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Metternich, informant le ministre anglais que l'Autriche, touchée des calamités qui pèsent sur l'Europe, a conçu le projet de travailler au rétablissement de la paix; qu'elle a sondé sur ce point important les dispositions de la France, qu'elle les a trouvées favorables à ses vues, et qu'elle fait en conséquence la même démarche auprès de la Grande-Bretagne ; qu'étant de toutes les puissances de l'Europe celle qui pouvait être la moins intéressée aux conditions éventuelles d'une paix générale, et qui souffrait le moins de l'état actuel des choses, elle se croyait en droit d'inspirer assez de confiance pour faire agréer son intervention; que M. de Wessemberg était chargé de recueillir à ce sujet les intentions du gouvernement britannique, et que sa mission serait secrète, tant qu'il conviendrait au ministère de le cacher au public.

Si on demande à M. de Wessemberg ce que veut la France, il répondra qu'il ne connaît autre chose de ses dispositions, si ce n'est qu'elle a consenti à traiter et qu'elle a transmis à lord Castlereagh des conditions qui ont été publiées dans le temps; que sa mission est purement autrichienne, et n'a d'autre but que de faciliter les rapprochements et de mettre un terme aux agi. tations de l'Europe; que si les efforts de l'Autriche ne produisent aucun effet, elle se verra obligée, d'après les mêmes sentiments, de travailler, sans l'Angleterre, à une pacification générale du continent, mesure qui laisserait à la disposition de la France une force de plus de cinq cent mille hommes, qu'elle pourrait employer uniquement au rétablissement de la paix maritime et à ses opérations en Espagne; que l'Autriche est la seule puissance du continent complétement étrangère au commerce de mer; qu'elle ne met un grand prix qu'à la tranquillité du continent, et que les affaires maritimes se détermineraient sans son intervention, si l'Angleterre négligeait le moment actuel. On demandera à M. de Wessemberg ce que l'Autriche entend par pacification générale du continent, et il répondra que ce n'est pas une paix ordinaire, mais une convention unanime des puissances de l'Europe, de maintenir solidairement la paix, et de ne se mêler en aucune manière dans les discussions qui pourront subsister entre la France et l'Angleterre. M. de Wessemberg se gardera bien de menacer le ministère anglais; mais il laissera entrevoir, très-vaguement, que cette pacification générale pourra être suivie de l'exclusion totale du commerce anglais.

Tout ce qu'on nous demande, c'est de faire les plus grandes préparatif spour une nouvelle campagne.

L'Autriche applaudit aux bases proposées par SA MAJESTÉ pour la paix de la Russie et pour celle de l'Angleterre; elle les trouve très-généreuses, mais elle nous prie très-instamment de ne pas en parler et de la laisser faire. Elle prend sur elle toute la responsabilité et elle s'en tient aux termes de votre avant-dernière dépêche, que l'empereur consent à la négociation, mais que Sa Majesté ne veut y être pour rien. M. de Metternich pense qu'il faut laisser venir les Anglais, engager, s'il est possible, la discussion, et compter un peu sur les événements.

Le ministre est enchanté d'avoir les mains libres. Je ne l'ai jamais vu plus heureux qu'aujourd'hui et je partage les espérances qu'il nourrit dans ce moment. Signé OTTO.

No 7.

Extrait d'une dépêche de M. le comte Otto, au méme.

Vienne, le 26 janvier 1813.

M. de Stakelberg a eu une entrevue secrète avec M. le comte de Metternich. Le plénipotentiaire russe a commencé par une longue énumération de avantages remportés par son gouvernement, qui, après avoir repoussé les Français, se proposait, disait-il, de venir au secours des autres puissances et principalement de l'Autriche et aider cette dernière à reconquérir ses provinces perdues. Après l'avoir écouté très-tranquillement, M. de Metternich lui dit : « Tenez, mon cher Sta« kelberg, vous ressemblez à un homme qui voit « le jour pour la première fois, après avoir été << enfermé pendant six mois dans une chambre « obscure. Ce grand jour vous éblouit. Croyez « que nous voyons plus clair et ne revenons pas « à des projets qui ne peuvent être les nôtres. Le « système de l'empereur est inébranlable, et loin « de chercher des agrandissements, qui, par une « seule campagne, seraient trop chèrement ache«<tés, il ne veut que la paix, et vous propose d'y « concourir. Nous avons déjà sondé, à cet égard, « les dispositions de la France, et nous les avons « trouvées favorables à nos vues. Nous ne nous << plaignons pas de nos pertes, et nous ne pen« sons pas qu'un cabinet étranger soit en droit « de les ressentir plus que nous-mêmes. Je vous « ai demandé cette entrevue pour connaître les «< intentions de votre cour à l'égard de la paix, « qui est l'unique but de nos efforts. » M. de Stakelberg, revenant un peu de son exaltation vraie ou feinte, annonça que sa cour était disposée à entamer des négociations de paix, qu'elle regardait la question russe comme finie, et qu'il s'agissait de régler les affaires générales de l'Europe. Il fut interrompu par M. de Metternich, qui lui dit que son projet n'était aucunement de discuter les conditions de la paix, mais de savoir seulement si la Russie consentait à négocier. Le plénipotentiaire affirma de nouveau que telle était son intention, et qu'il était même chargé de dire que son souverain recevrait avec plaisir une personne de confiance que cette cour voudrait lui envoyer; qu'il devait ajouter cependant que la Russie ne ferait rien sans l'assentiment de son allié, le roi de la Grande-Bretagne.

Dans une seconde entrevue, ce plénipotentiaire a été beaucoup plus calme. Peut-être avait il une double instruction, l'une de pousser à la guerre, l'autre d'insinuer le désir de négocier.

M. de Metternich fera partir demain M. de Lebzeltern pour Wilna. Il ne lui donne d'autre instruction que de parler de paix et d'écouter: il ne lui dit pas un mot des conditions proposées par la France: il veut laisser venir les Russes. M. de Lebzeltern se bornera à faire sentir que, dans le cas d'une nouvelle campagne, les Russes pourraient perdre leurs avantages actuels et obtenir une paix moins honorable. Si on lui parle des engagements pris avec l'Angleterre, il dira que l'Autriche a prévu cet embarras, et qu'elle a déjà envoyé un agent à Londres. Lorsqu'il s'agira de discuter les bases, un personnage plus marquant sera accrédité à Wilna, et, suivant les circonstances, ce même négociateur pourra être envoyé jusqu'en Angleterre.

C'est un grand pas, m'a dit le ministre, que « cette première démarche de la Russie. Comptez « sur nous; nous ne lâcherons rien, absolument

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« rien; car nous y sommes pour le moins aussi « intéressés que vous. Tout dépend de notre atti«tude. L'empereur a ordonné de mobiliser cent <«< mille hommes, y compris le corps auxiliaire. «En ajoutant trente mille hommes à ce corps, <<nous irions au delà des obligations de notre « traité et nous autoriserions la Russie à refuser << notre intervention. Jusqu'ici la guerre n'est pas « autrichienne. Si elle le devient dans la suite, ce « n'est pas avec trente mille hommes, mais avec toutes les forces de la monarchie que nous atta« querons les Russes. En attendant, ils ne verront pas sans inquiétude l'accroissement de nos « troupes en Gallicie, et ils se garderont bien de « nous provoquer. »>

L'empereur a signé hier le travail qui lui a été soumis pour mobiliser une armée de soixantedix mille hommes en Gallicie et dans la Buckowine.

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Le grand gala du 1er janvier ayant été remis au jour de naissance de l'empereur, il y eut hier une réunion très-brillante à la cour et un banquet public.

Après l'audience, M. le comte de Metternich. m'a parlé avec effusion de cœur du bon effet produit par les derniers rapports du comte de Bubna. Il m'a dit entre autres: « Votre alliance avec la « Russie était monstrueuse; elle n'avait qu'un seul point d'appui très-précaire, celui de l'ex« ciusion du commerce anglais. C'était une al<liance de guerre commandée par le vainqueur, « elle devait se dissoudre. La nôtre, au contraire, « se fonde sur les rapports et les intérêts les plus « naturels, les plus permanents, les plus essen« tiellement salutaires; elle doit être éternelle << comme les besoins qui l'ont fait naître. C'est << nous qui l'avons recherchée, et nous avons bien « réfléchi avant de la conclure. Si nous avions à « la refaire. nous ne voudrions pas la minuter « autrement qu'elle n'est, nous la voulons toute « entière; elle nous mènera à la paix, et elle ser« vira dans la suite à la consolider. »

Le prince de Schwarzenberg est arrivé hier; l'intention est de le faire repartir de suite pour Paris, dans le double objet de faire connaitre à « SA MAJESTÉ la position actuelle des choses, et « de donner à l'Europe une preuve éclatante des « dispositions de l'Autriche, en faisant paraître « à la cour de France le commandant du corps auxiliaire, se rendant près de son chef pour prendre ses ordres. » Ce sont les propres paroles du ministre. Il met le plus grand prix à saisir toutes les nuances propres à convaincre les cours de Londres et de Pétersbourg de l'accord intime qui subsiste entre la France et l'Autriche. Signe OTTO.

No 9.

ir Extrait d'une dépêche de M. le comte Olto, au

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même.

Vienne, le 17 février 1813.

M. de Metternich m'a remis hier l'écrit dont j'ai eu l'honneur de vous parler dans mon No 443. Cette pièce, rédigée avec beaucoup de soin par le

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ministre lui-même, sert d'introduction aux ordres du cabinet, qui vont paraître relativement au recrutement de l'armée. J'ai l'honneur d'en joindre ici la traduction.

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« Cette espèce de déclaration, m'a dit le ministre, n'est pas un manifeste politique; c'est « une pièce purement administrative, mais elle « peut produire un très-bon effet en Russie et en Angleterre. En demandant à la nation de nou« veaux sacrifices, il importait de la rassurer sur « deux points essentiels : l'un, que notre sys«tème d'alliance est inébranlable; l'autre, que « nous n'armons que pour arriver à une paci«fication générale. J'aurais différé la publica«tion de cette pièce, si je n'avais lieu de sup« poser que l'EMPEREUR votre maître aura parlé « dans le même sens, dans son discours d'ou«verture du Corps législatif. Dans ce cas, notre « démarche aurait eu l'air d'être dictée par vous, « tandis que pour être efficace chez nous, elle de<< vait avoir tous les caractères de la spontanéité. « Ces mots Après avoir fixé définitivement ses « relations politiques, disent tout sans affaiblir « les moyens d'intervention que Sa Majesté se « propose d'employer. Vous savez que ce n'est « qu'en Russie que nous avons fait des efforts pour empêcher la guerre; nous n'en avions nul be<< soin chez vous. La Russie nous comprendra, « mais elle ne trouvera rien d'offensant dans cette « expression. Elle comprendra également ce que signifie la phrase qui termine cette pièce lors« qu'on montre le désir de transporter le théâtre « de la guerre loin de nos frontières. »

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Ici a commencé une conversation que le ministre a prolongée au delà de deux heures, et qui, je crois, à été motivée par les dernières dépêches de M de Bubna, dont le ministre m'avait fait lecture la veille. Il serait inutile de suivre cet entretient dans tous ses détails; je me borne à présenter ici le point de vue sous lequel le comte de Metternich considère la situation actuelle des choses.

Le ministre a commencé par me répéter qu'il ne cherchait qu'à établir de plus en plus une confiance et un accord complets entre les deux cabinets. Entrant ensuite en matière, il m'a dit que l'idée d'une médiation armée avait pu causer momentanément quelque surprise à Paris; mais que ce mot de médiation, dont on connaissait parfaitement la valeur dans le cabinet de Vienne, n'avait jamais été prononcé ici ; que l'on avait même défendu à M. le comte de Bubna et à M. de Floret d'employer ce mot; que nous nous en étions servis les premiers; qu'il ne s'agissait au contraire que d'une intervention, de l'intervention d'un allié qui, fatigué des embarras de la guerre, aspire à en accélérer le terme; que l'idée d'une médiation armée serait entièrement vide de sens à l'égard de l'Angleterre, l'Autriche n'ayant aucun moyen d'attaquer cette puissance.

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Notre alliance avec la France, a-t-il ajouté, « est tellement nécessaire que, si vous la rompiez aujourd'hui, nous vous proposerions de« main de la rétablir absolument dans les mêmes conditions. La France nous a fait beaucoup de mal, mais il est de notre intérêt d'oublier le « passé. Nous voulons lui être utiles dans ce mo«ment, parce que dans un autre temps elle pourra « nous rendre le même service. Cette alliance n'a « pas été le résultat d'une guerre, ni une condition « de paix comme celle de Tilsitt; elle est le pro«< duit d'une réflexion mûre, et elle a été préparée « par des rapprochements successifs et spontanés. « Posez donc en fait et considérez comme une « vérité incontestable que nous ne cherchons que

« votre bien; que nous ne redoutons plus la « France, mais les Russes, dont vous-même, par " vos concessions successives, avez augmenté la « puissance. »

Le ministre est entré dans de longs raisonnements pour démontrer que l'Autriche a besoin de la France pour se refaire; qu'elle ne suit dans ce moment que l'impulsion de son propre intérêt, dont, depuis l'alliance conclue par le prince Kaunitz, elle n'aurait jamais dù se départir; qu'elle ne demande rien, absolument rien que la paix ; mais qu'en la négociant, elle ne sera nullement disposée à favoriser la Russie, son ennemie naturelle. Que l'équilibre de l'Europe, dont plusieurs écrivains ont voulu démontrer, depuis quelque temps, l'inutilité, n'est nullement une chimère; qu'il est essentiellement fondé dans la nature des rapports d'intérêts entre les diverses nations, et qu'il sera toujours la base de leur politique ; que d'un côté la France, l'Autriche et la Porte Ottomane, de l'autre, la Russie et l'Angleterre, rempliront les bassins de cette balance; que malgré cet équilibre apparent, la France conservera toujours une prépondérance, qui tient à sa position et à son inépuisable richesse; que cette prépondérance est un fait dont personne n'a pu douter, même sous nos derniers rois, mais qu'elle est devenue un motif de jalousie, lorsqu'à la suite des succès les plus étonnants, la France a paru vouloir l'établir en droit; qué pendant cette marche victorieuse de nos armées, la Russie avait fait des pas de géant vers la domination, et qu'elle était arrivée à son but par les formes les plus insinuantes; qu'ayant acquis beaucoup plus de territoire que nous, elle avait si bien déguisé son ambition que, loin de la haïr, les peuples ont l'air de lui savoir gré de ses empiétements; mais que la France pacifiée mettrait un terme à cette importance passagère des Russes, et qu'elle reprendrait tout l'ascendant que sa puissance, ses moyens pécuniaires et sa modération doivent lui garantir à jamais; enfin, que la paix seule sera pour la France et pour l'Autriche, son alliée, une conquête bien plus solide que ne pourraient l'être toutes celles d'une campagne heureuse.

Tels sont, Monseigneur, uniformément les principes et les vues de ce cabinet. Le prince de Schwarzenberg en sera, de nouveau, l'interprète auprès de SA MAJESTÉ. Veuillez etc.,

TRADUCTION.

Signé OTTO.

Circulaire de M. le chancelier comte d'Ugarte à tous les chefs des administrations des provinces allemandes de l'empire d'Autriche.

Vienne, le 9 février 1813.

Sa Majesté Impériale, par son rescrit daté d'hier, a daigné me faire connaître ses intentions souveraines ainsi qu'il suit :

Les efforts de l'Autriche pour prévenir une nouvelle explosion de la guerre continentale en 1812, ayant été sans fruit, Sa Majesté Impériale et Royale, d'après la fixation de ses relations politiques, avait dû penser, avant tout, à la sûreté des frontières de son propre pays. Sa Majesté a voulu parvenir à ce but en employant le moins de moyens possible, et par conséquent en ménageant ses sujets autant que les circonstances le lui permettraient. L'expérience prouve combien le succès a répondu aux vues paternelles de Sa Majesté Impériale et Royale. Pendant que la guerre, accompagnée de toutes ses suites désastreuses, ravageait les

Etats limitrophes; pendant qu'une partie de l'armée, dévouée et fidèle à l'empereur et à la patrie, maintenait l'ancienne gloire des armes autrichiennes, la plus profonde tranquillité régnait dans toute l'étendue de l'empire.

Les événements des derniers mois ont fait approcher le théâtre de la guerre des frontières de la monarchie. Dans le cas d'une nouvelle campagne, les mesures précédentes et bornées ne sauraient plus suffire pour assurer la tranquillité d'une ligne de frontières plus étendue. Cette considération, puisée dans la nature des choses, commandait déjà elle-même la formation d'un corps d'observation. Cependant il se présente, dans le moment actuel, une autre vue plus élevée et plus conforme aux intentions du souverain et aux vœux de la nation, qui fait de l'augmentation de nos efforts une loi impérieuse.

Le repos, voilà le premier besoin de tous les Etats de l'Europe. Une paix fondée sur les intérêts réciproques, une paix dont les bases renferment la garantie de sa durée, voilà l'objet de tous les efforts de Sa Majesté Impériale et Royale. Mais pour y parvenir, il est nécessaire que l'Autriche se montre dans une attitude militaire conforme aux circonstances. Et si, contre toute espérance, le succès ne répondait pas à nos désirs, cette force servirait du moins puissamment à éloigner constamment des frontières de la monarchie le théâtre de la guerre.

En vous faisant connaitre, Monsieur..., ces intentions souveraines, je vous invite à mettre à exécution avec activité et promptitude tous les ordres que je me trouverai dans le cas de vous faire parvenir à ce sujet.

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Je devais me rendre hier chez M. le comte de Metternich, pour prendre connaissance des communications qui venaient de lui être faites par M. de Stakelberg; mais le ministre m'a écrit que ses occupations ne lui permettaient pas de ine voir, et qu'il me priait de passer chez lui ce matin.

Je m'y suis rendu à dix heures; le ministre m'a informé qu'il avait lu les dépêches de l'empereur Alexandre, et qu'il était fort content du ton de modération qui y régnait. « La Russie ac«cepte non-seulement le plénipotentiaire de l'Au

triche, mais encore son intervention pour la « paix. L'empereur de Russie regrette que l'Au« triche n'ait pas voulu profiter de cette circon«stance favorable pour recouvrer ses pertes; << mais il respecte ses motifs : il n'a d'autre but « que le rétablissement de la tranquillité de l'Eu«rope et la conclusion d'une paix générale. Le « système politique de l'Autriche étant définiti«vement fixé, la Russie ne se permettra aucune « démarche pour l'en détourner. »

Telle est, en peu de mots, la substance de cette première réponse; le ministre m'a avoué néanmoins que la Russie se donnait beaucoup de mouvement pour attirer l'Autriche dans son alliance, mais qu'elle ne réussirait pas.

Cette première démarche de la Russie n'est qu'une réponse à la demande touchant l'envoi de M. de Lebzeltern. On espère recevoir journellement des nouvelles des plénipotentiaires, et, immédiatement après l'arrivée de ces dépêches,

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M. le comte de Narbonne est arrivé ici le 17, et m'a remis les lettres de recréance que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'adresser. Elles seront présentées demain, et dans la même matinée mon successeur remettra ses lettres de créance.

Le cabinet autrichien a reçu enfin des nouvelles du chevalier de Lebzeltern, et une réponse officielle de M. de Nesselrode, dont M. le comte de Metternich m'a envoyé l'original, et dont j'ai l'honneur de joindre ici la copie. Cette pièce est rédigée de manière à se plier à toutes les interprétations qu'on voudra lui donner. Elle annonce le désir de la paix, mais avec des modifications qui prouvent combien la Russie craint de se compromettre avec l'Angleterre. On ne sait ce que la Russie entend par les garanties de la paix, à moins qu'on ne pense qu'elle prélude, par ces mots, à la convocation d'un congrès, où les principales puissances de l'Europe conviendraient de l'établissement d'un état de choses permanent et sanctionné par chacune d'elles. Au fond, la meilleure garantie de la Russie est dans sa position géographique, qui lui permet d'improviser des guerres et de se retirer quand bon lui semble. C'est plutôt contre elle que l'Autriche, la Turquie et l'Allemagne ont besoin d'une garantie, qui se trouvera, soit dans la prépondérance de la France, soit dans un accord formel de conserver en commun les limites qui auront été fixées par le traité.

On a prévu ici l'objection que ferait la Russie à l'intervention amicale d'une puissance actuellement en guerre avec elle, et le chevalier de Lebzeltern a été chargé d'y répondre. Pour nous, cette objection est cependant une nouvelle preuve qu'il n'existe entre les deux cabinets aucun rapport secret qui puisse faire suspecter la franchise de l'Autriche. Cette induction est d'autant plus juste, que, dans la même pièce, la Russie ne se fait aucun scrupule de faire connaître ses liaisons intimes avec la Prusse, qu'elle déclare être son alliée, au point que son consentement lui paraît nécessaire pour entamer des négociations de paix. Il existait donc dès le 11 mars (date de la lettre de M. de Nesselrode) un traité formel entre les deux cours; et comme cet aveu n'était nullement nécessaire pour motiver la réponse évasive de la Russie, il prouve qu'elle aime à se parer de cette nouvelle alliance comme d'un grand succès.

détaillé des entretiens qu'ils ont eus tant avec SA MAJESTÉ qu'avec Votre Excellence, et leur résultat a fait ici le plus sensible plaisir.

M. le comte de Narbonne ne manquera pas d'informer Votre Excellence des préparatifs que l'on fait ici pour garnir une frontière, beaucoup plus exposée aujourd'hui qu'elle n'était au commencement de la guerre, puisqu'elle s'étend depuis Czernowitz jusqu'à Egra. Pour faire face à la dépense occasionnée par ces préparatifs, l'Empereur a nommé une commission chargée de trouver un juste milieu entre le système de taxation extrêmement onéreux proposé par M. de Wallis et le système de banque et d'emprunt imaginé par d'autres financiers. Cette commission a commencé hier ses séances; elle est présidée par le comte de Stadion.

Signé OTTO.

Pièce jointe à la dépêche de M. le comte Otto, du 20 mars 1813.

Monsieur le comte,

Dans l'absence de M. le comte de Romanzow, que des fonctions importantes ont retenu à SaintPétersbourg, l'empereur m'a prescrit de répondre à l'office dont M. le chevalier de Lebzeltern a été le porteur. Sa Majesté Impériale a donné à cette pièce l'attention que mérite une démarche molivée par un objet d'une si haute importance. Toujours exempte de passion, ses principes politiques n'ont jamais varié. Elle veut la paix, mais une paix avec des garanties et telle, par conséquent, que l'Autriche doit la désirer elle-même. -Cependant, il faut en convenir, c'est pour la première fois que l'on voit une puissance encore en guerre, proposer une entremise pour la paix. Les formes et les usages sont contraires à une pareille attribution. Mais Sa Majesté Impériale a trop à cœur de donner à l'EMPEREUR votre auguste maître une preuve non équivoque de sa confiance et de son estime pour ne point passer sur des considérations aussi prononcées. Cette manière d'accueillir vos propositions, Monsieur le Comte, doit donner aux explications un caractère de franchise, qui peut seul assurer la marche d'une négociation tendante à concilier de si grands intérêts. Il s'agit donc de considérer que depuis la date de votre lettre ministérielle, la Prusse, par des motifs que l'Europe jugera, a réuni ses armes aux armes russes, et de cette manière, il se présente, d'emblée, plusieurs intérêts compris dans un seul. Les liens sont trop étroits entre la Russie et la Prusse, trop fortement établis avec la Suède, pour que Sa Majesté Impériale puisse séparer sa cause de celle d'aucune des puissances alfiées avec elle. L'Empereur m'ordonne, en conséquence, de déclarer, en son nom, qu'il accepte l'entremise de l'Autriche, dans le cas où cette entremise sera également acceptée par l'Angleterre, la Prusse et la Suède. Vous jugerez vous-même, Monsieur le Comte, qu'il était impossible que Sa Majesté fit une réponse ni plus catégorique ni plus amicale. S. M. Tempereur d'Autriche trouvera

La défection de la Prusse est positivement annoncée par la lettre de M. de Nesserolde, mais elle n'est pas encore constatée par une déclaration publique. M. le comte de Metternich n'attend que ce moment pour faire à Breslau la même ouverture qui a été faite en Angleterre et en Russie.es nenes principes en toute occasion. Ils sont

On a ordonné provisoirement au comte Zichi, ministre d'Autriche, de quitter la cour de Prusse, et l'on a interrompu de même toute communication avec le baron de Humboldt, ministre de Prusse à Vienne.

Le comte de Metternich vient de me lire avec la plus grande satisfaction les dépêches qu'il a reçues de MM. de Bubna et de Floret jusqu'au 9 mars inclusivement. Ils ont rendu un compte

considérés, chez nous, comme le seul moyen de parvenir aux résultats qu'on se propose, quelque compliquées que puissent être les questions. J'ai l'honneur d'ètre, etc.

Signé LE COMTE DE NESSELRODE. A Kalisch, ce 27 février-11 mars 1813.

N° 12. Edit impérial, portant création d'un fonds de 45 millions de florins en papier-monnaie, sous la dénominatian de billets d'anticipation.

Art. 1er. Nous assignons annuellement, pour l'hypothèque de ce fonds d'anticipation, une somme de 3,750,000 florins, qui sera prise pendant douze ans, à compter de 1814, sur le produit de la contribution foncière dans nos provinces d'Allemagne, de Bohême et de Gallicie.

Art. 2. La députation d'amortissement ayant, par son exactitude à remplir ses devoirs, mérité notre satisfaction et la confiance générale, nous la chargeons exclusivement de l'administration du fonds établi par l'article 1er.

Art. 3. A cette fin, cette somme de 3,750,000 florins établie par l'article 1er, et prise sur la contribution foncière, sera remise immédiatement à la députation d'amortissement ce qui mettra à sa disposition, pendant les douze ans ci-dessus, une somme de 45 millions de florins.

Art. 4. Afin qu'on puisse, suivant les besoins et les circonstances, appliquer sur-le-champ ces fonds à couvrir les dépenses extraordinaires, nous chargeons la députation d'amortissement d'émettre des billets d'anticipation pour la somme de 45 millions de florins, et de les tenir à la disposition de notre ministère des finances.

Art. 5. Une patente particulière fera connaître la forme de ces billets d'anticipation et de leurs différentes sous-divisions.

Art. 6. Nous chargeons la députation d'amortissement, sur sa responsabilité, d'anéantir tous les ans, à compter de l'année 1814, une somme de 3,750,000 florins en billets d'anticipation, et de faire connaître chaque fois au public l'accomplissement exact de cette obligation.

Art. 7. Les billets d'anticipation qui entreront de cette manière en circulation, étant couverts de la manière la plus sûre par un fond particulier suffisant, et devant être entièrement amortis par ce moyen dans l'espace de douze ans, nous ordonnons qu'ils soient reçus non-seulement dans toutes les caisses de l'Etat, mais encore par les particuliers, pour leur valeur nominale, de même que les billets d'amortissement, et assimilés en tout à ces billets.

Donné en notre résidence de Vienne le 16 avril 1813, de notre règne le 22o.

No 13.

FRANÇOIS.

Note verbale de l'ambassadeur d'Autriche, prince de Schwarzenberg.

Paris, le 22 avril 1813.

Dans la conférence que l'ambassadeur d'Autriche a eue hier avec S. Exc. M. le duc de Bassano, ministre des relations extérieures, il a eu l'honneur de s'expliquer dans le sens des dépêches qu'il venait de recevoir de sa cour, sur le contenu de la note verbale remise par l'ambassadeur comte de Narbonne au ministre comte de Metternich.

Son Excellence ayant invité l'ambassadeur, vu l'importance des questions, à lui en faire un résumé dans une note verbale, il s'empresse de satisfaire à ce désir.

S. M. l'empereur ayant à cœur que dans ce moment important de crise le plus parfait accord continue de régner entre elle et son auguste allié, croit que cet accord ne saurait mieux être consolidé que par la connaissance réciproque la plus

étendue de la marche des deux cours; elle s'est décidée, en conséquence, à s'expliquer avec toute sa franchise sur les ouvertures qui ont été faites à son ministre par l'ambassadeur de France.

Sa Majesté trouve que les objets sur lesquels portent ces ouvertures se séparent parfaitement en quatre questions principales.

1° Attitude de l'Autriche pour amener une négociation de paix, et pendant cette négociation; 20 Accord entre les deux cours d'Autriche et de France sur les arrangements généraux de pacification;

3o Attitude de l'Autriche dans le cas que la négociation devrait ne pas mener à la paix:

4o Opérations militaires dans ce dernier cas. Ad primum. D'après les termes dont s'exprime M. l'ambassadeur de France dans sa note verbale, « l'Autriche, qui s'est mise en avant pour la paix « et qui la désire si vivement, doit prendre pour « tendre à ce but une couleur prononcée, in« sister sur l'ouverture immédiate d'une négociation, exiger que des plénipotentiaires soient << nommés, qu'un armistice soit conclu, et en«trer dans la lutte comme partie principale. >>

Pour atteindre ce but, il n'existe qu'une seule forme diplomatique, celle de la médiation armée. Sa Majesté se prête, en conséquence, à prendre cette attitude. Elle en tiendra le langage vis-à-vis des cours alliées et ne négligera rien pour donner tout le poids à son langage.

L'idée de la réunion instantanée des plénipotentiaires s'est rencontrée avec le point de vue du cabinet autrichien, qui attend, toutefois, le premier courrier de son ambassadeur pour voir quelle sera la forme qu'aura choisie S. M. L'EMPEREUR NAPOLÉON pour régler ses démarches, c'est-à-dire, pour savoir si SA MAJESTÉ IMPÉRIALE aura cru devoir procéder spontanément à la nomination d'un négociateur, ou, si elle aura préféré attendre la demande uniforme que la cour de Vienne adressera à ce sujet à toutes les cours intéressées; on espère que ce même courier portera des nouvelles du baron de Wessenberg, qui peut être arrivé le 25 ou le 24 mars. Quelle que soit la réponse que fera le cabinet britannique, il sera important de la connaître; car dans la supposition qu'elle soit favorable, le prétexte, que pourrait avec raison mettre en avant la Russie, de vouloir, avant d'entrer en négociation, connaître les intentions de son allié, ne saurait plus exister, et les démarches du cabinet autrichien vis-à-vis de l'empereur Alexandre et du roi de Prusse pourraient, dans la supposition d'une réponse anglaise négative, prendre un caractère prononcé dans le sens d'une négociation de paix continentale.

Ad secundum. Avant d'entrer en détail sur cet important objet, le cabinet autrichien doit attendre les premiers rapports de son ambassadeur à Paris, vis-à-vis duquel il espère que S. M. L'EMPEREUR NAPOLÉON aura manifesté plus explicitement ses idées.

Ad tertium. Il ressort de la nature des choses, et on est très-aise de voir que l'EMPEREUR DES FRANÇAIS partage la conviction du cabinet autrichien que la marche des événements, le rapprochement du théâtre de la guerre, sur une étendue de plus de 400 lieues, des points les plus importants des frontières autrichiennes, ne comporte plus que l'empereur prenne part, comme puissance simplement auxiliaire, à la guerre, si, contre ses vœux les plus chers, elle devait conti

nuer.

L'armée française et confédérée ouvrit la cam

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