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Sa mort.

Ce prince ne survécut que deux ans à cette action', plus célèbre que tous ses triomphes. Son convoi fut sans pompe comme il l'avait ordonné; mais la reconnaissance publique lui bâtit un tombeau magnifique, environné de neuf tours, dans le lieu où sa femme Démarète fut inhumée. Depuis les Carthaginois, par une basse vengeance, détruisirent ce monument; mais, tant qu'on honorera la vertu, la mémoire de Gélon sera respectée. Le père de Gélon était grand-sacrificateur ; il avait quatre fils. Un oracle ayant prédit que trois d'entre eux parviendraient à la tyrannie, le pontife désolé s'écria : « Puissent plutôt mes fils être ac» cablés des plus grands malheurs que d'acqué>> rir une telle fortune aux dépens de la liberté ! » L'oracle, de nouveau consulté par lui, répondit qu'il ne devait pas désirer d'autres châtimens pour ses enfans que le trône, et qu'ils seraient assez punis par les traverses et les inquiétudes inséparables de la royauté. La vertu de Gélon démentit cette prédiction; mais le sort de ses deux frères la vérifia. Ce prince fut peut-être le seul que la fortune rendit meilleur au lieu de le corrompre. Il s'empara d'abord injustement du trône de Géla; mais il expia cette violence par sa sagesse, et rendit la liberté à Syracuse. Administrateur habile, il augmenta la population de cette ville en y transportant les habitans de Mégare et de Camarine. Par ses ordres et par son exemple les Syracusains

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sortirent de l'oisiveté; et leur territoire devint si fertile qu'ils furent en état d'envoyer une immense quantité de blés aux Romains que désolait une affreuse disette. Les Carthaginois captifs augmentèrent l'activité des travaux publics. Gélon, pour faire la guerre à Carthage, avait levé sur ses peuples un impôt considérable. On murmurait; le roi, toujours accessible aux plaintes, convertit l'impôt en emprunt, et le rendit fidèlement.

On lui reprochait de ne point aimer les arts. Peut-être négligea-t-il la musique et la poésie dans un temps où il trouvait Syracuse trop disposée à la mollesse; mais il encouragea l'architecture, employa les dépouilles des Carthaginois à bâtir deux temples en l'honneur de Proserpine et de Cérès.

Avide de tout genre de gloire, il remporta le prix de la course des chars aux jeux olympiques. Son règne fut doux et juste ; et les républicains ne purent lui reprocher que d'avoir fait trop longtemps aimer la monarchie.

HIERON ET THRASYBULE.

(An du monde 3552. - Avant Jésus-Christ 452.)

HIERON, qui occupait le trône de Géla, succéda à son frère Gélon. Son amour pour les lettres faisait espérer un règne sage et doux; mais les courtisans, qui opposent presque toujours leurs intérêts privés à l'intérêt public, et qui corrompent

Règne d'Hieron.

Sa mort.

les rois afin de les dominer, l'enivrèrent du poison

pour

de la flatterie, le rendirent avide enrichir sa cour, injuste en lui faisant préférer la faveur au mérite, et violent parce qu'ils lui firent envisager comme factieux ceux qui se plaignaient avec justice, ou qui disaient courageusement la vérité.

Les voluptés dérangèrent la santé d'Hiéron : forcé d'écarter les plaisirs, ils laissèrent place à la réflexion. Ses entretiens avec Simonide, Pindare 9 Bacchylide et Épicharme éclairèrent son esprit et adoucirent ses mœurs. Simonide eut principalement la gloire de le ramener à la vertu, fait honorable qui nous est rappelé par un traité de Xénophon sur la manière de gouverner. Cet ouvrage portait le titre d'Hiéron; c'est un dialogue entre ce prince et Simonide. Le roi déplore le malheur pour un monarque d'être privé d'amis; le poète trace tous les devoirs des rois. On y trouve cette belle maxime : « La gloire d'un souverain est, non » qu'on le craigne, mais qu'on craigne pour lui. >> Il doit disputer avec les autres rois, non à qui » courra le plus vite aux jeux olympiques, mais » à qui rendra ses peuples plus heureux. »

Hiéron fit la guerre avec succès; il prit Catane et Naxe, et mourut après avoir régné onze ans. Règne ty- Thrasybule, son frère, le remplaça, et parut n'héThrasybule riter que de ses défauts: ses vices firent regretter

rannique de

plus vivement les vertus qu'avaient fait éclater ses deux frères. Esclave de ses favoris et de ses pas

sions, il fut le bourreau de ses sujets, bannit les uns, dépouilla les autres, punit la vérité par l'exil et la plainte par des supplices. Les Syracusains, excédés, appelèrent à leur secours les habitans des villes voisines. Thrasybule se vit assiégé dans Syracuse: presque tous les princes cruels sont lâches; il résista faiblement, capitula, quitta la ville où il n'avait régné qu'un an, et se retira à Locres. On ne dit rien de la durée ni de la fin de sa vie; Syracuse l'oublia, reprit sa liberté, et prospéra sous le gouvernement populaire jusqu'au temps où Denys y rétablit la tyrannie. Cet intervalle dura soixante ans.

Pour consacrer le souvenir de la délivrance des Syracusains le peuple érigea une statue colossale à Jupiter Libérateur, et ordonna de célébrer tous les ans une fête solennelle, dans laquelle on devait immoler aux dieux quatre cent cinquante taureaux qui servaient ensuite à nourrir les pauvres dans un festin public.

Loi du pétalisme.

Quelques partisans de la tyrannie excitèrent, depuis des troubles; ils furent vaincus ; et pour réprimer l'ambition des ennemis de la démocratie, on fit une loi semblable à l'ostracisme d'Athènes; on la nommait pétalisme, parce que les citoyens donnaient leurs suffrages sur une feuille d'olivier. Deucétius, chef des peuples qu'on appelait pro- Victoires prement Siciliens, les rassembla en corps de na- tius. tion, et bâtit la ville de Polissa près du temple des dieux nommés Palici. Il servait d'asile aux esclaves

de Deucé

maltraités par leurs maîtres. Ce temple jouissait d'une grande renommée; on croyait que les sermens qu'on y prêtait étaient plus sacrés qu'ailleurs, et que leur violation attirait un châtiment certain. Deucétius soumit quelques villes voisines, et étenSon aban- dit sa puissance par plusieurs victoires; mais enfin, son armée. dans une bataille contre les Syracusains, il se vit

don par

abandonné par toute son armée qui prit la fuite. Ne consultant alors que son désespoir, il entra seul de nuit à Syracuse. Le lendemain matin les habitans furent surpris, en arrivant sur la place, de voir prosterné au pied des autels ce prince, leur ennemi, jusque là si redoutable et si souvent vainqueur, et de l'entendre déclarer qu'il leur abandonnait sa vie et ses États.

Les magistrats convoquent l'assemblée ; les citoyens accourent en foule ; quelques orateurs véhémens excitent les passions du peuple, retracent les maux passés, et demandent, pour expier tant de sang répandu, la mort d'un ennemi public que le ciel lui-même semblait livrer à la vengeance. Cette proposition glaça d'horreur les anciens sénateurs : l'un de ces sages vieillards dit qu'il ne voyait plus dans Deucétius un ennemi, mais un suppliant dont la personne devenait inviolable; qu'écraser ainsi le malheur, ce serait à la fois une bassesse et une impiété. Il ajouta qu'en croyant plaire à Némésis, on s'attirerait son juste courroux, el qu'il fallait au contraire profiter de cet événe

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