Page images
PDF
EPUB

Les députés de Marseille, frappés de ce qu'ils avoient vu à Paris, s'étoient hàtés d'en sortir, et, en quittant ce séjour du crime et de la tyrannie, ils avoient, comme l'apôtre, secoué la poussière de leurs pieds.

Marseille vit alors qu'il n'y avoit plus rien à espérer de la convention. Le 12 juin, les sections fidèles délibérèrent qu'elles ne reconnoissoient plus les décrets de la convention depuis

le

29 mai, attendu qu'elle n'étoit ni libre ni complète. On donna de nouveaux pouvoirs au tribunal populaire, qui avoit été cassé précécédemment par les députés Moïse Bayle et Boisset, et l'on forma le plan d'une fédération méridionale, pour s'affranchir de la tyrannie de Roberspierre, et pour faire triompher l'empire des lois. Nimes, Bordeaux, Beaucaire, Grenoble, Lyon, et le département du Jura, envoyèrent des députés pour entrer dans la confédération et concerter un plan général; on décida qu'un

paya

lui les 300 francs qu'elle répétoit, mais le premier consul voulut la voir, pour s'assurer lui-même si les exemplaires qu'on lui apportoit étoient réellement les derniers. Il engagea madame Tournal à ne rien négliger pour anéantir à jamais ce petit monument de jacobinisme, qu'il eût été bien fâché qu'on lui représentât lorsqu'il étoit empereur.

peloton de six mille hommes partiroit de Marseille, et marcheroit sur Paris, en se grossissant de toutes les forces que lui fourniroient les départemens.

Marseille et les villes confédérées ne renonçoient point à la république ; mais elles renonçoient à un gouvernement atroce, qui ne connoissoit, pour régner, que l'incendie, le pillage et le meurtre. Il s'agissoit de convoquer ailleurs une autre convention. Dans le même temps, Bordeaux étoit occupé des mêmes desseins, et se disposoit à faire marcher une force de huit cents hommes, qui, comme le bataillon de Marseille, ne devoit être que le noyau d'une force plus grande. Ainsi presque toutes les provinces du midi se disposoient à l'insurrection. La convention, effrayée, opposa d'abord à ces mouvemens des proclamations et des décrets. Le 19 juin, elle déclara que les juges du tribunal populaire étoient un assemblage d'assassins; qu'ils étoient en état de rébellion contre la république ; qu'elle les mettoit hors la loi et ordonnoit à tout bon citoyen de courir sus. En même temps elle enjoignit au général Cartaux de se porter sur Marseille avec toutes ses forces. Cartaux étoit un homme d'une capacité médiocre, et d'un caractère plus modéré qu'il ne convenoit pour ces temps de terreur et

de fanatisme. Il ne lui manquoit que du pouvoir pour faire le bien : avec plus d'autorité, il eût préféré les moyens de conciliation à une guerre atroce ; mais il étoit lui-même sous la puissance des représentans de la montagné, et réduit à exécuter leurs décrets, quelque absurdes qu'ils fussent. Il obéit, et se mit en devoir d'attaquer l'armée marseillaise.

Si les deux armées eussent été égales en force, il est probable que la victoire seroit restée au parti le plus juste; mais tandis que l'armée de Marseille étoit obligée de se battre audehors, elle avoit à lutter en dedans contre les sections dissidentes qui s'étoient armées. On chercha à les effrayer en vain, en les environnant de canons et de baïonnettes; elles. ne perdirent rien de leur audace, soutinrent le siége avec intrépidité, et, par leur résistance, donnèrent le temps au genéral de la convention, de battre l'armée marseillaise, et de se présenter sous les murs de la ville. Alors la consternation fut générale, et Marseille envahie ne présenta plus qu'un spectacle déplorable. La convention avoit envoyé deux de ses députés pour faire exécuter ses décrets; c'étoient Pomme et Charbonnière, l'un ardent montagnard, l'autre homme du monde plutôt qu'homme de révolution. On s'aperçut bientôt qu'ils man

a

.

quoient de cette énergie que leurs collègues déployoient à Lyon et dans la Vendée. Ils n'avoient, dans la première semaine, envoyé que dix-sept personnes à l'échafaud : c'étoit un scandale pour la république. On leur adjoignit d'abord Barras et Fréron, et ensuite Garparin, Ricord, Salicetti, Roberspierre jeune, hommes d'une énergie éprouvée, incapables de foiblesse et de pitié.

Dans l'espace de quelques jours, les clubs furent ouverts, les comités révolutionnaires réintégrés, les échafauds dressés, les prisons encombrées de victimes, le buste de Marat élevé sur un amas de rochers bruts, et offert à la vénération publique. Quatre cents individus furent impitoyablement immolés, une partie des plus beaux édifices détruits; on imposa une somme de quatre millions sur cette malheureuse ville, et, pour joindre l'insulte à la barbarie, Fréron, Barras, Salicetti et Ricord, décrétèrent qu'elle n'auroit plus d'autre nom que celui de Sans-Nom (1).

(1) Il faut, pour donner une idée juste de ces temps d'horreur, rapporter ici une lettre d'un des commissaires de la convention à l'accusateur public du tribunal révolu tionnaire de Marseille. Après quelques reproches sur sa

Tandis que Marseille étoit livrée à toutes les fureurs d'une horde de brigands fanatiques, Lyon offroit un spectacle plus effrayant encore. Réduite à ouvrir ses portes, après un siége de deux mois, cette malheureuse ville étoit devenue un théâtre de carnage et de dévastation. Trente mille Français avoient été moissonnés dans les travaux du siége; trois mille cinq cents avoient péri par le fer de la guillotine, les mitraillades et les fusillades; les édifices tomboient sous le marteau des destructeurs, et la seconde

lenteur à faire tomber les têtes des aristocrates, des fédéralistes et des modérés:

« Je veux, lui dit-il, vous citer l'exemple de Paris : » cette ville peut servir de modele en tout; à Paris, l'art ⚫ de guillotiner a atteint sa dernière perfection. Samson ⚫ et ses élèves guillotinent avec tant de prestesse qu'on ⚫ croiroit qu'ils ont pris des leçons de Comus. Je leur en • ai vu expédier douze en treize minutes. Envoyez donc » à Paris l'exécuteur des hautes-œuvres de Marseille faire un cours de guillotine auprès de son collègue Samson. »Tu dois savoir que nous ne te laisserons pas manquer » de gibier de guillotine. Il faut que cela soit une espèce de spectacle pour le peuple. Les chants, la danse, ⚫ doivent prouver aux aristocrates que le peuple ne voit ⚫ de bonheur que dans leur supplice; il faut donc faire ⚫ en sorte qu'il y ait un grand concours de peuple pour » les accompagner à l'échafaud ».

« PreviousContinue »