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ABONNEMENT: BELGIQUE, 10 FRANCS L'AN; UNION POSTALE, 13 FRANCS. LE NUMÉRO, 25 CENTIMES

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Depuis la Manifestation qui a fêté ma Vie et dont le souvenir reste sur mon âme comme une dorure éblouissante, je me suis appliqué au Devoir d'organiser l'Institution que j'y avais annoncée, et que je résumais en ce titre : LIBRE ACADÉMIE DE BELGIQUE.

J'en ai esquissé alors, tels que je les comprenais, l'esprit, les tendances, les rapports avec l'Académie Officielle existante, les espérances, l'activité, le mécanisme. Cet exposé a reçu une large publicité et n'a, à ma connaissance, soulevé aucune critique. Je crois donc qu'il peut être accepté comme directoire dans le présent et pour l'avenir.

M'occupant de sa mise en pratique, j'ai songé d'abord

à la composition inaugurale de la nouvelle Académie. Le choix m'a paru plus difficile que je ne l'avais entrevu, étant donné le nombre des personnalités qui, dans la remarquable effervescence où bouillonne actuellement la Belgique, représentent les idées d'avant-garde.

J'ai été amené, pour cette raison, à limiter ce choix parmi les soixante-douze membres du Comité, et, même parmi ceux-ci, j'ai, à mon très vif regret, dû me restreindre.

D'autre part, j'ai cherché à réunir, en proportions à peu près égales, des représentants des quatre ordres d'intérêts intellectuels qui étaient apparus dans la manifestation et auxquels le Prix devait être successivement attribué le Droit, la Littérature, les BeauxArts, les Sciences Sociales.

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Enfin, j'ai cru que la Jeunesse devait avoir sa place dans une œuvre symbolisant surtout la Nouveauté et l'Originalité dans l'évolution des idées.

Voici, en conséquence, comment il me semble que la LIBRE ACADÉMIE DE BELGIQUE pourrait être formée pour la première fois :

BRAUN, Alexandre, ancien Bâtonnier de l'Ordre des
Avocats à la Cour d'appel de Bruxelles, sénateur;
CLAUS, Émile, artiste peintre;

DE BAETS, Hermann, ancien Bâtonnier de l'Ordre des
Avocats à la Cour d'appel de Gand;
DEJONGH, Charles, ancien Bâtonnier de l'Ordre des
Avocats à la Cour d'appel de Bruxelles;
DEMOLDER, Eugène, homme de lettres;
DE MONT, Pol, homme de lettres;

DES OMBIAUX, Maurice, homme de lettres;

DESTRÉE, Jules, avocat à Charleroi, membre de la Chambre des représentants, homme de lettres; EEKHOUD, Georges, homme de lettres;

ELSKAMP, Max, avocat à Anvers, homme de lettres; ENSOR, James, artiste peintre;

FRÉDÉRIC, Léon, artiste peintre;

HALLET, Max, avocat à la Cour d'appel de Bruxelles,

conseiller communal;

HENNEBICQ, Léon, avocat à la Cour d'appel de Bruxelles, homme de lettres;

HEYMANS, A.-J., artiste peintre;
HORTA, Victor, architecte;

JANSON, Paul, ancien Bâtonnier de l'Ordre des Avocats à la Cour d'appel de Bruxelles, membre de la Chambre des représentants;

KUFFERATH, Maurice, musicologue, directeur du théâtre de la Monnaie ;

LA FONTAINE, Henri, avocat à la Cour d'appel de
Bruxelles, sénateur;

LEMONNIER, Camille, homme de lettres;
MAETERLINCK, Maurice, homme de lettres;

MAUBEL, Henri (Mme) [Blanche Rousseau], femme de lettres;

MAUS, Octave, avocat à la Cour d'appel de Bruxelles, homme de lettres, directeur de l'Art moderne; RAWAY, Erasme, compositeur;

ROBERT, Eugène, avocat à la Cour d'appel de Bruxelles;
ROUSSEAU, Victor, statuaire;

ROYER, Émile, avocat à la Cour d'appel de Bruxelles;
VAN DER STAPPEN, Charles, statuaire ;
VANDERVELDE, Émile, avocat à la Cour d'appel de
Bruxelles, membre de la Chambre des représen-
tants;

VERHAEREN, Émile, homme de lettres.

Les postes de Secrétaire et de Trésorier permanents et avec voix délibérative seraient remplis respectivement par M. Jacques DES CRESSONNIÈRES, avocat à Bruxelles, Président de la Conférence du Jeune Barreau, et par M. Charles GHEUDE, avocat à Bruxelles, membre du Conseil provincial, qui ont rempli ces fonctions auprès de votre Comité avec un zèle parfait.

Une remarque: C'est au vœu de quelques-uns de nos amis, très volontiers de ma part, et pour rendre hommage à l'idée féministe de plus en plus en faveur et si conforme à la Justice, que le nom de Mme MAUBEL (Blanche ROUSSEAU) a été substitué à celui de son mari, membre du Comité.

Je souhaite et j'espère que les choix ci-dessus de Jurisconsultes, de Littérateurs, d'Artistes, de Sociologues, recevront votre consécration et celle de l'opinion. Le nombre en pourra être modifié par l'Académie ellemême.

J'ajoute quelques indications pour le fonctionnement administratif.

Il me semble superflu de nommer un Président et de rédiger des Statuts en la forme habituelle.

A chacune des séances, le Président serait, ainsi que le Bureau, désigné d'après le moment et l'opportunité, apparemment avec la parfaite adaptation aux circonstances et le tact qui s'obtiennent aisément quand on n'est pas engagé dans les liens étriqués d'une réglementation et les arguties qui germent inévitablement des textes. Les décisions seraient prises après les discussions qui, lorsqu'elles sont loyales et libres, révèlent suffisamment la volonté d'une assemblée et, en général, rendent les votes inutiles.

Afin de conserver à l'Institution une plus grande fraîcheur de Vie je crois qu'il est bon que ses membres ne s'y éternisent pas et qu'un renouvellement par quart tous les quatre ans sera salutaire. On y resterait donc, au maximum, seize années, mais il n'y a aucun motif de ne pas admettre la rééligibilité après une absence d'au moins un des termes de quatre ans.

Tous les vides ou les augmentations de membres se feraient par cooptation.

Les séances, sauf celles relatives au choix pour l'attribution des prix, seraient publiques et les assistants y auraient voix consultative sous le contrôle du Bureau. Ces séances pourraient avoir lieu chaque fois qu'une question intéressant l'un des quatre objets fondamentaux de l'Académie paraîtrait le conseiller. Elle maintiendrait ainsi son activité et affirmerait son influence.

Le prix, qu'elle décernerait pour la première fois en 1903, ne saurait être considérable dans l'état actuel de ses ressources. Peu importe. Il faut qu'il soit surtout honorifique, qu'il atteste à celui qui l'obtiendra que sa mentalité apparait en accord avec les idées les plus progressives de l'Art et de la Science. Je ne puis m'empêcher de croire qu'un intérêt pécuniaire trop considérable offert en appât aux intelligences ne peut, malgré les meilleures intentions, que mêler des préoccupations sans noblesse aux efforts des Artistes et des Penseurs.

Pour ce que je ne dis pas ici, la LIBRE ACADÉMIE DE BELGIQUE restera maîtresse de se décider d'après les imprévus inévitables, sauf à respecter toujours l'Esprit d'en Avant qui a présidé à sa fondation et qui la justifie. Qu'Elle existe ainsi Ad multos annos! et qu'elle vive Omnia fraternè! EDMOND PICARD

GABRIEL MOUREY

Des hommes devant la Nature et la Vie (1). M. Gabriel Mourey est actuellement un des plus pénétrants et subtils critiques de la littérature française. On le sait aussi poète, romancier de talent, nouvelliste. Mais son livre récent, après Les Arts de la vie et le Règne de la laideur, l'affirme à nouveau critique.

(1) Paris, P. Ollendorff.

Nous avons pris grand plaisir à lire Des hommes devant la Nature et la Vie. Celui qui a écrit ces choses, loin d'être le critique grincheux, morose, vindicatif qu'on rencontre souvent, se montre écrivain sensitif et enthousiaste. Il y en a qui reprochent à la grâce de n'être point la grandeur, à la finesse de n'être pas la puissance. M. Mourey, lui, comprend et admire l'élégance adorablement féminine d'un Helleu et le prodigieux génie d'un Rodin. Sa compréhension est souple et profonde. Il entre dans l'âme des artistes dont il parle, il ouvre leur cœur. Au fond, il ne les critique pas il les explique. Et il le fait avec joie, avec bonheur, avec une honnêteté d'art qui s'exalte. On l'écoute avec plaisir parce qu'il parle franchement et cordialement et qu'on sent qu'il éprouve le besoin de clamer son admiration devant les belles œuvres. Ses pages ne sont pas voulues, elles sont senties! Voici ce qu'il dit, entre autres, de Rodin : « On l'a souvent comparé à Michel-Ange. C'est, en effet, avec le colossal créateur de chefs-d'œuvre que Rodin a le plus d'analogie. Oui, il y a chez Rodin ce que Delacroix appelait si justement: la turbulence sombre de Michel-Ange, ce je ne sais quoi de mystérieux et d'agrandi qui passionne son moindre ouvrage. C'est vers le même but qu'il s'efforce, c'est vers la conquête du même idéal qu'il marche dégager de la vie son éternel mystère, le secret des forces intérieures qui l'animent; faire jaillir de la forme pure, de la matérialité précise du corps humain dans son perpétuel frémissement la lumière divine qui s'y cache et que tant d'yeux sont impuissants à voir; révéler le rythme invisible, mais non moins réel que leurs formes extérieures, des êtres. N'est-ce point là. après tout, le principe même de tout art supérieur, qu'il s'agisse de peinture, de musique ou de littérature? >>

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M. Mourey analyse ainsi quatorze artistes bien différents, puisqu'on y trouve, à la suite de la magistrale étude consacrée à Rodin, l'aigu Steinlen, cet illustrateur de l'enfer parisien, ce révolté plein de pitié, ce « destructeur » vibrant," puis Charles Cottet, le coloriste mélancoliqne de la Bretagne, dont l'art poignant est admirablement décrit, puis Fritz Thaulow, « le peintre de l'eau courante, de la neige et de la nuit »>, Paul Helleu, l'élégant dandy de la pointe-sèche parisienne, Paul Renouard, un illustrateur fougueux de la vie contemporaine, — le mystérieux Henri Le Sidaner, Gaston Latouche, — Aman Jean, Auguste Lepère, John-White Alexander et Jean-François Raffaëli, dont M. Mourey scrute avec perspicacité l'œuvre abondante, riche en efforts de toutes sortes.

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C'est, on le voit, une belle galerie que ce livre. Deux peintres belges y sont représentés : Emile Claus et Albert Baertsoen (1). La vision claire du premier, le recueillement flamand du second font l'objet de deux chaleureuses études. M. Mourey les a bien compris: d'ailleurs, cet écrivain parisien s'occupe beaucoup des nôtres et il parle en termes admiratifs du mouvement des XX et de la Libre Esthétique: « La révolution artistique », dit-il, «< allait de pair avec la révolution littéraire que menaient des revues, des journaux, comme la Jeune Belgique et l'Art moderne, pour ne citer que les plus connus. La fondation du Salon des XX, auquel succéda la Libre Esthétique, qui est devenue, grâce à l'initiative audacieuse de son principal organisateur, M. Octave Maus, une des manifestations d'art annuelles les plus suivies, est leur œuvre. Le public s'y accoutuma à une compréhension autre, sinon absolument

(1) Nous avons publié le chapitre consacré à Albert Baertsoen dans notre numéro du 20 octobre 1901.

nouvelle, de l'art; réfractaire d'abord à certaines audaces dont la raison lui echappait et dont il était de même incapable de deviner le but, il se contentait de sourire et de hausser les épaules, ce qui est la façon habituelle des ignorants qui ont l'orgueil de leur ignorance. Mais peu à peu un mouvement parallèle s'étant créé en littérature et en musique, la culture générale s'étant affinée et enrichie, ces nouveaux modes d'expression s'imposèrent; on consentit à accepter certaines formes de pensée et de style, certaines harmonies, certaines subtilités de coloration qui avaient d'abord révolté l'esprit et choqué le regard; on apprit à en jouir en les ressentant, à les ressentir en les comprenant. » EUGÈNE DEMOLDER

A la mémoire de Peter Benoit.
De Schelde, oratorio historique.

On a fait à Peter Benoit, dimanche dernier, à l'Alhambra, de somptueuses funérailles. Pieusement, M. Gustave Huberti conduisait le deuil.

La pensée de faire revivre le souvenir de celui qui incarna l'âme populaire des Flandres est touchante, et le concours de chanteurs néerlandais et germaniques venus d'Amsterdam, de La Haye, de Leipzig et de Breslau donna à la solennité le caractère qu'eût certes souhaité le maître. Bien disciplinés, les chœurs de l'École de musique de Saint-Josse-ten-Noode-Schaerbeek ont interprété avec justesse et avec éclat les ensembles vocaux qui forment l'essentiel de la partition inscrite au programme. Et la sympathie chaleureuse du public pour le compositeur défunt, manifestée par des applaudissements et des rappels, récompensa le généreux effort réalisé par M. Huberti.

On ne peut se défendre, toutefois, de constater combien l'œuvre de Benoit s'éloigne, dans le recul du temps, de l'idéal musical moderne, sans qu'un lien solide la rattache aux grandes pages du passé. L'Escaut, écrit sur un poème d'Emmanuel Hiel dont la puérilité, le peu de cohésion et l'absence d'intérêt sont flagrants, renferme quelques pages d'inspiration chaleureuse et des élans lyriques qui décèlent une nature expansive, cordiale et ardente. Mais l'invention musicale est d'une indigence qui surprend. Les idées sont répétées à l'infini sans que le compositeur développe aucune d'elles. La seconde partie, par exemple, qui décrit les gloires du passé flamand, est construite sur le Wilhelmuslied, chant superbe qu'on s'attend à voir traiter symphoniquement. Il paraît à l'orchestre, disparaît, reparait, s'éloigne, revient, éclate dans les chœurs sans que jamais le musicien songe à en tirer musicalement un parti.

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Malgré le déploiement formidable de son orchestre et de ses masses chorales, De Schelde garde la forme du lied, un lied entonné par trois cents personnes. Sans doute est-ce là ce qui lui valut le succès qui l'accueillit dans le peuple anversois. Par l'ingénuité de son inspiration, Benoit trouva dans le cœur des humbles des correspondances; et la voix des enfants, et celle des ouvriers, des bateliers, des pêcheurs propagea le long des rives du fleuve les mélodies de celui qui les écrivit pour eux, dans la sincérité de son âme simple, sur des vers écrits dans leur langue. L'innocence de cet art rudimentaire jure avec l'aspect d'une salle de concerts. Et le mot « oratorio historique » paraît bien gros pour ce qui n'est qu'une cantate de plein air tracée au courant de la plume dans le mode populaire.

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Le Cercle Pour l'Art a ouvert la semaine dernière sa dixième exposition. Elle renferme bon nombre d'œuvres intéressantes, parmi lesquelles, en premier lieu, une Fontaine monumentale (Les Sœurs de l'Illusion) due à M. Victor Rousseau et dont M. Max Hallet, conseiller communal, a avec raison proposé à la Ville l'acquisition; deux toiles superbes d'Eugène Laermans : Un Paria et Le Bain; de vigoureux morceaux de peinture d'Alfred Verhaeren; trois œuvres du regretté Alexandre Hannotiau; des décorations de Fabry; des intérieurs flamands d'Omer Coppens; de jolies illustrations d'Amédée Lynen; de curieuses évocations de René Janssens; une grande composition et de beaux dessins de Firmin Baes; des sculptures de Braecke, Boncquet, De Rudder, etc.

Bref, un ensemble varié que dénombre un élégant catalogue illustré et dont nous reparlerons.

THEATRE DU PARC

L'Enigme, comédie en deux actes, par PAUL Hervieu. Si à la description topographique que nous donne minutieusement M. Hervieu du castel de Gourgiran il avait jugé à propos de joindre quelques éclaircissements sur la psychologie des personnages qu'il met en scène, il nous eût sans doute intéressés à la tragique aventure dont il décrit les péripéties. Mais nous ne connaissons ni les uns ni les autres de ses héros. Si nous savons que Raymond et Gérard sont impulsifs et violents, l'âme de Léonore et celle de Gisèle nous demeurent hermétiquement fermées, de même que celle de Vivarce. Et, chose singulière, dans ce drame d'amour, c'est l'amour qui demeure à la cantonnade!

Il le fallait, dira-t-on, car si l'auteur nous eût, en un premier acte, instruit des causes de l'inclination de Léonore, les spectateurs eussent connu d'avance le mot de l'énigme. C'est donc que M. Hervieu a préféré le divertissement d'une devinette à l'exposé logique et clair d'une situation passionnée, et ceci nous parait diminuer la valeur de son œuvre. Tel quel, le jeu a plu aux Parisiens. Il a été moins goûté à Bruxelles, où la question de savoir à qui, de Léonore ou de Gisèle, le suicide de Vivarce enlève un amant, n'a paru passionner personne. Et vraiment, Bruxelles paraît avoir assez bien jugé l'Enigme en n'y voyant qu'une comédie bien écrite, adroitement composée, d'une belle tenue littéraire, mais sans grande portée et, somme toute, d'intérêt secondaire. La Course du flambeau avait mis le nom de M. Hervieu si haut que l'Enigme nous a plutôt apporté quelque décep

tion.

L'ombre d'Alexandre Dumas plane sur les théories qu'abrite le manteau de la cheminée seigneuriale des Gourgiran. «< Tue-la! Tue-le! Tue-les! » Une morale sauvage et sanguinaire ressort, malgré les discours réprobateurs du marquis de Neste, de ces deux

actes << véristes », vraiment trop absolus dans leur synthèse. C'est peut-être pour tenter de l'excuser que l'auteur se garde de révéler tout détail qui puisse rendre les amants sympathiques. L'adultère auquel s'abandonne Léonore, c'est l'Adultère, par un A majuscule. Un point, c'est tout. Mais cette généralisation a pour effet de nous désintéresser du conflit que fait surgir la fatalité. En amour, comme en toutes choses, c'est le cas spécial qui nous attire, et si le théâtre synthétique nous émeut, c'est à la condition de concrétiser les idées qu'il proclame dans des entités physiques qui reflètent nos propres sensations et nos propres pensées. Faute de quoi on tombe soit dans l'abstraction philosophique, qui n'est point du domaine de la scène, soit dans le faitdivers, qui relève de la presse quotidienne. Et j'ai grand peur que malgré ses réels mérites de facture, l'Enigme ne dure pas beaucoup plus qu'une gazette d'actualité.

Très bien jouée, mise en scène avec goût, la comédie nouvelle de M. Hervieu n'en a pas moins fait quelques belles soirées au Parc. Et Mmes Alice Archaimbaud et Van Doren, MM. Paulet, Jahan, Gonnot et André-Hall ont droit à des éloges égaux pour le talent qu'ils ont déployé dans ces deux actes mouvementés et tendus.

Iphigénie en Tauride de GŒTHE.

M. Georges Dwelshauwers a, jeudi dernier, dans une excellente conférence dite avec une chaleur communicative, résumé à grands traits le génie de Goethe, qui unit l'émoi de l'humanité à la pureté des formes classiques, et présenté au public, dans ses quatre versions, cette Iphigénie en Tauride dont il a écrit une traduction fidèle serrant le texte original jusqu'en sa coupe rythmique.

Dans un prochain article, nous analyserons l'œuvre, qui ne peut tarder à prendre rang dans le répertoire du drame classique. Bornons-nous à constater aujourd'hui que le succès qui l'accueillit aux matinées du Parc fut tel que la direction l'a inscrite au programme d'une de ses prochaines soirées.

L'interprétation que lui donnent Mme Van Doren (Iphigénie), Revel (Oreste), Renoux (Pylade) et Jahan (Thoas) est des plus consciencieuses et, en quelques-unes de ses parties, remarquable. 0. M.

" SIEGFRIED » A PARIS (1)

Ceux qui aiment Wagner peuvent actuellement s'offrir une satisfaction rare en allant entendre, à quelques jours d'intervalle, Siegfried à l'Opéra de Paris et le Crépuscule des dieux au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles. Cette audition successive des deux dernières journées de l'Anneau du Nibelung a ceci de tout à fait précieux qu'elle permet de mieux saisir l'indivisibilité de l'œuvre entière et que chaque spectacle devient plus émouvant parce que l'on a entendu l'autre. L'admirable personnage du Voyageur, dans Siegfried, la scène des Nornes, celle entre Brunnhilde et Waltraute; celle encore d'Albérich et d'Hagen dans le

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