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corda; mais on eut l'imprudence de ne point fixer l'époque de leur départ. Ils restèrent et favorisèrent les intrigues de l'ambitieuse Démarate qui pressait sans cesse Andronodore de se mettre à la tête des soldats, d'exterminer le parti républicain, et de s'emparer du trône. Le faible Andronodore y consentit, et confia son projet à Thémiste son collègue. Celui-ci en parla imprudemment à un comédien nommé Ariston qui découvrit tout au sénat. L'arrêt contre les coupables fut prononcé sur-le-champ, et dès qu'Andronodore et Thémiste parurent dans l'assemblée on les mit à mort. Un Sénateur alors, s'élançant à la tribune, dit à ses collègues : « Vous avez tué le roi Hiéronyme; ce » n'était pas cet enfant, c'était ses tuteurs que >> vous deviez punir. Vous leur avez confié les >> premières magistratures, et ils vous ont trahis.Ce » sont leurs femmes qui, par leur ambition effré» née, les ont portés à conspirer; ces furies sont » les véritables causes de tous nos malheurs. Leur » mort seule peut expier leurs forfaits et assurer >> notre tranquillité. » Alors un cri général exprime la volonté d'exterminer la race des tyrans. Les préteurs, loin de contenir le peuple, excitent sa furie. Démarate et Harmonie furent massacrées. Héradée, femme de Zoïppe, n'avait point conspiré. Son mari, attaché au parti républicain, s'était fait nommer ambassadeur en Égypte. Héradée vivai⭑ dans la retraite avec ses deux filles. Les assassins

entrent dans sa maison; la beauté des princesses, leur innocence, leurs prières, leurs larmes, ne peuvent fléchir ces barbares. Ils poignardent la mère, couvrent ses filles de son sang et les égorgent ensuite. Le crime était consommé lorsque l'ordre d'épargner ces malheureuses victimes ar

riva.

Malgré ces dissensions sanglantes, Syracuse, en restant neutre entre Rome et Carthage, pouvait conserver son indépendance; mais le peuple, aveuglé par ses passions, se livra aux Carthaginois, et élut même pour magistrats Hypocrate et Épicyde.

cus et prise

par Marcel

lus..

Marcellus, consul romain, après avoir tenté Siége, blovainement de persuader aux Syracusains de chasser de Syracuse ces magistrats étrangers, assiégea Syracuse par terre et par mer. Appius, à la tête de l'armée, dirigeait l'attaque du côté de l'Hexapile ; et Marcellus, avec soixante galères, du côté de l'Achradine. La force et la vaillance de l'armée romaine auraient promptement triomphé de Syracuse, si cette ville n'avait pas été défendue par le génie d'Archimède, le plus grand géomètre de l'antiquité. Son habileté en mécanique fit durer ce siége huit mois. Il inventa des machines qui soulevaient et lançaient des pierres d'un poids énorme ; d'autres faisaient tomber sur les galères des poutres qui les perçaient; la plus extraordinaire de toutes faisait partir des remparts une main de fer qui ac

crochait la proue d'un vaisseau, l'élevait en l'air, et le fracassait en le laissant tomber de tout son poids. On raconte aussi qu'il avait imaginé un miroir ardent d'une telle force qu'il embrasait les galères exposées à ses rayons. Au bout de huit mois Marcellus, rebuté par l'inutilité de ses efforts, changea le siége en blocus; et, laissant Appius devant la place, il parcourut pendant deux années la Sicile, dont il soumit presque toutes les villes. Revenu près de Syracuse, il trouva cette place approvisionnée par différens convois que la flotte de Carthage était parvenue à y faire entrer. Perdant à y l'espoir de s'en rendre maître, il songeait à se re18 tirer, lorsqu'un soldat romain découvrit près du port de Trogille un endroit de mur plus bas que les autres, et qu'on pouvait escalader avec des échelles ordinaires. Le consul, profitant de cet avis, choisit pour l'attaque une nuit où les Syracusains célébraient une fête en l'honneur de Diane. Ses troupes enfoncèrent les portes, franchirent le mur, et s'emparèrent de l'Épipole. Le bruit de cet assaut fit croire aux habitans que l'ennemi était maître de la ville; mais le quartier de l'Achradine résistait encore. Epicyde, qui s'y était renfermé, le défendit avec opiniâtreté. Marcellus invita les assiégés à capituler et à sauver d'une ruine totale leur illustre cité. Ils refusèrent ses propositions.

Un funeste secours, un horrible fléau, la peste étendant alors ses ravages dans la ville et dans le

camp romain, ralentit les efforts de Marcellus, et prolongea la durée du siége. Son succès semblait encore incertain, lorsqu'une grande flotte carthaginoise, commandée par Bomilcar, s'approcha de Syracuse. Épicyde sortit de la ville, et pressa l'amiral de tenter la fortune d'un combat; mais Marcellus se présenta devant lui en si bon ordre les Carthaginois, effrayés, se retirèrent.

que

Cette défection découragea Épicyde. Au lieu de rentrer dans la ville, il fit voile vers Agrigente. Les Syracusains consternés demandent à capituler : au même moment les transfuges et les soldats étrangers, craignant qu'on ne les livrât aux Romains, égorgent les magistrats, et font dans la ville un horrible carnage. Au milieu de ce tumulte, un officier sicilien livre une des portes de l'Achradine à Marcellus. Il y entre; et, quoique les députés eussent obtenu de lui récemment la promesse d'épargner la ville, il l'abandonne au pillage pour la punir d'une résistance de trois ans : étrange injustice qui fait blâmer dans un ennemi la vertu qu'on devrait le plus honorer. Marcellus oubliait que c'est le courage du vaincu qui rehausse la gloire du vainqueur.

Le consul désirait vivement voir Archimède, dont le génie avait si long-temps triomphé des forces romaines. Par ses ordres on le cherche de tous côtés; un soldat le trouve enfin occupé à tracer des lignes et à faire des calculs, sans être

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distrait de sa profonde méditation par le tumulte d'une ville prise d'assaut. Le soldat lui ordonne de le suivre pour paraître devant le consul. Archimède, sans se déranger et sans tourner même ses regards sur lui, dit froidement : « Attends que » j'aie trouvé la solution de mon problème. » Le soldat prend cette réponse pour une insulte, et lui plonge son épée dans le corps. Marcellus, désolé de ce malheur, rendit de grands honneurs à cet homme célèbre, assista à ses funérailles, et lui fit ériger un monument. Il traita avec distinction sa famille et lui accorda de grands priviléges. Qua- : rante ans après Cicéron, nommé gouverneur de Sicile, chercha et retrouva son tombeau. İl le reconnut en voyant une colonne sur laquelle était gravée la figure d'une sphère et d'un cylindre, avec une inscription qui marquait leur rapport découvert par Archimède.

Depuis la prise de Syracuse, la Sicile, d'abord de la Sicile partagée entre les Romains et les Carthaginois, fut,

en province

romaine. peu de temps après, réduite tout entière en pro

vince romaine.

FIN DE L'HISTOIRE DE SICILE.

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