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Victaires

sur le nombre et sur la force de leurs ennemis,
dont tous les efforts furent infructueux.

L'année suivante les nouveaux consuls n'eurent
pas plus de succès. Les Carthaginois les battirent
souvent, augmentèrent leurs troupes, et deman-
dèrent des secours au roi de Macédoine.

L'inquiétude se répandait dans Rome; le jeune Scipion y parut alors pour solliciter une place d'édile *. Sa renommée le précédait; le peuple, frappé de sa ressemblance avec le premier Scipion, oublia les lois en sa faveur, l'élut consul malgré sa jeunesse, et lui donna l'Afrique pour dépar

tement.

Son arrivée sauva Mancinus qui s'était laissé envelopper, et qui se voyait au moment d'être taillé en pièces.

Scipion ne trouva dans l'armée ni ordre ni discipline; il s'appliqua d'abord à réformer les abus, à réparer les pertes, à former des magasins, à remettre en vigueur les règlemens militaires. Il s'approcha ensuite de Carthage, et, reconnaissant un côté de la ville, nommé Mégare, moins fortifié que les autres, il l'escalada de nuit et y pénétra. Maître de l'Isthme, il brûla le camp des ennemis, qu'il enferma par un retranchement.

La famine désolait Carthage; mais elle attende Scipion. dait des vivres par la mer. Scipion, imitant l'audace et l'activité d'Alexandre, construisit une levée

* An du monde 3858. — De Rome 602.

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pour fermer le port. Les Carthaginois, aussi infatigables dans leurs travaux, s'ouvrirent une autre issue par laquelle leur flotte sortit.

Une grande bataille navale eut lieu. Les Romains, après de longs efforts, remportérent la victoire, et détruisirent, prirent ou dispersèrent les vaisseaux ennemis.

Pendant l'hiver Scipion, informé que Carthage rassemblait, sous les murs d'une ville nommée Néphéris, une forte armée sur laquelle se fondaient toutes ses espérances, y marcha, battit complètement les Africains, leur tua soixante-dix mille hommes, et s'empara de la forteresse.

tion de Car

Le printemps suivant il resserra Carthage, l'at- Capitulataqua sur tous les points, se rendit maître d'un thage. port nommé Cothon, et, franchissant les murailles, arriva sur la grande place d'où l'on montait à la citadelle par trois grandes rues *.

L'extrême péril des assiégés redoublait leur fureur, et leur désespoir semblait accroître leur courage leurs boucliers étaient devenus leurs seuls remparts. A chaque pas les Romains avaient un combat à soutenir; chaque maison exigeait un siége. Les rues étaient pleines de cadavres et de blessés qu'on jetait avec des crocs dans les fossés. On se battit avec le même acharnement six jours et six nuits, sans accorder à la lassitude et au besoin un instant de repos. Enfin, le septième jour,

* An du monde 3859.- De Rome 603.

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la garnison de la citadelle capitula et proposa de l'évacuer à condition d'avoir la vie sauve.

Scipion accepta cette proposition, exceptant seulement de la capitulation les transfuges. Cinquante mille hommes sortirent de la citadelle et furent conduits désarmés dans la campagne. Neuf cents transfuges, ayant à leur tête Asdrubal, sa femme et ses enfans, se retranchèrent dans le temple d'Esculape, situé sur un rocher où l'on montait par soixante degrés. Ils étaient tous décidés à périr a'Asdrubal plutôt que de se rendre. Asdrubal seul, perdant tout à coup son ancien courage, et entraîné par le lâche désir de sauver sa vie, descendit précipitamment, tenant à la main une branche d'olivier, et se prosterna aux pieds de Scipion. Les transfuges, furieux, l'accablèrent d'imprécations et mirent le feu au temple.

Lâcheté

Mcrt courageuse de

La femme d'Asdrubal, se plaçant avec ses ena femme. fans sur la pointe du rocher à la vue de Scipion, s'écria : « Je ne te maudis point, Romain, tu uses >> des droits de la guerre : mais puisses-tu, de con» cert avec les dieux de Carthage, punir, comme >> il le mérite, ce perfide qui trahit sa famille et sa » patrie. Traître, dit-elle à Asdrubal, ce feu va >> nous consumer; pour toi, lâche guerrier, orne >> le triomphe du vainqueur et subis après la peine » due à ton infamie. » A ces mots elle poignarde ses enfans, les jette dans les flammes et s'y précipite elle-même. Tous les transfuges l'imitèrent.

Le fier Scipion, voyant la ruine d'une si puissante cité, ne put lui refuser des larmes; et, prévoyant peut-être le sort futur de Rome, il prononça tristement ces deux vers d'Homère :

« Il viendra un jour où la ville sacrée de Troie et le vaillant >> Priam et son peuple périront.

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Pillage et

de Carthage

Carthage fut livrée pendant plusieurs jours au pillage: on mit à part tous les trésors trouvés dans destruction les temples *. Les habitans de la Sicile reçurent l'ordre de venir reprendre leurs tableaux et leurs statues. On rendit à Agrigente le fameux taureau de Phalaris; dix commissaires romains firent démolir et raser tous les bâtimens de Carthage. On défendit à tout homme d'y habiter; on ajouta d'horribles imprécations contre ceux qui enfreindraient cette défense. Utique obtint la propriété de tout le territoire situé entre Carthage et Hippone ; le reste du pays fut réduit en province romaine sous l'administration d'un préteur.

Cependant, trente ans après, l'un des Gracques, sa rreonpour plaire au peuple, rebâtit Carthage et y con- struction. duisit six mille Romains. On doit remarquer que

ce fut la première colonie romaine envoyée hors de l'Italie.

Marius vint se consoler de ses malheurs sur les débris de cette grande ville. Appien rapporte que

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An du monde 3859.-Avant Jésus-Christ 155. — De Carthage 701. -De Rome 603.

César rendit à Carthage et à Corinthe leur ancien éclat. Sous les empereurs, Carthage était regardée comme la capitale de l'Afrique. Au septième siè– cle elle existait encore; mais les Sarrasins détruisirent sa population et effacèrent ses vestiges.

FIN DE L'HISTOIRE DE CARTHAGE.

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