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PRÉSIDENCE DE S. EXC. LE COMTE DE LACÉPÉDE. Séance du 28 mai 1812.

Vu le message en date du 9 de ce mois, par lequel S. M. L'EMPEREUR ET ROI présente comme candidats pour la place de conseiller à la cour de cassation vacante par le décès du sieur Guieu, Les sieurs :

D'Havemann, l'un des présidents de la cour impériale de Hambourg;

De Spilcker, conseiller en ladite cour, Et Gondella, vice-président du tribunal de première instance de Brême,

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions, du 13 décembre 1799,

Procède, en exécution de l'article 20 du même acte, à l'élection d'un conseiller en la cour de cassation entre les trois candidats ci-dessus désignés.

Le résultat du scrutin donne la majorité absolue des suffrages au sieur d'Havemann.

Il est proclamé par M. le président, conseiller en la cour de cassation.

Le Sénat arrête qu'il sera fait un message à S. M. L'EMPEREUR ET ROI, pour lui donner con

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PRÉSIDENCE DE S. A. S. LE PRINCE ARCHICHANCELIER DE L'EMPIRE.

Séance du 3 juillet 1812.

Aujourd'hui vendredi 3 juillet 1812, à deux heures après midi, le Sénat s'est réuni en grand costume dans son palais, en vertu d'une convocation extraordinaire faite par ordre de S. M. L'EMPEREUR ET ROI.

S. A. S. Mgr le prince archichancelier de l'empire, désigné pour présider la séance, a été reçu avec les honneurs d'usage.

S. A. S. le prince vice-grand électeur, et LL.EExc. le grand-juge ministre de la justice, le ministre de la guerre, le ministre directeur de l'administration de la guerre et le ministre de la police générale étaient présents.

Après la lecture des actes de convocation et de désignation de président dont la teneur suit:

Au camp impérial de Gumbinen, le 21 juin 1812. NAPOLÉON, EMPEREUR DES FRANÇAIS, ROI D'ITAlie, ProtecteUR DE LA CONFédération du RHIN, MÉDIATEUR DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE, etc., etc. Nous avons décrété et décrétons ce qui suit : Le Sénat se réunira le vendredi 3 juillet, deux heures, dans le lieu ordinaire de ses séances.

Par l'Empereur :

Signé NAPOLÉON.

Le ministre secrétaire d'État,
Signé LE COMTE Daru.

Au camp impérial de Gumbinen, le 21 juin 1812. NAPOLÉON, EMPEREUR DES FRANÇAIS, ROI D'ITALIE, PROTECTEUR DE LA CONFÉRÉRATION DU RHIN, MÉDIATEUR DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE, etc., etc. Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

Notre cousin le prince archichancelier de l'empire présidera le Sénat, qui se réunira le vendredi 3 juillet, dans le lieu ordinaire de ses séances.

Par l'Empereur :

Signé NAPOLÉON.

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SA MAJESTÉ a voulu aussi qu'il vous fût donné connaissance.

« Lorsque notre souverain, s'arrêtant au milieu de ses victoires, termina à Tilsitt la première guerre de Pologne, la cour de Russie promit d'adopter sans réserve le plan sagement combiné pour soustraire le continent à l'influence de l'Angleterre, et pour ramener cette puissance à des principes plus conformes aux droits des nations. « La Russie n'a point tardé à se départir de ce système salutaire.

« Ce changement de sa part, étant annoncé par des faits certains, et la voie des négociations ayant été inutilement employée, pendant le cours de l'année 1811, l'EMPEREUR a dû prendre des mesures commandées par la dignité de sa couronne, par l'intérêt de ses peuples, par le danger de ses alliés.

« Les traités qui vont être mis sous vos yeux sont un acheminement à l'exécution de ce dessein.

«Le courage de nos guerriers, le génie du héros qui leur aplanit les sentiers de la gloire, garantissent à la nation que, cette fois, comme par le passé, de grandes espérances seront suivies de grands succès. »>

S. A. S. a ensuite déposé sur le bureau les pièces suivantes, dont il a été donné lecture à l'assemblée par un de MM. les secrétaires, à la tribune:

Rapport du ministre des relations extérieures.

« SIRE,

« Le traité de Tilsitt entre la France et la Russie était un traité d'alliance offensif contre l'An.. gleterre. Ce fut au retour de la conférence du Niemen, où l'Empereur Alexandre avait dit à VOTRE MAJESTÉ qu'il voulait être son second contre l'Angleterre, que vous vous déterminâtes, SIRE, à sacrifier les avantages que vous teniez de la victoire, et à passer rapidement de l'état de guerre à l'état d'alliance avec la Russie.

« Cette alliance, qui augmentait les moyens de guerre de la France contre l'Angleterre, devait aussi garantir la paix du continent.

« Cependant en 1809, l'Autriche fit la guerre à la France. La Russie, contre le texte précis des traités, ne fut d'aucun secours à VOTRE MAJESTÉ. Au lieu de cent cinquante mille hommes qu'elle pouvait faire marcher et qui devaient seconder l'armée française, quinze mille hommes seulement entrèrent en campagne, et lorsqu'ils dépassèrent la frontière russe, le sort de la guerre était déjà décidé.

"Depuis cette époque, SIRE, l'ukase du 19 décembre 1810 qui détruisit nos relations commerciales avec la Russie, l'admission du commerce de l'Angleterre dans ses ports, ses armements qui menacèrent, dès le commencement de 1811, d'envahir le duché de Varsovie, enfin sa protestation sur l'Oldenbourg, anéantirent l'alliance. Elle n'existait plus lorsque de part et d'autre des armées se formaient pour s'observer.

« Cependant l'année 1811 tout entière fut employée à des pourparlers et à des négociations avec la Russie dans l'espérance de détourner, s'il était possible, le cabinet de Pétersbourg de la guerre qu'il paraissait avoir résolue, et de parvenir à connaître ses véritables intentions. Il a été prouvé jusqu'à l'évidence que cette puissance se proposait à la fois de se soustraire aux conditions des traités de Tilsitt pour se mettre en état de paix avec l'Angleterre, et d'attenter à l'exis

tence du duché de Varsovie, en se servant du prétexte des indemnités réclamées par le duc d'Oldenbourg.

VOTRE MAJESTÉ, décidée à soutenir par la force des armes l'honneur des traités, l'existence et l'intégrité des Etats de ses alliés, avait senti l'importance de s'unir plus étroitement à une puissance à laquelle elle était déjà attachée par des liens chers à son cœur, et dont les intérêts politiques généraux étaient les mêmes que ceux de VOTRE MAJESTÉ. A cet effet, SIRE, un traité a été conclu le 14 du mois de mars dernier, entre VOTRE MAJESTÉ et l'empereur d'Autriche.

Tout garantit à cette alliance une longue durée. Elle assure le repos du midi de l'Europe et promet à la France qu'elle ne sera plus troublée dans ses efforts pour le rétablissement de la paix ma

ritime.

« Je propose à VOTRE MAJESTÉ de faire donner communication au Sénat du traité d'alliance conclu entre la France et l'Autriche, et d'ordonner qu'il soit promulgué comme loi de l'Etat, conformément à nos constitutions.

Je suis, avec le plus profond respect,
SIRE,

De VOTRE MAJESTÉ IMPÉRIALE et ROYALE,
Le très-humble et très-obéissant serviteur et
fidèle sujet,
LE DUC DE BASSANO.

Gumbinen, le 21 juin 1812.

Traité d'alliance du 14 mars entre LL. MM. l'Empereur et Roi et l'Empereur d'Autriche

S. M. L'EMPEREUR DES FRANÇAIS, RO D'ITALIE, etc., etc., et S. M. l'empereur d'Autriche, etc., ayant à cœur de perpétuer l'amitié et la bonne intelligence qui existent entre elles, et de concourir par l'amitié et la force de leur union, soit au maintien de la paix du continent, soit au rétablissement de la paix intérieure;

Considérant que rien ne serait plus propre à produire ces heureux résultats que la conclusion d'un traité d'alliance qui aurait pour but la sûreté de leurs Etats et possessions, et la garantie des principaux intérêts de leur politique respective, ont, à cet effet, nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir:

S. M. L'EMPEREUR DES FRANÇAIS, etc., M. Hugues Bernard, comte Maret, duc de Bassano, etc.;

Et S. M. l'empereur d'Autriche, etc., le prince Charles de Schwartzenberg, duc de Kruman, etc.; Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs respectifs, sont convenus des articles suivants :

Art. 1er. Il y aura, à perpétuité, amitié, union sincère et alliance entre S. M. L'EMPEREUR DES FRANÇAIS, ROI D'ITALIE, etc., et S. M. l'empereur d'Autriche, roi de Hongrie, etc. En conséquence les hautes parties contractantes apporteront la plus grande attention à maintenir la bonne intelligence si heureusement établie entre elles, leurs Etats et sujets respectifs, à éviter tout ce qui pourrait l'altérer et à se procurer en toute occasion leur utilité, honneur et avantages mutuels.

Art. 2. Les deux hautes parties contractantes se garantissent réciproquement l'intégrité de leurs territoires actuels.

Art. 3. Par une suite de cette garantie réciproque, les deux hautes parties contractantes travailleront toujours de concert aux mesures qui leur paraîtront les plus propres au maintien de la paix; et dans le cas où les Etats de l'une ou de

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Art. 5. Ce secours sera fourni à la première réquisition de la partie attaquée ou menacée; il se mettra en marche dans le plus court délai possible, et au plus tard avant l'expiration des deux mois qui suivront la demande qui en aura été faite.

Art. 6. Les deux hautes parties contractantes garantissent l'intégrité du territoire de la Porte Öttomane en Europe.

Art. 7. Elles reconnaissent et garantissent également les principes de la navigation des neutres, tels qu'ils ont été reconnus et consacrés par le traité d'Utrecht.

S. M. l'empereur d'Autriche renouvelle, en tant que besoin est, l'engagement d'adhérer au système prohibitif contre l'Angleterre, pendant la présente guerre maritime.

Art. 8. Le présent traité d'alliance ne pourra être rendu public ni communiqué à aucun cabinet que de concert entre les deux hautes parties.

Art. 9. Il sera ratifié et les ratifications en seront échangées à Vienne dans un délai de quinze jours, ou plus tôt si faire se peut.

Fait et signé, à Paris le 14 mars 1812.

Signé H.-B. DUC DE BASSANO. Signé LE PRINCE CHARLES DE SCHWARTZEN

BERG.

Pour copie conforme:

Le ministre des relations extérieures,
LE DUC DE BASSANO.

Rapport du ministre des relations extérieures.

« SIRE,

« Dès la fin de l'année 1810, la cour de Pétersbourg ayant changé de système, et résolu de se soustraire aux engagements qu'elle avait souscrits à Tilsitt, prit le parti d'appuyer par des armements les actes par lesquels elle violait l'alliance. Elle rassembla des troupes dans ses provinces polonaises, et elle rappela une partie de son armée de Moldavie, qui arriva à marches forcées sur les frontières du duché de Varsovie.

« Dans le mois de février 1811, VOTRE MAJESTÉ demanda des explications sur ces armements extraordinaires; elle dut en même temps conseiller au roi de Saxe de concentrer sur la Vistule les troupes du duché de Varsovie pour les mettre à l'abri d'une attaque soudaine.

«La Prusse, placée dans une position intermédiaire entre la France et la Russie, s'aperçut la première des dispositions du cabinet de Petersbourg. Elle ne pouvait en comprendre les motifs, mais elle en prévoyait les résultats: elle fit des représentations à la Russie; elle lui montra le danger qu'il y avait à appuyer des négociations par des armements; elle la conjura de cesser des mouvements qui pouvaient compromettre la Prusse elle-même, et qui devaient attirer sur son territoire les armées que VOTRE MAJESTÉ serait forcée de faire marcher à la défense du duché de Varsovie. Cette démarche, inspirée par le désir de la

paix et dictée par la prudence, ne produisit aucun effet, et la Prusse voyant cette fatalité qui, depuis dix ans, a entraîné l'Europe, peser aussi sur la Russie, demanda franchement, dès le mois de mai 1811, à s'unir à VOTRE MAJESTÉ par une alliance.

« VOTRE MAJESTÉ hésita longtemps à prendre des engagements qui devaient faire supposer que l'alliance de Tilsitt n'existait plus. Elle ne connaissait point encore les motifs qui pouvaient porter la Russie à rompre les traités, à se mettre en état de paix avec l'Angleterre et à menacer l'existence du duché de Varsovie; mais lorsqu'il ne resta plus aucun doute à VOTRE MAJESTÉ, elle m'autorisa à entrer en négociation avec la Prusse, et à conclure le traité qui a été signé le 24 février 1812.

« Je propose à VOTRE MAJESTÉ de faire donner communication au Sénat du traité d'alliance conclu entre la France et la Prusse, et d'ordonner qu'il sera promulgué comme loi de l'Etat, conformément à nos constitutions.

Je suis, avec le plus profond respect,
SIRE,

DE VOTRE MAJESTÉ IMPÉRIALE ET ROYALE,

Le très-humble et très-obéissant serviteur et fidèle sujet,

LE DUC DE BASSANO.

Traité d'alliance du 24 février 1812, entre S. M. l'Empereur et Roi et S. M. le roi de Prusse.

S. M. L'EMPEREUR DES FRANÇAIS, ROI D'ITALIE, etc.; S. M. le roi de Prusse,

Voulant resserrer plus étroitement les liens qui les unissent, ont nommé pour leurs plénipotentiaires :

S. M. L'EMPEREUR DES FRANÇAIS, M. Hugues Bernard, comte Maret, duc de Bassano, etc., etc. S. M. le roi de Prusse, M. Frédéric-GuillaumeLouis, baron de Krusemark, etc.,

Lesquels, après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs, sont convenus des articles suivants :

Art. 1er. Il y aura alliance défensive entre S. M. L'EMPEREUR DES FRANÇAIS, ROI D'ITALIE et S. M. le roi de Prusse, leurs héritiers et successeurs, contre toutes puissances de l'Europe avec lesquelles l'une et l'autre des parties contractantes sont ou viendraient à entrer en état de guerre.

Art. 2. Les deux hautes parties contractantes se garantissent réciproquement l'intégrité de leur territoire actuel.

Art. 3. Le cas de l'alliance survenant et chaque fois qu'il surviendra, les dispositions à prendre en conséquence par lesdites parties contractantes seront réglées par une convention spéciale.

Art. 4. Toutes les fois que l'Angleterre attentera aux droits du commerce, soit par la déclaration en état de blocus des côtes de l'une ou de l'autre des parties contractantes, soit par toute autre disposition contraire au droit maritime consacré par le traité d'Utrecht, tous les ports et les côtes desdites puissances seront également interdits aux bâtiments des nations neutres qui laisseraient violer l'indépendance de leur pavillon.

Art. 5. Le présent traité sera ratifié, et les ratifications seront échangées à Berlin dans l'espace de dix jours, ou plus tôt si faire se peut. Fait et signé à Paris, le 24 février 1812. Signé H.-B. Duc de Bassano. LE BARON DE KRUSEMARK.

Pour copie conforme :
Le ministre des relations extérieures,
LE DUC DE BASSANO.

Lecture faite de ces actes, M. le comte Lacépède, président annuel, a proposé au Sénat de renvoyer à une commission spéciale, composée de cinq membres, les rapports et les deux traités dont on venait d'entendre la lecture, et de charger cette commission de soumettre à l'assemblée Le projet d'une adresse par laquelle le Sénat exprimerait à SA MAJESTÉ IMPERIAIE ET ROYALE sa vive et respectueuse reconnaissance pour les communications importantes qu'elle a bien voulu lui faire faire, et lui présenterait un nouvel hommage de ses sentiments et de ceux du peuple français.

Cette proposition ayant été adoptée, on procêde sur-le-champ à la nomination des commissaires. MM. les comtes Lacépède, Garnier, Latour-Maubourg, Monge, et le maréchal Serrurier ont été élus membres de la commission spéciale.

Le Sénat a ajourné à demain samedi le rapport de cette commission.

S. A. S. le prince archi-chancelier a levé la séance, et a été reconduit avec le même cérémonial qu'à son arrivée.

ANNEXES

A LA SÉANCE DU SÉNAT CONSERVATEUR DU 3 JUILLET 1812.

PIÈCES OFFICIELLES.

No jer.

Copie d'une note adressée, par le ministre des relations extérieures, à M. le comte de Romanzow, chancelier de Russie.

Paris lc 25 avril 1812.

MONSIEUR LE COMTE,

S. M. l'Empereur de Russie avait reconnu à Tilsitt que la génération présente ne serait rendue au bonheur qu'autant que toutes les nations, jouissant de la plénitude de leurs droits, pourraient se livrer en toute liberté à leur industrie; qu'autant que l'indépendance de leur pavillon serait inviolable; que l'indépendance de leur pavillon était un droit de chacune d'elles et un devoir réciproque des unes envers les autres; qu'elles n'étaient pas moins solidaires de l'inté de leur pavillon que de celle de leur territoire; que si une puissance ne peut, sans cesser d'être neutre, laisser enlever sur son territoire, par une des puissances belligérantes, les propriétés de l'autre, elle cesse également d'être neutre en laissant enlever sous son pavillon, par une des puissances belligérantes, les propriétés que l'autre y a placées; que toutes les puissances ont en conséquence le droit d'exiger que les nations qui prétendent à la neutralité fassent respecter leur pavillon, de la même manière qu'elles doivent faire respecter leur territoire; que tant que l'Angleterre, persistant dans son système de guerre, ne reconnait l'indépendance d'aucun pavillon sur les mers, aucune puissance qui a des côtes ne peut être neutre envers l'Angleterre.

Avec cette pénétration et cette élévation de sentiments qui le distinguent, l'empereur Alexandre comprit ainsi qu'il ne pourrait y avoir de prospérité pour les Etats du continent que dans le rétablissement de leurs droits, par la paix maritime. Ce grand intérêt de la paix maritime domina dans le traité de Tilsitt; tout le reste en fut la conséquence immédiate.

L'empereur Alexandre offrit sa médiation au gouvernement anglais, et s'engagea, si ce gouvernement ne consentait à conclure la paix, en reconnaissant que les pavillons de toutes les puis

sances doivent jouir d'une égale et parfaite indépendance sur les mers, à faire cause commune avec la France, à sommer, de concert avec elle, les trois cours de Copenhague, de Stockholm et de Lisbonne de fermer leurs ports aux Anglais, et de déclarer la guerre à l'Angleterre, et à insister avec force auprès des puissances, pour qu'elles adoptent les mêmes principes.

L'EMPEREUR NAPOLÉON accepta la médiation de la Russie; mais l'Angleterre n'y répondit que par une violation du droit des gens, jusqu'alors sans exemple dans l'histoire. Elle vint, en pleine paix et sans déclaration préalable de guerre, attaquer le Danemark, surprendre sa capitale, brûler ses arsenaux, et s'emparer de sa flotte qui était désarmée et en sécurité dans ses ports. La Russie, se conformant aux stipulations et aux principes du traité de Tilsitt, déclara la guerre à l'Angleterre, proclama de nouveau les principes de la neutralité armée, et s'engagea à ne déroger jamais à ce système. Ce fut alors que le cabinet britannique jeta le masque, en publiant, au mois de novembre 1807, ces arrêts du conseil par lesquels l'Angleterre levait un octroi de 4 à 500 millions sur le continent, et soumettait tous les pavillons aux tarifs et aux dispositions de sa législation. Ainsi, d'un côté, elle se mettait en état de guerre contre toute l'Europe; de l'autre, elle s'assurait les moyens d'en perpétuer indéfiniment la durée, en fondant ses finances sur les tributs qu'elle prétendait imposer à tous les peuples.

Déjà en 1806, et pendant que la France était en guerre contre la Prusse et la Russie, elle avait proclamé un blocus qui mettait en interdit toutes les côtes d'un empire. Lorsque SA MAJESTÉ fut entrée à Berlin, elle répondit à cette prétention monstrueuse par le décret du blocus des lles Britanniques. Mais pour repousser les arrêts du conseil de 1807, il fallait des mesures plus directes, plus précises, et SA MAJESTÉ par le décret de Milan, du 17 décembre de la même année, déclara dénationalisés tous les pavillons qui laisseraient violer leur neutralité, en se soumettant à ces arrêts.

L'attentat de Copenhagne avait été soudain et public. L'Angleterre préparait en Espagne des attentats nouveaux ourdis avec méditation et dans les ténèbres.

N'ayant pu ébranler la fermeté du roi Charles IV, elle forma un parti contre ce prince, qui ne voulait pas sacrifier à l'Angleterre les intérêts de son royaume; elle se servit du nom du prince des Asturies, et le père fut chassé de son trône au nom du fils; les ennemis de la France et les partisans de l'Angleterre s'emparèrent du pouvoir.

SA MAJESTÉ, appelée par le roi Charles IV, fit entrer ses troupes en Espagne, et la guerre de la péninsule fut allumée.

Par une des stipulations de Tilsitt, la Russie devait évacuer la Valacaie et la Moldavie. Cette évacution fut différée. De nouvelles révolutions survenues à Constantinople avaient plusieurs fois ensanglanté le sérail.

Ainsi, un an s'était à peine écoulé depuis la paix de Tilsitt, les affaires de Copenhague, d'Espagne, de Constantinople, et les arrêts publiés en 1807 par le conseil britannique, avaient déjà placé l'Europe dans une situation tellement inattendue, que les deux souverains jugèrent convenable de se concerter et de s'entendre: l'entrevue d'Erfurth eut lieu.

Unis d'intention et animés de l'esprit de Tilsitt, ils se mirent d'accord sur ce qu'exigeaient d'eux de si grands changements: l'EMPEREUR consentit à faire évacuer la Prusse par ses troupes, en même

temps qu'il consentait que la Russie non-seulement n'évacuât point la Valachie et la Moldavie, mais réunit ces provinces à son empire.

Les deux souverains, pénétrés du même désir du rétablissement de la paix maritime, et alors aussi fermement attachés qu'à Tilsitt à la défense des principes pour lesquels ils s'étaient unis, résolurent de faire en commun une démarche solennelle auprès de l'Angleterre. Vous vintes, Monsieur le Comte, en suivre les effets à Paris, et vous échangeates alors plusieurs notes avec le gouvernement britannique. Mais le cabinet de Londres, qui entrevoyait qu'une guerre allait se rallumer sur le continent, repoussa toute négociation.

La Suède s'était refusée à fermer ses ports à l'Angleterre. La Russie, conformément aux stipulations de Tilsitt, lui avait déclaré la guerre. I en résulta pour elle la perte de la Finlande, que la Russie réunit à son empire. En même temps, les armées russes occupèrent les places fortes du Danube, et firent une guerre avantageuse contre la Turquie.

Cependant, Monsieur le Comte, le système de l'Angleterre triomphait: ses arrêts du conseil menaçaient d'obtenir les plus immenses résultats, et l'octroi, qui devait fournir les moyens d'entretenir la guerre perpétuelle qu'elle avait proclamée, se percevait sur les mers. La Hollande et les villes anséatiques, continuant de commercer avec elle, leur connivence rendait illusoires les dispositions salutaires et décisives des décrets de Berlin et de Milan, qui pouvaient seules combattre victorieusement les principes et les arrêts du conseil britannique. L'exécution de ces dispositions ne pouvant être assurée que par l'action journalière d'une administration ferme, vigilante et à l'abri de toute influence ennemie, la Hollande et les Villes anséatiques durent être réunies. Mais, tandis que les sentiments les plus chers cédaient, dans le cœur de SA MAJESTÉ aux intérêts de ses peuples et à ceux du continent, de grands changements s'opéraient la Russie abandonnait les principes pour lesquels elle s'était engagée à Tilsitt, à faire cause commune avec la France, qu'elle avait proclamés dans sa déclaration de guerre à l'Angleterre, et qui avaient dicté les décrets de Berlin et de Milan. Ils furent éludés par l'ukase sur le commerce qui ouvrit les ports de la Russie à tout bâtiment anglais, chargé de marchandises coloniales, propriétés anglaises, pourvu qu'il prit le masque d'un pavillon étranger. Ce coup inattendu annula le traité de Tilsitt et ces transactions fondamentales qui avaient fini la lutte des deux plus grands empires du monde, et qui avaient promis à l'Europe le grand bienfait de la paix maritime. On pressentit dès lors des bouleversements prochains et des guerres sanglantes.

La conduite de la Russie depuis cette époque fut constamment dirigée vers ces funestes résultats. La réunion du duché d'Oldembourg, enclavé de toutes parts dans les contrées nouvellement soumises au même régime que la France, était une suite nécessaire de la réunion des villes anséatiques. Une indemnité fut offerte. Cet objet était facile à régler selon les convenances réciproques. Mais votre cabinet en fit une affaire d'Etat et l'on vit pour la première fois paraître une protestation d'un allié contre un allié. La réception des vaissaux anglais dans les ports russes et les dispositions de l'ukase de 1810 avaient fait connaître que les traités n'existaient plus : la protestation montra que non-seulement les liens qui avaient uni les deux puissances étaient rompus, mais que la Russie jetait publiquement le gant à la France pour une difficulté qui lui était étrangère, et qui ne pou

vait se résoudre que par le moyen que SA MAJESTÉ avait offert. On ne se dissimula point que le refus de cette offre décelait le projet déjà formé d'une rupture. La Russie s'y préparait en effet. Au moment de dicter les conditions de la paix à la Turquie, elle avait rappelé tout à coup cinq divisions de l'armée de Moldavie, et, dès le mois de février 1811, on apprit à Paris que l'armée du duché de Varsovie avait été obligée de repasser la Vistule pour se mettre à portée d'être secourue par la Confédération, tant les armées russes sur la frontière étaient déjà nombreuses et menaçantes.

Lorsque la Russie s'était déterminée à des mesures contraires aux intérêts de la guerre active qu'elle avait à soutenir, lorsqu'elle avait donné ses armements un développement onéreux à ses finances et sans objet dans la situation où se trouvaient toutes les puissances du continent, toutes les troupes françaises étaient en deçà du Rhin, à l'exception d'un corps de quarante mille hommes rassemblés à Hambourg pour la défense des côtes de la mer du Nord et pour le maintien de la tranquillité dans les pays nouvellement réunis; les places réservées en Prusse n'étaient occupées que par les troupes alliées; il n'était resté à Dantzick qu'une garnison de quatre mille hommes, et les troupes du duché de Varsovie étaient sur le pied de paix; une partie même était en Espagne.

Les préparatifs de la Russie se trouvaient donc sans objet, à moins qu'elle n'eût l'espérance d'en imposer à la France par un grand appareil de forces et de la porter à mettre fin aux discussions de l'Oldenbourg, en sacrifiant l'existence du duché de Varsovie; peut-être aussi, ne pouvant se dissimuler qu'elle avait violé le traité de Tilsitt, la Russie n'avait-elle recours à la force que pour chercher à justifier des violations qui ne pouvaient pas l'être.

Cependant SA MAJESTÉ resta impassible. Elle persista dans le désir d'un arrangement; elle pensait qu'il était toujours temps d'en venir aux armes ; elle demanda que des pouvoirs fussent envoyés au prince Kourakin et qu'une négociation fùt ouverte sur des différends qui pouvaient se terminer facilement et qui n'étaient assurément pas de nature à exiger l'effusion du sang. Ils se réduisaient aux quatre points suivants :

1o L'existence du duché de Varsovie, qui avait été une condition de la paix de Tilsitt et qui, dès la fin de 1809, donna lieu à la Russie de manifester des défiances auxquelles SA MAJESTÉ répondit par une condescendance portée aussi loin que l'amitié la plus exigeante pouvait le désirer et que l'honneur pouvait le permettre;

2o La réunion du duché d'Oldenbourg, que la guerre contre l'Angleterre avait nécessitée et qui était dans l'esprit de Tilsitt;

3o La législation sur le commerce des marchandises anglaises et les bâtiments dénationalisés, qui devait être réglée par l'esprit et les termes du traité de Tilsitt;

4° Enfin les dispositions de l'ukase de décembre 1810, qui, en détruisant toutes les relations commerciales de la France avec la Russie et en ouvrant les ports aux pavillons simulés chargés de propriétés anglaises, étaient contraires à la lettre du traité de Tilsitt.

Tels devaient être les objets de la négociation. Quant à ce qui regardait le duché de Varsovie, SA MAJESTÉ s'empressait d'adopter une convention par laquelle elle s'engageait à ne favoriser aucune entreprise qui tendrait directement ou indirectement au rétablissement de la Pologne.

Quant à l'Oldenbourg, elle acceptait l'inter

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