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La liquidation des années antérieures à 1808 est effectuée; celle des années suivantes est fort avancée; le service présent est assuré; il n'existe aucune inquiétude pour l'avenir. La France n'a besoin ni d'augmentation de tarifs, ni d'emprunts, ni de taxes nouvelles.

Ainsi vous avez les preuves évidentes de l'heureuse situation de nos finances, et, certes, elles doivent inspirer autant de confiance à nos concitoyens, que de crainte à nos ennemis.

Mais, Messieurs, au moment où, par les ordres de SA MAJESTÉ on mettait sous vos yeux ces tableaux satisfaisants, un cri de triomphe est venu de l'Espagne jusqu'à nous.

La jonction de nos armées s'est effectuée; Badajoz, attaquée vainement, a été délivrée; le maréchal Suchet a renversé les murs de Tarragone, en présence des Anglais, tristes témoins de cette victoire.

Une garnison de dix-huit mille hommes, vaillants et opiniâtres, n'a pu résister à la bravoure française; dix mille prisonniers, un grand nombre de cauons et de drapeaux, sont les trophées du vainqueur. Nobles présages, qui confirment l'espoir que nous donnait, il y a peu de temps un monarque dont la victoire est accoutumée à accomplir les prédictions!

Au même instant, un cri de détresse est sorti du sein des Iles Britanniques le crédit qui soutenait sa puissance colossale et factice s'est ébranlé; et ce gouvernement, déjà banni du continent, mais qui se vantait naguère, au milieu de l'encombrement de ses manufactures, de pouvoir en échanger les produits contre tout l'or du Mexique et du Pérou, est aujourd'hui contraint de proclamer son erreur, d'avouer qu'il perd la confiance publique, et de proposer l'établissement désastreux d'un papier-monnaie.

Tel est le contraste que présente actuellement la situation de la France et celle de l'Angleterre.

Le gouvernement anglais veut la guerre, le monopole du commerce et la domination des mers.

Ses alliés sont ou détruits, ou perdus pour lui; il ruine tous ceux qu'il veut soudoyer; il épuise son peuple en efforts inutiles; il est puni de l'égoïsme par l'isolement; et après avoir entassé emprunt sur emprunt, taxe sur taxe, assiégé de plaintes, menacé de troubles, il est réduit à proposer au peuple, pour ressource, une monnaie fictive, qui n'a d'autre gage qu'une confiance qui n'existe plus.

L'EMPEREUR, au contraire, veut la paix et la liberté des mers.

Il a huit cent mille hommes sous les armes ; les princes de l'Europe sont ses alliés; tout son empire jouit d'une tranquillité profonde.

Sans emprunts, sans anticipations, neuf cent cinquante-quatre millions levés facilement assurent la libre exécution de ses nobles projets; et SA MAJESTÉ ne nous charge que de vous porter des paroles de satisfaction et d'espérance.

Que de confiance, Messieurs, doit inspirer co parallèle! Répandez la dans l'esprit de vos concitoyens; communiquez-leur les impressions que Vous avez reçues.

Votre tâche sera facile : vous les trouverez tous animés des mêmes sentiments pour un souverain qui n'a d'autre but dans ses travaux que le bonheur et la gloire de son peuple.

L'Assemblée entière manifeste, par des applaudissements et l'acclamation de vive l'Empereur ! l'impression que lui a fait éprouver la péroraison du discours de M. de Ségur.

Après ce mouvement unanime l'orateur donne lecture du décret suivant :

Extrait des minutes de la secrétairerie d'Etat.

Au palais de Trianon, le 19 juillet 1811. NAPOLÉON, EMPEREUR DES FRANÇAIS, ROI D'ITALIE, PROTECTEUR DE LA CONFÉDÉRATION DU RHIN, MÉDIATEUR DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE, etc., etc.

Les affaires pour lesquelles le Corps législatif a été convoqué étant terminées, nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

Art. 1er La clôture de la session du Corps législatif aura lieu jeudi 25 de ce mois.

Art. 2. Le présent décret sera porté au Corps législatif par des orateurs de notre conseil d'Etat et inséré au Bulletin des lois.

Signé NAPOLEON.
Par l'Empereur;

Le ministre secrétaire d'État,
Signé LE COMTE DARU.

M. le Président. Monsieur le conseiller d'Etat, c'est l'heureuse destinée du Corps législatif de ne se réunir que pour s'associer aux plus nobles travaux du Gouvernement, ou pour mieux juger de leur sagesse, en voyant leurs précieux résultats. Si, dans cette session, les grands intérêts de la lègislation nous ont moins occupés, nous avons appris que cette grande entreprise arrivait à son terme, et que, soumise à l'épreuve de l'expérience, elle ne laisserait apercevoir ni négligences ui défectuosités. Ainsi l'ordre s'établit dans toutes ses parties; les principes et les lois suivent un même cours, et cependant le zèle du Gouvernement, loin de se ralentir, semble s'animer de ses succès. Quelle province ne voit point des travaux prodigieux? quelle année n'en produit pas de nouveaux? Tout se multiplie, et rien ne se ralentit, Heureux emploi d'une fortune qui ne veut que des projets dignes de sa grandeur, qui les exécute avec le même ordre qu'on voit régner dans son trésor, et qui, sans nous imposer de nouveaux sacrifices, s'améliore elle-même, épuise celle de nos ennemis, et réduit leur vaine sagesse à ces systèmes funestes qui ont toujours été les avantcoureurs de la ruine des peuples!

Un spectacle digne d'un si grand intérêt nous fait assez connaître les sentiments que chacun de nous reporte dans ses foyers. Heureux de nous être trouvés réunis dans ces jours d'allégresse, d'avoir porté au pied du troue l'expression de notre joie, de recevoir d'une bouche si éloquente les témoignages de sa satisfaction, nous jouissons encore de ne pouvoir entretenir nos concitoyens que des nouveaux bienfaits du Gouvernement, et de ne leur avoir imposé d'autre obligation que celle de la reconnaissance.

L'Assemblée renouvelle ses applaudissements. M. le Président déclare que la session de 1811 est terminée.

Un secrétaire fait lecture du présent procèsverbal, dont la rédaction est approuvée. La séance est levée.

SENAT CONSERVATEUR.

PRÉSIDENCE DE S. A. S. LE PRINCE ARCHICHANCELIER DE L'EMPIRE.

Séance du 20 décembre 1811.

Extrait des registres du Sénat conservateur. Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions, du 13 décembre 1799;

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Vu le projet de sénatus-consulte, rédigé en la forme prescrite par l'article 57 de l'acte des constitutions, en date du 4 août 1802;

Après avoir entendu, sur les motifs dudit projet, les orateurs du conseil d'Etat et le rapport de sa commission spéciale, nommée dans la séance du 18 de ce mois;

L'adoption ayant été délibérée au nombre de voix prescrit par l'article 56 de l'acte des constitutions, du 4 août 1802,

Décrète :

Art. 1er. Cent vingt mille hommes de la conscription de 1812 sont mis à la disposition du ministre de la guerre, pour le recrutement de l'armée.

Art. 2. Ils seront pris parmi les Français qui sont nés du 1er janvier 1792 au 31 décembre de la même année. Art. 3. Les appels et leurs époques seront déterminés par des règlements d'administration publique.

Art. 4. Le présent sénatus-consulte sera transmis, par un message, à SA MAJESTÉ IMPÉRIALE ET ROYALE. Les président et secrétaires: Signé CAMBACÉRÈS, président. GOUVION, COLCHEN, secrétaires.

Vu et scellé :

Le chancelier du Sénat, Signe COMTE LAPLACE.

SÉNAT CONSERVATEUR.

PRÉSIDENCE DE S. EXC. LE COMTE DE LACÉPÈDE. Séance du 28 décembre 1811.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions, du 13 décembre 1799;

Vu l'article 64 de l'acte des constitutions du 4 août 1802,

Procède, en exécution dudit article, à la nomination de deux membres pour remplir, en l'an 1812, les fonctions de secrétaire.

Le dépouillement du scrutin donne la majorité absolue des suffrages aux sénateurs comtes Latour-Maubourg et Boissy-d'Anglas.

Ils sont proclamés, par M. le président, secrétaires du Sénat pour l'an 1812.

Le Sénat arrête qu'il sera fait un message à S. M. L'EMPEREUR ET Roi, pour l'informer de cette nomination, laquelle sera pareillement notitiée au Corps législatif lors de sa prochaine session. Les président et secrétaires :

Signé B.-G.-E.-L. COMTE DE LACÉPÈDE, président. LATOUR-MAUBOURG, LE COMTE BOISSY-D'ANGLAS, Vu et scellé :

secrétaires.

Le chancelier du Sénat, Signé COMTE LAPLACE.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions, du 13 décembre 1799;

Vu l'article 20 du sénatus-consulte du 4 janvier 1803, portant règlement sur l'administration économique du Sénat,

Procède, en exécution de cet article, à la nomination de sept sénateurs qui doivent entrer dans la composition du grand conseil d'administration pour l'an 1812.

Le résultat du dépouillement donne la majorité absolue des suffrages aux sénateurs comtes de Lacépède, de Lapparent, Rampon, Lejeas, Garnier, de Cossé-Brissac et Dupont.

Ils sont proclamés, par M. le président, membres du grand conseil d'administration du Sénat pour l'an 1812.

Le Sénat arrête qu'il sera fait un message à S. M. L'EMPEREUR ET ROI, pour lui donner connaissance de cette nomination.

Les président et secrétaires. Signé B.-G.-E.-L. COMTE DE LACÉPÈDE, président, LATOUR-MAUBOURG, LE COMTE BOISSY D'ANGLAS, secrétaires.

Vu et scellé :

Le chancelier du Sénat, Signé COMTE LAPLACE.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions, du 13 décembre 1799;

Vu l'article du sénatus-consulte du 19 février 1805, relatif à la composition du conseil particulier du Sénat,

Procède, en exécution dudit article, au renouvellement des deux sénateurs, membres en ce conseil, nommés le 28 décembre 1810, et qui ont terminé l'exercice de leurs fonctions.

Le dépouillement du scrutin donne la majorité absolue des suffrages aux sénateurs comtes Abrial et Vimar.

Ils sont proclamés, par M. le président, membres réélus du conseil particulier.

Le Sénat arrête qu'il sera fait un message à S. M. L'EMPEREUR ET ROI, pour lui donner connaissance de cette nomination.

Les président et secrétaires: Signé B.-G.-E.-L. COMTE DE LACÉPÈDE, président. LATOUR-MAUBOURG, LE COMTE BOISSY-D'ANGLAS,

secrétaires.

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T. XI.

11

ANNÉE 1812.

Nota. Le Corps législatif n'a pas été convoqué et n'a pas tenu sa session ordinaire en 1812.

SÉNAT CONSERVATEUR.

PRÉSIDENCE DE S. EXC. LE COMTE LACÉPÈDE, Extrait des registres du Sénat conservateur. Du mardi 14 janvier 1812.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions, du 13 décembre 1799,

Procède, en exécution de l'article 64 de l'acte des constitutions, du 18 mai 1804, à la nomination d'un membre de la commission sénatoriale de la liberté de la presse, en remplacement du sénateur comte Porcher de Richebourg.

Le dépouillement du scrutin donne la majorité absolue des suffrages au sénateur comte Porcher de Richebourg.

Il est proclamé, par M. le président, membre réélu de la commission sénatoriale de la liberté de la presse.

Le Sénat arrête qu'il sera fait un message à S. M. L'EMPEREUR ET ROI, pour lui donner connaissance de cette nomination.

Les président et secrétaires: Signe B.-G.-E.-L. COMTE DE LACÉPÈDE, président. LATOUR-MAUBOURG, LE COMTE BOISSY-D'ANGLAS, secrétaires.

Vu et scellé :

Le chancelier du Sénat,
Signé COMTE LAPLACE.

Le sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions, du 13 décembre 1799,

Procédé, en exécution de l'article 64 de l'acte des constitutions, du 18 mai 1804, à la nomination d'un membre de la commission sénatoriale de la liberté individuelle, en remplacement du sénateur comte Abrial.

Le dépouillement du scrutin donne la majorité absolue des suffrages au sénateur comte Abrial. Il est proclamé, par M. le président, membre réélu de la commission sénatoriale de la liberté individuelle.

Le Sénat arrête qu'il sera fait un message à S. M. L'EMPEREUR ET ROI, pour lui donner connaissance de cette nomination.

Les président et secrétaires : Signe B.-G.-E.-L. COMTE DE LACÉPÉDE, président. LATOUR-MAUBOURG, LE Cte BOISSY-D'ANGLAS, secrétaires.

Vu et scellé :

Le chancelier du Sénat, Signé COMTE Laplace.

SÉNAT CONSERVATEUR.

PÉSIDENCE DE S. A. S. LE PRINCE ARCHICHANCELIER. Séance du 10 mars 1812.

La séance s'est ouverte à midi, sous la présidence de S. A. S. le prince archichancelier de l'empire.

S. A. S. le prince vice-connétable y était présent. LL. EExc. les ministres des relations extérieures et de la guerre, le comte Regnaud de Saint-Jeand'Angély, ministre d'Etat, et M. le comte Dumas, conseiller d'Etat, sont introduits.

S. Exc. le duc de Bassano, ministre des relations extérieures, donne communication du rapport suivant:

Rapport du ministre des relations extérieures, à S. M. l'Empereur et Roi.

SIRE,

« Les droits maritimes des neutres ont été réglés solennellement par le traité d'Utrecht, devenu la loi commune des nations.

« Cette loi, textuellement renouvelée dans tous les traités subséquents, a consacré les principes que je vais exposer.

« Le pavillon couvre la marchandise. La marchandise ennemie sous pavillon neutre est neutre, comme la marchandise neutre, sous pavillon ennemi, est ennemie.

« Les seules marchandises que ne couvre pas le pavillon sont les marchandises de contrebande, et les seules marchandises de contrebande sont les armes et les munitions de guerre.

«Toute visite d'un bâtiment neutre par un bâtiment armé ne peut être faite que par un petit nombre d'hommes, le bâtiment armé se tenant hors de fa portée du canon.

« Tout bâtiment neutre peut commercer d'un port ennemi à un port ennemi, et d'un port ennemi à un port neutre.

« Les seuls ports exceptés sont les ports réellement bloqués, et les ports réellement bloqués sont ceux qui sont investis, assiégés, en prévention d'être pris, et dans lesquels un bâtiment de commerce ne pourrait entrer sans danger..

«Telles sont les obligations des puissances belligérantes envers les puissances neutres; tels sont les droits réciproques des unes et des autres; telles sont les maximes consacrées par les traités qui forment le droit public des nations. Souvent l'Angleterre osa tenter d'y substituer des règles arbitraires et tyranniques. Ses injustes prétentions furent repoussées par tous les gouvernements sensibles à la voix de l'honneur et à l'intérêt de leurs peuples. Elle se vit constamment forcée de reconnaître dans ses traités les principes qu'elle

voulait détruire, et quand la paix d'Amiens fut violée, la législation maritime reposait encore sur ses anciennes bases.

«Par la suite des événements, la marine anglaise se trouva plus nombreuse que toutes les forces des autres puissances maritimes. L'Angleterre jugea alors que le moment était arrivé où, n'ayant rien à craindre, elle pouvait tout oser. Elle résolut aussitôt de soumettre la navigation de toutes les mers aux mêmes lois que celle de la Tamise.

« Ce fut en 1806 que commença l'exécution de ce système, qui tendait à faire fléchir la loi commune des nations devant les ordres du conseil et les règlements de l'Amirauté de Londres.

« La déclaration du 16 mai anéantit d'un seul mot les droits de tous les Etats maritimes, mit en interdit de vastes côtes et des empires entiers. De ce moment l'Angleterre ne reconnut plus de neutres sur les mers.

« Les arrêts de 1807 imposèrent à tout navire l'obligation de relâcher dans un port anglais, quelle que fût sa destination, de payer un tribut à l'Angleterre, et de soumettre sa cargaison aux tarifs de ses douanes.

«Par la déclaration de 1806, toute navigation avait été interdite aux neutres; par les arrêts de 1807, la faculté de naviguer leur fut rendue, mais il ne durent en faire usage que pour le service du commerce anglais, dans les combinaisons de son intérêt et à son profit.

«Le gouvernement anglais arrachait ainsi le masque dont il avait couvert ses projets, proclamait la domination universelle des mers, regardait tous les peuples comme ses tributaires, et imposait au continent les frais de la guerre qu'il entretenait contre lui.

« Ces mesures inouïes excitèrent une indignation générale parmi les puissances qui avaient conservé le sentiment de leur indépendance et de leurs droits. Mais à Londres, elles portèrent au plus haut degré d'exaltation l'orgueil national; elles montrèrent au peuple anglais un avenir riche des plus brillantes espérances. Son commerce, son industrie devaient être désormais sans concurrence; les produits des deux mondes devaient affluer dans ses ports, faire hommage à la souveraineté maritime et commerciale de l'Angleterre, en lui payant un droit d'octroi, et parvenir ensuite aux autres nations chargés de frais énormes dont les seules marchandises anglaises auraient été affranchies.

« VOTRE MAJESTÉ aperçut d'un coup d'œil les maux dont le continent était menacé. Elle en sai sit aussitôt le remède. Elle anéantit par ses décrets cette entreprise fastueuse, injuste, attentatoire à l'indépendance de tous les Etats et aux droits de tous les peuples.

Le décret de Berlin répondit à la déclaration de 1806. Le blocus des Iles Britanniques fut opposé au blocus imaginaire établi par l'Angleterre.

«Le décret de Milan répondit aux arrêts de 1807; il déclara dénationalisé tout bâtiment neutre qui se soumettrait à la législation anglaise, soit en touchant dans un port anglais, soit en payant tribut à l'Angleterre, et qui renoncerait ainsi à l'indépendance et aux droits de son pavillon: toutes les marchandises du commerce et de l'industrie de l'Angleterre furent bloquées dans les lles-Britanniques; le système continental les exila du continent.

nèrent contre l'Angleterre les armes qu'elle dirigeait contre le commerce universel. Cette source de prospérité commerciale, qu'elle croyait si abondante, devint une source de calamités pour le commerce anglais; au lieu de ces tributs qui devaient enrichir le trésor, le discrédit, toujours croissant, frappa la fortune de l'Etat et celle des particuliers.

« Dès que les décrets de VOTRE MAJESTÉ parurent, tout le continent prévit que tels en seraient les résultats s'ils recevaient leur entière exécution; mais, quelque accoutumée que fùt l'Europe à voir le succès couronner vos entreprises, elle avait peine à concevoir par quels nouveaux prodiges VOTRE MAJESTE réaliserait les grands desseins qui ont été si rapidement accomplis. Votre Majesté s'arma de toute sa puissance, rien ne la détourna de son but. La Hollande, les villes anséatiques, les côtes qui unissent le Zuyderzée à la mer Baltique, durent être réunies à la France et soumises à la même administration et aux mêmes règlements conséquence immédiate, inévitable de la législation du gouvernement anglais. Des considérations d'aucun genre ne pouvaient balancer, dans l'esprit de VoTRE MAJESTÉ, le premier intérêt de son empire.

« Elle ne tarda pas à recueillir les avantages de cette importante résolution. Depuis quinze mois, c'est-à-dire depuis le sénatus-consulte de réunion, les décrets de VOTRE MAJESTÉ ont pesé de tout leur poids sur l'Angleterre. Elle se flattait d'envahir le commerce du monde, et son commerce, devenu un agiotage, ne se fait qu'au moyen de vingt mille licences délivrées chaque année : forcée d'obéir à la loi de la nécessité, elle renonce ainsi à son Acte de navigation, premier fondement de sa puissance. Elle prétendait à la domination universelle des mers, et la navigation est interdite à ses vaisseaux repoussés de tous les ports du continent; elle voulait enrichir son trésor des tributs que lui payerait l'Europe, et l'Europe s'est soustraite non-seulement à ses prétentions injurieuses, mais encore aux tributs qu'elle payait à son industrie; ses villes de fabrique sont devenues désertes; la détresse a succédé à une prospérité jusqu'alors toujours croissante; la disparution alarmante du numéraire et la privation absolue du travail altèrent journellement la tranquillité publique. Tels sont pour l'Angleterre les résultats de ses tentatives imprudentes. Elle reconnait déjà et elle reconnaîtra tous les jours davantage qu'il n'y a de salut pour elle que dans le retour à la justice et aux principes du droit des gens, et qu'elle ne peut participer aux bienfaits de la neutralité des ports, qu'autant qu'elle laissera les neutres profiter de la neutralité de leur pavillon. Mais jusqu'alors, et tant que les arrêts du conseil britannique ne seront pas rapportés, et les principes du traité d'Utrecht envers les neutres remis en vigueur, les décrets de Berlin et de Milan doivent subsister pour les puissances qui laisseront dénationaliser leur pavillon. Les ports du continent ne doivent s'ouvrir ni aux pavillons dénationalisés ni aux marchandises anglaises.

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Il ne faut pas le dissimuler, pour maintenir sans atteintes ce grand système, il est nécessaire que VOTRE MAJESTÉ emploie les moyens puissants qui appartiennent à son empire, et trouvé dans ses sujets cette assistance qu'elle ne leur demanda jamais en vain. Il faut que toutes les forces disponibles de la France puissent se porter partout où le pavillon anglais et les pavillons dénationa«Jamais acte de représailles n'atteignit son ob- lisés, ou convoyés par les bâtiments de guerre de jet d'une manière plus prompte, plus sûre, plus l'Angleterre, voudraient aborder. Une armée spévictorieuse. Les décrets de Berlin et de Milan tour-ciale exclusivement chargée de la garde de nos

vastes côtes, de nos arsenaux maritimes et du triple rang de forteresses qui couvre nos frontières, doit répondre à VOTRE MAJESTÉ de la sûreté du territoire confié à sa valeur et à sa fidélité; elle rendra à leur belle destinée ces braves accoutumés à combattre et à vaincre sous les yeux de VOTRE MAJESTÉ pour la défense des droits politiques et de la sûreté extérieure de l'empire. Les dépôts même des corps ne seront plus détournés de l'utile destination d'entretenir le personnel et le matériel de vos armées actives. Les forces de VOTRE MAJESTÉ seront ainsi constamment maintenues sur le pied le plus formidable, et le territoire français, protégé par un établissement permanent que conseillent l'intérêt, la politique et la dignité de l'empire, se trouvera dans une situation telle qu'il méritera plus que jamais le titre d'inviolable et de sacré.

Dès longtemps le gouvernement actuel de l'Angleterre a proclamé la guerre perpétuelle, projet affreux dont l'ambition même la plus effrénée n'aurait pas osé convenir, et dont une jactance présomptueuse pouvait seule laisser échapper l'aveu; projet affreux qui se réaliserait cependant, si la France ne devait espérer que des engagements sans garantie, d'une durée incertaine et plus désastreux que la guerre même.

« La paix, SIRE, que VOTRE MAJESTÉ, au milieu de sa toute-puissance, a si souvent offerte à ses ennemis, couronnera vos glorieux travaux, si l'Angleterre, exilée du continent avec persévérance, et séparée de tous les Etats dont elle a violé l'indépendance, consent à rentrer enfin dans les principes qui fondent la société européenne, à reconnaître la loi des nations, à respecter les droits consacrés par le traité d'Utrecht.

«En attendant, le peuple français doit rester armé. L'honneur le commande, l'intérêt, les droits, l'indépendance des peuples engagés dans la même cause, et un oracle plus sûr encore, souvent émané de la bouche même de VOTRE MAJESTÉ, en font une loi impérieuse et sacrée. »

S. Exc. le duc de Feltre, ministre de la guerre, donne communication du rapport suivant: Rapport du ministre de la guerre à S. M. l'Empereur et Roi.

SIRE,

« La plus grande partie des troupes de VOTRE MAJESTE Sont appelées hors du territoire pour la défense des grands intérêts qui doivent assurer la prépondérance de l'empire, et maintenir les décrets de Berlin et de Milan, si funestes à l'Angleterre. Il y a à peine quinze mois que le système continental est en exécution, et déjà l'Angleterre est aux abois. Sans des circonstances que VOTRE MAJESTÉ ne devait pas calculer, peut-être que déjà ce court espace de temps aurait vu s'anéantir entièrement la prospérité de l'Angleterre, et que des convulsions se seraient fait sentir dans son intérieur, qui auraient achevé de décréditer la faction de la guerre et appelé à l'administration des hommes modérés et amis de la justice.

« Toutefois, personne ne sait mieux que VOTRE MAJESTÉ attendre du temps ce que le temps doit produire, et maintenir avec une imperturbable constance un système et un plan de conduite dont elle a calculé les résultats qui sont infaillibles.

« Pendant l'éloignement de la plus grande partie de nos forces de ligne, ce grand nombre d'établissements maritimes, de places fortes, et de points importants de l'empire, se trouvera gardé par les 5 bataillons et les dépôts, et par les troupes de la marine, ce qui a l'inconvénient de détour

ner sans cesse, par des marches et des contremarches, les 5es bataillons et les dépôts de leur véritable destination, qui est l'aliment des armées actives. Ces marches fatiguent le soldat et compliquent l'administration. D'ailleurs, lorsqu'on voit des armées aussi nombreuses au delà de toutes les frontières, il pourrait être permis aux citoyens, qui ne peuvent pas connaître les mesures prises par l'administration pour la défense des établissements intérieurs, de nourrir des inquiétudes : ces inquiétudes seules sont contraires à la dignité de l'empire; il faut les empêcher de naître, par l'établissement d'une force constitutionnelle uniquement affectée à la garde du territoire.

<< Par nos lois constitutionnelles, la garde nationale est spécialement chargée de la garde des frontières, de celle de nos établissements maritimes, de nos arsenaux et de nos places fortes; mais la garde nationale, qui embrasse l'universalité des citoyens, ne peut être mise en permanence que pour un service local et momentané.

«En divisant la garde nationale en trois bans, et en composant le premier de tous les conscrits des six dernières classes, c'est-à-dire, de l'âge de vingt à vingt-six ans, qui n'ont pas été appelés à l'armée active; le second, des hommes de vingtsix à quarante ans, et l'arrière-ban, des hommes de quarante à soixante, on pourra confier au premier ban le service actif. Alors les deuxième et troisième bans n'auront qu'un service de réserve tout à fait local et de police intérieure.

« Pour 1812, le premier ban, comprenant les conscrits de 1806 à 1812, qui n'ont pas été appelés à l'armée, et qui ne se sont pas mariés depuis, qui sont valides et en état de servir, formerait une ressource de six cent mille hommes.

« Je propose à VOTRE MAJESTÉ de lever sur ce nombre cent cohortes, ce qui ferait marcher le cinquième de ce qui reste des classes de 1806, 1807, 1808, 1809, 1810, 1811 et 1812. Ces hommes seraient organisés et habillés au chef-lieu de chaque division militaire. Les cadres seraient composés d'officiers et soldats ayant servi dans l'armée de ligne.

« Ces cohortes, composées de huit compagnies, dont six de fusiliers, une d'artillerie et une de dépôt, seraient de près de mille hommes. VOTRE MAJESTÉ aurait ainsi cent cohortes ou bataillons, qui, constamment sous les armes et réunies en brigades et en divisions sous les ordres de l'étatmajor de la ligne, offriraient une armée d'élite, qui pourrait être assimilée aux anciens grenadiers de France. Ces troupes, constamment campées et, par la nature de leur service, abondamment pourvues de tout, feraient peu de pertes par la guerre.

Par ce moyen, nos places fortes du Rhin, nos établissements du Helder, de la Meuse, de l'Escaut, de Boulogne, de Cherbourg, de Brest, de Lorient, de Rochefort, de Toulon, de Gênes, seront gardées par une combinaison de force telle qu'en cinq jours trente mille hommes seraient réunis sur un point quelconque de la côte qui serait attaquée; et qu'avant dix jours, vu les moyens accélérés que VOTRE MAJESTÉ établit dans les circonstances urgentes, soixante à quatre-vingt mille hommes tant du premier ban que des troupes de la marine, des gardes départementales, de la gendarmerie, et des 5es bataillons qui sont à portée de tous les points menacés et qu'on ferait marcher dans ces circonstances, seraient réunis sur le point menacé, indépendamment des secours qu'offriraient le second et le troisième ban de la garde nationale

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