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effets de la succession, la délivrance de ces effets sans appeler l'héritier, a été condamné envers cet héritier aux intérêts des sommes d'argent dont la délivrance lui avait été faite, du jour de la dem inde que l'héritier avait donnée contre lui pour le rapport de ces deniers, jusqu'au jour de l'arrêt qui avait déclaré le legs valable, et en avait saisi le légataire, la Cour jugeant par cet arrêt, que ce légataire avait injustement possédé jusqu'à ce temps les effets de la succession.

Que si la chose léguée se trouvait, au jour de l'échéance du legs, être pardevers le légataire à qui le défunt l'aurait prêtée ou déposée, où qui la tiendrait à quelque autre titre que ce fût, en ce cas le légataire peut la retenir; ce serait un circuit inutile qu'il la rendît à l'héritier, pour que l'héritier la lui délivrât.

241. Lorsque la chose léguée n'est pas un corps certain, mais une quantité, comme une somme d'argent, ou une chose indéterminée, comme un cheval, il est évident qu'en ce cas le légataire ne peut devenir propriétaire que par la délivrance que lui fait l'héritier.

Il en est de même lorsque le legs est d'un corps certain, mais qui n'appartenait pas au défunt, et que l'héritier a été obligé de racheter de celui à qui il appartenait, pour le délivrer au légataire 1.

Soit que le legs soit d'un corps certain, soit de quelque autre chose, ou que ce soit un fait qui en fasse l'objet, les héritiers du testateur, ou les autres personnes qu'il en a grevées, contractent par l'acceptation qu'ils font de la succession, ou de ce qui leur a été laissé par le testateur, sans qu'il intervienne aucune convention entre eux et les légataires, l'obligation envers les légataires de donner ou de faire ce qui en fait l'objet; c'est pourquoi l'acceptation de la succession est mise au rang des quasi-contrats, suivant que nous l'avons vu en notre Traité des Obligations.

242. L'acceptation de la succession, ayant un effet rétroactif au temps de la mort du testateur, et l'héritier étant censé, dès l'instant de cette mort, saisi des biens de la succession, l'obligation qu'il a contractée de la prestation des legs, qui est une suite de l'acceptation, a pareillement le même effet rétroactif au temps de la mort du testateur; l'héritier est censé dès cet instant avoir été obligé à la prestation des legs, n'ayant pu être saisi des biens de la succession qu'à cette charge.

De cette obligation naît le droit qu'ont les légatataires, quel que soit l'objet du legs, de demander aux héritiers, ou autres personnes grevées du legs, la prestation du legs; et comme l'obligation est censée contractée du jour du décès du testateur, par les héritiers qui en sont grevés, le droit est aussi acquis de ce jour aux légataires, lorsque le legs est pur et simple.

Que s'il est conditionnel, le droit n'est acquis que du jour de l'existence de la condition, car les conditions apposées aux dernières volontés n'ont pas d'effet rétroactif.

C'est encore un effet des legs, que la loi accorde aux légataires une hypothèque tacite sur les biens que les héritiers, ou autres qui en sont grevés, recueillent de la succession du testateur qui les en a grevés.

SECT. III.

DES ACTIONS QU'ONT LES LÉGATAIRES POUR LA PRESTATION

DES LEGS.

243. Les légataires peuvent avoir trois actions, l'action personnelle ex testamento, l'action de revendication de la chose léguée, et l'action hypothécaire 2.

1 Art. 1021, C. civ., V. ci-dessus, p. 269, note 1.

2 L'action réelle résulte de l'art. 711, V. ci-dessus, p. 291, note 2, et

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ART. 1er.

De l'action personnelle EX TESTAMENTO.

244. L'action personnelle ex testamento, est celle qui naît de l'obligation que les héritiers, ou autres personnes grevées de la prestation du legs, contractent envers les légataires 1.

§ Ier. Contre qui se donne cette action?

245. Lorsqu'il y a un exécuteur testamentaire, c'est contre lui que les légataires ont coutume de donner leur action en délivrance de leur legs; car, quoique ce soit l'héritier qui a été grevé du legs par le testateur, qui en soit proprement le vrai débiteur, on peut dire que l'exécuteur testamentaire l'est aussi; en acceptant l'exécution, et se mettant en possession des biens de la succession, il accède à l'obligation des héritiers, et s'oblige tacitement envers les légataires à payer, à la décharge des héritiers, les legs jusqu'à concurrence des biens dont il est saisi.

Lorsqu'il y a plusieurs exécuteurs testamentaires, l'action peut se donner contre l'un d'eux.

La demande donnée par les légataires contre l'exécuteur testamentaire, doit être, par cet exécuteur, dénoncée aux héritiers qui sont tenus des legs; car ces héritiers sont les principales parties qui ont intérêt à discuter si le legs est dû ou non; c'est pourquoi l'exécuteur testamentaire doit avoir les délais nécessaires pour les mettre en cause.

L'héritier mis en cause consent ou conteste la demande du légataire: et si elle est trouvée juste, le juge saisit le légataire de son legs, condamne l'exécuteur à lui en faire délivrance, et déclare le jugement commun avec l'héritier.

246. Quoiqu'il y ait un exécuteur testamentaire, et que ce soit ordinairement contre lui que les légataires donnent leur demande; néanmoins, si un légataire l'avait donnée contre l'héritier, je ne pense pas qu'elle fût mal donnée, puisqu'il est le vrai débiteur des legs; mais l'héritier devrait avoir délai pour mettre en cause l'exécuteur, pour qu'il eût à en faire la délivrance à sa décharge, attendu qu'il est saisi des biens.

Lorsqu'il n'y a point d'exécuteur testamentaire, il est évident qu'en ce cas la demande ne peut être dornée que contre les héritiers, ou autres personnes qui ont été grevées, soit expressément, soit tacitement; elle peut aussi se donner contre les héritiers de ces personnes, et contre leurs ayants cause, c'est-à-dire, ceux qui leur succèdent dans la charge de la prestation du legs. § II. Quels héritiers et quelles autres personnes sont tenus des legs, et pour quelle part chacun est-il tenu?

247. Lorsque le testateur a grevé quelqu'un nommément de la prestation de quelque legs, il est évident qu'il n'y a que celui qu'il en a grevé qui en soit tenu, et que l'action ex testamento ne peut être donnée que contre lui.

S'il a grevé nommément plusieurs, chacun de ceux qu'il a grevés n'est pas tenu du legs solidairement, à moins que le testateur ne l'ait expressément ordonné; il n'est tenu que in virilem, c'est-à-dire, pour sa part personnelle et numérale, putà s'il a grevé deux personnes, chacune sera tenue du legs pour moitié; s'il en a grevé trois, pour son tiers, etc.

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l'action personnelle et l'action hypo- « la succession. Ils en seront tethécaire de l'art. 1017, C. civ. «nus hypothécairement pour le tout, jusqu'à concurrence de la valeur des immeubles de la succession dont ils seront détenteurs. >>

Art. 1017: « Les héritiers du testa-« << teur, ou autres débiteurs d'un legs, << seront personnellement tenus de l'ac-« «quitter, chacun au prorata de la part « et portion dont ils profiteront dans

Art. 1017, 1er alinéa, V. la note précédente.

248. Cette décision a lieu, quand même l'un de ceux qui ont été ainsi nommément grevés du legs, succéderait à une plus grande portion dans les biens du testateur que l'autre; car ceux qui sont grevés nommément sont tenus des legs in virilem, et non pro portionibus hæreditariis.

Par exemple, si le testateur a laissé pour héritiers plusieurs frères qui succèdent seuls à ses biens féodaux, et plusieurs sœurs qui succèdent à ses autres biens concurremment avec ces frères, et qu'il ait chargé nommément un de ces frères et une de ces sœurs, d'un legs de mille écus qu'il a légués à un tiers, ils seront tenus de ce legs chacun pour une portion égale, c'est-à-dire, chacun pour moitié, quoique le frère soit héritier d'une plus grande portion des biens du testateur, que la sœur.

Je pense néanmoins que cette décision doit souffrir exception à l'égard des legs d'un corps certain, auquel ceux qui sont nommément grevés du legs ont seuls succédé inégalement; car en ce cas, je pense qu'ils en doivent être tenus non in virilem, mais pour la part à laquelle chacun d'eux a succédé à l'héritage légué. Par exemple, si un testateur chargé nommément son frère et sa sœur consanguins, du legs d'une métairie, acquêt dont ils étaient seuls héritiers, et qui était composée de terres féodales, auxquelles le frère succédait seul, à l'exclusion de sa sœur, chacun sera tenu de ce legs pour la part qui lui appartient en l'héritage légué, et par conséquent le frère qui y a une plus grande part, en sera tenu pour une plus grande part que sa sœur; car on ne doit pas présumer que la volonté du testateur ait été que la sœur achetât du frère ce qu'il avait de plus qu'elle dans l'héritagé légué, pour contribuer pour moitié au legs.

249. Lorsque le testateur a légué, sans exprimer quelles personnes il chargeait de la prestation du legs, il faut distinguer entre les legs de corps certains de sa succession, et les autres legs.

Les legs qui ne sont pas de quelques corps certains de sa succession, tels que sont les legs d'une certaine somme d'argent, d'une pension viagère, d'une chose indéterminée, ceux qui ont pour objet un fait, etc., sont des charges de tous les biens disponibles de la succession, et par conséquent tous les héritiers et successeurs universels en sont tenus chacun pour la part en laquelle ils succèdent. 250. C'est une question controversée, si l'héritier aux propres doit contribuer avec l'héritier aux meubles et acquêts aux legs, par proportion à la valeur du total des propres auxquels il succède, ou seulement par proportion à la portion disponible de ces propres, c'est-à-dire dans nos coutumes, au prorata seulement du quint des propres?

Il y en a qui pensent qu'il doit contribuer à proportion de tous les biens auxquels il succède, la coutume ne lui donnant d'autre droit que de retenir la légitime des quatre quints qu'elle lui réserve, en abandonnant le surplus; tant qu'il ne l'abandonne pas, il n'a point de légitime, d'où ils concluent que tous les biens auxquels il succède, sont sujets à la contribution.

J'inclinerais pour le sentiment contraire; nos coutumes, en décidant que le testateur peut léguer jusqu'à la concurrence des meubles, acquêts et quint des propres, décident qu'il n'y a que ces biens qui soient disponibles, que le surplus ne l'est pas; d'où il suit que ces legs ne sont une charge que de ces biens, et non des autres; or, chacun ne doit contribuer à une charge de certains biens, qu'à proportion de la part qu'il a dans les biens qui y sont sujets, l'héritier aux propres n'ayant de part dans les biens disponibles qui sont sujets à la charge des legs, que dans le quint des propres, les quatre autres quints n'étant point disponibles, ni par conséquent sujets à cette charge; il ne doit contribuer qu'à proportion du quint'.

La solution que donne ici Pothier, identité de motifs, au cas prévu par nous parait devoir s'appliquer, par l'art. 1013.V. ci-après. Le testateur n'a

251. A l'égard des legs d'un corps certain, ce sont ceux qui succèdent au corps certain qui a été légué, qui en sont seuls tenus, et chacun en est tenu pour la part pour laquelle il y succède.

Lorsque le legs est d'un corps certain, qui appartient à l'un des héritiers, l'héritier à qui la chose léguée appartient, est tenu pour le total envers le légataire; mais je pense qu'il peut demander à ses cohéritiers, qui succèdent avec lui à une même espèce de biens, qu'ils le récompensent chacun pour leur part, surtout dans les coutumes qui ne veulent pas qu'un héritier soit avantagé l'un plus que l'autre. Il en est autrement de ceux qui succèdent à une autre espèce de biens; par exemple, si quelqu'un a légué un corps certain qui appartient à l'un de ses héritiers aux meubles et acquêts, cet héritier peut bien demander récompense à ses cohéritiers qui succèdent avec lui aux meubles et acquêts, mais il ne pourra rien demander aux héritiers aux propres; car ils ne sont pas proprement ses cohéritiers.

252. Lorsque le legs est d'un corps certain qui appartient à un étranger, et que le testateur savait appartenir à cet étranger, tous les héritiers et successeurs universels du testateur sont tenus de ce legs, chacun pour les mêmes portions pour lesquelles ils seraient tenus du legs d'une somme d'argent; car ce legs consiste dans la prestation de l'argent que vaut cet héritage.

Il y a plus de difficulté dans le cas auquel le testateur aurait cru que la chose ly léguée lui appartenait, et que le legs ne laisserait pas de valoir à cause de la qualité de la personne du légataire; car on peut dire qu'en ce cas, le testateur n'a eu d'intention de grever de ce legs, que ceux qui sont les héritiers à l'espèce de biens dont il croyait que la chose léguée faisait partie, et non pas ses héritiers à d'autres espèces de biens 1.

§ III. Si lorsque l'héritier, ou autre qui a été grevé nommément de la prestation de quelques legs, ne recueille pas la succession, ou ce qui lui a été laissé, celui qui le recueille à sa place est tenu de ces legs?

253. Par l'ancien droit romain, lorsqu'un héritier avait été grevé nommément de quelques legs, et qu'il ne recueillait pas la succession, celui qui la recueillait à sa place n'était point tenu de ces legs; cet héritier en ayant été nommément chargé, cette charge paraissait ne devoir pas pouvoir s'étendre à d'autres personnes.

disposé que d'une portion de sa quo- | légataire de la moitié de la quotité distité disponible, et il a fait cette dispo-ponible, il doit donc payer la moitié sition à titre universel. Par exemple des legs particuliers, l'autre moitié sera un père pouvant disposer du quart de ses biens, a légué un huitième seulement, puis il a fait des legs particuliers; par qui seront ils payés et dans quelle proportion?

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Le Code répond : « Que le léga« taire à titre universel séra tenu d'acquitter les legs particuliers par « contribution avec les héritiers natu<< rels.» Mais de quelle contribution veut parler le Code? nous pensons que le rédacteur a voulu dire que la distribution de la quotité disponible doit servir de base pour fixer le paiement des legs particuliers; or, dans l'espèce le légataire d'un huitième se trouve

à la charge des héritiers qui, outre leur réserve, conservent l'autre huitième, qui était disponible. La raison est que la quotité disponible seule doit contribuer au paiement des legs. V. art. 1013, C. civ.

Art. 1013 « Lorsque le testateur « n'aura disposé que d'une quotité de << la portion disponible, et qu'il l'aura « fait à titre universel, ce légataire << sera tenu d'acquitter les legs parti«< culiers par contribution avec les hé« ritiers naturels. »

1 V. l'art. 1021, ci-dessus, p. 269, note 1, a fait disparaître cette question et les précédentes,

Ce ne fut que par la constitution de Sévère, que la jurisprudence s'établit, que le substitué de cette personne en devait être tenu, le testateur étant présumé l'avoir substitué aux mêmes charges sous lesquelles il avait institué son premier héritier; car pourquoi aurait-il plus épargné et moins grevé le substitué que l'institué, qui doit être présumé avoir été plus cher au testateur que le substitué, puisque le testateur l'a préféré au substitué.

Depuis la constitutión de Sévère, on a décidé pareillement que les cohéritiers auxquels accroissait la part de l'héritier grevé nommément de quelque legs, succédaient aussi à cette charge.

254. Notre droit français a suivi cette jurisprudence. Il est vrai que dans nos coutumes, nous n'avons point d'héritiers institués; mais, à l'exemple de ce qui est décidé par le droit romain à l'égard des héritiers institués nommément grevés de legs, on observe dans nos coutumes que, lorsque le légataire universel, lequel est en quelque façon loco hæredis, a été nommément grevé de legs particuliers, et qu'il ne recueille pas son legs universel, soit par le prédécès, soit par la répudiation qu'il en fait, le substitué de ce légataire universel, ou son colégataire qui le recueille à sa place, est tenu des legs et fidéicommis dont il avait été nommément grevé.

255. A l'égard des successions ab intestat, la loi 1, § 9, ff. de Leg. 3o, semble décider que les parents du degré suivant ne sont pas tenus des legs dont avait été chargé celui du degré précédent, à la place et par le défaut ou répudiation duquel ils recueillent la succession.

Mais, sans entrer dans les discussions de quelques interprètes modernes sur le texte de cette loi, il faut dire que, dans notre jurisprudence française, les parents du degré suivant, qui recueillent la succession à la place de celui du degré précédent, doivent être tenus des legs dont il avait été nommément chargé ; car, la présomption est que le testateur a voulu que ces legs fussent dus par quelque personne que ce fût qui recueillerait sa succession, et qu'il n'a pas voulu épargner et grever moins des parents plus éloignés, qui lui étaient moins chers, que ses plus proches qu'il a nommément grevés; c'est l'avis de Ricard (des Donations, 3o part., ch. 4, sect. 7, no 546).

256. A l'égard des légataires particuliers, si un légataire, qui avait été luimême nommément chargé de legs ou fidéicommis envers d'autres, ne recueille pas, soit par son prédécès, soit autrement, le legs qui lui a été fait, l'héritier qui en profite, et pardevers qui la chose léguée demeure, est tenu des charges dont ce légataire avait été nommément chargé.

Que si ce légataire avait des colégataires, les lois romaines distinguaient inter conjunctos re et verbis, et conjunctos re tantùm ; inter conjunclos re et verbis pars deficientis accrescebat cum onere; inter conjunctos re tantùm, eo deficiente qui nominatim gravatus erat, alter totum retinebat sinè onere. Cette distinction est fondée sur des subtilités que notre droit n'a pas admises, et on doit décider indistinctement que le colégataire, qui recueille le legs entier, doit être tenu des charges dont avait été nommément chargé le colégataire, dont la part lui accroît. C'est l'avis de Ricard (ibid., no 548).

257. Le droit romain faisait une autre distinction que nous ne suivons pas. On distinguait le cas auquel celui qui avait été nommément grevé avait été utilement institué héritier, ou fait légataire, et par son prédécès, ou sa répudiation, n'aurait pas recueilli la succession ou le legs; et le cas auquel celui qui avait été nommément grevé aurait été dès le commencement inutilement institué héritier, ou fait légataire; au premier cas, celui qui succédait à sa place, ou pardevers qui la chose léguée demeurait, succédait aux charges; mais, dans le dernier cas, il n'en était pas tenu; car la disposition ayant été dès le commencement inutile, tout ce qui en faisait partie, et par conséquent les charges sous lesquelles elle avait été faite, paraissaient ne pouvoir pas subsister.

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