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était de ne faire les levées que progressivement et dans le courant de l'année.

A mesure que les nouveaux conscrits arrivent sous les drapeaux, un pareil nombre de vieux soldats devraient être renvoyés dans leurs foyers. Beaucoup sont déjà rentrés, et VOTRE MAJESTE prendra conseil des circonstances de la guerre d'Espagne et de Portugal, pour m'autoriser à accorder plus ou moins de congés définitifs.

La conscription est la base de la prospérité de la France; c'est elle qui, depuis tant d'années, a éloigné de notre territoire les fléaux de la guerre.

Lorsque VOTRE MAJESTÉ aura conclu la paix maritime, et qu'elle pourra licencier ses armées, il sera également nécessaire de lever chaque année une partie de la conscription, afin de maintenir les forces de VOTRE MAJESTÉ sur le pied qui convient à son empire; mais je n'estime pas qu'il faille alors plus du tiers de la conscription que je propose de lever aujourd'hui, ce qui fournira tout au plus le neuvième des hommes susceptibles d'être appelés comme conscrits. On sent alors combien sera allégée cette contribution, la première de celles que les Français doivent à la patrie. La milice, qui paraissait une institution modérée, mais qui était aggravée par une multitude d'exemptions, a beaucoup pesé sur la nation lors des guerres de Louis XIV, et même des guerres de Flandre et de Bohême.

La conscription de 1811 occasionnera des dépenses extraordinaires pour la première mise d'habillement et d'équipement, pour les frais de route, etc., etc., d'un nombre d'hommes aussi considérable. Je les ai portées au budget de l'année et elles sont comprises dans les dispositions générales que VOTRE MAJESTÉ a faites pour les finances de cet exercice, sans que cette augmentation de dépenses nécessité aucune augmentation d'impositions. Mon ministère se ressent de la situation prospère des finances de VOTRE MAJESTE. A peine quelques objets contentieux, et qui méritent examen, restent-ils à acquitter; aucune partie du service ne languit, et toutes mes dé. penses, jadis si arriérées, sont à jour.

Je suis avec respect,

SIRE,

De Votre Majesté Impériale et Royale,

Le très-humble serviteur et très-fidèle sujet,

Le ministre de la guerre Signé DUC DE FELTRE (Clarke.) Après cette lecture, M. le comte Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély) porte la parole en ces

termes :

MONSEIGNEUR, SÉNATEURS,

Quand SA MAJESTÉ appela sous ses aigles les conscriptions des années 1809 et 1810 avant l'époque ordinaire, elle annonça la victoire et la paix comme le prix du dévouement de ses nouveaux soldats.

L'EMPEREUR a tenu sa promesse : il a vaincu et pacifié, sans qu'il ait été besoin de devancer encore le moment où les Français soumis à la conscription doivent acquitter leur dette envers la patrie.

Le temps a amené le retour du terme périodique où l'appel doit avoir lieu.

Au commencement de 1811, la conscription de cette année doit se préparer à entrer successivement dans les cadres, pour y remplacer ou les braves atteints dans les batailles, où les vétérans

qui vont au sein de leurs familles porter leur gloire et chercher le repos.

Le nombre levé sur les conscriptions antérieures a été de cent vingt mille hommes; mais l'appel ne vous en a été proposé que successivement, et avec la distinction de destination immédiate et de réserve.

Bien que la totalité d'une levée égale à celle des conscriptions précédentes ne soit pas actuellement nécessaire, SA MAJESTÉ a pensé qu'il était plus convenable de mettre à la disposition de son ministre de la guerre le nombre des conscrits employés les années précédentes.

Ils ne seront ensuite appelés que successivement, en vertu des décrets de SA MAJESTÉ, et autant que le besoin se fera sentir.

Aucune augmentation de revenu ne sera nécessaire, et les fonds assignés par le budget de 1810 pour cet exercice, ou mis à la disposition pour celui de 1811, suffiront aux dépenses de ces deux années et de tous les départements du ministère.

Pour se maintenir dans une attitude honorable, pour se montrer protectrice ou menaçante aux yeux de ses amis ou de ses ennemis, la France n'a donc besoin, Messieurs, d'aucun effort nouveau, d'aucun sacrifice extraordinaire.

Car ce n'est pas ainsi qu'il faut jamais appeler la levée de la conscription, tribut personnel, garant de l'indépendance, de la puissance et de la gloire de l'empire, et qui doit, en temps de paix comme en temps de guerre, être acquitté, chaque année, dans une proportion plus ou moins forte.

Et le minimum de cette proportion doit être toujours, même en paix, en raison composée, 1o du résultat de la mortalité ordinaire; 2° du nombre de congés délivrés.

Ce nombre de congés serait alors du cinquième de l'armée, s'il n'arrivait pas qu'un grand nombre de Français préfèrent la vie militaire, ses chances glorieuses et ses honorables hasards à un repos ou à un travail dont ils sont désaccoutumés.

Ces braves acquittent ainsi volontairement et pour un temps qui embrasse souvent la durée de leur vie, la dette d'une partie de leurs concitoyens, en même temps qu'ils forment dans tous les corps de l'armée cette réserve inépuisable, ce fonds de vieux guerriers, à l'exemple desquels se forment les nouvelles levées et qui garantissent la victoire.

En songeant à l'étendue de leur dévouement, à la durée de leurs services, quel Français peut hésiter à s'y associer, quand il entend la voix de la patrie qui l'appelle, de la loi qui lui commande, et de la gloire qui l'attend?

Projet de sénatus-consulle.

Art. 1er. Cent vingt mille hommes de la conscription de 1811, sont mis à la disposition du ministre de la guerre pour le recrutement de l'armée.

Art. 2. Ils seront pris parmi les Français qui sont nés du 1er janvier 1791 au 31 décembre de la même année.

Art. 3. Les appels et leurs époques seront déterminés par des règlements d'administration publique.

Art. 4. Le présent sénatus-consulte sera transmis, par un message, à SA MAJESTÉ IMPÉRIALE ET ROYALE.

Les deux projets de sénatus-consultes sont renvoyés à des commissions spéciales et le Sénat s'ajourne au 13 de ce mois.

SENAT CONSERVATEUR.

PRÉSIDENCE DE S. A. S. LE PRINCE ARCHICHANCE-
LIER DE L'EMPIRE (CAMBACÉRÈS).
Séance du 13 décembre 1810.

Le Sénat se réunit à trois heures après midi, sous la présidence de S. A. S. le prínce archichancelier de l'empire.

M. le comte de Sémonville, au nom d'une commission spéciale, composée, outre le rapporteur, de MM. les comtes Garnier, Colchen, Lapparent et Gouvion, présente le rapport suivant sur le projet du sénatus-consulte portant réunion de la Hollande des villes anséatiques et du Valais, à l'empire français.

MONSEIGNEUR,

SÉNATEURS,

La commission à laquelle vous avez renvoyé le sénatus-consulte relatif à la réunion de la Hollande et des villes anséatiques au territoire de l'empire français, m'a chargé de vous exposer les motifs qui réclament l'adoption de mesures d'un si grand intérêt.

Dans le cours du travail de la commission, une observation principale s'est emparée de notre pensée; nous n'avons cessé de nous étonner que des événements commandés par tant de circonstances diverses eussent été différés aussi longtemps.

En effet, Sénateurs, dès l'époque où nos armées victorieuses arrachèrent là Batavie à la triple oppression des puissances coalisées, elle perdit l'existence qu'avait signalée Frédéric avec tant d'énergie et de vérité; elle cessa d'être une chaloupe remorquée tour à tour par les deux grands vaisseaux de guerre l'Angleterre et la France; son équipage, pour suivre cette comparaison, était passé à notre bord; le Brabant faisait partie de notre territoire, et la Hollande était conquise sans retour. Il ne s'est pas écoulé, depuis, un seul jour où sa réunion à l'empire français n'eût été un bien fait, et nous osons le dire, un bienfait inappréciable, puisqu'il lui eût épargné une longue suite de privations, de pertes et de malheurs.

Mais tel est l'empire des habitudes et de l'amourpropre sur les peuples, comme sur les individus : vainement les changements qui frappent leurs regards dans tout ce qui les entoure, les avertissent de leur propre décadence; les uns et les autres repoussent la conviction secrète qui les poursuit. Un sentiment aveugle les détourne des leçons de l'expérience, et ils rendent leur fin plus funeste par les efforts qu'ils ont tentés pour s'y soustraire.

Nos drapeaux flottaient sur tout le territoire batave; les partisans de l'Angleterre fuyaient sur les vaisseaux indignement vendus par eux à l'ennemi. L'incorporation à la France, l'association des Bataves avec leurs frères de la Belgique devait être le premier de leurs vœux, le plus pressant de leurs besoins.

La dette publique, qui n'avait pas encore pris l'immense accroissement auquel elle est ensuite parvenue, pouvait être sauvée tout entière du naufrage; d'immenses débouchés de commerce étaient ouverts avec la France; des charges énorines n'auraient point pesé durant quinze ans sur ces intéressantes contrées, et pourquoi? pour obtenir le stérile honneur d'un gouvernement prétendu national, comme s'il existait une nation là où il n'y a point d'indépendance, d'armée, de territoire susceptible de défense.

Les temps sont passés où les conceptions de

quelques hommes d'Etat avaient accréd l'opinion le système des balances, des ga des contre-poids, de l'équilibre politiqu peuses illusions des cabinets du second Espérances de la faiblesse qui toutes s'év sent devant cette puissance régulatrice de et des rapports respectifs des empires, la sité!

Les gouvernements successifs de la H n'auraient-ils pas obéi mille fois aux agi intérieures, aux plus légers efforts de l'Ang si la force de l'empire français n'eût a stamment sur eux pour les maintenir ou p défendre?

Et lorsque l'Angleterre faisait à la Fran jure de la croire absente, parce que l'EMI méditait la victoire et la paix sur les ri Danube, est-ce la Hollande qui a pu rep la flotte et les légions britanniques asse pour recommencer l'oppression et la ho Helder?

Non, sans doute; des vérités de cette év n'ont besoin ni de preuves ni d'exemp Hollande, comme les villes anséatiques, re livrée à des incertitudes, des dangers, des lutions, des oppressions de tout genre, si nie qui dispose des destinées de l'Europe couvrait de son invincible égide; l'EMPER résolu dans sa sagesse de les incorporer à mense famille dont il est le chef.

En adoptant cette grande détermination, être obéit-il lui-même, plus qu'on ne se perm de le penser, à la loi de la nécessité.

S'il commande la gloire des temps prés les événements qui ont précédé sa venue com dent ceux de son règne; succession non inter pue de causes et d'effets qui composent l'hi des nations et la destinée de leurs chefs. de NAPOLÉON était de régner et de vaincr victoire est à lui, la guerre est à son siècle.

Parmi ceux qui appartiennent à notre his il n'en est pas un seul durant lequel la ja rivalité de l'Angleterre n'ait été la cause di de nos troubles, de nos malheurs, de nos dan de notre énergie, de nos combats, de nos quêtes.

Dans l'âge de la féodalité, l'Angleterre di nos princes, soudoyait nos vassaux, ravageai campagnes; elle avait la prescience que le t de ses suzerains serait un jour le premie l'univers; rejetée dans ses Îles, partout el cherché des vengeurs de sa querelle: l'Allema l'Italie, les Espagnes comptent peu de cité l'on n'ait combattu depuis trois cents ans la cause de l'Angleterre.

A l'entendre, nos rois prétendaient à la mo chie universelle lors du siége de la Rochelle, travaux de Toulon, de la reddition de Court Les règnes les plus pusillanimes n'ont pu in ser silence à ses accusations, ni assoupir sa ha A ses yeux, le peuple français était toujour même; il ne lui manquait des circonsta et un chef pour reprendre le nom de Grand.

Une subversion totale était nécessaire au pr de l'Angleterre; elle voulait une révolution' glante, parce que les siennes avaient été cruel et qu'au milieu de nos discordes, elle frappait même glaive et notre industrie et nos institutic et les vainqueurs et les vaincus, et le peupl la dynastie. L'Europe entière est appelée à c œuvre de destruction: partout repoussée, p tout menacée, tremblante pour elle-même, s'arrête en présence de l'incendie allumé par brandons du cabinet britannique. Enfin, ap

dix ans d'une lutte glorieuse pour la France, le génie le plus extraordinaire que la nature ait formé dans sa magnificence, rassemble dans ses mains triomphantes les débris épars du sceptre de Charlemagne.

Les outrages de la France sont vengés; des frontières resserrées par la modération et tracées par la nature, sont les trophées élevés au bonheur de ses peuples, à la tranquillité de l'Europe.

L'EMPEREUR propose la paix. Vain espoir d'une grande âme! Trois fois le cri d'alarme se fait entendre de toutes parts; trois fois la victoire n'amène que des victoires; et la paix toujours offerte, toujours demandée et comme poursuivie, recule devant nos aigles jusqu'aux extrémités de l'Europe.

Dans ces chocs, dont la prudence humaine ne peut modérer les effets, les empires du premier ordre sont ébranlés dans leurs fondements; les petits Etats disparaissent; nous avons vu les soutiens gothiques de l'édifice européen s'écrouler d'eux-mêmes, sans pouvoir être reconstruits sur le même plan; et si le génie de l'ordre n'avait marché d'un pas égal avec celui des armées, ce n'était plus la guerre, mais l'anarchie et la mort que le dix-huitième siècle léguait à ses succes

seurs.

Le vainqueur aperçoit-il du haut de son char les peuples unis par des habitudes anciennes, il cherche des princes fidèles, il leur crée des intérêts communs; il leur confie les destinées de ces Etats régénérés dont il se déclare le protecteur.

Mais là où toutes les formes de gouvernement ont été vainement essayées, là où les agrégations sont trop petites, ou dépourvues d'assez de principes d'adhésion pour former des masses, là où les localités soumettraient inévitablement les hommes et les choses à l'action directe de la cupidité, des attaques ou des intrigues des éternels ennemis de la France, l'intérêt de l'empire commande de réunir à la nation victorieuse ces portions de ses conquêtes, pour les soustraire à une dissolution inévitable.

Et dans la délibération qui vous occupe, la question devrait être posée ainsi : La Hollande et les villes anséatiques ne pouvant exister par ellesmêmes, doivent-elles appartenir à l'Angleterre ou à la France?

On chercherait vainement une troisième alternative.

Cet héritage de rivalité toujours croissante par l'importance des intérêts comme par celle des masses, notre génération, Sénateurs, l'a recueilli sans qu'il nous fût possible d'en répudier une partie.

Ce ne sont plus deux armées qui combattent dans les plaines de Fontenoy, c'est l'empire des mers qui résiste encore à celui du continent; lutte mémorable, terrible, et dont la catastrophe, peut-être prochaine, occupera longtemps les races futures.

Croyons-en les publicistes de l'Angleterre, leurs alarmes déposent de cette vérité, moins encore cependant que les mesures extrêmes de son gouvernement s'il n'était entraîné par l'imminence de son péril, aurait-il osé déchirer, en présence de l'Europe civilisée, le pacte d'honneur et de justice éternelle qui liait les puissances neutres aux puissances belligérantes? On croirait, en lisant les actes du ministère anglais, que le droit des gens n'existe plus; et qui donc a substitué à ses principes immuables les excès et les violences de la barbarie? l'Angleterre.

Déjà, en 1756, ses premiers essais contre les

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droits imprescriptibles des nations avaient contraint la Suède et le Danemark à les défendre par le développement d'une neutralité armée. Quelques années plus tard, le 28 février 1780, l'Angleterre, poussant plus loin ses entreprises, la Russie ne vit de salut pour l'honneur des peuples et celui des souverains, que dans un exposé public des maximes reconnues par tous les peuples civilisés; elle proclama les conditions dont elle faisait dépendre sa neutralité.

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« Que les vaisseaux neutres dit-elle, puissent naviguer librement de port en port, et sur les « côtes des nations en guerre;

«Que les effets appartenant aux sujets desdites puissances en guerre, soient libres sur les vais«seaux neutres, à l'exception des marchandises « de contrebande;

« Que, pour déterminer ce qui caractérise un « port bloqué, on n'accorde cette dénomination « qu'à celui où il y a, par la disposition de la puissance qui l'attaque avec des vaisseaux ar«rêtés et suffisamment proches, un danger évi«dent d'entrer. >>

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Telles furent textuellement les déclarations par lesquelles le cabinet de Pétersbourg exposa les droits de tous les souverains.

L'Angleterre répond en jetant le masque, et signifie aux Etats généraux de la Hollande que le pavillon ne couvre pas la marchandise.

A dater de cette époque, elle a cru pouvoir, sans dangers comme sans obstacles, donner l'essor à ses usurpations.

Il fallait attendre l'époque où de puissantes représailles la forceraient de revenir à la justice.

Ce jour est arrivé les décrets de Berlin et de Milan sont la réponse aux arrêts du conseil. Le cabinet britannique les a, pour ainsi dire, dictés à la France.

L'Europe les reçoit pour son code, et ce code sera le palladium de la liberté des mers.

Que l'Angleterre abjure ses fureurs; qu'elle réintègre les neutres dans leurs droits : la justice n'a jamais cessé de le lui demander. Si elle n'eût pas repoussé les conseils et les offres de la modération, que de conséquences funestes elle eût évitées! et pour nous renfermer dans le cercle de la délibération présente, elle n'aurait pas forcé la France à s'enrichir des ports, des arsenaux de la Hollande; l'Ems, le Weser, l'Elbe ne couleraient pas sous notre domination, et nous ne verrions point la première patrie des Gaulois baignée par des eaux réunies par une navigation intérieure à des mers qui leur étaient inconnues.

Où sont encore les bornes du possible? C'est à l'Angleterre à répondre. Qu'elle médite le passé, elle apprendra l'avenir. La France et NAPOLÉON ne changeront point.

Votre commission propose, à l'unanimité, l'adoption du sénatus-consulte.

M. le sénateur comte de Bougainville, au nom d'une commission spéciale composée, outre le rapporteur, de LL. Exc. le comte de Lacépède, le maréchal duc de Dantzick et des sénateurs comtes Laplace et Cornet, est entendu sur le projet de sénatus-consulte relatif à la conscription maritime.

MONSEIGNEUR, SENATEURS,

Votre commission spéciale a lu avec la plus grande attention le projet de sénatus-consulte relatif à la conscription maritime, et que vous lui avez renvoyé.

Ce projet ne renferme que deux dispositions: l'une par laquelle les cantons littoraux de trente

départements désignés dans le sénatus-consulte cesseront de concourir à la conscription pour l'armée de terre, et seront réservés pour la conscription du service de mer; et l'autre par laquelle dix mille conscrits de chacune des classes de 1813, de 1814, de 1815 et 1816, sont dès à présent mis à la disposition du ministre de la marine.

Mais en rapprochant ce projet de sénatus-consulte des motifs exposés dans le discours des orateurs du conseil d'Etat, votre commission a vu se développer, pour ainsi dire, sous ses yeux, un vaste plan de création et d'organisation de forces maritimes.

L'EMPEREUR veut faire pour la mer ce qu'il a fait pour la terre, conquérir la paix sur l'Océan, comme il l'a conquise sur le continent européen, et assurer l'indépendance des pavillons. Son génie a embrassé l'ensemble de ce système de perfectionnement et de création, et pour les choses et pour les hommes.

Depuis longtemps, la France égale au moins les autres nations dans l'art des constructions navales. L'EMPEREUR a parlé, et cet art a créé dans nos ports de nombreux vaisseaux. De nouveaux chantiers ont été établis dans les endroits les plus favorables à ses vues profondes. Tout ce qui tient aux approvisionnements, tout ce qui est nécessaire, et pour construire, et pour gréer, et pour armer les bâtiments destinés à faire triompher le pavillon français, a été prévu et calculé dans ce plan immense et si digne de son auteur. Les mesures prises pour remplir les arsenaux et les magasins, plusieurs moyens d'y parvenir, plus nombreux et plus faciles, assurés pour l'avenir; un système de navigation intérieure faisant arriver par des canaux et des rivières tous les produits du Nord, jusque dans nos ports de l'Ouest et dans ceux du Midi, montrent que rien n'a été oublié pour que le matériel de la marine présente tout ce qui peut être nécessaire à l'accomplissement des projets de SA MAJESTÉ et au développement de toute la force qu'elle veut déployer contre les ennemis de la liberté des mers.

En réunissant à toutes ces mesures celles qui peuvent concourir avec le plus de sûreté et de promptitude, à perfectionner les talents et à augmenter l'expérience des officiers de la marine, SA MAJESTÉ a voulu se hâter de former des matelots; et c'est pour ce dernier objet qu'un projet de sénatus-consulte vous a été présenté.

Les jeunes marins que le sénatus-consulte met à la disposition du ministre de la marine, ont l'âge où l'on contracte le plus aisément les habitudes nécessaires au service maritime; ils ont tous reçu le jour sur des rivages où, dès leur première enfance, tout a fait naître en eux le désir de suivre leurs pères sur les mers; et par une disposition particulière que vous avez dû remarquer dans le discours des orateurs du conseil d'Etat, ces jeunes conscrits, attachés à des équipages de flottilles, auront déjà acquis dans nos rades et près de nos côtes l'expérience et l'industrie nécessaires pour braver les tempêtes et surmonter tous les obstacles, lorsqu'ils verront s'ouvrir devant eux cette carrière de gloire où se sont immortalisés les Jean Bart, les Dugay-Trouin, les Duquesne et les Tourville.

Votre commission vous propose, Sénateurs, à l'unanimité, d'adopter le projet de sénatus-consulte relatif à la conscription maritime.

S. Exc. le sénateur comte de Lacépède, au nom d'une commission spéciale composée, outre le rapporteur, du sénateur comte de Bougainville,

de S. Exc. le maréchal, duc de Dantzick, et des sénateurs comte Laplace et Cornet, présente le rapport suivant sur le projet de sénatus-consulte qui met à la disposition du ministre de la guerre, cent vingt mille hommes de la conscription de 1811. MONSEIGNEUR,

SÉNATEURS,

Vous avez renvoyé à votre commission spéciale le projet de sénatus-consulte qui vous a été présenté par les orateurs du conseil d'Etat, relativement à la conscription de 1811, ainsi que le rapport fait à ce sujet à SA MAJESTÉ IMPÉRIALE ET ROYALE par le ministre de la guerre, et que SA MAJESTÉ a bien voulu communiquer au Sénat.

D'après ce sénatus-consulte, cent vingt mille hommes de la conscription de 1811 seront mis à la disposition du ministre de la guerre, pour le recrutement de l'armée; et les appels successifs de ces cent vingt millé hommes, ainsi que les époques de ces appels, seront déterminés par des reglements d'administration publique.

Votre commission, Sénateurs, n'a vu dans les dispositions de ce sénatus-consulte que l'exécution ordinaire des dispositions plus générales qui forment la constitution militaire de l'empire.

Il ne prescrit que le payement habituel de cette dette sacrée que les Français contractent en naissant envers la patrie et envers leur souverain.

Il règle pour 1811 l'application de cette loi générale, qui donne à la force publique de la France une composition si redoutable à ses ennemis, et si utile à la tranquillité de l'intérieur de l'empire. L'exécution de ce sénatus-consulte ne demandera aucune contribution nouvelle.

Il maintient d'ailleurs cette circulation nécessaire à l'existence du corps politique, et par laquelle chaque année de jeunes soldats vont remplacer ceux qui ont trouvé dans les camps ou dans les batailles une mort glorieuse, ceux auxquels des infirmités ou des blessures n'ont laissé que leur courage, et ceux que l'ancienneté de leurs services doit faire rappeler au sein de leur famille et des travaux paisibles.

Sans doute le nombre de ces derniers serait peu considérable, si leur volonté était seule consultée.

Combien de braves, en effet, qui ne rentraient sous le toit paternel que pour y jouir des bienfaits du plus grand des monarques, pour y porter l'honorable décoration décernée à leurs faits d'armes, pour être dans leurs communes l'objet touchant et respecté de l'émulation des jeunes Français, de la reconnaissance des pères, de l'attention bienveillante de tous, n'ont-ils pas eu besoin qu'on les consolât par le souvenir du sang qu'ils avaient versé pour le premier des héros, du malheur de cesser de vaincre sous ses aigles! Et combien de fois, celui qui a l'honneur de parler devant vous, n'a-t-il pas eu le bonheur d'être le dépositaire de leurs nobles regrets!

Mais l'Etat écoute moins le dévouement et le zèle des vétérans de la gloire, que l'intérêt de l'agriculture et celui du commerce, qui les récla ment pour les travaux des champs et pour les ateliers des villes.

Depuis les derniers sénatus-consultes rendus au sujet de la conscription, les bornes de l'empire ont été reculées à de grandes distances. De nouveaux départements ont acquis le droit de fournir un contingent à l'armée. La répartition générale des cent vingt mille conscrits de 1811 donnera donc à chacun des anciens départements de la France un contingent moins considérable qu'il ne l'aurait été il y a quelques années.

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Mais qu'il nous soit permis de présenter au Sénat une considération qui, dans les circonstances actuelles, parait mériter une attention particulière.

L'empire renferme, maintenant, plusieurs peuples qui, pendant un grand nombre de siècles, ont été bien éloignés de la pensée qu'un jour ils porteraient le nom de Français, Leur intérêt et celui de la France entière demandent que toutes les lignes de séparation soient détruites entre les nouvelles portions de l'empire et les anciennes parties de son territoire.

Une haute prévoyance a créé un grand moyen politique de resserrer les liens de tous les peuples devenus Français, en coordonnant le territoire général de l'empire d'une telle manière qu'il est, dans le système de l'Europe, comme une grande base vers laquelle les Etats voisins gravitent, pour ainsi dire, afin d'assurer leur repos présent et leur sécurité future.

Elle a conçu, d'ailleurs, un vaste ensemble de canaux, de fleuves et de rivières, qui, distribués sur toute la surface de l'empire, feront communiquer les uns avec les autres, l'Océan, la mer du Nord, la Baltique et la Méditerranée, et ouvriront des routes intérieures sur lesquelles le commerce n'aura à redouter ni les tempêtes des mers ni les hasards des combats.

Mais indépendamment de ces connexions politiques et de ces liaisons commerciales, la conscription qui vous est proposée, et celles qui lui succéderont dans les années à venir, seront une cause bien puissante d'une réunion plus parfaite encore entre tous les peuples de l'empire français.

Par une suite de ces conscriptions successives, chaque année verra de nouveaux compagnons d'armes partir de tous les points de l'empire pour se rassembler sous les mêmes drapeaux, et y passer ce temps de la vie où les affections sont plus vives, les liaisons plus franches, la confiance et l'intimité plus grandes, les exemples plus puis sants, les communications d'idées et de sentiments plus faciles.

Et qui pourrait révoquer en doute les effets durables et profonds de cette noble association que jamais on n'oublie, de cette heureuse communauté de hasards, de secours, d'honneur et de gloire, de cette alliance généreuse qui fait considérer comme de la même famille ceux qui ont combattu sous les mêmes chefs, dans quelques climats qu'ils aient reçu le jour, et quelque différentes qu'aient pu être leurs premières habitudes? Et où ces effets peuvent-ils être plus grands que dans la nation française, que les jeux de l'enfance, l'enthousiasme de la jeunesse, les opinions de l'âge mûr, les souvenirs de la vieillesse, rappellent vers les armes, et vers cette antique chevalerie qui lui dut sa naissance et son principal éclat ?

Votre commission, Sénateurs, vous propose à l'unanimité d'adopter le projet de sénatus-consulte relatif à la conscription de 1811.

Les sénatus-consultes ont été mis successivement en délibération et adoptés à l'unanimité.

Le Sénat, délibérant ensuite sur le message de SA MAJESTÉ, en date du 10 de ce mois, a voté une adresse en réponse, pour être présentée à SA MAJESTÉ par le président et les secrétaires du Sénat. Voici le texte de cette adresse :

« Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions du 13 décembre 1799;

« Délibérant sur le message de S. M. l'EMPEREUR

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<< SIRE,

«La profondeur et l'étendue de vos desseins, la franchise et la générosité de votre politique, votre sollicitude constante pour le bien de vos peuples, ne se sont jamais plus manifestées que dans le message adressé au Sénat par VOTRE MAJESTÉ IMPÉRIALE et ROYALE.

« Les arrêts du conseil britannique ont nonseulement déchiré le droit public de l'Europe, ils outragent jusqu'à ces lois naturelles, qui sont aussi anciennes et aussi impérissables que le monde. La nature elle-même a placé les mers hors du domaine de l'homme. Il peut les franchir, mais non les occuper, et prétendre exercer l'empire sur l'élément qui environne de toutes parts la terre habitable, c'est aspirer à tenir en captivité les deux mondes, et à flétrir d'une tache de servitude l'humanité tout entière.

« Tel est l'attentat sacrilége contre lequel VOTRE MAJESTÉ réunit tous les efforts de sa puissance; l'Europe, justement indignée, vous applaudit et Vous seconde.

« Déjà ce gouvernement, inquiet et turbulent, qui avait suscité contre la France cinq coalitions successives, détruites en un instant par vos armes victorieuses, voit aujourd'hui toutes les nations du continent liguées contre lui, et ses vaisseaux repoussés de tous les ports. Il ne peut plus alimenter sa circulation intérieure que par des valeurs mensongères, et son commerce étranger que par la fraude. Les seuls alliés qu'il ait sur la terre sont le fanatisme et la sédition.

« Poursuivez, SIRE, cette guerre sacrée, entreprise pour l'honneur du nom français et pour l'indépendance des nations. Le terme de cette guerre sera l'époque de la paix du monde.

« Les mesures proposées par VOTRE MAJESTÉ hâteront ce terme si désirable. Puisque vos seuls ennemis sont sur l'Océan, il est nécessaire de vous rendre maître de toutes les portes par où l'Océan communique avec les provinces intérieures de votre empire.

« Au milieu de ces opérations politiques et guerrières, votre bienfaisante sollicitude vous a inspiré l'idée de vivifier ce commerce du Nord, qui a été si longtemps pour l'industrie française une source féconde d'encouragement et de prospérité; les productions du midi de l'empire se rendront, par des routes sûres et faciles, dans les ports de la Baltique, et le lien des nations va resserrer encore les nœuds du traité de Tilsitt.

« Animés par l'honneur, par l'amour et la reconnaissance, les conscrits de 1811 viendront avec orgueil se ranger autour de vos aigles triomphantes,et s'honoreront de payer ce glorieux tribut que tout Français doit à son souverain et à sa patrie.

«Le cœur paternel de VOTRE MAJESTÉ laisse voir qu'il ne demande ce tribut qu'avec regret; mais il doit se consoler par la pensée que l'état prospère de vos finances vous permet de ne point exiger de vos peuples de nouveaux sacrifices.

« Le Sénat, SIRE, ne fait qu'exprimer des sentiments qui sont communs à tous les sujets de VOTRE MAJESTÉ, quand il vous offre l'hommage de

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