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d'avocat, qu'il embrassa à l'âge de vingt-cinq ans, et qu'il exerça pendant neuf ans, le mit en relation avec des magistrats dont les conseils guidèrent sa jeunesse, dont le crédit et l'amitié contribuèrent puissamment à son avancement.

En l'année 1787, M. de Mondétour fut nommé, par le roi, receveur général des économats; présenté au monarque en cette qualité, il reçut d'avance le prix de son zèle et de ses services, par cette parole remarquable que lui adressa le prince : En vous voyant, je suis encore plus convaincu de ce qu'on m'a dit, que je puis me confier à votre délicatesse et à votre dévouement. » M. Brière Mondétour justifia pleinement un si heureux présage. Son zèle et son désintéressement rétablirent en peu de temps une administration dont le désordre était extrême au moment où il y avait été appelé, et le roi lui ea témoigna plus d'une fois sa satisfaction.

Les économats furent supprimés en 1792, et déjà l'instant était venu où le mérite ne devait trouver d'asile que dans la retraite et l'obscurité : ces moments, d'une inaction involontaire, M. de Mondétour, sut les employer en vrai sage, en bon citoyen. Marié de bonne heure et devenu veuf au bout de cinq ans, toutes ses affections étaient concentrées dans les enfants nés de son mariage. Il se consacra tout entier à leur éducation, et sema dans leur cœur le germe des vertus dont les fruits ont fait sa plus douce jouissance, et devaient être pendant longtemps le bonheur de sa vieillesse, si les vœux de cette estimable famille eussent été accomplis.

Bientôt le retour de l'ordre, en ramenant l'espoir de jours plus sereins, rappella les hommes que la tempête avait écartés. Dès l'an VIII, BrièreMondétour fut nommé maire du second arrondissement de Paris, et il n'a cessé depuis ce moment, jusqu'à son entrée au Corps législatif, d'exercer les fonctions d'une magistrature dont l'influence protectrice s'étend sur tous les membres de la société, se fait sentir dans toutes les circonstances intéressantes de la vie, et qui a d'autant plus de droits à la gratitude des citoyens, qu'elle offre moins d'occasions éclatantes de frapper les regards.

M. de Mondétour l'a recueillie cette récompense flatteuse pour l'ami de l'humanité, la reconnaissance de ses concitoyens, l'estime de ses collègues, l'approbation du monarque et des premiers corps de l'Etat. Nommé successivement président de l'assemblée de canton du second arrondissement, membre du collége électoral du département, membre de la Légion d'honneur, l'un des administrateurs des lycées de Paris, enfin, député au Corps législatif, il a vivement apprécié ces témoignages d'estime et d'attachement; il sentit surtout combien ils sont précieux ces sentiments qu'il avait su mériter, lorsque le vœu de ses collègues, MM. les maires de Paris, l'appella à partager la glorieuse mission de porter à l'EMPEREUR, en la ville de Vienne, les remerciments de la capitale, fière de l'honneur que lui avait fait SA MaJESTÉ en lui envoyant les drapeaux conquis par ses armées victorieuses aux champs de Wertingen. Devenu membre du Corps législatif, les mêmes marques de confiance et d'estime l'y ont accompagne. Nommé d'abord par SA MAJESTÉ membre de la commission des finances pour la session de 1808, votre choix. Messieurs, l'a appelé aux mêmes fonctions en 1809, et la nomination de l'EMPEREUR les lui a continuées pour 1810. Dans un corps où toutes les volontés n'ont qu'un même objet, le bien et la gloire de l'Etat, où tous les cœurs sont

attachés par un même lien, l'amour de l'honneur et de la vertu, il peut encore se former quelques liaisons plus étroites entre ceux que des fonctions particulières ou des relations individuelles rapprochent davantage : M. Mondétour a joui aussi de cet avantage, et parmi ceux dont il appela l'estime et l'attachement par les mêmes qualités qui leur assuraient de sa part de pareils sentiments, je nommerais, Messieurs, le respectable président du Corps législatif, si chacun de vous n'avait déjà prévenu l'expression de ma pensée.

Je m'aperçois, Messieurs, que je me laisse entraîner par un sentiment auquel il m'est difficile de résister. Vous excuserez ce sentiment dans un collègue que des rapports d'une autre nature attachent au savant estimable auquel M. BrièreMondétour avait confié le bonheur d'une fille chérie. A ce titre, j'ai aussi partagé l'amitié de M. de Mondétour, et senti plus vivement sa perte.

Qu'est-il besoin, Messieurs, que je vous trace, en finissant, le tableau de ces vertus douces, de ce zèle empressé à rendre service, de cette obligeante prévenance que vous avez tous connus dans M. Brière-Mondétour ? Une longue et cruelle maladie a fait voir qu'il n'avait pas moins de courage et de résignation dans l'épreuve que de bonté et de sensibilité. Il a été enlevé à sa famille, à ses collègues, à ses amis, le 20 août 1810, âgé seulement de 57 ans.

Le bonheur dont il a joui, et qu'il a dû uniquement à ses services et à ses vertus, à vérifié cette autre sentence de l'ingénieux et loyal secrétaire de Charles VII: « La fortune déçoit volontiers ceulx qu'elle trouve aisez à décevoir, et variable comme elle est. Mais les constants et vertueux qui d'elle ne font compte, et dès qu'elle se voit méprisée, elle les laisse en paix.

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L'assemblée ordonne l'impression du discours de M. de Sacy.

M. le Président rappelle à l'assemblée que la première opération dont elle doit s'occuper est la nomination de deux candidats pour la présidence du Corps législatif pendant la session de 1811, dont l'un doit être choisi parmi les députés de la 2e série, et l'autre dans ceux de la 5o.

L'assemblée procède à ces choix par un même scrutin.

Le dépouillement des votes donne à M. le comte de Montesquiou 312 suffrages sur 321 bulletins, et 245 à M. Barrin de la Galissonnière. A peine l'assemblée a-t-elle entendu prononcer le nom de M. de Montesquiou, qu'elle fait éclater sa satisfaction par des applaudissements unanimes, répétés à plusieurs reprises.

M. le président proclame M. Barrin de la Galissonnière candidat pour la cinquième série.

Quant à la seconde nomination, ajoute M. de Montesquiou, je prie l'assemblée de recevoir le témoignage de ma reconnaissance.

Le Corps législatif arrête que le résultat du scrutin sera adressé dans le jour, par un message, à S. M. L'EMPEREUR ET ROI. La séance est levée.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE S. EXC. LE COMTE DE MONTESQUIOU-FEZENSAC.

Séance du 18 juin 1811.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. L'assemblée entend la lecture d'un message de SA MAJESTÉ, adressé à M. le président du Corps législatif, et dont la teneur suit :

Saint-Cloud, le 17 juin 1811. NAPOLEON, EMPEREUR DES FRANÇAIS, ROI D'ITALIE, PROTECTEUR DE LA CONFÉDÉRATION DU RHIN, MEDIATEUR DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE, etc., etc. Vu les messages en date des 20 avril 1810 et 17 juin présent mois, par lesquels le Corps législatif nous a présenté comme candidats à la présidence, pour la session actuelle,

Le comte Stanislas Girardin, le sieur Collaud de la Salcette, le sieur de La Rochefoucault, le comte de Montesquiou, le sieur Barrin de la Gallissonnière,

Nous avons nommé et nommons président du Corps législatif le comte de Montesquiou. Signé NAPOLEON.

Par l'Empereur :

Le ministre secrétaire d'Etat, Signé LE COMTE DARU.

La connaissance du choix fait par SA MAJESTÉ excite les plus vifs applaudissements.

M. le Président. Messieurs, vos suffrages et les bontés de l'EMPEREUR m'appellent encore à l'honneur de présider cette auguste assemblée. Puis-je me flatter que votre bienveillance me suivra dans cette nouvelle carrière? Comblé depuis longtemps de tous les témoignages de votre bonté, je ne puis vous parler que de ma reconnaissance; mais j'ose demander à mes nouveaux collègues de se laisser prévenir des mêmes sentiments, de ne voir dans les honneurs de cette présidence que le zèle de leurs intérêts, le désir de leur confiance, l'espoir de relations plus intimes, et des droits à leur amitié.

De nouveaux applaudissements accueillent les expressions de M. le président, et l'assemblée en ordonne l'impression.

M. le Président. M. le chevalier Challan a la parole.

M. le chevalier Challan. Messieurs, M. le président a fait donner lecture, dans la séance d'hier, de la liste des membres dont le Corps législatif a été privé depuis la dernière session.

Le nom de M. Thouret a été prononcé! A ce nom chacun a éprouvé le besoin d'épancher son cœur; c'est cette sensibilité, généralement manifestée, qui m'enhardit, et qui me fait espérer que vous accueillerez avec indulgence l'hommage que je viens rendre à sa mémoire.

Elle a été célébrée beaucoup plus dignement par les discours prononcés sur sa tombe et dans les sociétés savantes; mais il doit être permis à l'amitié d'ajouter une fleur à la couronne qui lui a été décernée par ses savants confrères; d'ailleurs, si M. Thouret était savant, s'il était époux et père tendre, il était aussi administrateur habile; et sous ce rapport, les principales circonstances dans lesquelles il a développé ses talents en ce genre, doivent être plus particulièrement offertes à ses collègues du Corps législatif.

Senlis était en proie à la crainte qu'inspire une maladie affreuse dans ses effets; plusieurs personnes y étant attaquées de la rage, les observations de M. Thouret apprirent à distinguer les symptômes et calmèrent les esprits.

Les exhumations faites sous sa direction au cimetière des Innocents, ont aussi fait connaître jusqu'à quel point on peut braver les miasmes putrides, et ont préparé les grandes mesures de salubrité exécutées depuis.

C'est surtout dans la direction des hôpitaux qu'il montra les plus vastes connaissances; et son activité administrative sut non-seulement éloi

gner la dilapidation, mais encore dépenser les re venus d'une manière avantageuse aux malades du lit desquels il éloigna encore l'air infect qui jadis, concentré dans les salles, en faisait un sé jour de mort. Enfin, il sut concilier la confianc des employés soumis à son administration et mé riter les bénédictions des pauvres qui, chaque jour, éprouvaient ses soins bienfaisants. Ils furen troublés, ces soins, par la tourmente révolution naire; mais ils ne furent point suspendus. Son zèle infatigable marcha sans cesse vers son but il n'épargna ni travaux ni démarches.

Comme il possédait la science, connaissait les hommes et les affaires, on ne lui opposa que de vains efforts; d'ailleurs le nombre des hommes que le bien public inspirait, était grand encore; ils s'unirent, et l'antique faculté de médecine, le collége et l'académie de chirurgie renaquirent dans les écoles de médecine.

M. Thouret en fut le directeur; et le discours qu'il prononça à cette occasion justitia l'opinion que l'on avait de ses talents, comme médecin, comme littérateur et comme publiciste.

Ces diverses qualités, loin de se nuire, se prêtaient un mutuel secours. Dans ses idées, ainsi que dans ses différentes fonctions, il n'y avait ni retard ni confusion; alors qu'il était tribun, on remarquait sans cesse la certitude de son jugement et l'ordre qu'il mettait dans une discussion sans négliger les détails. Vous l'avez entendu, Messieurs, et vous aurez été convaincus par ses rapports qu'il savait s'élever avec son sujet et descendre avec celui qui n'avait besoin que d'une exposition précise.

Á son entrée au Corps législatif, il y arriva avec des amis, et en retrouva un plus grand nombre; s'il n'y fut pas employé spécialement, ce fut à sa prière, et parce que l'on respectait un temps qu'il avait consacré aux hospices et à la correspondance que son zèle pour la propagation de la vaccine augmentait chaque jour; enfin (comme l'a dit heureusement M. le docteur Leroux), parce qu'un nouveau Charlemagne fondait une nouvelle université, et que M. Thouret fut nommé le doyen de la faculté de médecine.

Déjà la pensée calculait le bien qu'il pouvait faire dans cette nouvelle organisation, où la confiance l'appelait, et où il était précédé par l'estime. Déjà les élèves, dont il aimait à seconder les efforts, se livraient à la joie, lorsqu'il fut tout à coup arrêté dans sa carrière. Messieurs, il a cessé de vivre, à l'âge de soixante-deux ans, le 19 juin 1810.

Ses amis le regretteront longtemps, longtemps ils offriront sa vie comme un modèle: il savait, en effet, unir la vertu à la bonté, la science à la grâce, et l'aménité touchante à la gaieté.

M. le Président. M. Sproni à la parole.

M. Sproni. Messieurs, les vertus paisibles et sociales n'ont pas moins de droits à nos éloges que celles qui sont célébrées dans les pages de l'histoire et qui étonnent la postérité.

M. Giera, dont on vous a annoncé la perte, était cher à ses concitoyens par une vie sans tache, et par son dévouement au bien de son pays. Né au sein du commerce, il honora cet état par sa probité, sa bonne foi et sa franchise il augmenta la fortune que lui avaient léguée ses ancetres, par des moyens qui ne lui firent jamais éprouver les atteintes du remords.

Ayant passé sa jeunesse en Asie, chez un peuple qui cherche dans l'enceinte domestique le bonheur qu'il ne trouve pas dans sa constitution, il y contracta l'habitude d'une vie retirée au sein

de sa famille. Lorsque la guerre éclata en 1786 entre la Russie et la Porte, il fut chargé par la cour de Vienne de faire respecter les propriétés autrichiennes menacées par les Turcs, qui regardaient la guerre avec cette dernière puíssance comme inévitable. Il les défendit avec ce courage et cette fermeté qui n'appartiennent qu'à des hommes fortement pénétrés de leur devoir, et quand la guerre fut déclarée, M. Giera prit le parti de se retirer dans son pays natal et de renoncer entièrement aux affaires. Mais pendant qu'il consacrait son temps et ses soins à l'éducation de sa nombreuse famille, le commerce de Livourne rendit un hommage éclatant à ses vertus en le nommant président de son tribunal.

Il n'a joui qu'un instant, Messieurs, de la place qu'il avait l'honneur d'occuper parini vous. La mort le surprit au milieu de son honorable carrière. Il n'a pu partager nos transports de joie pour la naissance d'un prince qui remplit nos vœux et notre espoir.

Jamais peut-être citoyen n'a été aussi généralement regretté. Les larmes qui ont honoré son tombeau étaient commandées par l'amour, le respect et la reconnaissance.

Je demande, Messieurs, que la mémoire de M. Giera soit honorée par vos regrets, ainsi qu'elle l'a été par ceux de ses concitoyens.

Le Corps législatif ordonne l'impression des discours de MM. Challan et Sproni.

M. le Président. M. Silvestre de Sacy a demandé la parole.

M. Silvestre de Sacy. Messieurs et chers collègues, la Relation de l'Egypte que j'ai l'honneur de vous présenter a été publiée dans l'intervalle qui s'est écoulé entre votre dernière session et celle que vous venez de commencer; et je profite des premiers moments où il m'est permis de paraître à cette tribune, pour vous prier d'en agréer l'hommage. Souffrez que je vous entretienne quelques instants du sujet de cet ouvrage, et des titres qui peuvent le recommander à votre attention.

A l'époque où l'un des héros les plus illustres dont puissent s'enorgueillir les fastes de la religion musulmane, après avoir renversé l'empire des califes d'Afrique, et élevé l'édifice de sa puissance sur les ruines de leur trône, travaillait avec une ardeur infatigable, et souvent couronnée de succès, à dépouiller de leurs plus importantes possessions en Syrie les successeurs des Godefroy, des Baudouin, des Bohémond, des Tancrède, Abdallatif, médecin de Bagdad, formait le dessein de visiter l'Egypte, ce premier théâtre de la gloire de Saladin. Riche des connaissances aussi variées que solides dans les sciences tant naturelles que philosophiques, qu'il avait acquises par une étude laborieuse et assidue, par la fréquentation des hommes les plus savants de son siècle, et par de nombreux voyages dans les principales villes de l'Asic, et déjà célèbre tant par ses écrits que par ses succès dans la pratique et l'enseignement de la médecine, il se rendit au camp de Saladin pour y solliciter l'appui dont il avait besoin dans un pays où son nom n'était point encore connu. Admis à l'audience des premiers ministres du sultan, de ces savants illustres qui, même au milieu des camps, n'interroinpaient point leurs occupations littéraires, il en obtint les recommandations les plus puissantes auprès de la régence de la capitale. C'est ainsi que de tout temps les lettres ont assuré à ceux qui les cultivent la faveur des âmes nées pour les grandes choses, et que les héros ont compté

parmi leurs premiers titres de gloire la protection accordée aux sciences et aux arts de la paix.

Un motif puissant attirait Abdallatif en Egypte. Le désir d'y admirer les merveilles de la nature et de contempler les restes de la grandeur de Memphis et d'Alexandrie était pour lui un attrait moins puissant que l'espoir d'acquérir de nouvelles connaissances dans la société de trois hommes qui jouissaient alors d'une grande célébrité. De ces trois personnages distingués, un seul a laissé une réputation de savoir et de talents qui a rempli l'Orient et l'Occident; c'est l'illustre Moïse Maimonide, la gloire de sa nation. Au surplus, en remplissant le principal but qu'il s'était proposé, Abdallatif ne négligea rien de ce que l'Egypte pouvait offrir à sa curiosité, et c'est le tableau de ce pays, tel qu'il se présenta à ses regards, qu'il a tracé dans sa relation. Observateur éclairé, philosophe religieux, mais libre de préjugés, critique judicieux et impartial, il se montre partout exempt de cette crédulité et de cet amour du merveilleux qui ne défigurent que trop souvent les écrits des orientaux. Le climat de l'Egypte, ses productions animales et végétales, le tempérament, le régime diététique, l'industrie de ses habitants, l'époque, la durée, tous les phénomènes de la crue du Nil et de l'inondation, les monuments de l'antiquité, les causes de leur dégradation, aucun de ces objets n'échappe à l'attention de notre auteur. Et ce qu'il est essentiel de faire observer, parce que cette circonstance ajoute un grand prix à ses récits, c'est qu'à l'époque où il visitait l'Egypte, les ravages du temps, ceux de la superstition, du préjugé, d'une économie mal entendue, et d'une basse avarice n'avaient point anéanti une multitude de fragments précieux qui attestaient encore l'ancienne gloire de Memphis, et dont les ruines mêmes ont disparu, depuis que la barbarie, semblable à ces sables stériles qui empiètent chaque année sur le domaine de la culture, a étendu son bras de fer sur l'ancienne patrie des arts et des lettres, à la faveur du gouvernement tyrannique des Mamelouks et des Ottomans.

Une autre circonstance rend encore précieux pour l'histoire l'ouvrage d'Abdallatif. Ce voyageur se trouvait en Egypte, lorsqu'une des sécheresses les plus affreuses dont ce pays ait jamais été la victime, fit éprouver, pendant deux années consécutives, à ses malheureux habitants une horrible famine et une mortalité sans exemple. Le tableau déchirant de cette épouvantable calamité et le tableau plus hideux encore des crimes atroces dont elle devint la cause, nous est tracé par Abdallatif avec des couleurs d'une vérité effrayante. Si Thucydide et Lucrèce ont su nous intéresser par la peinture fidèle d'une des plus redoutables maladies qui affligent l'humaté, le philosophe ne trouvera pas un moindre sujet de méditation dans l'histoire du fléau terrible qui anéantit une immense population et rendit l'homme plus féroce envers son semblable que les plus redoutables ennemis de son espèce.

Parmi les pièces que j'ai cru devoir joindre à la relation d'Abdallatif, il en est une qui m'a paru offrir un grand intérêt. C'est la vie de l'auteur, composée en plus grande partie de mémoires écrits par lui-même. En la lísant on apprend, pour la première fois, à apprécier cette longue suite d'études pénibles et assidues par lesquelles les orientaux devaient suppléer à l'imperfection de leurs méthodes, et triomphaient de difficultés que nous serions tentés de regarder comme insurmontables. On estime alors à toute leur valeur

le zèle et le généreux dévouement par lesquels ils étaient soutenus dans une carrière aussi longue, et qui ne leur laissait aucun instant de relâche.

Vous daignâtes, Messieurs, accueillir, il y a deux ans, l'hommage d'un travail destiné à faciliter et à propager parmi nous l'étude de la langue des Avicenne, des Razès, des Abou'l-Féda, quoiqu'il n'offrit guère à la plupart des hommes instruits d'autre intérêt que celui de la méthode analytique appliquée pour la première fois à l'enseignement de cette langue. Puis-je douter que la Relation de l'Egypte, que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui et qui se recommande par tant de titres, n'obtienne de vous un semblable accueil? Il m'est permis, sans doute, de relever le mérite d'un ouvrage qui a fixé l'attention des Pocock, des Hyde, des Hunt et de leur digne successeur, M. Joseph White, professeur en l'université d'Oxford, qui a si bien mérité des lettres orientales. Quant aux soins que je me suis donnés pour faire passer cette relation en notre langue, et l'accompagner de tout ce qui pouvait en augmenter l'intérêt et l'utilité, c'est à vous, Messieurs, c'est à tous les hommes instruits et éclairés à juger s'ils ont eu le succès désiré. Ils m'auront du moins procuré une satisfaction bien précieuse, en me fournissant l'occasion de vous donner un nouveau témoignage de mon sincère et respectueux dévouement.

Je prie le Corps législatif d'ordonner que l'ouvrage soit déposé à sa bibliothèque.

Cette proposition est adoptée.

L'ordre du jour appelle la nomination des quatre vice-présidents.

Deux scrutins ont lieu successivement.

Dans le premier, MM. Villot-Fréville, Besson et Bouteleaud obtiennent la majorité absolue des suffrages.

Dans le second, M. Riquet de Caraman est élu. Ces quatre membres sont proclamés vice-présidents du Corps législatif.

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Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. L'ordre du jour appelle la nomination des quatre secrétaires définitifs.

MM. de Septenville, Ledanois et Modeste Paroletti obtiennent la majorité absolue des voix, dans un premier scrutin. M. Petit (du Cher) est élu au second tour du scrutin.

Ces quatre membres sont proclamés secrétaires du Corps législatif.

M. le Président. M. Rallier a demandé la parole.

M Rallier. Messieurs, un de nos collègues que son âge et mille qualités précieuses concouraient à rendre bien respectable, M. Robinet, député du département d'Ille-et-Vilaine, est mort à Rennes, après une courte maladie, le 27 septembre 1810, et je me fais, au nom de toute ma députation, un devoir d'autant plus sacré de le rappeler un moment à vos regrets, qu'à l'instant de sa mort, ses fonctions législatives n'étaient point encore terminées.

Né à Rennes en 1733, M. Robinet s'y dévoua de bonne heure à la carrière du barreau, et il la parcourut avec tant de succès que, dans une ville qui n'a point été stérile en avocats célèbres, il se

distingua très-avantageusement dans cette pro fession et par ses lumières et par son éloquence

Ses talents, sans doute, n'étaient pas d'un classe ordinaire, puisqu'en 1778, dans un temp où il n'avait encore personnellement aucun autr titre aux grâces du Gouvernement, il fut décor du cordon de Saint-Michel, qui le qualifiait d chevalier de l'ordre du Roi.

Peu de temps avant la Révolution, il fut nomm maire de Rennes, et en remplit pendant deux an les fonctions.

En octobre 1789, M. Robinet accepta une place dans la cour provisoire qui fut créée pour rem placer momentanément le parlement de Bretagne En septembre 1791, il fut fait juge au tribuna du district de Rennes';

Et en l'an IV, président du tribunal criminel du département d'Ille-et-Vilaine.

En prairial an VIII, devenu membre de la cour d'appel, il fut nommé président de la cour criminelle de Rennes, et reçut quelque temps après la décoration de la Légion d'honneur.

En l'an XIII enfin, il fut appelé au Corps législatif. Nul ne méritait mieux sans doute d'être admis dans le sanctuaire des lois que celui qui s'était occupé pendant toute sa vie à les méditer, à en faire l'application.

Cette étude, au surplus, n'avait pas tellement absorbé son temps, qu'il ne se fût ménagé, en d'autres genres, un fonds de connaissances trèsvariées et très-étendues. Il avait notamment beaucoup d'acquis et de goût en littérature, et les qualités de son cœur répondaient à celles de son esprit. Ainsi, le magistrat qui, pendant l'exercice des fonctions les plus sévères, avait sondé le cœur humain et fait pâlir le crime, devenait, rendu à lui-même, un homme agréable et cher à ses amis aucun père de famille ne fut non plus ni plus tendre ni plus chéri.

Je ne crains point, Messieurs, en faisant l'éloge de notre collègue, d'être démenti par un grand nombre d'entre vous, dont il a eu le bonheur d'être connu. Vous estimiez en lui, et ce jugement aussi éclairé que solide, qui jetait un jour fécond sur une discussion, et cette mémoire prompte et sûre qu'il avait tant enrichie et qui n'avait rien perdu, et cet esprit agréable qui le faisait partout rechercher, et cette gaieté sage dont la contagion est si douce et qui pare surtout si avantageusement la vieillesse.

Vous êtes dans l'usage, Messieurs, d'accorder, après leur mort quelques marques de votre souvenir aux collègues, qui, pendant leur vie, ont mérité votre estime. Cet honneur, j'ose le dire, est bien dû à M. Robinet. Je le réclame pour lui avec confiance, et de votre justice, et de votre sensibilité!

L'assemblée ordonne l'impression du discours de M. Rallier.

La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE DE MONTESQUIOU-FEZENSAC.

Séance du 20 juin 1811.

MM. de Septenville, Ledanois, Modeste Paroletti et Petit (du Cher), nommés secrétaires, prennent place au bureau.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. M. le président invite l'assemblée à s'occuper de l'élection de six candidats à présenter à SA MAJESTÉ pour le renouvellement de deux membres de la questure.

Le résultat de deux scrutins donne la majorité absolue des suffrages, dans l'ordre suivant, à MM. le baron Desperichons, le chevalier Leroy, Duclaux, Martin Saint-Jean, Clausel-Coussergues et le comte Trion de Montalembert.

Le Corps législatif arrête que le procès-verbal de cette election sera porté aujourd'hui, par un message, à S. M. L'EMPEREUR ET ROI.

M. le Président. M. Verneilh a demandé la parole.

M. Verneilh. Messieurs, un code rural est désiré et attendu par les campagnes, comme un véritable bienfait.

L'Assemblée Constituante s'occupa de cet objet à la fin de sa mémorable session; mais, pressée par les circonstances difficiles qui l'environnaient, elle ne put lui donner tous les développements dont il était susceptible peut-être fallait-il avoir acquis une certaine expérience des nouvelles institutions, ainsi que des effets que la suppression des droits féodaux devait produire sur l'agriculture.

Dès l'année 1802, le Gouvernement consulaire arrêta ses pensées sur le même sujet, et fit adresser à tous les ordres de fonctionnaires publics une série de questions relatives à la législation rurale.

Quelques temps après, un projet de code rural fut rédigé (en 280 articles) par une commission spéciale; mais ce projet ayant été présenté à l'Empereur, SA MAJESTÉ ordonna qu'il fût communiqué à des commissions consultatives formées dans chaque ressort de cour d'appel.

Ces commissions, composées des magistrats et des agriculteurs les plus dis ingués, furent chargées d'émettre un avis motivé sur le projet présenté, et sur les additions qu'elles croiraient utiles d'y faire, soit comme dispositions générales, soit comme applicables seulement à quelques localités, ou comme devant réserver les usages locaux. Leur avis devait être imprimé et renvoyé au conseil d'Etat, aux sections de l'intérieur et de législation, à qui SA MAJESTÉ a confié le soin de rédiger le projet définitif.

Telles sont, Messieurs, les principales dispositions du décret impérial rendu le 19 mai 1808; et c'est l'exécution de ces sages mesures, ordonnées par SA MAJESTÉ, qui me fournit aujourd'hui l'occasion de faire à l'avance au Corps législatif hommage de la faible part que j'aurai pu y avoir.

S. Exc. le ministre de l'intérieur a bieu voulu me confier le soin de recueillir et faire imprimer les observations des commissions consultatives de l'empire, de les analyser et de préparer, en conséquence, une révision générale du projet de Code rural heureux si je pouvais espérer de justifier l'honneur d'une telle confiance!

Les observations des commissions, avec le projet de code en tête, ont été imprimées en deux volumes in-4°; la distribution en a été faite au conseil d'Etat, et il est probable qu'on s'y occupera bientôt de leur examen.

Le troisième volume d'analyse et de révision s'imprime en ce moment. Cependant, de nouvelles commissions consultatives formées par ordre du ministre de l'intérieur dans les départements de la Hollande et autres, réuuis à l'empire, examinent à leur tour le même projet, en ce qui peut intéresser leurs localités.

Messieurs, dans ces circonstances où l'on s'occupe ainsi de toute part de préparer les bases ou les éléments du Code Napoléon de la propriété rurale, j'ai pensé qu'il pourrait être agréable à mes collègues d'être mis à portée de prendre connais

T. XI.

sance, soit du projet du Code rural, soit des observations y relatives, et auxquelles plusieurs d'entre eux peuvent avoir concouru dans les départements.

Je prie le Corps législatif d'agréer avec bonté l'hommage, que j'ai l'honneur de lui présenter, d'un exemplaire de la première partie de ce travail préparatoire, et d'ordonner qu'il sera déposé à sa bibliothèque.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. RIQUET DE CARAMAN, VICEPRÉSIDENT.

Séance du 21 juin 1811.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. M. le comte Daru, ministre secrétaire d'Elat, transmet à M. le président le procès-verbal de la séance d'ouverture de la présente session.

Le Corps Législatif en ordonne l'impression.

L'ordre du jour appelle le renouvellement des trois commissions de législation, de l'intérieur et de finances, du Corps Législatif, composées chacune de sept membres, et dont les présidents sont nommés par l'EMPEREUR.

L'assemblée procède à l'appel nominal pour le choix de sept membres qui doivent composer la commission de législation civile et criminelle.

Dans un premier scrutin qui occupe toute la séance, M. Monseignat obtient seul la majorité absolue des suffrages; il est proclamé par M. le président membre de la commission.

Afin d'accélérer le travail de ces élections, la séance de demain est indiquée à onze heures précises.

La séance est levée.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE S. EXC. LE COMTE DE MONTESQUIOUFEZENSAC.

Séance du 22 juin 1811.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. M. Bouffey, annonce au Corps législatif, la mort de M. Bonvoust, député du département de l'Orne, officier général, âgé de soixante-dix huit ans et ayant soixante ans de services effectifs, mort subitement cette nuit.

Le Corps législatif arrête qu'une députation de douze de ses membres assistera au convoi funèbre de M. Bonvoust.

La députation sera ainsi composé :

MM. Duhamel, Gourlay (de la Loire-Inférieure), le chevalier Dauzat, le baron de Lascours, Barbier de Saligny, le chevalier Delatre, de Faget-Baure, Dubruel, Duchesne de Ville-Voisin, Janod, Faure, Girard.

Le Corps législatif arrête qu'il sera fait un message au Sénat conservateur pour lui annoncer la mort de M. Bonvoust (de l'Orne), décédé aujourd'hui à Paris.

Le Corps législatif arrête ensuite qu'une adresse volée en comité général sera présentée à SA MAJESTÉ L'EMPEREUR ET ROI, par une députation composée de :

Son Exc. le comte de Montesquiou-Fezensac, président; MM. Villot-Fréville, Besson, Vice-présidents; le baron de Lascours, le chevalier de Marcorelle, Questeurs; Dufort, le baron d'Arthenay, Polissard, Lefaucheux, Bernard Dutreil, Gourlay (Loire-Inférieure), Girard, Ragon-Gillet, Collard (des Forêts), le chevalier Caumont de la Force, Baillion, Lamer, Mollerus, Burmania-Rengers, le chevalier Pémartin, Chiavarina, Hardouin, le comte de Trion-Montalembert, Villars, le chevalier Van-Custem.

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