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fonction, acquérir aucun office public, ni même étre témoin dans les testaments (C. Nap., 980); il ne peut porter les armes dans les armées françaises, si ce n'est dans la légion étrangère et dans les corps de troupes créés en vertu de la loi du 9 mars 1831. Mais il peut être admis à faire le service d'ordre et de sûreté confié à la garde nationale. (Décr. du 11 janv. 1852, art. 8.)

213. Nous n'avons point à nous occuper ici des étrangers sous le point de vue du droit civil; disons seulement deux mots du droit d'aubaine et du vice de pérégrinité. On appelait autrefois droit d'aubaine, le droit en vertu duquel le Roi recueillait les successions laissées par des étrangers dans son royaume soit à d'autres étrangers, soit à des regnicoles, et vice de pérégrinité, l'incapacité dans laquelle était un étranger de succéder à un regnicole. En d'autres termes, l'étranger ou l'aubain était incapable autrefois d'acquérir ou de transmettre par voie de succession en France. De nombreuses exemptions furent d'abord accordées à certaines classes d'étrangers, aux marchands, aux étudiants, aux ouvriers; plus tard, des traités intervenus entre la France et certaines nations abolirent le droit d'aubaine et le vice de pérégrinité à l'égard de ces dernières, soit totalement, soit en partie seulement. Dans ce dernier cas, on le remplaçait par un droit de prélèvement sur la valeur des biens, qui variait du quart au dixième, et prenait le nom de droit de détraction.

Aboli par le décret du 6 août 1790, le droit d'aubaine n'a plus reparu dans nos lois. Le Code Napoléon a renouvelé un moment contre l'étranger le vice de pérégrinité en France; mais l'art. 726, qui contenait ce principe, a été abrogé par la loi du 14 juillet 1819.

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214. Outre les personnes que nous venons d'énumérer, il existe dans la société des collections d'individus ayant des intérêts communs, des établissements ayant un caractère d'utilité publique, auxquels la loi reconnaît une personnalité en leur attribuant le droit de posséder, d'acquérir, d'aliéner, de se présenter en justice pour y plaider en demandant ou en défendant; tels sont l'Etat, les départements, les communes, les hospices, les fabriques, les églises, les communautés religieuses autorisées, etc. Les intérêts de ces personnes morales sont représentés par des agents que les lois ont désignés : ainsi l'Etat est représenté par le préfet pour ce qui tient à son domaine, par l'agent judiciaire du Trésor quant à ses intérêts pécuniaires; les départements sont représentés par les préfets, les communes par les maires, etc.

215. Il ne faut pas confondre les personnes morales avec les autorités publiques, telles que les tribunaux, ni avec les corps de fonctionnaires, tels que l'administration des domaines, des contributions directes, etc. La loi n'attribue pas de personnalité à ces différents corps. Il est cependant des administrations qui agissent en leur nom dans certaines circonstances déterminées par les lois; ainsi les administrations des domaines, des forêts, etc., introduisent des actions devant les tribunaux, mais c'est dans l'intérêt de l'administration générale, dont elles ne sont que les organes.

216. Il ne faut pas confondre non plus les personnes morales dont nous parlons avec les sociétés civiles et commerciales, qui reçoivent aussi cette qualification dans le langage du droit civil. (C. Nap., 1865.) Ces associations n'ont lieu que pour un temps; elles finis

sent ordinairement avec la vie des associés, ne continuent avec leurs héritiers que par exception. (Id., 1868.) La loi ne s'occupe pas de la tutelle de leurs biens, parce qu'elles n'ont aucun caractère d'utilité publique. Les personnes morales, au contraire, reconnues par le droit administratif, ont une durée illimitée; établies dans un but d'utilité publique, elles ont une fortune dont l'Etat surveille la gestion. Ainsi, aux termes de l'art. 910 du Code Napoléon, de la loi du 2 janvier et de l'ordonn. du 2 avril 1817, elles ne peuvent accepter des donations entre-vifs et testamentaires qu'en vertu d'un décret impérial. Les acquisitions à titre onéreux, les aliénations et les actes d'administration sont assujettis à des formes que nous ferons connaître plus tard.

217. Quoique, en thèse générale, on puisse dire que les personnes morales ne meurent pas, quelques-unes cependant peuvent cesser d'exister dans des cas exceptionnels, Ainsi une commune peut être réunie à une autre commune; une congrégation religieuse peut s'éteindre; l'autorisation qui lui a été donnée peut aussi être révoquée. Dans ces différents cas, la loi détermine d'une manière équitable les conséquences de la suppression quant aux biens. (V. loi du 18 juillet 1837, art. 5, 6 et 7, et loi du 24 mai 1825, art. 6 et 7.) Mais que devrait-on décider à l'égard des biens appartenant aux personnes morales pour lesquelles la loi n'a pas prévu le cas d'extinction? On a dit que, la propriété étant le rapport des personnes aux choses, si les personnes cessaient d'exister, la propriété devait appartenir à l'Etat par droit de déshérence. Nous n'admettons cette proposition que sous des réserves qu'il est important d'expliquer. S'il s'agit d'une personne morale créée dans l'intérêt d'un service public, et qui ne soit, après

tout, qu'un démembrement de l'administration, elle peut cesser d'exister, et sa fortune peut être transportée à une autre branche de service sans aucune injustice: ainsi la caisse d'amortissement a une personnalité; elle a un actif et un passif; elle achète et elle vend; si elle était supprimée, sa dotation devrait être versée dans le Trésor, parce qu'elle n'a d'autre but qu'un service public, et qu'ainsi sa destination principale ne serait pas changée.

Mais on ne devrait pas décider la même chose à l'égard des personnes morales dont les intérêts sont distincts des intérêts généraux. Leur personnalité ne permettrait pas que l'on pût sans injustice les supprimer, et surtout attribuer à l'Etat des biens qui ont une destination spéciale, tant que cette destination peut avoir lieu. Agir autrement, ce serait violer les intentions de ceux qui ont doté ces personnes; ce serait tarir la source des libéralités pour l'avenir. Ainsi la loi qui supprimerait un hospice et qui attribuerait ses biens à l'Etat commettrait un acte de spoliation. Si des raisons, qui devraient être bien puissantes, motivaient la suppression de cet hospice, ses biens du moins ne devraient pas être détournés de la destination charitable qui leur a été donnée. C'est ainsi que la loi du 24 mai 1825 veut que, dans le cas de suppression ou d'extinction d'une congrégation religieuse de femmes, les biens qui ne font pas retour aux donateurs, et ceux qui ont été acquis à titre onéreux, soient attribués et répartis, moitié aux établissements ecclésiastiques, moitié aux hospices des départements dans lesquels étaient situés les établissements éteints et supprimés.

Lorsque nous traiterons des différentes personnes morales, nous ferons connaitre les règles qui s'appliquent à l'administration de leurs biens.

LIVRE III.

DES DROITS NATURELS.

DIVISION DE LA MATIÈRE.

Nous avons établi dans l'introduction qu'il existe deux classes de droits : les uns, que nous avons appelés droits naturels, étant le but même de la société, doivent être garantis par la loi politique à chacun de ses membres; les autres, que nous avons appelés droits politiques, n'étant pas le but mais le moyen de la société, peuvent varier suivant les formes du gouvernement, et doivent être répartis entre les gouvernés de manière à produire le plus grand bien possible.

Nous nous occuperons dans ce livre des droits naturels, et dans le livre suivant, des droits politiques. Les droits naturels sont relatifs aux personnes ou aux choses.

Un titre sera consacré aux premiers,
Un autre titre aux seconds.

TITRE PREMIER.

DES DROITS NATURELS RELATIFS AUX PERSONNES.

CHAPITRE PREMIER.

DE LA LIBERTÉ ET DE L'ÉGALITÉ.

SOMMAIRE.

218. La liberté et l'égalité sont les bases du système actuel.

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