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à ferme ne tend à faire entrer un immeuble dans le patrimoine du fermier celui-ci n'a contre le bailleur qu'une créance de jouissance, dont le caractère est purement mobilier.

QUATRIÈME PARTIE

SITUATION ÉCONOMIQUE ACTUELLE DU FERMAGE

Dans la première moitié de ce siècle, la situation des fermiers en général était prospère. La culture de la terre, malgré l'imperfection des méthodes employées, était rémunératrice, car les blés étrangers n'étaient pas encore venus inonder les marchés français, et les salaires des ouvriers agricoles et autres frais de culture étaient moins élevés. Aussi la concurrence entre les fermiers en quête de fermes était grande, et les propriétaires trouvaient facilement à relouer leurs fermes, presque toujours avec une augmentation de prix. Et comme à cette époque les occasions de placements mobiliers étaient encore assez rares, les capitaux allaient volontiers à la terre.

Aujourd'hui, il n'en est plus de même: la cherté de la main d'œuvre, et l'affluence des blés étrangers, principalement, ont fait de l'ancienne agriculture une profession qui n'est plus aussi rémunératrice. Les capitaux se sont peu à peu détournés du sol, attirés par les avantages des placements mobiliers; et lorsqu'on imagina des méthodes nouvelles de culture permettant de lutter contre la concurrence étrangère, la masse des fermiers s'est trouvée trop pauvre pour les

employer. Le prix des fermages a baissé rapidement, et un grand nombre de fermes ont même été abandonnées. Les grandes exploitations seules paraissent pouvoir se maintenir; quant à la petite culture, on constate qu'elle tend à abandonner le fermage pour le remplacer par le métayage, mode d'exploitation inférieur au point de vue du rendement et presque incompatible avec le progrès de la science agricole.

L'agriculture va-t-elle donc voir sa décadence s'accentuer tous les jours, et la combinaison du fermage est-elle donc condamnée à disparaître? Nous ne le pensons pas.

Déjà les capitalistes, effrayés par la fréquence des désastres financiers, considèrent avec moins de faveur les placements mobiliers et se montrent plus disposés à faire des avances à la terre. Des lois sagement protectrices sont venues maintenir le blé à un prix rémunérateur, sans que le prix du pain ait augmenté d'un centime. Les méthodes perfectionnées de culture ont fait leurs preuves et montré qu'il était possible d'augmenter considérablement la production du sol et de lutter ainsi avec avantage contre la concurrence étrangère. Aussi de toutes parts les agriculteurs se reprennent à espérer, le nombre et surtout l'importance des fermes augmentent tous les jours.

Aussi nous croyons que le fermage, loin d'être appelé à disparaître, redeviendra au contraire très en faveur, comme étant la meilleure combinaison, au point de vue de l'exploitation agricole. D'abord, suivant nous, le fermage vaut mieux pour l'agriculture que le métayage. Ce dernier procédé d'amodiation ne

se comprend guère que lorsque l'exploitant manque absolument de capitaux. Le métayer n'apporte, pour ainsi dire, dans l'entreprise que son travail. C'est le propriétaire qui fournit le reste: aussi la part qu'il se réserve dans le produit brut est-elle relativement considérable et la rente qu'il retire de son immeuble estelle souvent plus forte que dans le bail à ferme.

Par contre, dans le métayage, le propriétaire est astreint à une surveillance incessante. Il est le plus souvent obligé d'intervenir dans la direction de la culture. Et si l'on veut pratiquer une culture quelque peu intensive, de façon à obtenir de hauts rendements, il faut que le propriétaire fasse toutes les avances d'argent. Vienne une série de mauvaises récoltes, et le propriétaire aura perdu non seulement la rente de sa terre, mais aussi les capitaux mobiliers qu'il aura avancés. Dans ces conditions, autant vaut pour lui faire valoir directement son domaine. Sans les avances du propriétaire, pas de culture à hauts rendements; et, malgré l'économie réalisée dans les frais de production, impossibilité de lutter contre la concurrence étrangère.

Quant au cultivateur qui disposera de quelques capitaux, il n'ira pas prendre une métairie. Il préférera garder pour lui seul les bénéfices de son exploitation, au lieu de les partager avec le propriétaire, et il tâchera de trouver une ferme.

Mais le fermage n'est pas seulement supérieur au métayage comme mode d'exploitation permettant de relever notre agriculture: il offre aussi à l'exploitant certains avantages sur le système du faire-valoir direct.

D'abord, par la force des choses, il la force des choses, il y aura toujours des propriétaires qui ne voudront ou ne pourront pas exploiter par eux-mêmes leurs domaines, en sorte que le louage des terres aura toujours sa raison d'être. Dans une société telle que l'a faite la civilisation moderne, tous les citoyens ne peuvent être cultivateurs: il faut des médecins, des avocats, des commerçants, des industriels, des savants, des soldats, etc. Et quand il s'agira de trouver une combinaison qui, tout en réservant les droits du propriétaire sur la terre qui lui appartient, permette à un autre de la cultiver avec le même soin qu'y apporterait le propriétaire lui-même, ce sera au fermage que l'on aura recours.

En outre, au point de vue de l'entreprise agricole, c'est un système très - avantageux que celui dans lequel le capital-terre appartient à des propriétaires qui se contentent d'un revenu de 1 1/2 à 3 0/0, tandis que le sol est exploité par des fermiers qui n'apportant qu'un capital d'exploitation, s'arrangent de manière à en tirer bien au-delà de ce qui satisfait les propriétaires. S'il est facile de comprendre que ces derniers, ayant l'espoir plus ou moins fondé d'une plus-value foncière ou locative, se contentent d'un revenu de 1 1/2 à 3 0/0, il est non moins facile de comprendre que les entrepreneurs de culture préfèrent ne pas immobilissr à plus petits intérêts la plus grande partie de leur fortune, afin de n'agir qu'avec des capitaux circulants et productifs de plus gros profits. Le fermage permet aux agriculteurs d'emprunter le capital foncier à raison de 1 1/2 à 3 0/0, tandis que le capital mobilier nécessaire à l'achat des terres ne leur aurait été con

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