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rangent en bataille à quelque distance de la, entre Vallegio et Villafranca. Buonaparte s'arrête, leur inspire une confiance trompeuse, dans l'intention de les ramener en avant, et de don ner à la division du général Augereau le temps de passer le fleuve, de se porter, droit sur Peschiera, et de couper aux ennemis les gorges du Tyrol.

Mais le général Beaulieu sentit le danger de sa position; il se replia prudemment et en bon ordre sur la forteresse de Castel-Nuovo, qu'il évacua le lendemain, pour sé poster au-delà de l'Adige. Cette journée coûta à l'ennemi quinze cents hommes et cinq cents chevaux. Parmi les prisonniers se trouvait le prince Cato, lieutenant-général des armées du roi de Naples, commandant en chef la cavalerie nápólitaine; on prit en outre cinq pièces de canon et quelques caissons. Quelle fut la perte de l'armée française? nos bulletins gardent, à cet égard, comme dans toutes les affaires semblables, le silence le plus profond.

victoire

Jamais personne ne sut mieux profiter de la que Buonaparte. Le passage s'étoit effectué le 10 prairial ; le 12, nos troupes étoient à Castel-Nuovo, et le 13, le général Masséna entroit à Vérone. Depuis le 25 du mois précédent, le roi de France avoit quitté cette ville,

et s'étoit rendu à l'armée du prince de Condé. On l'avoit vu le 26, à Lugano, dans l'incognito le plus sévère, et suivi seulement de M. le comte d'Agoust, d'un autre officier et de deux domestiques le 28, il étoit arrivé à l'armée du prince de Condé, dont le quartier-général étoit alors à Rhigels; et dès le soir même il avoit fait mettre à l'ordre du jour, pour le lendemain, la proclamation suivante :

«Des circonstances impérieuses nous te»> noient depuis trop long-temps éloigné de » vous, lorsqu'une insulte, aussi imprévue que >> favorable à nos desseins, ne nous laisse plus » d'asile ; mais on ne peut nous ravir celui de » l'honneur le sénat de Venise nous a fait » signifier de sortir dans le plus court délai des » états de la république.

« A cette démarche, non moins offensante » pour l'honneur du nom français, que pour » nous-mêmes, nous avons répondu : « Je par » tirai, mais à deux conditions; la première ;' » qu'on me présente le livre d'or où ma famille » est inscrite, pour en rayer le nom de ma » main; la seconde, qu'on me rende l'armure » dont l'amitié de mon aïeul Henri IV a fait » présent à la république.

>> Nous venons donc nous rallier au drapeau blanc, près du héros qui vous commande et

que nous chérissons tous. Nous nous livrons » avec confiance à l'espoir que notre arrivée »sera pour vous un nouveau titre aux géné»reux secours que vous avez déjà reçus de LL. » MM. impériale et britannique.

pour

>> Notre présence contribuera, sans doute, >> autant que votre secours, à hâter la fin des » malheurs de la France, en montrant à nos » sujets égarés, encore armés contre nous, la » différence de leur sort, sous les hommes qui » les gouvernent, avec celui dont jouissent » des enfans qui entourent un bon père ». Si Buonaparte eût eu plus de grandeur d'ame, le malheur de Louis xvtn eût été lui un objet de respect. C'étoit le frère de son bienfaiteur, c'étoit le descendant de plus de trente rois, l'héritier du sceptre de saint Louis, de Louis XII, de Henri IV, de Louis-le-Grand; il n'avoit jamais été connu que par la bonté de son cœur, l'étendue de ses connoissances, et l'élévation de son esprit; les infortunes de sa famille et les siennes le rendoient sacré. Mais le cœur de Buonaparte étoit incapable de s'ouvrir ces nobles sentimens ; la victoire n'adoucit point son âme cruelle, il écrivit au directoire : « J'arrive à Vérone pour en partir demain. Cette ville est grande et belle. J'y laisse une bonne garnison pour me tenir maître des trois ponts qui sont ici sur l'Adige.

>> Je n'ai pas caché aux habitans que si le roi » de France n'eût évacué leur ville avant mon » passage du Pô, j'aurois mis le feu à une ville » assez audacieuse pour se croire la capitale » de l'empire français.

» Les émigrés fuient de l'Italie, plus de >> quinze cents sont partis cinq jours avant no» tre arrivée. Ils courent en Allemagne, por>>ter leurs remords et leur misère.

» Je viens de voir l'amphithéâtre. Ce resté » du peuple romain est digne de lui. Je n'ai >>pu m'empêcher de me trouver humilié de la » mesquinerie de notre Champ-de-Mars. Ici >> cent mille spectateurs sont assis, et enten>> droient facilement l'orateur qui leur parle>> roit (1) ».

Le passage du Mincio, la retraite des Autrichiens, rendoient Buonaparte maître de l'Italie. Mantoue et la forteresse de Milan restoient seules à conquérir. Mais l'une de ces places ne pouvoit manquer de céder bientôt ; l'autre pouvoit braver long-temps tous les efforts de l'armée française.

;

(1) Buonaparte exagère dans cette occasion comme en beaucoup d'autres : l'amphithéâtre de Vérone, ne contient que vingt-deux mille personnes.

CHAPITRE IX.

Siége de Mantoue; entrée des Français à Bologne, Ferrare, Urbin et Livourne.

TANDIS que la présence du roi de France à l'armée des princes excitoit un enthousiasme général, et relevoit toutes les espérances des légions émigrées (1), Venise, effrayée de l'ap

(1) Malheureusement ces espérances ne furent pas de longue durée. Le roi, arrivé à l'armée de Condé, prit l'uniforme, et reçut les hommages des différens corps ; il fit ensuite la revue des cantonnemens, et se porta jusque sur les rives du Rhin pour visiter les postes avancés. Beaucoup de soldats républicains s'avancèrent sur la rive opposée, sans armes, mais ayant derrière eux un piquet rangé en bataille et armé.

« Est-il vrai, demandoient-ils, que le roi soit arrivé? » nous voudrions bien le voir ». Le roi fit mettre pied à >> terre aux officiers qui l'accompagnoient, et resta seul à cheval, à portée de recevoir des hommages ou des insultes.

Le duc d'Enghien, qui commandoit l'avant-garde, fit observer au roi que la discipline ne permettoit pas de parler aux troupes de l'autre rive : « Le mouvement de

mon cœur est plus fort que vos règlemens, reprit le » roi. Vous me mettrez aux arrêts demain; mais il faut

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