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soit de la résiliation prononcée par justice: toute demande formée antérieurement serait prématurée. En effet, tant que le fermier reste en jouissance, il peut réparer, à force de soins et de travail, les dégradations qu'il a d'abord commises; et, à la fin du bail, si la ferme a été remise entièrement en bon état, comme le propriétaire n'a, au bout du compte, subi aucune perte, il ne peut réclamer aucune indemnité. Du reste, les articles 1729 et 1766 sont formels : une seule voie est ouverte au bailleur : la résiliation du bail. Cette idée est encore confirmée par l'article 1764 qui donne la même solution dans le cas d'un bail à colonage partiaire. Ainsi, le bailleur qui veut obtenir immédiatement des dommages-intérêts doit d'abord faire résilier le contrat sinon il ne pourra les réclamer qu'à la fin du bail, et à la condition que le préjudice

subsiste encore à ce moment.

Pour que la résiliation soit prononcée, il ne suffit pas, à moins d'une clause expresse, que le fermier ait seulement contrevenu à son obligation de jouir en bon père de famille, il faut de plus que ce fait ait causé un préjudice au bailleur. L'article 1766 exige formellement cette condition : « Qu'il en résulte un dommage pour le bailleur. » Il est possible, en effet, que l'inexécution de l'obligation du fermier ne cause au bailleur aucun préjudice immédiat et appréciable. Du reste, les tribunaux sont investis sur ce point d'un pouvoir souverain d'appréciation. Ils ne prononceront pas la résiliation si le préjudice est peu grave et facilement réparable: ils fixeront au fermier un délai pour remettre les choses en bon état et réparer le dommage (1).

1. Nous avons vu qu'il en était autrement lorsque le fermier manquait à son obligation d'user du fonds suivant sa destination (p. 131).

Les juges de paix connaissent jusqu'à cent francs sans appel, et à charge d'appel à quelque somme que la demande puisse s'élever, des actions au sujet des réparations locatives mises à la charge du fermier (Loi du 25 mai 1838, art. 5, § 2). L'article 3, § 2 leur attribue compétence au sujet des dégradations, pertes ou dépréciations survenues par la faute du fermier, ou par celle des personnes de sa maison, jusqu'à cent francs sans appel et jusqu'à 1.500 fr. à charge d'appel. Ils connaissent aussi des actions relatives aux dommages causés par l'incendie, mais seulement dans les limites ordinaires de leur compétence.

CHAPITRE III

OBLIGATION DE PAYER LE PRIX OU FERMAGE.

D'après l'article 1728 § 2, le fermier doit payer le prix du bail aux termes convenus. Cette obligation est de l'essence même du bail à ferme. Nous avons vu, en effet, que ce contrat est commutatif : le bailleur ne s'est obligé à procureur la jouissance du fonds affermé qu'à la condition qu'il recevrait un certain prix. Si donc, par la convention, on supprime l'obligation de payer le prix, le contrat sera nul comme bail à ferme. Il pourra peut-être valoir comme donation de fruits, s'il réunit les conditions exigées pour la validité de ces sortes de donations.

Le fermier doit payer au bailleur ou à son mandataire. Si pendant le bail, la ferme change de propriétaire, le fermier pourra continuer à payer valablement entre les mains du premier propriétaire, tant que la mutation ne lui aura pas été notifiée.

Le paiement doit se faire aux termes convenus, et, dans le silence de la convention, aux époques fixées par l'usage. Généralement, le fermier ne paie le premier terme que lorsqu'il a fait une récolte complète. Voici à cet égard quelles sont les règles admises en Champagne. Le fermier, entrant dans la ferme à la Saint-Georges (23 avril), ne recueille la première année que les ré

coltes des prairies naturelles et artificielles et celles des cultures qui se font entre le printemps et l'automne, comme les betteraves, les pommes de terre. La récolte pendante des gros ou menus grains appartient au fermier sortant. Les fruits recueillis par le nouveau fermier ne peuvent guère être convertis en argent en principe, ils doivent servir à la nourriture du bétail. Aussi le fermier entrant n'a-t-il pas de fermage à payer la première année, ni au commencement de l'année suivante. Mais pendant l'été de la seconde année il récolte pour la première fois les gros et menus grains: il a fait alors une récolte complète de tous les fruits ordinaires de la ferme et il doit le fermage. Cependant, comme c'est avec le prix du grain que le fermier paie d'ordinaire ses fermages, il faut attendre qu'il ait pu en battre et vendre une certaine quantité avant de lui réclamer le premier terme. Aussi l'époque du premier paiement est-elle fixée au 25 décembre de la seconde année et le second paiement est reporté au 24 juin de la troisième année. On continue ainsi d'année en année et de terme en terme : mais les fermages correspondant aux dernières années de jouissance doivent être payés avant la sortie du fermier.

Ainsi supposons un bail fait dans le mois de mars de l'année 1890, et l'entrée en jouissance du fermier fixée au 23 avril, la clause réglant les paiements sera ainsi

conçue :

« .....

.. lequel fermage les preneurs s'obligent conjointement et solidairement à payer au bailleur, en << sa demeure susdite, en deux fois dans le cours d'une « année et par moitié. Le premier paiement aura lieu « le 25 décembre 1891, le second se fera le 24 juin 1892

et soldera la première année de fermage ; pour ainsi « continuer d'année en année et de terme en terme, de << manière qu'il y ait autant d'années de paiement que << d'années de jouissance, excepté toutefois le terme << représentatif de la dernière récolte du présent bail « qui sera, de convention expresse, payé en un seul et « même terme le 22 avril 18.., jour qui précède immé«diatement la sortie de l'attirail de labour dudit << preneur »>.

Comme on le voit, du 23 avril 1890 au 25 décembre 1891, il s'écoulera vingt mois pendant lesquels le nouveau fermier n'aura aucun fermage à payer au bailleur.

Lorsqu'on vend une ferme ou qu'on en fait donation, on tient compte de ces principes. Et le vendeur ou le donateur touchent encore, bien qu'ils ne soient plus propriétaires, les fermages correspondant aux récoltes antérieures à l'aliénation. Si bien que l'acquéreur ou le donataire peuvent être vingt mois ou même plus sans recevoir aucun fermage.

D'après les principes généraux, le paiement doit se faire, à défaut de convention, au domicile du débiteur, c'est-à-dire du fermier (art. 1247); mais la plupart du temps, il est stipulé dans le contrat qu'il sera fait au domicile du bailleur, dans la demeure qu'il occupe au moment du contrat. Mais si le bailleur vient à changer de domicile au cours du bail, et s'il ne laisse personne ayant mandat de recevoir à son ancien domicile, la dette cesse d'être portable et redevient quérable; le fermier n'est plus alors tenu de payer qu'à son propre domicile.

Comme sanction de l'obligation pour le fermier de payer le prix, le bailleur a plusieurs droits. 1° D'a

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