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glent les conditions de l'existence des congrégations, et les formes de leur autorisation ; les articles 4 et 5 fixent les droits civils et généraux des établissemens, et les droits particuliers des membres de ces établissemens; les articles 6 et 7 prévoient les extinctions des maisons religieuses ou la révocation de leur attribution. L'article 8 applique aux congrégations autorisées antérieurement à 1817, les dispositions des art. 4, 5, 6 et 7 de la loi.

les

M. le vicomte de Bonald, P., parlant en faveur du projet de loi (séance du 4 février, Monit. n. 37), se crut dispensé de prouver l'utilité des communautés religieuses de femmes, à une assemblée dont les opinions ne se divisaient que sur les moyens d'établir ces communautés avec sûreté pour elles-mêmes et le moins d'inconvéniens pour leurs familles. Aussi ne s'occupa-t-il que de ces deux questions, dans lesquelles s'étaient pareillement renfermés les orateurs qui l'avaient précédé. Pour arriver à les résoudre, uns voulaient que les communautés religieuses fussent autorisées par une loi, les autres voulaient qu'elles le fussent par des ordonnances. Dans l'opinion de M. de Bonald, elles devaient être autorisées par les deux moyens à-la-fois, parce que tout se fait et doit se faire dans la société par les deux pouvoirs qui la régissent, le pouvoir législatif qui ordonne, et le pouvoir administratif qui exécute. Ainsi tout ce qui est général et de principe, appartient à la loi, tout ce qui est particulier et d'application, à l'ordonnance. Ainsi le pouvoir législatif décrète en principe le mode et la qualité de la levée des gens de guerre, et le pouvoir administratif organise, d'après ces bases,les différens corps

de l'armée; ainsi le pouvoir législatif décrète l'impôt, et le pouvoir administratif le répartit. L'un fixe la somme des dépenses publiques, et l'autre y fait participer en raison de leurs besoins les différentes parties du service. Partout on rencontre cette double fonction des deux pouvoirs, parce que partout il y a législation et administration, principe et application. Ainsi dans l'espèce actuelle, la loi fixera le mode et les conditions d'existence de cette personne collective et morale qu'on appelle une communauté religieuse; et l'ordonnance appliquant ce principe, autorisera, conformément à la loi, les communautés religieuses qui demanderont à s'établir. Cette distinction devient plus sensible encore, si l'on considère que le pouvoir législatif pourrait dans l'espèce qui nous occupe, décréter le principe, sans que personne se présentât pour en requérir l'application, tandis que l'action du pouvoir administratif ne peut être déterminée que par une circonstance présente et réelle. C'est donc, pour emprunter le langage précis de l'école, c'est le pouvoir législatif qui donne l'existence virtuelle, et c'est le pouvoir administratif qui réduit en acte cette existence. Or, de quoi s'agit-il dans le projet soumis à la Chambre ? D'obtenir du pouvoir législatif, en faveur des communautés religieuses de femmes, la création de cette existence virtuelle, en réservant au pouvoir administratif la faculté d'en réaliser les actes quand l'occasion s'en présentera. On ne peut en effet distinguer entre ces différentes communautés, de quelque couleur qu'elles s'habillent, et à quelque règle qu'elles s'attachent. Liées partout par les mêmes vœux, dirigées par le même esprit, tendant au même but, elles ne

forment dans l'Eglise, qu'une sainte milice, comme les corps militaires, malgré la différence de leur habit et de leur arme, ne forment dans l'Etat qu'une seule armée. Il faut pour chacune d'elles une autorisation particulière, ce qui suppose un examen préalable. Mais de bonne foi, quel serait devant les Chambres l'objet de cet examen, à l'égard de pauvres filles qui ne demandent à la société que ses enfans à instruire, ses malheureux à consoler, ses malades à secourir? Les interrogerait-on sur ce qu'elles négligent ou sur ce qu'elles pratiquent ? L'évangile, le catéchisme, leur bréviaire ou leur chapelet répondraient à toutes nos questions; et si l'on redoutait comme quelques personnes, des macérations indiscrètes, des austérités immodérées, ce n'est pas à nous que la piété ferait ses confidences. Laissons à la religion le soin de modérer l'excès d'un zèle qu'elle fait naître, et rappellons-nous que c'est dans les ordres les plus austères, qu'on trouvait les plus nombreux exemples de longévité. Après tout, dans cet océan de douleurs qu'on appelle la société, qu'importent à la politique les souffrances volontaires de la vertu ? Que le siècle s'occupe de soulager les douleurs qu'il enfante, les douleurs des passions et du vice, sans envier au cloître la douce satisfaction d'expier par ses innocentes douleurs les fautes qu'il n'a pas commises.

On prétend appliquer aux communautés religieuses d'aujourd'hui, les formes d'établissement usitées dans l'ancien régime: mais à cette époque le pouvoir législatif et le pouvoir d'administration étaient dans les mêmes mains. Aujourd'hui, la puissance législative est partagée, et le principe de démocratie qui se

trouvait alors dans les administrations locales, a passé dans la constitution même. Le pouvoir administratif doit donc être d'autant plus fort entre les mains du Roi, que son pouvoir législatif s'est affaibli. Les anciennes formes sont tout-à-fait inapplicables, et l'orateur en revient à la doctrine qu'il a établie, et qui est aussi celle du projet de loi, savoir: que le droit de créer abstractivement une personne morale, capable d'acquérir et de posséder, appartient au pouvoir législatif; la faculté de réaliser ostensiblement cette création par l'établissement d'une congrégation religieuse appartient au pouvoir administratif ; il paraît plus difficile au noble Pair de justifier l'article du projet qui défend à toute personne faisant partie d'une communauté religieuse de disposer, en faveur de cette communauté, de plus du quart de ses biens. Quel peut être, dit-il, le motif raisonnable d'une pareille défense? On l'a comparée à celle que prononce le Code civil, relativement au confesseur ou au médecin, mais on conçoit qu'à ces derniers momens un malade soit exposé à des suggestions contre lesquelles sa faiblesse morale et physique le laisserait sans défense. Ici, rien de semblable. C'est à la maison où elle a passé sa vie, où elle a trouvé en santé comme en maladie, tous les soins de la charité, toutes les douceurs de cette égalité qu'on chercherait vainement ailleurs sur la terre, c'est à ses sœurs, à ses compagnes, que la religieuse ne pourra donner un témoignage de reconnaissance! Elle ne pourra faire pour sa communauté, ce qu'elle ferait impunément pour un étranger, pour un domestique! Vainement prétendrait-on appuyer cette défense de l'ancienne discipline.

Autrefois, la loi n'interdisait pas aux religieux la libre disposition de leurs biens, mais reconnaissant le vœu perpétuel de pauvreté, elle prêtait sa force à l'accomplissement de ce vou, comme elle la prêtait également aux voeux de célibat et de clôture. Aujourd'hui la loi ne reconnaît aucun de ces vœux, aussi permet-elle à la religieuse de quitter son couvent, et même de se marier. Pourquoi, par une bizarre inconséquence, introduirait-elle la libre disposition de ses biens? ne serait-ce pas rétablir pour l'innocent la confiscation établie pour le coupable? On a invoqué l'intérêt des familles ; l'égoïsme et la vanité peuvent regretter les plus légers sacrifices de leur fortune, mais la religion et une haute politique en jugent autrement; elles attachent un autre prix à l'existence de ces familles immortelles qui se vouent, corps et biens, au service de la grande famille de l'Etat. C'est ainsi qu'en jugeaient nos pères, qui au lieu de fonder des théâtres, employaient leurs richesses à doter des monastères, des colleges, des hôpitaux.

Et dans quel temps ces pieuses institutions furentelles jamais plus nécessaires? Sans parler des maux particuliers qu'a produits la fureur de la révolution, de ceux que propagent la licence des arts, le progrès du luxe et les entreprises hasardeuses de l'industrie, songeons aux maux publics, à ce nombre toujours croissant d'enfans abandonnés, à ces maisons de charité, de réclusion ou de détention, qu'il faut sans cesse agrandir ou multiplier; et tandis qu'à l'un des points extrêmes de la société, seront contenues à grands frais ces sortes de communautés qu'a peuplées le vice, permettons qu'à l'autre extrémité s'élèvent pour notre

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