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ANNÉE 1813.

SENAT CONSERVATEUR.

PRESIDENCE DE S. A. S. LE PRINCE VICE-GRAND ÉLECTEUR (Talleyrand).

Séance du 6 janvier 1813.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrits par l'article 90 de l'acte des constitutions, du 13 décembre 1799;

Vu les listes de candidats au Corps législatif, formées sur les procès-verbaux des colléges électoraux de département et d'arrondissement des départements de l'Ain, de l'Aisne, de l'Allier, des Hautes-Alpes, des Apennins, des Ardennes, de l'Aude, de l'Aveyron, du Cantal, de la Corrèze, de la Creuse, de l'Eure, du Gard, du Gers, d'Indreet-Loire, de Loir-et-Cher, de la Lozère, de la Lys, de la Manche, de la Haute-Marne, de la Meuse-inférieure, du Mont-Tonnerre, du Pô, des PyrénéesOrientales et des Deux-Sèvres (1re série), lesdites listes adressées au Sénat par message de S. M. L'EMPEREUR ET RO1, du 25 décembre 1812;

Après avoir entendu sur ces listes le rapport de sa commission spéciale,

Procède, en exécution de l'article 20 de l'acte des constitutions, du 13 décembre 1799, et conformément à l'article 73 de celui du 4 août 1802, à la nomination des membres du Corps législatiť à élire parmi les candidats présentés en l'an 1812, pour chacun desdits départements, d'après les proportions déterminées, savoir pour les départements du Pô et des Apennins, par les sénatusconsultes des 11 septembre 1802 et 8 octobre 1805, et pour les autres départements, par l'arrêté du Sénat du 1er septembre 1802.

Le résultat successif des scrutins donne la majorité absolue des suffrages dans l'ordre suivant aux candidats ci-après désignés :

Département de l'Ain.

Le chevalier d'Allemagne (Claude), général divisionnaire.

Le chevalier Ribond (Thomas-Philibert), membre sortant du Corps législatif.

Passerat de Silans (Marie-Augustin-François), membre du conseil général du département.

Département de l'Aisne.

Leleu la Simone (André-Simon), avocat général en la cour impériale d'Amiens.

L'Abbey de Pompierres (Guillaume-Xavier), conseiller de préfecture.

Le comte de Montesquiou (Henri), chambellan de l'EMPEREUR.

Delhorme (Albin-Barthélemy-Fleury), membre sortant du Corps législatif.

Département de l'Allier.

Hennequin (Joseph), membre sortant du Corps législatif.

Lucas (Pierre), président du tribunal de première instance de Gannat.

Département des Hautes-Alpes. Anglès (Charles-Grégoire), maire des Veynes.

Département des Apennins. Rivarola (...), membre sortant du Corps législatif.

De Ambrosys (Joseph-Thomas), secrétaire général de la préfecture.

Département des Ardennes. Desrousseaux (...), directeur de la verrerie de Monthermé.

Le chevalier Lefèvre-Gineau (...), membre sortant du Corps législatif.

Département de l'Aude.

Vidal-Contant (Bernard), propriétaire, membre du conseil général du département. Martin Saint-Jean (Huges-Hélène-Joseph), membre sortant du Corps législatif.

Département de l'Aveyron.

Le chevalier Clausel (Jean-Claude), membre sortant du Corps législatif.

Le chevalier Vezin (Jean-François), conseiller à la cour impériale de Montpellier.

Flaugergues (Pierre-François), avocat, ex-souspréfet.

Département du Cantal.

Le baron Jaubert (Guillaume-Auguste), évêque du diocèse de Saint-Flour. Le chevalier Delzons (Antoine), président du tribunal civil d'Aurillac.

Département de la Corrèze.

Sartelon aîné (Antoine-Léger), commissaire ordonnateur. Bedoch (Pierre-Joseph), procureur impérial criminel à Tulle.

Département de la Creuze.

Le chevalier Colaud de la Salcette (Joseph-LouisClaude), membre sortant du Corps législatif. Aubusson de Soubrebost (Louis), propriétaire domicilié à Bourganeuf.

Département de l'Eure.

Le Cousturier d'Armenonville (Robert-AntoineMarin), général en retraite, membre du conseil général du département.

Le baron Bourlier (Jean-Baptiste), évêque d'Evreux, membre sortant du Corps législatif. Bouquelon (Noël), membre sortant du Corps législatif.

Le chevalier Dupont (Jacques-Charles), président de chambre à la cour impériale de Rouen.

Département du Gard.

Le chevalier Chabot de Latour (Antoine-GeorgesFrançois), membre sortant du Corps législatif. Damp-Martin (Anne-Henri), conseiller au conseil des prises.

Le chevalier Noailles (Jacques-Barthélemy), membre sortant du Corps législatif.

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Herwyn (Philippe-Jacques), membre sortant du Corps législatif.

Le comte de Harchies (Louis-François-GabrielJoseph), chambellan de l'EMPEREUR.

Le Brouckère (Charles), président de chambre à la cour impériale de Bruxelles.

De Serret (François-Joseph-Jean-Baptiste), propriétaire domicilié à Bruges.

Département de la Manche.

Le baron Frémin du Mesnil (Gabriel-FrançoisCharles), maire de Coutances.

Duhamel (.....), membre sortant du Corps législatif.

Le chevalier Delaville (Pierre-Joseph), maire de Cherbourg.

Avoynes Chantereyne (Victor), premier avocat général près la cour impériale de Caen.

Département de la Haute-Marne. Marquette de Fleury (Mathieu-Nicolas-Louis), membre sortant du Corps législatif.

Dalmassy (Jean-Baptiste), ex-secrétaire général du ministère de la justice.

Département de la Meuse-Inférieure.

Le chevalier Membrède (André-Charles), membre sortant du Corps législatif.

De Chokier (Louis-Erasme), propriétaire, président du conseil général du département.

Département du Mont-Tonnerre.

Le chevalier Macké (François-Conrad-Bertrand), maire de Mayence.

Petersen (Charles-Louis-Adolphe), propriétaire, domicilié à Kaiserslautern.

Sturtz (Charles-Guillaume), juge au tribunal des douanes.

Département du Pć.

Le comte Seyssel d'Aix (Joseph-Victor-Thomas), maître des cérémonies de S. M. L'IMPERATRICE ET REINE.

Le baron Negro (Jean-Joseph-Eugène), maire de Turin.

Paroletti (Modeste-Victor), membre sortant du Corps législatif.

Gabaleon de Salmour (Christian-Antoine-JosephPierre-Jean), propriétaire à Turin.

Département des Pyrénées-Orientales. Jalabert François-Césaire-Jean-Joseph) conseiller de préfecture.

Département des Deux-Sèvres. Chauvin-Bois-Savary (Jean-Auguste-Armand), maire de Saint-Martin de Sanzay.

Morisset (Réné-Jacques), président du conseil général du département.

Les candidats élus sont, à mesure des élections, proclamés par le prince vice-grand électeur, président, membres du Corps législatif pour les départements de la première série auxquels ils appartiennent.

Le Sénat arrête qu'il sera fait un message à S. M. L'EMPEREUR ET ROI, pour lui donner connaissances de ces nominations, lesquelles seront pareillement notifiées au Corps législatif, lors de sa prochaine session.

Les président et secrétaires,

Vu et scellé,

Signé CHARLES-MAURICE. COMTE DE BEAUMONT. COMTE DE LAPPARENT.

Le chancelier du Sénat,
Signé COMTE LAPLACE.

SÉNAT CONSERVATEUR.

PRÉSIDENCE DE S. A. S. LE PRINCE ARCHICHANCELIER DE L'EMPIRE.

Séance du 8 janvier 1813.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions, du 13 décembre 1799;

Vu le projet de sénatus-consulte rédigé en la forme prescrite par l'article 57 de l'acte des constitutions, du 4 août 1802;

Après avoir entendu, sur les motifs dudit projet, les orateurs du conseil d'Etat, et le rapport de sa commission spéciale nomméé dans la séance du 6 de ce mois;

L'adoption ayant été délibérée au nombre de voix prescrit par l'article 56 de l'acte des constitutions, du 4 août 1802,

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sa gloire et pour la conservation de sa prépondérance dans l'Europe.

«De tous les points de ce vaste empire, des adresses se succèdent, des offres se multiplient, la volonté publique est prête à devancer les appels de l'autorité souveraine.

« L'EMPEREUR, qui compte sur l'amour de ses peuples, et qui apprécie leurs ressources, a jugé qu'il n'y avait pas lieu de s'écarter des dispositions usuelles.

« SA MAJESTÉ aurait même différé de les employer, si un événement inattendu ne lui avait fait penser que tout en profitant de l'utile coopération de nos alliés, c'est surtout le développement de nos propres forces qui doit accélérer le moment d'une paix honorable, telle qu'un cœur français peut la désirer, et telle que SA MAJESTÉ n'a cessé de la présenter à ses ennemis.

« C'est dans cet esprit, Messieurs, qu'a été rédigé le projet soumis à votre délibération.

«MM. les orateurs du conseil d'Etat vous en exposeront les motifs et les avantages, après que M. le ministre des relations extérieures vous aura fait lecture d'un rapport et de certaines pièces dont SA MAJESTÉ a commandé qu'il vous fût donné communication. »

S. Exc. le duc de Bassano, ministre des relations extérieures, donne communication du rapport suivant.

Rapport du ministre des relations extérieures S. M. l'Empereur et Roi.

SIRE,

Lorsque la Russie, violant ses traités et renonçant à son alliance avec la France pour s'unir au système de l'Angleterre, déclara la guerre à VOTRE MAJESTÉ, Vous appréciates, SIRE, toute l'importance de la lutte qui allait s'engager. Vous ordonnâtes la formation, sous le titre de cohortes de la garde nationale, de cent bataillons composés d'hommes âgés de vingt à vint-six ans, qui, appartenant aux six dernières classes de la conscription, n'avaient point été appelés à l'armée active. Cette institution a eu tout le succès que VOTRE MAJESTÉ pouvait en attendre. Une belliqueuse jeunesse, préparée au métier de la guerre dans des cadres de vieux soldats, demande avec empressement à partager la gloire de ses frères d'armes.

Lorsque, de Smolensk, VOTRE MAJESTÉ fit marcher vers Moscou ses armées victorieuses, elle ne se dissimula point que ses progrès dans le pays ennemi ajoutaient de nouvelles chances aux chances communes de la guerre. Elle voulut fortifier encore la base de ses opérations, et elle ordonna la levée de la conscription de 1813, qui est aujourd'hui tout entière sous les armes.

Avec les garnisons des places de France et d'Italie, VOTRE MAJESTÉ a donc dans l'intérieur de ses Etats une force de plus de trois cent mille hommes suffisante pour entretenir la guerre avec la Russie pendant la prochaine campagne. Et votre intention était, SIRE, de ne demander aucun secours extraordinaire, si tous nos alliés, et spécialement l'Autriche, le Danemark et la Prusse, restaient fidèles à la cause commune.

L'Autriche, le Dannemarck, la Prusse ont donné à VOTRE MAJESTÉ les plus fortes assurances de leurs sentiments. La Prusse a même offert d'augmenter d'un tiers et de porter à trente mille hommes le contingent qu'elle avait fourni en exécution des traités.

Mais pendant que cette puissance manifestait des dispositions aussi conformes à ses engage

ments et aux intérêts de sa politique, les intrigues de l'Angleterre préparaient un de ces événements qui caractérisent l'esprit de désordre et d'anarchie que cette puissance ne cesse de fomenter en Europe. Le général d'Yorck, commandant le corps prussien sous les ordres du maréchal duc de Tarente, a trahi tout à la fois son honneur, son général en chef et son roi. Il a fait un pacte de perfidie avec l'ennemi.

Il n'est point d'intrigues, il n'est point de sourdes menées que l'Angleterre n'ait mises en œuvre pour changer les dispositions des souverains. Mais lorsqu'elle les a trouvés fermes dans leurs vrais intérêts et inébranlables dans leur alliance avec VOTRE MAJESTÉ, elle a entrepris de produire un bouleversement général en cherchant à ébranler la fidélité des peuples. Au delà des Etats de VOTRE MAJESTÉ, SIRE, il est peu de contrées où l'audace et les manoeuvres des désorganisateurs n'aient porté l'inquiétude parmi les dépositaires de la tranquillité publique. Dans les cours, des agents de corruption, dans les camps, de lâches instigateurs, et dans les villes enfin, dans les écoles et jusqu'au sein des institutions les plus révérées, de faux enthousiastes travaillent sans cesse à séduire par des doctrines ténébreuses, et ceux qui doivent maintenir par la fidélité la plus courageuse l'autorité qui leur est confiée, et ceux qui n'ont d'autre devoir que celui d'obéir.

Dans de telles circonstances, SIRE, et lorsque les intentions même d'un prince allié n'ont pu garantir les avantages que votre système politique devait vous assurer, il devient d'une impérieuse nécessité de recourir aux moyens que VOTRE MAJESTÉ trouvera dans la puissance de son empire et dans l'amour de ses sujets.

Par ces considératoins, les ministres de VOTRE MAJESTÉ, réunis dans un conseil extraordinaire de cabinet, vous proposent :

1° De rendre à l'armée active les cent cohortes de gardes nationales;

20 De faire un appel de cent mille hommes sur les conscriptions de 1809, 1810, 1811 et 1812;

3° De lever cent mille hommes de la conscription de 1814, qui se formeront dans les garnisons et dans les camps, sur nos frontières et sur nos côtes, et pourront se porter où il sera nécessaire, pour venir au secours des alliés de VOTRE MAJESTÉ.

Par cet immense développement de forces, les intérêts, la considération de la France et la sûreté de ses alliés se trouveront garantis contre tous les événements.

Le peuple français sentira la force des circonstances; il rendra un nouvel hommage à cette vérité si souvent proclamée par VOTRE MAJESTÉ du haut de son trône, qu'il n'est aucun repos pour l'Europe tant que l'Angleterre n'aura pas été forcée à conclure la paix.

Ce n'est point en vain, SIRE, que vous avez donné à la France le titre de grande nation. Aucun effort n'est pénible pour elle, lorsqu'il s'agit de faire éclater et son amour pour VOTRE MAJESTÉ et son dévouement à la gloire du nom français. Je joins à ce rapport les pièces relatives à la défection du général d'Yorck.

Je suis, avec le plus profond respect,

SIRE,

De VOTRE MAJESTÉ,

Le très-humble, très-obéissant
et fidèle sujet.

Signé LE DUC DE BASSANO.

Paris le 9 janvier 1813.

No Jer.

Copie de la lettre de M. le comte de Saint-Marsan
au ministre des relations extérieures.
Berlin, le 1er janvier 1813.

Monseigneur,

Un aide de camp de M. le duc de Tarente m'arrive, expédié par M. le prince de Neuchâtel. Il m'apporte la dépêche ci-jointe du major général, avec les pièces qui l'accompagnent. Le tout m'est parvenu au moment où je me trouvais chez M. le maréchal duc de Castiglione, avec le chancelier baron de Hardenberg, le comte de Narbonne et le prince de Hatzfeld.

Le baron de Hardenberg a paru indigné : il s'est rendu sur-le-champ chez le roi, qui venait de rentrer en ville. On assure que le roi a décidé de destituer le général d'Yorck, de le faire arrêter, de donner le commandement au général Kleist, de rappeler les troupes, quoiqu'il soit peu probable qu'on puisse les retirer, et de leur enjoindre de se rendre sous les ordres du roi de Naples, d'adresser tous les ordres à ce prince, de publier à l'armée française, à Potzdam, en Silésie, dans les gazettes, un ordre du jour en conséquence.

On assure enfin qu'à cette occasion le roi a de nouveau manifesté publiquement son attachement à la cause de SA MAJESTÉ IMPERIALE ET ROYALE, et son indignation de ce qui vient de se passer. J'ai l'honneur d'être, etc.,

Signé LE COMTE DE SAINT-MARSAN.

No II.

Lettre du duc de Tarente au prince major général.

Monseigneur,

Tilsitt, le 31 décembre 1812.

Après quatre jours d'attente, d'inquiétudes et d'angoisses, dont une partie du corps prussien a été témoin, sur le sort de l'arrière-garde qui, depuis Mittau, me suivait à une marche de distance, j'apprends enfin par une lettre du général d'Yorck qu'il a décidé lui-même du corps prus

sien.

de l'armée française au pouvoir de l'armée russe. Les troupes prussiennes formeront un corps neutre, et ne se permettront pas des hostilités envers aucune partie. Les événements à venir, suite des négociations qui doivent avoir lieu entre les puissances belligérantes, décideront sur leur sort futur.

Je m'empresse d'informer Votre Excellence d'une démarche à laquelle j'ai été forcé par des circonstances majeures.

Quel que soit le jugement que le monde portera de ma conduite, j'en suis peu inquiet. Le devoir envers mes troupes et la réflexion la plus mûre, me la dictent; les motifs les plus purs, quelles qu'en soient les apparences, me guident.

En vous faisant, Monseigneur, cette déclaration, je m'acquitte des obligations envers vous, et vous prie d'agréer les assurances du plus profond respect avec lequel je suis, etc., etc. Signe D'YORCK.

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La lettre du général d'Yorck aura déjà prévenu Votre Excellence que ma dernière démarche m'est prescrite, et que je n'en pourrais changer rien, parce que la mesure de prévoyance que Votre Excellence fit prendre cette nuit me parut suspecte de vouloir peut-être me retenir par force, ou désarmer mes troupes dans le cas présent. Il me fallut prendre ce parti dont je me suis servi pour joindre mes troupes à la convention que le général commandant a signée, et dont il me donne l'avis et l'instruction ce matin.

Votre Excellence pardonne que je ne sois venu moi-même pour l'avertir du procédé; c'était pour m'épargner une sensation très-pénible à mon cœur, parce que les sentiments de respect et d'estime pour la personne de Votre Excellence, que je conserverai jusqu'à la fin de mes jours, m'aujeraient empêché de faire mon devoir.

Je joins ici copie de cette lettre, sur laquelle ne me permets aucune réflexion; elle excitera l'indignation de tout homme d'honneur.

Le général de Massenbach, qui était ici avec moi, avec deux batteries, six bataillons et six escadrons, est parti ce inatin sans mes ordres pour repasser le Niemen. Il va rejoindre le général d'Yorck. 11 nous abandonne ainsi devant l'ennemi.

Agréez, etc.

Signé LE MARECHAL DUC DE TARENTE
(MACDONALD).

No III.

Lettre du général Yorck au maréchal duc de Ta

rente.

Tauroggen, le 30 décembre 1812.

Monseigneur,

Après des marches très-pénibles, il ne m'a pas été possible de les continuer sans être entamé sur mes flancs et sur mes derrières. C'est ce qui a retardé la jonction avec Votre Excellence; et, devant opter entre l'alternative de perdre la plus grande partie de mes troupes, et tout le matériel qui seul assurait ma subsistance, ou de sauver le tout, j'ai cru de mon devoir de faire une convention par laquelle le rassemblement des troupes prussiennes doit avoir lieu dans une partie de la Prusse orientale, qui se trouve, par la retraite

Le 31 décembre 1812.

Signé LE LIEUTENANT GÉNÉRAL MASSENBACH.
Certifié conforme,

Signé LE MARECHAL DUC DE TARENTE (MACDONALD).

Après la lecture de ce rapport, MM. les conseillers d'Etat présentent un projet de sénatus-consulte, et M. le comte Regnaud de Saint-Jeand'Angély en expose les motifs de la manière suivante :

Motifs du sénatus-consulte qui met trois cent cinquante mille hommes à la disposition du ministre de la guerre.

M. le comte Regnaud de Saint-Jean d'Angély.

« MONSEIGNEUR,

<< SÉNATEURS,

«Le traité de Tilsitt avait rendu au nord de l'Europe une paix qui semblait devoir être durable.

Mais l'Angleterre, menacée de la guerre avec les Etats-Unis d'Amérique, redoutant avec raison la mauvaise issue que doit tôt ou tard avoir pour elle la lutte engagée en Espagne, s'est occupée de susciter à la France une nouvelle guerre, en faisant rompre l'alliance récemment jurée par la Russie.

« Les efforts de l'EMPEREUR pour la maintenir

et assurer l'exécution des traités ont été inutiles, et la guerre s'est renouvelée.

« Elle a été commandée par la violation des conventions les plus solennelles, par des armements nombreux, par des agressions évidentes, par des refus répétés de toute explication, enfin par la nécessité imposée à SA MAJESTÉ de maintenir les droits et la considération de sa couronne et de celle de ses alliés.

« Le succès de cette lutte nouvelle a été ce qu'il sera toujours pour des Français conduits par le génie qui les a accoutumés à vaincre.

L'ennemi, forcé dans tous les postes, repoussé dans tous les combats, vaincu dans toutes les batailles, a été forcé d'abandonner sa capitale au vainqueur; mais il l'a livrée aux flammes et presque réduité en cendres.

« De là, la nécessité de cette retraite glorieuse, retraite dans laquelle nous n'avons été atteints et frappés que par l'àpreté du climat, la dureté précoce de la saison et l'excès inaccoutumé de sa rigueur.

Quand le vingt-neuvième Bulletin de la Grande Armée vint étonner à la fois et rassurer la France, l'étendue de ses pertes dévoilées à la nation avec une simplicité si énergique, avec une si noble confiancé, éveilla chez tous les Français le sentiment du besoin de les réparer; tous allèrent dès lors au-devant des demandes qu'ils pressentaient, disposés plutôt à les prévenir et à les préparer, qu'à les débattre ou à les attendre.

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Cependant l'EMPEREUR, dont les ennemis doivent toujours craindre, les alliés et les sujets toujours espérer la venue, était arrivé dans sa capitale, lorsqu'on le croyait encore au delà de Wilna, et, se faisant rendre compte des ressources de ses arsenaux, de ses magasins, de son trésor, du nombre de ses troupes, avait annoncé à la France l'intention de ne faire aucune demande d'hommes ni de contributions nouvelles.

«Avec les impositions annuelles et les soldats déjà sous les armes, il pouvait fournir à tous les besoins de la campagne au midi et au nord de l'Europe.

«Mais, Sénateurs, les faits que le ministre des relations extérieures vient de vous faire connaître par ordre de SA MAJESTÉ, doivent changer les premiers calculs de sa sagesse, économe des sacrifices de ses peuples, et y faire succéder les calculs de la prévoyance et de la nécessité.

« Déjà, Messieurs, j'ai vu éclater dans cette assemblée les témoignages de l'indignation qu'éprouvera l'Europe entière au récit d'une trahison à laquelle on hésiterait de croire si elle n'était avouée, écrite par son auteur même.

"

Le général prussien dont le nom deviendra désormais une injure, a trahi à la fois son souverain, l'honneur, les devoirs de citoyen et ceux de soldat.

«Il s'est séparé honteusement de l'armée dont il faisait partie, du corps avec lequel il marchait ; il a livré ceux qui s'exposaient sur sa foi aux suites hasardeuses de son lâche abandon, de sa désertion inopinée.

« Instruit de ce crime, nouveau dans l'histoire des guerres modernes, S. M. le roi de Prusse a montré un ressentiment digne de sa loyauté et de sa fidelité à ses alliés. Uni de sentiments au monarque, son cabinet n'a éprouvé que le besoin de réparer, de punir un attentat politique et militaire qui offense la nation prussienne et outrage son souverain.

« Ces faits, ces assurances sont consignées dans les pièces dont le ministre des relations extérieures vous a donné communication.

« Elles garantissent que la gravité de cet événement sera appréciée non-seulement par le gouvernement, mais encore par le peuple prussien tout entier. Il jugera, et toutes les nations du Nord jugeront avec lui, de quels malheurs un tel crime pourrait être la source. La Prusse montrera son attachement au prince qui la gouverne, en se ralliant, à son exemple, à la voix de l'honneur, et à la fidèle observation des traités.

« Cependant le politique attentif depuis plusieurs années à la marche des événements, s'arrêtera nécessairement sur les causes qui ont amené celui dont je viens de vous entretenir, et ces causes, Sénateurs, il ne me semble pas inutile de les retracer ici rapidement.

« On les trouve évidemment dans les mancuvres et les intrigues de l'Angleterre sur le continent.

Trop faible pour se défendre seule, même sur mer, contre la puissance française, elle a constamment et successivement travaillé à armer contre elle tous les cabinets de l'Europe. C'est l'Angleterre qui a amené et ramené sur les champs de bataille les armées que l'EMPEREUR a vaincues et vaincues encore depuis douze ans.

་་

« Lorsque les cabinets, éclairés par l'expérience ont voulu la paix, la paix, qui a réjoui l'Europe, a fait frémir l'Angleterre.

« Alors elle a répandu parmi les peuples, et surtout dans les grandes cités, à l'aide de ses nombreux émissaires et au moyen d'une active corruption, les germes de haine, les semences de division, les principes de désorganisation qui éloignent ou séparent les sujets de leurs princes, les peuples de leurs gouvernements.

« C'est ainsi que des sociétés nombreuses, sous les noms d'amis de la vérité, de la nature, etc., etc., ou sous d'autres titres non moins bizarres, ont été formées, encouragées, soutenues, prêchant la haine, l'insurrection, la désobéissance contre tout souverain ami de la France et de la paix du continent.

« Hélas, c'est dans notre belle France, si paisible aujourd'hui, alors si agitée et si misérable, que le cabinet anglais a fait, durant plusieurs années, qui furent des années de crimes et de malheurs, l'essai de ces funestes moyens de discorde et de troubles civils.

« C'est par ces moyens que l'Angleterre agissait en 1809 contre le cabinet de Saint-Pétersbourg, alors qu'il montrait envers la France des dispositions amies. C'est par ses agents que l'Angleterre préparait en Russie l'influence du parti ennemi de la France, et par lui les hésitations, les variations, les résolutions hostiles des cabinets, et enfin cette dernière guerre qui a coùté à la Russie la dévastation de ses plus belles provinces, le repos à l'Europe, des regrets à l'humanité.

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L'Angleterre a employé, sans doute, pour préparer l'éternel déshonneur du général Yorck, les mêmes moyens, les mêmes associations par lesquels elle amena en 1809 des corps réglés à se mettre en rébellion, et, chose inouïe, à faire la guerre pour leur compte, malgré l'intention, contre les ordres mêmes de leur souverain.

<«< Ainsi l'Angleterre désunit et divise les pays qu'elle ne peut dominer; elle prépare la ruine des Etats qu'elle ne peut soumettre à son système.

«En effet, quel moyen de destruction plus inévitable pour le trône même le mieux affermi, que la désertion d'une armée, son opposition aux intérêts de son pays, sa désobéissance aux ordres de son monarque, si tous les souverains intéressés à la répression d'un tel crime n'unissaient

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