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suffrages aux membres du Corps législatif dont les noms suivent, savoir :

« MM. le chevalier Raynouard, Lainé, Gallois, Flaugergues et le chevalier Maine de Biran.

« Le Corps législatif arrête que S. Exc. le président transmettra le présent acte de nomination à S. M. L'EMPEREUR ET ROI, par un message. »> La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE S. EXC. LE DUC DE MASSA.

Séance du 23 décembre 1813.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. M. le Président. M. Jourdain et M. Challan demandent la parole.

M. Jourdain. Messieurs, à la dernière session du Corps législatif, j'eus l'honneur de vous présenter l'hommage du premier volume de l'Analyse raisonnée sur le Code de procédure civile, par M. Carré.

M. Carré est professeur très-distingué dans la faculté de droit de l'académie de Rennes, l'une des principales académies de l'empire.

Son ouvrage ne peut être appelé un commentaire, car il n'y met pas ses opinions personnelles à la place de la loi, ce qui rend les commentaires dangereux, comme je l'ai fait observer en vous présentant le premier volume. Fidèle à son plan calqué sur celui du sage Rodier de Toulouse, auteur des Questions sur l'ordonnance de 1667, M. Carré, a exposé, avec beaucoup de méthode et de clarté la jurisprudence de la cour de cassation qui, par trait de temps, s'est fixée sur les questions les plus difficiles qu'une loi nouvelle fait toujours naître. Tout ce qui a été dit par les auteurs nombreux qui l'ont précédé dans la même carrière, a été mis par lui au creuset de l'expérience, et s'il se trouve quelquefois en opposition avec eux, il marche constamment à l'appui des décisions du suprême régulateur des tribunaux, guide sur qui ne peut égarer les jurisconsultes.

Ayant favorablement accueilli l'hommage du premier volume, j'ose espérer, Messieurs, que vous ne dédaignerez pas le complément de cet important ouvrage; je vous prie de vouloir bien l'agréer et ordonner qu'il soit déposé, avec le premier volume, à la bibliothèque du Corps législatif.

M. le chevalier Challan. Messieurs, j'ai l'honneur de vous présenter le Précis analytique des travaux de la société académique de Nancy, pendant les années 1811 et 1812.

Il me serait facile, Messieurs, de m'étendre sur les succès que les sciences et les lettres ont obtenus dans cette ville sous les princes de l'ancienne Lorraine, et plus encore sous l'heureuse influence du gouvernement de l'EMPEREUR NAPOLÉON, de vous parler des services rendus par les hommes nés dans son enceinte ou dans les contrées qui l'avoisinent; et ce tableau serait heureusement terminé par celui des exemples que S. Exc. le président de cette assemblée donne à la magistrature.

Mais je dois respecter vos moments; je me bornerai donc à vous annoncer que dans ces mémoires vous trouverez d'intéressants souvenirs; Vous y reconnaîtrez la sagacité de notre ancien et laborieux collègue, M. Mollevault, qui a discuté quelques objections modernes contre les anciens historiens. Vous y trouverez le véritable caractère de notre collègue Toulongeon, retracé dans l'éloge fait par M. Michel Berg; enfin, le nom du général Sahuc, inscrit parmi celui des membres,

vous rappellera la perte que viennent d'éprouver le Corps législatif et l'Académie.

Depuis quelques années, le général Sahuc avait été forcé de renoncer à son ancienne activité; mais l'honneur d'avoir combattu aux passages du Rhin, de Sambre-et-Meuse et des Alpes, en Italie, aux journées d'Austerlitz, d'léna, de Friedland, et ses honorables blessures lui avaient mérité, des bontés de S. M. L'EMPEREUR, auprès duquel le service est toujours suivi de la récompense, l'inspection des hôpitaux de l'armée.

Dans cette mission il développa ses talents pour l'administration, et montra la bonté de son cœur. Ses compagnons d'armes trouvèrent en lui un consolateur et un père. Ce fut au milieu de ses devoirs si chers à l'humanité que la mort vint surprendre le général Sahuc. Il emporte nos regrets, ceux de sa famille et de ses amis.

J'ose encore, Messieurs, solliciter quelques instants votre attention, pour vous offrir, au nom de M. Pailiet, avocat en la cour impériale de Paris, la seconde édition du Manuel du droit français.

Cet ouvrage diffère de ceux que l'on désigne . sous le nom de commentaires; dans ces derniers on cherche ordinairement à résoudre un problème qu'on s'est posé soi-même; dans celui qui vous est offert, au contraire, c'est du texte des codes, rapporté dans toute son intégrité, que l'on rapproche les avis du conseil d'Etat, les jugements des tribunaux et des cours, prononcés sur des affaires réelles.

Ce qui distingue surtout ce travail, c'est que, loin d'imiter les arrêtistes qui multiplient les citations, l'auteur choisit seulement, parmi les considérants et les dispositifs connus, ceux qui sont le plus précis, et qu'un assentiment général fait regarder comme la juste application des lois.

La brièveté et la clarté de cet ouvrage, dont l'idée neuve appartient toute entière à M. Paillet, l'ont placé sur le bureau de tous les magistrats et de tous les jurisconsultes. Il n'est pas parfait, sans doute, et l'auteur ne dissimule point le besoin qu'il a de le perfectionner: mais le temps et ses efforts le conduiront vers ce terme. Vous y contribuerez, Messieurs, en l'encourageant.

Je demande, Messieurs, qu'il soit fait mention dans le procès-verbal de l'hommage que j'ai l'honneur de vous faire :

1o Des mémoires de l'académie de Nancy;

2o Du Manuel du droit français de M. Pailliet; Enfin, que ces deux ouvrages soient déposés à votre bibliothèque.

L'Assemblée agrée ces hommages et ordonne le dépôt des volumes à sa bibliothèque.

L'ordre du jour appelle la continuation du scrutin pour la nomination des quatre vice-présidents.

MM. le comte Henri de Montesquiou, et les chevaliers Bouchet, Félix Faulcon et Boidi-Dardizzoni ayant obtenu la majorité absolue des suffrages, ils sont proclamés vice-présidents du Coprs législatif.

M. le Président reçoit et communique à l'Assemblée une lettre de S. M. L'EMPEREUR ET ROI, conçue en ces termes :

« Monsieur le duc de Massa, président du Corps « législatif, nous vous adressons la présente lettre • close pour vous faire connaître que notre in<< tention est que vous vous rendiez, demain 24 du « courant, heure de midi, chez notre cousin le « prince archichancelier de l'empire, avec la « commission nommée hier par le Corps législatif, « en exécution de notre décret du 20 de ce mois, laquelle est composée des sieurs Raynouard,

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En conséquence des intentions exprimées par SA MAJESTÉ, les membres composant la commission sont invités à se réunir deniain, à 11 heures, au palais du Corps législatif, dans la salle du Trône, pour se rendre, à l'heure désignée, avec S. Exc. lé duc de Massa, chez S. A. S. le prince archichancelier de l'empire.

Un premier scrutin est ensuite formé pour le choix des quatre secrétaires définitifs.

Le dépouillement des votes n'ayant point donné de majorité absolue, la suite de cette élection est renvoyée à la séance de demain.

La séance est levée.

Annexe à la séance du Corps législatif du 23 décembre 1813.

NOTA. Nous insérons ici deux décrets impériaux qui se rattachent aux mesures extraordinaires adoptées par le Gouvernement vers la fin de 1813, et annoncées au Corps législatif dans la séance du 23 décembre.

DÉCRETS IMPÉRIAUX.

Au palais des Tuileries, le 27 décembre 1813. NAPOLÉON, EMPEREUR DES FRANÇAIS, ROI D'ITALIE, PROTECTEUR DE LA CONFÉDÉRATION DU RIHIN, MÉDIATEUR DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE, ETC., ETC. Nous avons décrété et décrétons ce qui suit : Art. 1er. Il sera envoyé des sénateurs ou conseillers d'Etat dans les divisions militaires, en qualité de nos commissaires extraordinaires. Ils seront accompagnés de maîtres des requêtes ou d'auditeurs.

Art. 2. Nos commissaires extraordinaires sont chargés d'accélérer :

1o Les levées de la conscription;

20 L'habillement, l'équipement et l'armement des troupes;

3o Le complément de l'approvisionnement des places;

4o La rentrée des chevaux requis pour le service de l'armée;

5o La levée et l'organisation des gardes nationales, conformément à nos décrets.

Nosdits commissaires extraordinaires pourront étendre les dispositions desdits décrets aux villes et places qui n'y sont pas comprises.

Art. 3. Ceux de nosdits commissaires extraordinaires qui seront envoyés dans des pays que menacerait l'ennemi, ordonneront des levées en masse et toutes autres mesures quelconques, nécessaires à la défense du territoire et commandées par le devoir de s'opposer aux progrès de l'ennemi. Au surplus, il leur sera donné des instructions spéciales, à raison de la situation particulière des départements où ils seront en mission.

Art. 4. Nos commissaires extraordinaires sont

autorisés à ordonner toutes les mesures de haute police qu'exigeraient les circonstances et le maintien de l'ordre public.

Art. 5. Ils sont pareillement autorisés à former des commissions militaires et à traduire devant elles ou devant les cours spéciales toutes personnes prévenues de favoriser l'ennemi, d'être d'intelligence avec lui ou d'attenter à la tranquillité publique.

Art. 5. Ils pourront faire des proclamations et prendre des arrêtés. Lesdits arrêtés seront obligatoires pour tous les citoyens. Les autorités judiciaires, civiles et militaires seront tenues de s'y conformer et de les faire exécuter.

Art. 7. Nos commissaires extraordinaires correspondront avec nos ministres pour les objets relatifs à chaque ministère.

Art. 8. Ils jouiront, dans leurs qualités respectives, des honneurs qui leur sont attribués par nos règlements.

Art. 9. Nos ministres sont chargés de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois.

Par l'Empereur :

Signé NAPOLEON.

Le ministre secrétaire d'Etat,
Signé LE DUC DE BASSANO.

Au palais des Tuileries, le 26 décembre 1813. NAPOLEON EMPEREUR DES FRANCAIS, ROI D'ITALIE PROTECTEUR DE LA CONFÉDÉRATION DU RHIN, MEDIATEUR DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE, etc, etc. Vu notre décret de ce jour,

Nous avons nommé et nommons pour nos commissaires extraordinaires :

DIVISIONS

MILITAIRES.

2e Mézières....

3o Metz.. 4e Nancy.

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teur. Chasset, id. Colchen, id.

5 Strasbourg.. Roederer, id.

6e Besançon.... de Valence, id. 7e Grenoble... de Saint-Vallier, id. ge Toulon...... Ganthaume, conseiller d'Etat. Pelet, id. Caffarelli, id. Garnier, sénateur. Boissy-d'Anglas, id. Canelaux, id. Latour-Maubourg, id.]

9e Montpellier.. 10e Toulouse... 11e Bordeaux 12o La Rochelle. 13 Rennes. 14e Caen..

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Ardoult, id.

Plenc, id.

Belleville, maître des requêtes. Aubernon, auditeur. de Beyle, id. Jordan-Duplessis, id.

de Fourment, id. de Puat, id. Portel, mafire des req. Saur, auditeur. Lacuée, maître des req. Dumont de la Charnave, auditeur. de Brevannes, il. Joseph Perrier, id. Le Chapelier, id. Deportes de Parda lhou,

d. Lahaye de Cormenin, id.

de Montigny, id.
Lecouteulx, id.
Cochele', id.
Delamalte, id.

Signé NAPOLÉON.

Par l'Empereur:

Le ministre secrétaire d'Etat,

Signé LE DUC DE BASSANO.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE S. EXC. LE DUC DE MASSA.

Séance du 24 décembre.

M. le comte Henri de Montesquiou, l'un des vice-présidents, occupe le fauteuil.

Après la lecture du procès-verbal, un membre demande et obtient la parole.

M. le chevalier Riboud, Messieurs, si les premiers moments des sessions du Corps législatif offrent à chacun de ses membres une jouissance précieuse dans l'épanchement réciproque des sentiments d'estime et d'attachement qui les lient entre eux, pourquoi faut-il qu'une satisfaction aussi pure soit presque toujours altérée par de tristes souvenirs? Vainement nos cœurs cherchent dans cette enceinte plusieurs collègues qui nous furent chers!... Trop tôt pour la chose publique, pour leur pays, pour leurs familles, ils ont payé à la nature le tribut inévitable; et trop tôt pour nous-mêmes aussi, nous avons à payer à leur mémoire le tribut de nos regrets.

Le général de division Dallemagne, né en 1754, à Peyrieux, arrondissement de Belley, département de l'Ain, baron de l'empire, commandant de la Légion d'honneur, commandant de l'ordre de la Couronne-de-Fer, appelé deux fois à siéger au Corps légistatif, en fut digne non-seulement par des services militaires longs et distingués, mais encore par les qualités personnelles, le bon esprit et l'amour de la patrie, qui honorent le vrai citoyen un grand nombre d'entre vous se rappelle de l'avoir vu de 1801 à 1805, successivement secrétaire, vice-président et questeur, et je ne suis aujourd'hui que leur fidèle interprète : investi ensuite pendant cinq années du titre de candidat pour le Sénat, il fut replacé dans vos rangs en 1812, et s'empressa de se rendre à ce nouveau poste. A peine arrivé à Paris, une maladie qui devait être la dernière, se déclara subitement, et lui ferma irrévocablement l'accès de Vos séances. Quelques lueurs d'espérance semblèrent lui promettre de pouvoir partager vos travaux, mais elles firent bientôt place à son dernier væu, celui d'aller reposer à jamais dans sa terre natale. La mort l'attendait au moment où il voudrait l'accomplir, et dans les murs de Nemours, le 25 juin dernier, elle le frappa sous les yeux de son intéressante et digne épouse et de son estimable beau-père.

Tout ce qu'il a fait, tout ce qu'il a été, il le dut à lui-même les avantages de la naissance et de la fortune, que les uns prisent au delà de leur véritable valeur, que les autres ne dédaignent pas de bonne foi, mais dont l'influence est si réelle sur la suite de la vie, lorsqu'on sait en faire un juste et noble usage, Dallemagne n'en fut point environné dans son berceau; les efforts et les soins de ses parents y suppléèrent, en lui préparant par de bons principes et une éducation aussi convenable que leur position pouvait le permettre, les moyens de les obtenir un jour par une conduite sage, et par le désir constant de faire des progrès dans la route qui pourrait s'ouvrir devant lui, ce qu'il éprouva dans la profession des armes qu'il embrassa en 1773, dans le régiment de Hainault, où, de simple soldat, il parvint successivement aux divers grades de sousofficier, puis à celui d'officier et à la croix de Saint-Louis.

Quarante années de service pendant des guerres presque continuelles, tant sur le nouveau continent que sur l'ancien, dont vingt ans dans le

rang d'officier, depuis celui de sous-lieutenant Jusqu'à celui de général de division, doivent fournir sans doute une série de faits nombreux et honorables dont vous entendriez certainement, Messieurs, les détails avec intérêts; mais le temps que vous pouvez m'accorder ne me permettant pas d'en faire la notice historique, je dois me borner à une esquisse indicative des principaux faits.

Je pourrais le suivre d'abord aux champs de l'Amérique, en cette guerre célèbre qui tiendra une place si importante dans l'histoire des nations; vous citer plusieurs faits distingués, ses campagnes pénibles, le siége de Savanah où il se fit avantageusement remarquer, vous ramener avec lui au siége de Toulon, où il fut fait chef de bataillon, puis dans le col de Tende; dont la défense lui fut confiée; je vous le montrerais dans trois campagnes constamment aux avant-postes, où il se conduisit si bien qu'il fut nommé général de brigade; vous le verriez toujours à l'avantgarde de l'armée d'Italie, blessé à l'affaire du Moulinet, traversant le Pô en l'an IV, et facilitant le passage de ce fleuve à toute l'armée; vous reconnaîtriez son intrépidité au pont de Lodi; vous le verriez faisant taire trente bouches à feu après l'avoir franchi, et les tourner contre l'ennemi. Je pourrais vous lire la lettre par laquelle le Directoire lui écrivait (le 29 floréal an IV) que le glorieux exemple qu'il avait donné avait décidé la victoire, et vous parler du sabre d'honneur qui lui fut envoyé par le vainqueur de l'Italie.

Le journal du siége de Mantoue nous le présenterait à la tête de six cents grenadiers seulement, culbutant l'ennemi, s'emparant du faubourg SaintGeorges et de la tête de pont; puis (le 28 messidor an IV) sortant de cette place avec mille cinq cents hommes, repoussant l'ennemi jusqu'aux palissades, et mettant le 30 l'épouvante et le désordre dans le camp retranché. Nous le verrions ensuite vainqueur près de Lonado, où le combat fut long et incertain, écrivait le général en chef, mais il était tranquille; la brave 32o demi-brigade commandée par Dallemagne était là. Nous n'omettrions pas non plus de le remarquer, lorsque marchant sur Gavardo à la tête d'un bataillon de la 11 (le 17 thermidor), il fut enveloppé par des forces nombreuses et se fit jour courageusement au lieu de se rendre.

Les bords de l'Adige nous rappelleraient l'attaque par lui faite de l'ennemi dans ses retranchements, l'expulsion de celui-ci d'une ville, la reddition d'un grand nombre de prisonniers, la prise d'une quantité considérable d'armes et de munitions, une part active au passage de ce fleuve, et à la défaite du reste de l'armée de Wurmser; tant d'actions éclatantes dans cette glorieuse campagne furent récompensées par la promotion au grade de général de division, sur la demande du général appelé dans la suite aux plus hautes destinées.

Dallemagne continua à prouver qu'il en était digne. Ramené au deuxième blocus de Mautoue, attaqué pendant la nuit par cinq mille hommes, il les met en déroute, fait mille huit cents prisonniers, et prend leur artillerie. Bientôt à ce fait brillant succédèrent l'enlèvement de Baya-Fonte, qu'il avait déjà pris lors du premier blocus, et la répulsion des ennemis dans Mantoue, d'où il ne sortit que par capitulation.

Au commencement de l'an VI, il eut le commandement des troupes qui étaient dans la Marche d'Ancône, où, d'après les ordres qui lui avaient été donnés, il établit un nouveau gouvernement. Peu après, il fut chargé de marcher sur Rome

avec une colonne de dix mille hommes, de s'emparer de cette capitale, et d'y établir aussitôt un nouveau système il part et réussit. Vainement les efforts des mécontents et la révolte tentent de détruire son ouvrage : il les rend inutiles par des mesures prudentes et énergiques.

Après tant de fatigues, il espérait jouir d'un repos nécessaire à sa santé, mais bientôt il est envoyé sur le Rhin pour réduire la forteresse d'Erenbreistein; il en resserre étroitement le blocus, et les portes lui en sont ouvertes le 7 pluviôse an VII: un sabre, des pistolets, une lettre honorable du ministre de la guerre, furent les gages de la satisfaction du gouvernement, et il obtint enfin une retraite commandée de plus en plus par son affaiblissement et ses infirmités; elle fut suivie, en l'an XII, du grade de commandant de la Légion d'honneur, et, en 1807, de celui de commandant de l'ordre et de la Couronne-de-Fer.

Il ne jouit pas longtemps du repos qui était devenu un besoin pour lui. En mars 1809, il fut appelé au commandement de la 25e division roilitaire, à Wesel. Au mois d'août, il passa à celui de la 1re division de l'armée de Hollande, pour s'opposer aux projets des Anglais sur Anvers, et il répondit honorablement à cette nouvelle marque de confiance.

Tel est, Messieurs, le précis de sa vie militaire; il y aurait, comme je vous l'ai annoncé, beaucoup de détails intéressants à ajouter; mais comme il ne serait pas possible de les insérer dans un discours de la nature de celui que vous voulez bien entendre avec bienveillance en faveur de son objet, le tableau sommaire que je viens de vous présenter suffit pour faire appréprécier les titres du militaire à la mémoire duquel cet hommage est destiné. Je ne puis néanmoins terminer sans vous rappeler brièvement les droits personnels qu'il s'était acquis à l'estime et à l'attachement du Corps législatif et de toutes les personnes qui ont eu des rapports avec lui.

Le Corps législatif a été dans le cas de le bien juger pendant les cinq ans qu'il a passés dans son sein; les diverses preuves de confiance qu'il y a reçues vous attestent l'opinion dont il y était environné et les sentiments qu'il avait inspirés à ses collègues. Ils avaient réconnu le bon esprit dont il était animé; son caractère de franchise et de loyauté, son excellent cœur, la justesse et la droiture de son jugement, son discernement et sa modestie, son obligeance et la droiture de ses intentions, son amour de l'ordre, son dévouement au bien général, le firent remarquer avantageusement dans cette carrière, comme ses vertus militaires l'avaient fait distinguer dans celle des armes. Chéri de ses amis, considéré et estimé par ses concitoyens, heureux par sa famille qui était heureuse par lui, n'ayant pas encore parcouru son douzième lustre, la nature semblait lui réserver encore plusieurs années d'un bonheur sans nuages; mais de trop longues fatigues avaient affaibli avant le temps dans son être les sources de la vie; en se tarissant pour lui, elles ont ouvert en nous celle des souvenirs et des regrets, et dans ses jeunes enfants celles de la douleur, de la reconnaissance et du désir de se rendre un jour dignes d'un tel père.

Le Corps législatif ordonne l'impression du discours de M. le chevalier Riboud, et arrête qu'il sera inséré en entier dans son procès-verbal.

L'ordre du jour appelle la continuation du scrutin pour la nomination des quatre secrétaires.

MM. Barbier-Delandrevie, le chevalier de BoisSavary, Laborde et Faure ayant réuni la majorité absolue des suffrages, sont proclamés secrétaires du Corps législatif.

La séance est levée et ajournée à lundi.

SENAT CONSERVATEUR.

Séance du luudi 27 décembre 1813.

PRÉSIDENCE DE S. A. S. LE PRINCE ARCHICHANCELIER DE L'EMPIRE.

Au nom de la commission spéciale nommée dans la séance du 22 de ce mois, M. le sénateur comte de Fontanes, l'un de ses membres, obtient la parole, et fait à l'Assembée le rapport suivant:

« MONSEIGNEUR,

« SÉNATEURS.

« Le premier devoir du Sénat envers le monarque et le peuple, est la vérité. Les circonstances extraordinaires où se trouvent la patrie rendent ce devoir plus rigoureux encore.

« L'EMPEREUR invite lui-même tous les grands corps de l'Etat à manifester leur libre opinion. Pensée vraiment royale! salutaire développement de ces institutions monarchiques où le pouvoir concentré dans les mains d'un seul se fortifie de la confiance de tous, et qui, donnant au trône la garantie de l'opinion nationale, donne aux peuples, à leur tour, le sentiment de leur dignité, trop juste prix de leurs sacrifices!

«Des intentions aussi magnanimes ne doivent point être trompées.

«En conséquence, la commission nommée dans votre séance du 22 décembre, et dont j'ai l'honneur d'être organe, a fait le plus sérieux examen des pièces officielles mises sous ses yeux, d'après les ordres de S. M. L'EMPEREUR, et communiquées par M. le duc de Vicence.

« Des négociations pour la paix ont commencé; vous devez en connaitre la marche. Il ne faut point prévenir notre jugement. Un récit simple des faits, en éclairant votre opinion, doit préparer celle de la France.

«Quand le cabinet de l'Autriche quitta le rôle de médiateur, quand tout fit juger que le congrès de Prague était prêt à se rompre, I'EMPEREUR voulut tenter un dernier effort pour la pacification du continent.

«M. le duc de Bassano écrivit à M. le prince de Metternich.

"Il proposa de neutraliser un point sur la frontière, et d'y reprendre la négociation de Prague dans le cours même des hostilités.

« Malheureusement ces premières ouvertures ont été sans effet.

L'époque de cette démarche pacifique est importante. Elle est du 18 août dernier. Le souve nir des journées de Lutzen et de Bautzen était récent. Ce you contre la prolongation de la guerre est donc, en quelque sorte, exprimé à la date de deux victoires.

«Les instances du cabinet français furent vaines, la paix s'éloigna, les hostilités recommencèrent, les événements prirent une autre face. Les soldats des princes allemands, naguères nos alliés, ne montrèrent plus d'une fois, en combattont sous nos drapeaux, qu'une fidélité trop équivoque; ils cessèrent tout à coup de feindre, et se réunirent à nos ennemis.

« Dès lors les combinaisons d'une campagne

EMPIRE FRANÇAIS. ouverte si glorieusement ne purent avoir le succès attendu.

« L'EMPEREUR reconnut qu'il était temps d'ordonner à ses Français d'évacuer l'Allemagne.

Il revint avec eux combattant presque à chaque pas, et, sur l'étroit chemin où tant de défections éclatantes et de sourdes trahisons resserraient sa marche et ses mouvements, des trophées encore ont signalé son retour.

« Nous le suivions avec quelque inquiétude au milieu de tant d'obstacles dont lui seul pouvait triompher. Nous l'avons vu avec joie revenir sur sa frontière, non avec son bonheur accoutumé, mais non pas sans héroïsme et sans gloire.

« Rentré dans sa capitale, il a détourné les yeux de ces champs de bataille où le monde l'admira quinze ans, il a détaché même sa pensée des grands desseins qu'il avait conçus... Je me sers de ses propres expressions; il s'est tourné vers son peuple, son cœur s'est ouvert, et nous y avons lu nos propres sentiments.

"

Il a désiré la paix, et dès que l'espérance d'une négociation à paru possible, il s'est empressé de la saisir.

« Les circonstances de la guerre ont conduit M. le baron de Saint-Aignan au quartier général des puissances coalisées. Là, il a vu le ministre autrichien, M. le prince de Metternich, et le ministre russe, M. le comte de Nesselrode. Tous deux, au nom de leur cour, ont posé devant lui, dans un entretien confidentiel, les bases préliminaires d'une pacification générale. L'ambassadeur anglais, le lord Aberdeen, était présent à cette conférence. Remarquez bien ce dernier fait, Sénateurs, il est important.

«M. le baron de Saint-Aignan, chargé de transmettre à sa cour tout ce qu'il avait entendu, s'en est acquitté fidèlement.

Quoique la France eût droit d'espérer d'autres propositions, l'EMPEREUR a tout sacrifié au désir sincère de la paix.

«Il a fait écrire à M. le prince de Metternich, par M. le duc de Bassano, qu'il admettait pour base de la négociation le principe général contenu dans le rapport confidentiel de M. de SaintAignan.

M. le prince de Metternich, en répondant à M. le duc de Bassano, a paru croire qu'il restait un peu de vague dans l'adhésion donnée par la France.

« Alors, pour lever toute difficulté, M. le duc de Vicence, après avoir pris les ordres de SA MAJESTÉ a fait connaitre au cabinet d'Autriche qu'elle adhérait aux bases générales et sommaires communiquées par M. de Saint-Aignan. La lettre de M. le duc de Vicence est du 2 décembre; elle a été reçue le 5 du même mois; M. le prince de Metternich n'a répondu que le 10. Ces dates doivent être soigneusement relevées; vous jugerez bientôt qu'elles ne sont pas sans quelque conséquence.

« On peut concevoir de justes espérances pour la paix en lisant la réponse de M. le prince de Metternich à la dépêche de M. le duc de Vicence; seulement, à la fin de sa lettre, il annonce qu'avant d'ouvrir la négociation, il faut en conférer avec les alliés. Ces alliés ne peuvent être que les Anglais. Or, leur ambassadeur assistait à l'entretien dont M. de Saint-Aiguan avait été témoin. Nous ne voulons point exciter de défiance; nous racontons.

« Nous avons marqué avec soin la date des dernières correspondances entre le cabinet autrichien; nous avons dit que la lettre de M. le duc de Vicence avait dû parvenir le 5 décembre, et

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qu'on n'en avait accusé la réception que le 10. Dans l'intervalle, une gazette, aujourd'hui sous l'influence des puissances coalisées, a publié dans toute l'Europe une déclaration qu'on dit être revêtue de leur autorité. Il serait triste de le croire.

« Cette déclaration est d'un caractère inusité dans la diplomatie des rois. Ce n'est plus aux rois comme eux qu'ils développent leurs griefs et qu'ils envoient leurs manifestes; c'est aux peuples qu'ils les adressent et par quels motifs adopte-t-on cette marche si nouvelle? c'est pour séparer la cause des peuples et celle de feurs chefs, quoique partout l'intérêt social les ait confondues. Cet exemple ne peut-il pas être funeste? faut-il le donner surtout à cette époque où les esprits, travaillés de toutes les maladies de l'orgueil, ont tant de peine à fléchir sous l'autorité qui les protége en réprimant leur audace? et contre qui cette attaque indirecte est-elle dirigéel? contre un grand homme qui mérita la reconnaissance de tous les rois; car, en rétablissant le trône de la France, il a fermé le foyer de ce volcan qui les menaçait tous.

« Il ne faut pas dissimuler qu'à certains égards ce manifeste extraordinaire est d'un ton modéré. Cela prouverait que l'expérience des coalitions s'est perfectionnée.

« On s'est souvenu peut-être que le manifeste du duc de Brunswick avait irrité l'orgueil d'un grand peuple. Ceux même en effet qui ne partagaient point les opinions dominantes à cette époque, en lisant ce manifeste injurieux, se sentirent blessés dans l'honneur national.

«On a donc pris un autre langage. L'Europe, aujourd'hui fatiguée, a plus besoin de repos que de passions.

Mais, s'il y a tant de modération dans les conseils ennemis, pourquoi, parlant toujours de paix, menacent-ils toujours des frontières qu'ils avaient promis de respecter quand nous n'aurions plus que le Rhin pour barrière?

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Si les ennemis sont si modérés, pourquoi ontils violé la capitulation de Dresde? pourquoi n'ontils pas fait droit aux nobles plaintes du général qui commandait cette place?

«S'ils sont si modérés, pourquoi n'ont-ils pas établi le cartel d'échange conformément à tous les usages de la guerre?

«S'ils sont si modérés enfin, pourquoi ces protecteurs des droits des peuples n'ont-il pas respecté ceux des cantons suisses? pourquoi ce gouvernement sage et libre, qui s'était déclaré neutre à la face de l'Europe, voit-il dans ce moment ses vallées et ses montagnes paisibles ravagées par tous les fléaux de la guerre?

« La modération n'est quelquefois qu'une ruse de la diplomatie. Si nous voulions employer le même artifice en attestant aussi la justice et la bonne foi, qu'il nous serait aisé de confondre nos accusateurs par leurs propres armes !

« Cette reine échappée de la Sicile, et qui d'exil en exil a porté son infortune chez les Ottomans, prouve-t-elle au monde que nos ennemis aient tant de respect pour la majesté royale?

« Le souverain de la Saxe s'est mis à la disposition des puissances coalisées. A-t-il trouvé les actions d'accord avec les paroles? Des bruits sinistres se répandent en Europe; puissent-ils ne pas se réaliser! Voudrait-on punir la foi des serments sur ce front royal vieilli par l'âge et les douleurs, et couronné de tant de vertus?

« Ce n'est point du haut de cette tribune qu'on outragera les gouvernements qui se permettraient

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