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gêne que lui causeraient les travaux et la présence des ouvriers, et qu'il ne réclame pas les réparations, espérant que les bâtiments dureront autant que sa jouissance. Il est même possible qu'il s'oppose à ce que le bailleur fasse exécuter les travaux urgents. Mais comme, d'autre part, il importe au propriétaire que les bâtiments de sa ferme ne tombent pas en ruines, l'article 1724 est venu concilier les intérêts des deux parties.

:

D'après cet article, le fermier peut refuser de souffrir les réparations qui ne sont pas indispensables, mais il est obligé de souffrir que le bailleur fasse faire celles qui sont nécessaires, urgentes, et qui ne peuvent être différées jusqu'à la fin du bail. Le fermier, ainsi troublé dans sa jouissance, aura-t-il au moins droit à une indemnité ? A cet égard, l'article 1724 distingue si les travaux durent moins de 40 jours, quelque incommodité qu'ils causent au fermier, et quoiqu'il soit privé, pendant qu'ils se font, d'une partie de la chose louée, il ne peut exiger aucune indemnité. Mais si les réparations durent plus de 40 jours, le prix du bail devra être diminué, en proportion du temps et de la partie du fonds affermé dont le fermier aura été privé.

La diminution du prix doit-elle se calculer à partir de l'expiration des quarante jours accordés au bailleur par l'article 1724, ou bien à partir du jour où les travaux ont été commencés ? M. Troplong (II, 253) estime que la diminution proportionnelle du prix ne doit être accordée que pour le temps qui dépasse les quarante jours. Cette opinion est généralement repoussée. La disposition du Code a été empruntée à l'ancienne jurisprudence, notamment à celle du Châtelet qui déchar

geait le locataire du loyer pour tout le temps qu'il avait été privé de la jouissance, lorsque les réparations avaient duré plus de six semaines. Le rapport de Mouricault au Tribunat dit que le fermier peut obtenir <«< une diminution de prix proportionnelle à la priva«tion et à sa durée ». Notre texte, qui porte que la diminution doit se faire « à proportion du temps et de la partie de la chose loué dont il aura été privé», doit s'entendre dans le même sens.

Nous déciderons donc que, pour le calcul de la diminution du fermage, la durée de la privation de jouissance doit se compter à partir du commencement des travaux. Mais comme la question est controversée, les bailleurs ont généralement soin, pour prévenir toute contestation, de faire insérer dans le bail quelque clause dans le genre de celle-ci : « Le preneur sera <«< tenu de souffrir que le bailleur fasse faire aux bâti«ments toutes les grosses réparations qui devien«draient nécessaires au cours du bail, et celles d'en<< tretien, pendant tout le temps qu'elles pourraient <«< durer, sans pouvoir prétendre à aucune indemnité << ni diminution de loyer. » II n'est même pas rare que le fermier s'oblige en outre, dans certains cas, à faire le charroi des matériaux nécessaires aux réparations.

Si les réparations dont l'urgence a été reconnue étaient tellement importantes qu'elles rendissent pendant leur exécution la ferme inhabitable, le bailleur devrait, en attendant la fin des travaux, fournir au fermier d'autres bâtiments suffisants pour le loger ainsi que sa famille, ses bestiaux et ses récoltes; sinon,le fermier serait en droit de demander la résiliation

du bail, quand même les réparations ne devraient pas durer plus de 40 jours. On peut dire en effet que, dans ce cas, il n'y a pas seulement une grande gêne pour le fermier mais bien une impossibilité absolue de jouissance.

CHAPITRE III

OBLIGATION DE FAIRE JOUIR PAISIBLEMENT LE FERMIER PENDANT TOUTE LA DURÉE DU BAIL.

Le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de bail à ferme, de faire jouir paisiblement le fermier pendant toute la durée du bail. Le bailleur doit non seulement s'abstenir de tous les actes qui pourraient entraver ou amoindrir la jouissance, mais encore accomplir constamment les actes nécessaires pour assurer au fermier cette jouissance complète et paisible. Avant tout, le bailleur doit garantie au fermier pour les vices cachés du fonds loué, pour tous les troubles apportés à la jouissance, soit par cas fortuit ou de force majeure, soit par son propre fait, soit par le fait des tiers.

SECTION I

Garantie des vices cachés.

Le bailleur doit d'abord garantie au fermier pour les vices cachés du fonds affermé. Cette obligation est consacrée par l'article 1731 du Code civil: « Il est dû garantie aux preneurs pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus.

» Les

ne

vices qui rendraient seulement la jouissance du fonds moins agréable ou moins commode, suffiraient donc pas pour faire naître l'obligation de garantie: il faut qu'ils empêchent le preneur de jouir utilement du fonds affermé. Le droit romain donnait comme exemple le bail d'un pâturage où croissent en abondance certaines herbes vénéneuses capables de faire mourir les bestiaux. Notre ancienne jurisprudence considérait les apparitions de fantômes et feux follets comme des vices cachés donnant lieu à l'obligation de garantie. Le parlement de Bordeaux prononçait toujours la résiliation du bail en pareil cas, mais celui de Paris, plus sceptique, l'accordait avec moins de facilité.

La découverte des vices qui empêchent le preneur de jouir utilement du fonds affermé lui donne le droit de faire résilier le bail. Mais il faut que le contrat ne contienne aucune clause déchargeant le bailleur de toute garantie à propos des vices; et de plus, que le fermier d'ait pas eu connaissance de ces vices au moment de la conclusion du contrat: autrement dit, il faut qu'il s'agisse de vices cachés. Le bailleur devrait cependant garantie pour les vices apparents, s'il était prouvé que le preneur avait pu raisonnablement compter que le bailleur les ferait disparaître avant l'entrée en jouissance. Sinon, on devrait supposer que le preneur a considéré ces vices comme de peu d'importance, ou bien qu'il en a profité pour obtenir une diminution de fermage. On peut citer comme exemple l'existence. dans la ferme de basses terres, qui, en cas de crue ordinaire, sont recouvertes par les eaux.

L'article 1721, in fine, ajoute que s'il est résulté de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le

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