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Mort

d'Annibal.

Syrie, orgueilleux et jaloux, voulait vaincre seul. Il débarqua en Grèce après quelques succès, s'étant endormi dans le sein des plaisirs et d'une fausse sécurité, il se fit battre et chasser par les Romains. Annibal lui prédit alors que les légions romaines paraîtraient bientôt en Asie.

Chargé de combattre Eumene, roi de Pergame, Justin rapporte qu'il obtint la victoire par une ruse qui semble fabuleuse. * Il remplit de grands pots de terre de serpens, et les lança sur les vaisseaux ennemis, dont les équipages effrayés se laissèrent vaincre facilement. Cette action eut lieu lorsqu'il était déjà arrivé chez Prusias, roi de Bithynie, après avoir quitté Antiochus qui lui paraissait disposé à le livrer à ses ennemis.

Quintius Flaminius le poursuivait encore dans cette nouvelle retraite. Chargé des pouvoirs de Rome, il effraya le faible Prusias par ses menaces, et obtint qu'il lui livrerait Annibal.

Ce monarque perfide prit les mesures nécessaires pour enlever tout moyen de fuite et de salut à son illustre victime. Dans cette crise fatale Annibal, tenant dans ses mains un poison qu'il portait toujours sur lui, s'écria : « Délivrons le >> peuple romain de ses craintes, puisqu'il ne peut >> attendre la fin d'un vieillard. Oh! combien ce » peuple est dégénéré ! autrefois il avertissait Pyr>> rhus d'un complot tramé contre ses jours; à

* An du monde 3820.- De Rome 564.

>> présent il charge un général, un consul, de » corrompre, de séduire un roi, de l'engager à >> assassiner son ami et à violer les droits de l'hos>>pitalité. » Après ces mots, il prit le poison, et et mourut à l'âge de soixante-dix ans.

*

Ainsi périt un des plus célèbres généraux de l'antiquité il put se croire vaincu plutôt par les fautes de ses concitoyens que par l'habileté de ses ennemis. Annibal eut, comme presque tous les conquérans, plus de génie que de vertu. Artificieux et cruel, il inspira au peuple, qu'il avait presque entièrement conquis, ces profonds ressentimens qui doublent les forces et créent des prodiges. Sa haine contre Rome fut une passion funeşte qui l'empêcha dans ses triomphes d'accueillir aucune idée pacifique. Il causa la ruine de Carthage, en voulant non pas seulement vaincre, mais exterminer sa rivale. L'homme d'État est éclairé par des sentimens généreux; il est aveuglé dès qu'il suit une passion. Ce grand capitaine égalait et surpassait peut-être Scipion en talens militaires; mais celui-ci lui fut supérieur en prudence et en humanité. On admire en frémissant le général carthaginois; l'admiration qu'inspire le héros romain est mêlée d'estime et d'affection: l'un frappe l'imagination comme un torrent furieux qui ne laisse que des ruines sur son passage; l'autre, semblable à un fleuve majestueux et bien

* An du monde 3822.- De Rome 566.

Masinissa

nisbe.

faisant, embellit et féconde tout dans sa noble

course.

L'histoire de Carthage, jusqu'à l'époque de la troisième guerre punique, ne nous a conservé que le souvenir de quelques combats peu marquans entre elle et ses tributaires, Siphax et Masinissa qui furent alternativement ses alliés et ses ennemis.

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Amour de Syphax avait épousé Sophonisbe, Carthaginoise, ponr Sopho- et fille d'Asdrubal. Masinissa, l'ayant défait, s'empara de Cirtha, capitale de la Numidie; mais, au moment de son triomphe, vaincu lui même par la beauté de Sophonisbe, ce fier Africain, ardent comme le soleil de sa contrée, brava les lois, rompit les traités, enleva la reine à ses premiers lens, l'épousa, et, pour lui plaire, embrassa le parti de Carthage. Assiégé bientôt par les Romains qui voulaient punir sa défection et rendre à Syphax sa femme et son trône, il n'écouta plus que sa fureur jalouse, et força la malheureuse Sophonisbe à s'empoisonner, pour qu'elle ne retombât pas dans les bras de son rival. Se croyant par là dégagé des nœuds qui l'attachaient à Carthage, il se rapprocha des Romains qui, le trouvant utile à leurs projets, lui rendirent leur confiance. Scipion le mit en possession de tous les Etats de Syphax, et obligea, comme on l'a vu, Carthage à lui restituer tout ee qu'elle lui avait pris.

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Ce prince ambitieux, fort de l'appui de Rome,

donna une injuste extension aux clauses du traité, et voulut s'emparer de la ville de Leptine, qui appartenait aux Carthaginois. Sur le refus qu'on fit de la lui céder, il prit les armes et se rendit maître de plusieurs places. Carthage se plaignit à Rome de cette infraction de la paix, et le sénat envoya des commissaires en Afrique pour régler ce différend.

Le célèbre Caton, membre de cette commission, détestait autant les Carthaginois qu'Annibal haïssait les Romains. Saisi de jalousie à la vue des restes de l'opulence que Carthage conservait encore, sa haine s'en accrut, et, dès qu'il fut de retour à Rome, il ne cessa de proposer au sénat la destruction de sa rivale.

Guerre entre Car

Masinissa.

Cependant la discorde, qui suit toujours les revers, animait de plus en plus les factions dans Car- thage et thage. Le parti populaire, esclave dès qu'il est faible, tyran dès qu'il domine, exila quarante séna · teurs qui se retirèrent chez Masinissa. Celui-ci envoya ses fils à Carthage pour solliciter le rappel des bannis. Ces princes se virent insultés par le peuple; Amilcar les poursuivit assez loin de la ville. Le roi de Numidie, irrité de cet affront, déclara la guerre.

Les deux armées se livrèrent bataille. Le jeune Scipion Émilien, envoyé par Rome à la cour de Numidie, fut témoin de cette action. Il vit avec Victoirede admiration Masinissa, âgé de quatre-vingts ans,

Masinissa.

maîtriser un cheval fougueux, faire briller dans l'action l'ardeur d'un jeune soldat, se porter rapidement sur tous les points, rallier ses troupes ébranlées, ranimer les courages abattus, et remporter par sa bouillante valeur une victoire complète. Après ce triomphe, il dicta la paix, et força ses ennemis à lui payer un tribut.

De cinquante-huit mille Carthaginois très-peu échappèrent au fer des Numides; une peste terrible consuma le reste.

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