle de l'architecture, de l'ameublement et du décor.

M. Lugné-Poe montera prochainement au théâtre de l'OEuvre un drame inédit de Maurice Maeterlinck, Monna Vanna, dont le rôle de l'héroïne sera créé par Mme Georgette Leblanc si ses

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engagements lyriques lui en donnent le loisir. L'œuvre nouvelle de l'auteur de la Vie des abeilles, divisée en trois actes, a pour cadre une ville italienne au XVIe siècle et diffère complètement, par l'esprit et la forme, du théâtre précédent de Maeterlinck.

D'autre part, Pelléas et Mélisande (musique de Claude-A. Debussy) vient d'entrer en répétitions à l'Opéra-Comique et sera joué en avril. La lecture qui en a été faite la semaine dernière a produit sur les artistes une grande impression.

Voici la distribution complète de la Prise de Troie de Berlioz, opéra en trois actes et cinq tableaux dont la première exécution en Belgique aura lieu au Concert populaire du 9 février: Miles Paquot (Cassandre), Loriaux (Ascagne), Dalmée (Hécube); MM. Imbart de la Tour (Enée), Séveilhac (Chorèbe), Bourgeois (l'Ombre d'Hector; Priam), Grossaux (Panthée), Colsaux (Helenus). Les chœurs par le (Choral mixte et les choeurs du théâtre. A cause du bal du 8 février, la répétition générale est avancée d'un jour et fixée au vendredi 7. Pour les places, chez Schott.

Le quatrième concert Ysaye, fixé au 16 février, sera dirigé par M. Vincent d'Indy, qui conduira ses variations symphoniques Istar et, en première audition, la symphonie de G.-M. Witkowski, jouée pour la première fois, l'hiver dernier, avec un succès retentissant à la Société nationale. M. Paul Daraux, des Concerts Lamoureux, chantera le Poème de l'Amour et de la Mer d'Ernest Chausson et des mélodies. Le violoncelliste Hugo Becker complétera cet intéressant programme, terminé par le poème symphoni que Catalona, d'Albeniz.

Mile H. Eggermont, pianiste, et M. A. Zimmer, violoniste, donneront un concert à la Grande-Harmonie le mardi 28 courant, à 8 h. 1/2, avec le concours de Mme Feltesse-Ocsombre, cantatrice.

On annonce pour le 24 février un grand concert d'orchestre, donné à la Grande-Harmonie par M. Mathieu Crickboom, avec le concours d'Eugène Ysaye. Ce dernier jouera avec son brillant disciple le Concerto de Bach pour deux violons et orchestre.

La première représentation de la Maison, le grand succès actuel de l'Odéon, aura lieu, au théâtre Molière, le samedi 25, M. Munié étant obligé, pour épuiser son programme, de faire succéder les spectacles assez rapidement.

La dernière matinée de Au téléphone et de Une Blanche aura donc lieu aujourd'hui dimanche.

L'Association des auteurs belges (?) organise un congrès littéraire en vue de discuter tous les points qui constituent les principaux éléments des travaux littéraires d'expression française effectués en Belgique.

S'adresser pour renseignements à M. Henri Cats, secrétaire, 114, rue des Palais, Bruxelles.

M. Hermann Ritter, professeur d'histoire musicale au Conservatoire de Würzbourg, fait paraître chez l'éditeur Max Schmitz, à Leipzig, une Encyclopédie universelle illustrée de l'histoire de la musique qui embrassera en six volumes un exposé de l'art musical à toutes les époques et dans tous les pays. Le premier volume est mis en vente à mk. 4-50.

M. Pierpont Morgan vient d'acheter au libraire Quarich, de Londres, un psautier imprimé en 1459 par Fust et Schoeffer pour la somme de 26,000 dollars, soit 130,000 francs. C'est la plus forte cote qu'ait jamais obtenue un livre imprimé.

En souscription chez H. FLOURY, éditeur, 1, boulevard des Capucines, Paris.

ÉDOUARD MANET ET SON ŒUVRE

par Th. LURET

Tirage à 600 ex., dont 550 sur vélin (à 25 fr.) et 50 eur japen (à 50 fr.). Dans la même collection: E. Boudin, par G. COHEN, et A. Rodin, par L. MAILLARD.

Imprimé sur papier de la Maison KEYM, rue de la Buanderie, 12-14.

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