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et qu'il serait lui-même forcé d'agir avec eux. Ce nouvel obstacle, loin de refroidir les Corinthiens, redoubla leur ardeur.

Timoléon s'embarqua avec dix galères, et arriva sur la côte d'Italie. Là, il apprit qu'Icétas, ayant battu Denys, occupait une partie de Syracuse, et tenait le tyran assiégé dans la citadelle. Il sut de plus que les Carthaginois occupaient la mer, pour empêcher les Corinthiens d'approcher. Lorsque sa flotte arriva à Rhège, elle'y trouva vingt galères carthaginoises quil'y bloquèrent. Les ambassadeurs d'Icétas déclarèrent formellement à Timoléon qu'il pouvait venir à Syracuse s'il le voulait, mais sans troupes. Timoléon, s'étant décidé alors à opposer la ruse à la force, demanda une conférence aux habitans de la ville, aux ambassadeurs et aux officiers de l'escadre ennemie. Les magistrats de Rhège s'entendaient avec lui. Dès que l'assemblée fut complète, ils fermèrent les portes de la ville, afin de dérober aux officiers africains la connaissance de ce qui devait se passer dans le port.

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Timoléon prolongea la conférence pour gagner du temps. Pendant cette discussion neuf galères corinthiennes mirent à la voile et s'échappèrent. On vint secrètement en informer Timoléon; et, tandis que l'assemblée s'occupait vivement de l'objet de ses délibérations, il sortit sans bruit de la salle, s'élança sur la dixième galère qui l'attendait, et rejoignit les autres.

Les Carthaginois furent étrangement surpris de se voir vaincus en artifice. Icétas, averti de l'approche de Timoléon, avait à lui opposer cent cinquante vaisseaux, cinquante mille hommes et trois cents chariots. Timoléon, qui ne commandait que mille soldats, évita son escadre et débarqua dans la petite ville de Tauroménium. Le faible nombre de ses troupes inspirait peu de confiance aux Siciliens; et les Syracusains, sans espoir, se voyaient pressés entre Carthage, Icétas et Denys.

Timoléon, qu'aucun obstacle ne décourageait, marcha vers Adrane. Icétas s'avança au-devant de lui avec un corps de cinq mille hommes. Timoléon le défit, prit son camp, son bagage, et s'empara d'Adrane, située au pied de l'Etna.

de Denys.

Cependant Denys le jeune négociait secrète- Exil ment avec le héros corinthien, qu'il craignait moins qu'Icétas. Privé de vivres, n'ayant plus que le choix du vainqueur, il se rendit à Timoléon qui fit passer quatre cents soldats par petits pelotons dans la citadelle. Denys leur donna ses armes, ses meubles, le peu de provisions qui lui restaient, et deux mille hommes d'une valeur éprouvée. Chargé lui-même de ses trésors, il s'embarqua la nuit, passa au milieu des bâtimens carthaginois sans être aperçu et se rendit au camp de Timoléon, qui l'envoya à Corinthe, où il consuma ses jours honteusement dans des lieux de débauche, avec des musiciens et des comédiennes. Ne pouvant

Prise

de Syracuse

léon.

plus tyranniser des hommes, il se fit maître d'école; peut-être, dit Cicéron, pour tyranniser encore des enfans.

Icétas assiégeait toujours la citadelle de Syracuse; mais, s'en étant éloigné avec Magon pour attaquer Timoléon dans Catane, Léon le Corinthien, qui depuis le départ de Denys commandait dans le fort, fit une sortie, trouva les assiégeans en désordre, les tailla en pièces, s'empara du quartier de l'Achradine, le fortifia et le joignit à la citadelle.

Sur ces entrefaites un renfort de Corinthiens étant arrivé en Sicile, Timoléon, à la tête de quapar Timo- tre mille hommes, se saisit de Messine, et marcha contre Syracuse. Ses émissaires, répandus dans le camp d'Icétas, engagèrent les Grecs à se joindre à lui. Magon, craignant d'être trahi, embarqua ses troupes, et retourna en Afrique. Timoléon, trop habile pour ne pas profiter de cette défection attaqua brusquement Syracuse, et la prit d'assaut.

Après cette victoire il exhorta tous les citoyens à raser la citadelle, à démolir les palais des tyrans, et à détruire leurs tombeaux. La tyrannie avait siégé dans la forteresse; Timoléon y établit la justice en y plaçant les tribunaux.

La plupart des habitans étaient morts victimes de Denys ou de Carthage; Timoléon écrivit à Corinthe pour l'engager à fonder une seconde fois Syracuse. Les Corinthiens envoyèrent des hérauts dans toute la Grèce, et promirent de conduire à

y en aurait

victoires de

leurs frais tous ceux qui voudraient se rendre en Sicile. Soixante mille hommes y accoururent de toutes parts. On fit le procès à la mémoire et aux statues des tyrans; elles furent toutes renversées, hors celle de Gélon. Rollin, à ce propos, dit naïvement; «Si on faisait subir une pareille enquête » à toutes les statues, je ne sais s'il >> beaucoup qui restassent sur pied. >> Timoléon, ayant rétabli la tranquillité et la li- Nouvelles berté dans Syracuse, marcha contre les autres Timoléon. villes de Sicile. Il força Icétas à rompre avec Carthage, à raser ses forteresses et à vivre à Léontium en simple citoyen. Leptine, tyran d'Apollonie, osa le combattre, fut défait, pris et envoyé à Corinthe. Cependant Magon, mal accueilli à Carthage, s'était tué de désespoir. Asdrubal et Amilcar reçurent l'ordre de conduire à Lylibée soixante-dix mille hommes, et de chasser les Grecs de Sicile. Timoléon, qui ne put rassembler que sept mille soldats, attaqua les Carthaginois près du fleuve Crimez, et remporta sur eux une victoire complète. Les tyrans de Sicile, ne fondant l'espoir de leur conservation, comme tous les princes ennemis de leurs sujets, , que sur le secours des étrangers, se révoltèrent et se liguèrent contre Timoléon en faveur de Carthage. Il les vainquit tous. On conduisit à Syracuse Icétas, son fils, sa femme et sa fille. Le peuple les massacra pour venger l'assassinat de Dion, d'Arète et d'Aristomaque.

Son

jugement.

Sa

démission.

Sa cécité.

Dans ce même temps deux citoyens de Syracuse accusèrent Timoléon de malversations; ils le mirent en jugement. Le peuple s'indignait de cette audace; Timoléon voulut être jugé, s'écriant que ses vœux étaient comblés, puisque les Syracusains jouissaient d'une entière liberté. Il fut absous, et ce procès ne fit que répandre plus d'éclat sur sa sagesse et sur sa vertu.

Lorsque Timoléon eut vaincu les tyrans, chassé les ennemis, relevé les villes ruinées, et donné au peuple de bonnes lois, il se démit de son autorité et vécut dans une maison de campagne avec sa famille, jouissant tranquillement dans sa retraite de sa gloire et du bonheur de Syracuse.

Dans sa vieillesse il devint aveugle; on le consultait de temps en temps comme un oracle. Quand le peuple se trouvait dans quelque crise importante, Timoléon, rappelé de sa retraite, traversait la ville sur un char, au bruit des acclamations publiques. Il donnait son avis qu'on suivait religieusement, et retournait dans sa solitude accomFin de savie pagné des bénédictions du peuple. Un deuil général et des larmes sincères honorèrent la tombe de ce grand homme. Il n'avait commis qu'un crime, expié par de longs remords et par une longue vie pleine de gloire et de vertus.

L'anniversaire de son trépas était célébré par des jeux gymniques; enfin, pour honorer complétement sa mémoire, le peuple ordonna que toutes

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