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d'être formée. (Décr. du 9 août 1806, 2.) Le ministre est en effet le meilleur juge de la conduite du fonctionnaire; il peut donner au Conseil d'Etat des explications, ou assumer sur lui toute la responsabilité, lorsque c'est d'après ses ordres qu'il a agi.

Le Conseil d'Etat peut consulter le procureur général, les autorités locales, les pièces de l'instruction préliminaire; il prononce ensuite, et refuse l'autorisation, s'il n'y a pas d'indices suffisants de culpabilité. L'affaire est examinée par le comité de législation, et portée ensuite à l'assemblée générale qui prépare le décret. (Décr. du 30 janv. 1852, art. 8 et 13, no 10.) Il y a plusieurs cas dans lesquels on doit repousser la demande par des fins de non-recevoir par exemple, si la question avait été déjà jugée une fois entre les mêmes parties, à moins de faits nouveaux non allégués d'abord; lorsque le délit, en le supposant constant, serait couvert par la prescription; lorsque les actes ont été exécutés en vertu d'ordres émanés de l'autorité, ou lorsque la conduite de l'agent a été approuvée par ses supérieurs la responsabilité remonte alors à celui qui a donné l'ordre ou approuvé les actes. Enfin, il arrive aussi que le Conseil d'Etat refuse l'autorisation de poursuivre par la voie criminelle, quoique le fait soit constant c'est lorsqu'il est prouvé que le fonctionnaire n'a point agi par mauvaise volonté, mais par négligence ou ignorance involontaire; il peut alors y avoir lieu à la censure ou au blâme, et, s'il y a eu dommage causé, on autorise la poursuite par la voie civile seulement. Il n'y aurait pas même lieu à accorder cette autorisation, si le dommage pouvait être réparé par la voie administrative.

:

185. Les décrets qui autorisent la mise en jugement ne sont pas motivés on a craint de jeter un poids

dans la balance au préjudice de l'inculpé qui va comparaître devant les tribunaux criminels. Il en était de même autrefois lorsqu'on refusait l'autorisation de poursuivre; cependant la même raison n'existe plus, et il est dans l'intérêt du fonctionnaire inculpé que les motifs de la décision soient connus; aussi quelques décisions récentes sont-elles motivées. Quoique rien n'oblige à communiquer la demande en autorisation au fonctionnaire que l'on veut poursuivre, et qu'il ignore le plus souvent qu'elle a été formée, le décret n'est pas susceptible d'opposition. (C. d'Etat, 21 oct. 1831. Bellenger.) C'est que la garantie ne couvre les fonctionnaires publics que dans l'intérêt du gouvernement les fonctionnaires inculpés auront toujours la possibilité de faire valoir leurs moyens de défense quand ils comparaîtront devant les tribunaux.

LIVRE II.

DES PERSONNES SOUS LE POINT DE VUE DU DROIT PUBLIC.

TITRE PREMIER.

DE LA QUALITÉ DES PERSONNES.

DIVISION DE LA MATIÈRE.

Parmi les personnes qui habitent le territoire d'un Etat, les unes lui appartiennent par leur naissance ou par l'adoption politique, les autres lui sont étrangères. Les premières seules supportent toutes les charges de la société, ont droit à tous les avantages qu'elle procure. Les secondes sont placées dans une position tout exceptionnelle, qui est régie par les principes du droit

des

gens combinés avec ceux du droit public intérieur. Enfin, il existe des collections d'individus qui constituent aux yeux de la loi des personnes morales capables de remplir quelques-uns des actes de la vie civile. Nous avons à examiner dans ce titre :

1o Dans quel cas on est Français et citoyen;

2o Comment on peut perdre ou recouvrer ces qualités ;

3° Quelle est la position des étrangers en France. Quelles sont les personnes morales, et en quoi consiste l'existence fictive qui leur est donnée par la loi.

Ce sera l'objet de trois chapitres différents.

CHAPITRE PREMIER.

DES INDIVIDUS QUI SONT OU QUI DEVIENNENT FRANÇAIS OU CITOYENS.

187. De la qualité de citoyen.

188. De la qualité de Français.

SOMMAIRE.

Des Français de naissance.

189. Acquisition de la qualité de Français par le bénéfice de la loi. 190. De la naturalisation sous les Constitutions antérieures à celle du 22 frimaire an VIII.

191. De la naturalisation depuis l'an VIII jusqu'en 1848.

192. De la naturalisation sous la loi du 3 décembre 1849.

193. Effets de la naturalisation quant à la famille du naturalisé.

194. Acquisition de la qualité de Français par la réunion d'un pays étranger à la France.

187. Tout citoyen en France est Français, mais tout Français n'est pas citoyen. Ces deux qualités sont distinctes; à la qualité de Français est attachée la jouissance des droits civils, à la qualité de citoyen la jouissance des droits politiques. Chacune d'elles s'acquiert et se conserve dans des conditions spéciales déterminées, pour la première, par le droit privé, pour la seconde, par le droit public.

Les conditions requises pour la qualité de citoyen ont varié avec les diverses Constitutions politiques qui ont successivement gouverné la France. Parmi ces Constitutions, celle du 22 frimaire an VIII nous a régis sur ce point jusqu'en 1848. Aux termes de son art. 2, trois conditions étaient nécessaires au Français pour devenir citoyen 1° l'âge de 21 ans; 2o l'inscription sur le registre civique de son arrondissement commu

:

nal (1); 3° un an de séjour en France après cette inscription.

L'usage de la liste, civique tomba de bonne heure en désuétude; la loi du 5 février 1817 sur les élections n'en fait déjà plus mention. On abandonna de même la troisième condition, qui ne faisait courir l'acquisition de la qualité de citoyen qu'à partir de l'expiration de la 21 année; de telle sorte que, dès cette époque, tous les Français âgés de 21 ans étaient citoyens, sauf l'accomplissement de conditions spéciales exigées pour l'exercice de tel ou tel droit politique.

La Constitution de 1848 accorda d'une manière générale à tous les Français âgés de 24 ans la qualité de citoyen, dans son art. 25. Enfin le décret du 22 février 1852 a donné à ce principe une sanction définitive, en reproduisant textuellement dans son art. 12 la disposition de l'art. 25 de la Constitution de 1848. Ainsi donc aujourd'hui sont citoyens tous les Français qui ont atteint l'âge de 21 ans. Voyons maintenant à quels caractères se reconnaît la qualité de Français.

188. On naît Français ou on le devient. Dans l'ancien droit, on naissait Français dès lors qu'on naissait sur le sol français, quelle que fût d'ailleurs la nationalité des parents; sous l'empire du Code Napoléon, la condition des parents faisait seule la loi des enfants, et de même que l'individu né de parents français nait toujours Français, en quelque lieu qu'il voie le jour, de même l'enfant né en France de parents étrangers naissait étranger. (C. N., art. 10.)

Entre ces deux principes extrêmes, la loi du 7 février 1851 a pris un juste milieu, en déclarant Français par

(1) Créés par la Constitution du 5 fruct. an III (art. 3), maintenus par celle de l'an VIII (art. 2), les registres civiques avaient été organisés par un décret du 17 janv. 1806, tit. 1er, art. 1 à 8.

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