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Agathocle, détesté universellement, avait atteint ce terme où la cruauté révolte et n'effraie plus. Des complots fréquens lui faisaient craindre le séjour de son palais. De tyran il se fit corsaire, ravagea les côtes d'Italie, attaqua les îles de Lipari, dont jamais jusque là on n'avait troublé la paix, leur imposa de lourds tributs, emporta leurs trésors et pilla leurs temples.

Mort

Une mort digne de sa vie suivit promptement d'Agatho

ces derniers et honteux succès.

Un Syracusain, Ménon, qu'il avait outragé, empoisonna la plume dont il se servait pour nétoyer ses dents. Ce venin était si actif, qu'après avoir brûlé sa bouche, il se répandit rapidement dans tout son corps qui ne devint bientôt qu'une seule plaie. Respirant encore au milieu des plus affreux tourmens, on le porta sur un bûcher, dont la flamme termina ses crimes et son existence.

Un corps de soldats messéniens qui servait dans la garde d'Agathocle, qu'on appelait Mamertins, s'empara de Messine. Ces guerriers féroces tuèrent tous les habitans de la ville, et épousèrent leurs femmes. Syracuse, presque aussi malheureuse, se vit la proie d'une sanglante anarchie : Ménon, qui s'empara du pouvoir, fut chassé par Héractus; celui-ci ne prit que le titre de préteur. Timon et Sosistrate, chacun à la tête d'une faction, lui disputèrent l'autorité. Les Carthaginois les attaquérent; dans ce danger, ils appelèrent à leur secours

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Pyrrhus, roi d'Épire, qui se trouvait en Italie *. Ce prince, las de la résistance des Romains, saisit avec empressement cette occasion de quitter un pays où ses armes faisaient peu de progrès. D'ailleurs, ayant épousé une fille d'Agathocle, il se croyait des droits au trône de Sicile.

Timon et Sosistrate lui livrèrent les troupes, le trésor et l'autorité; le peuple le reçut comme un libérateur. Il satisfit la vanité des Syracusains, en remettant sous leur joug les villes qui s'y étaient soustraites. Son affabilité lui avait d'abord gagné tous les cœurs; mais, au lieu de chasser les Carthaginois de Lilybée, comme on le désirait, il voulut faire la conquête de l'Afrique. Ses levées d'hommes et d'argent aliénèrent les esprits; toutes les villes partagèrent le mécontentement de Syracuse. Sa rigueur exaspéra les citoyens ; on passa de l'amour à la haine, et de la flatterie aux menaces. Rappelé alors en Italie, il abandonna la Sicile, prévoyant qu'elle serait bientôt le champ de bataille où la fortune de Carthage lutterait contre celle de Rome.

Après son départ, les troupes s'emparèrent de l'autorité, et choisirent pour chef Hiéron. Son père était de bonne famille, et sa mère esclave. Il avait combattu avec éclat sous Pyrrhus; sa bravoure, son esprit, et surtout la modération de son

* An du monde 3720..

caractère lui concilièrent tous les suffrages. On le déclara roi. Son règne fut long et marqué par des actes de justice. On ne lui reproche qu'une action que les circonstances pouvaient seules rendre excusable. Il existait dans l'armée un corps de soldats indisciplinés, habitués au crime et à la révolte. Intimement unis, ils ne souffraient pas qu'on punît un seul d'entre eux. Hiéron, dans un combat contre les féroces conquérans de Messène, les mit en avant, les abandonna dès qu'ils furent engagés, et les laissa tous massacrer par ces cruels ennemis. Les Carthaginois et les Romains, ainsi que l'avait prédit Pyrrhus, ne tardèrent pas à se faire la guerre et à se disputer la possession de la Sicile. Hieron favorisa d'abord Carthage; mais ensuite il se lia avec les Romains, et leur demeura fidèle.

La douceur de son règne ramena la prospérité dans Syracuse: il protégea le labourage, le commerce, les lettres, et composa un livre sur l'agriculture. Par ses soins l'état devint si riche, que, dans une disette qui désolait l'Italie, il put lui fournir gratuitement d'immenses approvisionnemens de grains. Rhodes venait d'être bouleversée par un grand tremblement de terre ; Hiéron, pour la rétablir, lui envoya beaucoup d'argent, de meubles et d'étoffes. Les présens qu'il fit au roi d'Égypte, Ptolémée Philadelphe, passaient en magni ficence ceux des plus grands souverains de l'Orient. Mais le plus étonnant des prodiges de son règne

Regne de

fut l'alliancé de la monarchie et de la liberté, dans un pays où l'on ne connaissait que la licence ou la tyrannie.

Sans répandre de sang, il bannit la discorde de Syracuse; et, sans exercer de rigueurs, il rendit docile le peuple le plus remuant de la terre. Il régna cinquante-quatre ans, et mourut presque centenaire, pleuré par ses sujets et regretté par les étrangers.

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Avant de mourir il voulait abolir la royauté, Hieronyme parce que la jeunesse de son petit-fils Hiéronyme lui faisait craindre des troubles pendant sa minorité. L'ambition de sa fille Démarate, femme d'Andronodore, le détourna de ce sage dessein. Une autre de ses filles, Héradée, femme de Zoïppe, moins ambitieuse, s'opposa vainementaux intrigues de sa sœur.

Après la mort du roi, le parti royaliste proclama Hiéronyme; le parti républicain ne remua pas, et se contenta de ne pasi donner sons consentement. Le roi avait nommé dans son testament quinze tuteurs, choisis parmi les personnages les plus distingués de Syracuse. Andronodore les expulsa. Le jeune Hiéronyme se livra à la débauche, et se fit mépriser: on conspira contre lui. Un seul conjuré découvert, nommé Théodore, mis à la torture, garda le secret de ses complices; il n'accusa que des amis du roi, et entre autres Thrason, zélú partisan de l'alliance romaine. Le roi fit mourir

sans examen tous ceux que Théodore avait accusés faussement. Dans ce même temps les Romains voulurent renouveler leur alliance avec le roi de Sicile; mais, Thrason étant mort, ils trouvèrent peu de partisans à la cour. Hiéronyme, qui était informé des victoires d'Annibal, refusa de traiter avec Rome, et accompagna son refus de railleries sanglantes sur ses revers. Cependant les conjurés, dont Théodore avait voilé les secrets, exécutèrent leur plan. Le roi, passant dans une rue étroite, Sa mort. fut assassiné.

Il inspirait si peu d'intérêt que son corps resta long-temps sur le pavé, sans que personne songeât à l'enlever.

Andronodore, instruit de la mort d'Hiéronyme, rassembla ses amis et s'empara d'un quartier de la ville. Le peuple était incertain; mais, les conjurés ayant tiré Théodore de prison, les troupes et les citoyens se déclarèrent pour lui.

Andronodore capitula, malgré les instances de sa femme qui lui répétait ce mot de Denys: « Il >> ne faut point descendre du trône, mais s'en lais>> ser arracher. »

Le peuple, pour récompenser Andronodore de sa soumission, l'élut magistrat avec Thémiste, mari d'Harmonie, sœur du feu roi.

Les agens carthaginois, Hypocrate et Épicyde, vus de mauvais œil par le parti dominant, demandèrent une escorte pour se retirer. On la leur ac

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