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gardant aucune mesure, il contraignit sa sœur Arète, femme de Dion, à épouser un de ses favoris nommé Timocrate. Dès ce moment Dion, Dion contre outragé, résolut de se venger et de détrôner le tyran.

Haine de

Denys.

Sa descente en Sicile.

S'occupant à lever des troupes, il comptait

peu

le secours des bannis de Sicile, qui se trouvaient en grand nombre dans la Grèce. La peur de la tyrannie les retint; vingt-cinq eurent seuls le courage de s'associer à son entreprise. Etant parvenu à rassembler dans l'île de Zacinthe huit cents guerriers choisis, mûrs et éprouvés, il leur déclara son projet. Le danger d'une attaque avec si de monde contre un prince qui pouvait leur opposer cent dix mille hommes de troupes et quatre cents navires, étonnait leur courage; ils hésitaient et trouvaient ce dessein téméraire et insensé. L'éloquente fermeté de Dion dissipa leurs craintes et les entraîna. Ils s'embarquèrent, et, après de longues traverses et de violens orages qui les poussèrent sur les côtes d'Afrique, ils arrivèrent à Minoa petite ville de Sicile. Denys était alors occupé à faire une expédition dans la Pouille, en Italie; Timocrate commandait en son absence. Il envoya un courrier au roi; mais ce courrier s'étant endormi dans un bois, un loup emporta le sac qui contenait les dépêches; de sorte que Denys ne fut informé que long-temps après de la descente de Dion, Cet illustre chef des bannis s'approcha de Sy

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Syracuse.

racuse; les mécontens qui se joignirent à lui por- Prise de tèrent sa troupe à cinq mille hommes. Ils marchaient couronnés de fleurs. Le peuple, loin de leur résister, se souleva et tourna sa fureur contre les favoris du tyran. Timocrate, vivement pressé, n'eut pas le temps de se jeter dans la citadelle, et s'enfuit de la ville. Tous les citoyens volèrent audevant de Dion, parés comme aux jours de cérémonies. On n'entendait dans les airs que le son des instrumens et des cris de joie, et cette prise de Syracuse fut plutôt une fête qu'une victoire. Un héraut publia que Dion et Mégaclès étaient venus pour détruire la tyrannie et pour affranchir la Sicile.

Dion monta à la tribune pour exhorter le peuple à le seconder dans ce généreux dessein. On lui jeta des fleurs; on le couvrit d'applaudissemens ; des suffrages unanimes lui donnèrent, ainsi qu'à son frère, le titre de capitaines généraux, en leur adjoignant vingt citoyens.

Cependant Denys, informé de ces événemens, arriva et entra dans la citadelle. Les Syracusains l'y assiégèrent. Il fit une sortie : Dion fut blessé ; ses troupes plièrent, et, malgré sa blessure, ce chef intrépide parcourut la ville, réveilla les courages, appela le peuple à son secours, rétablit le combat, repoussa l'ennemi, et le força à se renfermer dans la forteresse.

L'artificieux Denys, connaissant la mobilité du

de Dion.

Disgrace peuple et sa disposition à la méfiance, écrivit à Dion, et lui fit adresser par sa femme des lettres adroitement rédigées, qui rappelaient son ancien zèle pour la conservation de la tyrannie: on fut obligé de lire ces lettres dans l'assemblée géné– rale; car le secret aurait augmenté les soupçons. Cette lecture ébranla la confiance des citoyens qui donnèrent sur-le-champ le commandement de la flotte à Héraclide.

Dion se plaignit vivement de cette injustice; mais, après avoir reproché à Héraclide ses intrigues, donnant le premier l'exemple de l'obéissance aux lois, il rendit au nouvel amiral les honneurs dus à sa charge.

Peu de temps après Philiste, arrivant de la Pouille au secours de Denys, fut vaincu, pris et mis à mort. Denys offrit alors de rendre la citadelle pourvu qu'on lui permît de se retirer en Italie. Le peuple n'y voulait pas consentir; le prince, profitant d'un vent favorable, s'enfuit sur un vaisseau chargé de ses trésors.

On blâmait généralement Héraclide de l'avoir laissé passer; mais le peuple oublie ses intérêts les plus réels quand on flatte ses passions. Héraclide, pour se populariser, proposa le partage des terres et la suppression de la solde des étrangers; Dion s'y opposa fortement : les Syracusains, irrités, le destituèrent et nommèrent vingt-cinq nouveaux généraux, à la tête desquels ils placèrent Héraclide.

;

Ceux-ci cherchèrent à séduire les soldats étrangers pour les engager à abandonner Dion ; ils demeurèrent fidèles et le défendirent. On voulut les attaquer; mais Dion s'avança intrépidement contre ses ennemis, les effraya, les dispersa, et se retira dans les terres de Léontium.

Les Syracusains attaquèrent la flotte royale et la défirent ; mais comme dans la joie de ce succès ils se livraient la nuit à la débauche, Nyptius, qui commandait dans la citadelle, fit une sortie, surprit les guerriers dispersés, les massacra, livra la ville au pillage, enleva les femmes et les enfans, et les enferma dans la forteresse.

Le malheur des Syracusains mit fin à leur in- son rappel. gratitude; on résolut unanimement de rappeler Dion. Les députés du peuple vinrent le trouver, se jetèrent à ses pieds, en le suppliant d'oublier l'injustice de ses concitoyens.

Dion rassembla ses soldats; il leur dit, en versant des larmes : « Péloponésiens, vous pouvez » délibérer sur la demande qui vous est faite; >> quant à moi, puisque ma patrie est en danger, » l'hésitation ne m'est plus permise ; je la sauve» rai avec vous ou je périrai avec elle. Souvenez>> vous seulement que je n'ai abandonné mes >> alliés dans le péril, et que je ne les quitte que pour >> secourir mes compatriotes dans l'infortune. >>

pas

Tous les étrangers demandèrent à grands cris qu'on les menât à Syracuse. Lorsqu'il fut près de

la ville, la partie des habitans qui lui était contraire barrait les portes et lui en défendait l'entrée ; d'autres les combattaient pour les forcer à les ouvrir. Pendant ce temps, Nyptius fit une sortie, tuant tout ce qu'il rencontrait, et mettant le feu à la ville. L'incendie termina la discorde; tous les citoyens réunis ouvrent les portes. Dion marche contre les ennemis ; des cris de joie et de fureur l'accompagnent; tout ce qui peut porter les armes. se joint à lui; les soldats de Nyptius sont taillés en pièces; la ville est délivrée; Héraclide et Théodote, chefs des factieux, se livrent eux-mêmes à la discrétion du vainqueur. On lui conseillait de les abandonner à la vengeance des soldats : « J'ai >> appris à l'académie, répondit-il, l'art de domp>> ter ma colère. Il ne suffit pas d'être humain » pour les gens de bien; il faut être clément à » l'égard de ses ennemis. La plus belle victoire » est celle qu'on remporte sur ses propres pas»sions. Si Héraclide a été méchant et envieux, » ce n'est pas une raison pour que Dion souille sa » vertu par une lâche vengeance. »

Sa nominationde gé.

On le nomma généralissime. Le premier usage qu'il fit de son pouvoir fut de rendre le commandement de la flotte à Héraclide. Il pressa ensuite le siége de la citadelle, et ordonna prudemment qu'on laissât la mer libre. La garnison, comme il l'avait prévu, profitant de cette liberté, s'embarqua et s'éloigna de Syracuse. Les princesses, de

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