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poussaient jusqu'à la superstition le respect de leur vieille législation, n'auraient peut-être pas admis facilement une institution qui leur serait venue de toutes pièces de ces peuples qu'ils appelaient les Barbares. Aussi le préteur leur a sans doute présenté le constitut, soit comme une extension du receptum qu'ils pratiquaient depuis longtemps, soit encore comme le complément de la théorie de la pecunia certa credita. Il est probable que le préteur employa ce dernier moyen : après avoir pris au dehors l'idée du constitut, il rattacha son innovation à la théorie de la pecunia certa credita, dont elle devint le complément. Ainsi s'expliquent les analogies constatées entre le constitut et la pecunia certa credita. Et l'opinion de Bruns se trouve, de la sorte, contenir une part de vérité.

Maintenant, quels furent les motifs qui décidèrent le préteur à sanctionner le constitut dans son édit? Il est certain qu'il fut déterminé avant tout par des considérations d'utilité pratique. Mais cette raison n'au

rait

pas été suffisante dans une législation qui, avec son formalisme outré, avait l'habitude de reléguer l'utilité pratique au second plan. Aussi voyons-nous les jurisconsultes romains donner de l'innovation d'autres motifs plus juridiques. Ulpien, dans le principium de la loi 1, D. hoc titulo, nous apprend que l'action de constitut organisée par le préteur repose entièrement sur l'équité et sur la bonne foi: Hoc edicto prætor favet naturali æquitati, « par cet édit, le préteur favorise l'équité naturelle », et il ajoute plus loin : quoniam grave est fidem fallere, « parce qu'on ne saurait tolérer un manquement à la bonne foi ». La protection accordée par le préteur au pacte de constitut aurait

donc été inspirée par des considérations d'équité. Pourquoi alors le préteur n'a-t-il pas protégé également tous les autres pactes? On peut bien dire, à propos de tous les pactes, que grave est fidem fallere. C'est qu'ici on ne se trouve pas en présence d'un pacte ordinaire, et que le manque de bonne foi est d'autant plus grave qu'il est double, pour ainsi dire. Le débiteur ne se refuse pas seulement à payer ce qu'il doit, mais encore ce qu'il a reconnu devoir et promis formellement de payer. L'équité ainsi que la sécurité des transactions exigent donc qu'une pareille mauvaise foi soit réprimée.

Il est difficile de fixer la date précise à laquelle le constitut à pris place dans la législation romaine. Il est prouvé, cependant, qu'il était pratiqué à l'époque de Cicéron. Nous voyons, en effet, dans un passage du Pro Quintio (C. 3-5), l'héritier d'un débiteur promettre par constitut, aux héritiers du créancier, le montant d'une dette qu'on vient de rendre liquide. Mais ce texte montre aussi qu'à cette époque le constitut était déjà entré dans la pratique courante son introduction dans le droit romain serait donc bien antérieure.

DEUXIÈME PARTIE

CONDITIONS DU CONSTITUT

Pour qu'un constitut soit valablement fait, il doit réunir les conditions suivantes :

1° Il faut d'abord que les parties donnent leur consentement et que ce consentement soit valable;

2o Le constitut doit avoir une cause, être basé sur une obligation préexistante;

3o Il faut aussi que le constitut ait un objet; et nous verrons quels rapports cet objet doit avoir avec celui de la dette préexistante.

Enfin, dans un quatrième chapitre, nous étudierons de quelles modalités le constitut peut être affecté.

CHAPITRE PREMIER

DU CONSENTEMENT.

Comme tout negotium, le pacte de constitut ne peut se former que par le consentement des parties. Mais comme c'est un pacte, le consentement n'a pas besoin de revêtir des formes solennelles il suffit que les par: ties s'accordent dans la volonté de faire un constitut; mais il faut que cet accord de volontés apparaisse bien clairement. C'est ainsi qu'Ulpien décide, dans la loi 1, § 4. D. h. t., que celui qui a fait une stipulation nulle pour vice de forme ne peut prétendre que la promesse qu'on lui a faite, nulle comme stipulation, vaut au moins comme constitut; car le stipulant n'avait pas l'intention de demander un constitut, mais bien une promesse solennelle; et d'un autre côté, chez le promettant, l'intention de s'obliger par constitut n'est pas certaine. Et la Novelle 115, C. IV, appuie sur cette idée qu'il n'y aura pas constitut si la volonté de s'obliger par ce pacte n'est pas bien certaine chez le constituant.

En somme, ce sont les règles générales du consentement que nous allons appliquer au constitut.

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