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Députation de Carthage à Rome. Déclaration du sénat. Départ des otages.- Désarmement de Carthage. Ses préparatifs de guerre.—Mort de Maşinissa.-Victoires de Scipion.Capitulation de Carthage. Lâcheté d'Asdrubal. Mort courageuse de sa femme. Pillage et destruction de Car. thage. Reconstruction de Carthage après trente ans.

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de Carthage

CARTHAGE, inquiète de la partialité de Rome Députation pour Masinissa, et des reproches qu'on lui faisait à Rome. d'avoir, au mépris du traité, fait la guerre sans permission, envoya des députés pour connaître les intentions de ces maîtres altiers.

Caton, renouvelant alors ses violentes déclamations dans le sénat, répéta qu'il avait trouvé à Carthage non une ville ruinée, mais une forte population, un commerce opulent, une nombreuse et ardente jeunesse, de grands trésors, et une immense quantité d'armes. « Voyez ces fruits, dit-il, >> en jetant des figues d'Afrique au milieu de l'as>> semblée; admirez leur fraîcheur : on les a cueil>> lies il y a trois jours. Telle est la courte distance

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>> qui nous sépare de notre implacable ennemi. Au » lieu de le détruire, attendrez-vous qu'il vienne » de nouveau en Italie ravager vos campagnes, » piller vos villes, moissonner vos légions, et me>> nacer vos murs? >>

Scipion Nasica combattit en vain avec une sagesse prévoyante cet orateur austère et violent; il sentait la nécessité de l'existence de Carthage pour contenir l'insolence du peuple, et pour retarder la décadence de Rome.

Le sénat, qui partageait la haine de Caton, conclut à la guerre, sous prétexte que Carthage avait rompu la paix en armant plus de vaisseaux que le traité ne le permettait, en insultant les fils de Masinissa, et en faisant la guerre à un prince allié qui avait à sa cour un ambassadeur romain.

Les Carthaginois, dans cette circonstance critique, virent encore leurs forces affaiblies et leurs malheurs aggravés par une défection funeste. Utique, la seconde ville de l'Afrique, les abandonna et se livra aux Romains.

Manilius et Marcius Censorinus, nommés consuls, reçurent du sénat l'ordre de partir avec quatre-vingt mille hommes, et l'instruction secrète de ne terminer la guerre que par la ruine totale de Carthage.

Les députés de cette ville arrivèrent à Rome au moment où la guerre venait d'être déclarée; ils soumirent humblement le sort de leur patrie à la

décision du sénat, et demandèrent quelles réparations on voulait, quels sacrifices on exigeait.

du Sénat.

Le sénat, sans s'expliquer positivement, ré- Déclaration pondit qu'ils devaient envoyer en otage trois cents jeunes gens des premières familles, et obéir à tous les ordres que donneraient les consuls.

Malgré la dureté vague de cette réponse, Carthage, sans armée, sans alliés, et qui n'avait pu résister aux seules forces de Masinissa, résolut d'envoyer les otages demandés et de se soumettre.

des otages.

La ville retentissait de cris et de gémissemens; Départ les mères infortunées s'arrachaient les cheveux et fondaient en larmes *. Elles accompagnèrent leurs enfans jusqu'au port, et leur dirent un éternel adieu. Ils arrivèrent en Sicile. Les consuls qui s'y trouvaient firent partir les otages pour Rome, et commandèrent aux députés d'aller les attendre à Utique.

L'armée romaine débarqua bientôt près de cette ville. Les consuls ordonnèrent à Carthage de livrer toutes ses armes; elle représenta vainement qu'on l'exposait par là aux vengeances d'Asdrubal qui campait alors près de la ville, à la tête de vingt mille bannis. On n'écouta pas ses remontrances ; il fallut obéir.

mement de

Une longue file de chariots, chargés de deux Désarcent mille armures et de vingt mille machines de Carthage. guerre, arriva quelques jours après à Utique. Elle

An du monde 3856. De Rome 600.

Ses pré

guerre.

était précédée par les sénateurs et par les pontifes qui venaient dans l'intention d'exciter la pitié et d'implorer la clémence des Romains.

Censorinus les reçut avec une froide hauteur, et leur dit : « Je vous loue de votre prompte obéis»sance; mais le sénat et le peuple romain veulent » que Carthage soit détruite : abandonnez-la donc,› >> et transportez-vous où vous voudrez, pourvu >> que ce soit à quatre-vingts stades de la mer. »

L'indignation enleva aux Carthaginois la force de répondre; mais à la consternation et aux larmes succédèrent bientôt les reproches, la fureur et les imprécations. Les députés retournèrent à Carthage et rendirent compte de l'ordre barbare qu'ils avaient reçu. Le désespoir, se communiquant dans la ville avec la rapidité d'un incendie, fit passer la colère et la rage dans toutes les âmes. Hommes, femmes, vieillards, enfans, tous jurèrent de mourir et de s'ensevelir sous les débris de leur patrie, plutôt que de l'abandonner.

Les consuls, qui croyaient n'avoir rien à craindre paratifs de d'un peuple désarmé, négligèrent de hâter leur marche. Profitant de ce délai, les Carthaginois réparèrent leurs fortifications, rappelèrent les bannis, nommèrent pour général leur chef Asdrudal, et fabriquèrent jour et nuit des armes.

Dès cet instant chaque homme devint un ouvrier, chaque maison un atelier. On manquoit de cordes, les femmes coupèrent leurs cheveux et en

le cou

fournirent abondamment. En peu de temps
rage répara toutes les pertes, et Carthage renais-
sante parut comme Minerve lorsqu'elle sortit tout
armée du cerveau de Jupiter.

Les Romains en arrivant croyaient ne rencontrer que des esclaves soumis; à leur grande surprise, ils trouvèrent une nation en armes, et ils éprouvèrent une résistance qu'ils n'attendaient pas. En vain, pour réparer leur lenteur, ils redoublèrent leurs efforts et multiplièrent leurs attaques; ils se voyaient eux-mêmes assaillis par les assiégés qui faisaient de fréquentes sorties, repoussaient leurs cohortes, comblaient leurs fossés, exterminaient leurs fourrageurs, et brûlaient leurs machines de guerre.

Les consuls, déconcertés par cette opiniâtre défense, ne commirent plus que des fautes. Les opérations mal combinées échouaient, et leur témérité malhabile les exposa plusieurs fois au danger d'une défaite totale, dont ils furent préservés par un jeune guerrier, Scipion Emilien, qui servait alors sous leurs ordres comme tribun. Sa vigilance, sa bravoure et sa prudence lui acquirent dès ce moment une gloire éclatante.

Masinissa.

Dans ce temps Masinissa mourut. Les Romains into perdirent en lui un allié utile et puissant *. Enfin le désespoir courageux des Carthaginois l'emporta

* An du monde 3857. - De Rome 601.

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