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INTRODUCTION

Un civilisation avancée s'attache surtout, dans les actes juridiques, aux éléments non matériels, à la volonté, à l'intention on ne demande aux faits matériels que ce qui est indispensable pour révéler et pour garantir la volonté.

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Mais dans les civilisations primitives, où les impressions physiques ont plus de puissance que les considérations d'ordre intellectuel, il en est tout autrement. L'élément qui prédomine alors dans les actes juridiques, ce n'est plus la partie immatérielle, l'intention; c'est la forme, c'est-à-dire l'élément matériel qui permet à la pensée de tomber sous nos sens et qui fixe la volonté, de manière qu'on ne puisse plus la reprendre.

Ce caractère, commun à toutes les législations primitives, apparaît bien nettement dans la législation romaine.

A l'origine, le formalisme régnait en maître, et les contrats étaient soumis à cette exigence de la forme. Il ne suffisait pas que deux parties s'accordassent dans la volonté ou d'obliger l'une d'elles envers l'autre, ou de s'obliger réciproquement, pour que cet accord de volontés, cette convention devînt un contrat dont les effets seraient assurés par la loi.

Le simple consentement des parties n'avait pas au début la puissance d'obliger. Le droit civil ne reconnaissait et ne sanctionnait comme contrats que les conventions qu'il avait prévues et qui avaient été arrêtées suivant les formes que le législateur avait imposées.

Ces formalités constituaient une telle gêne pour les parties, que l'on fut bientôt contraint de les abandonner pour les opérations les plus usuelles, comme la vente, le louage, la société et le mandat. Le droit civil fut obligé d'accueillir et de reconnaître ces contrats, formés par le seul consentement et sans aucune formalité. De même, dans certains cas, comme dans le mutuum, le commodat, le gage et le dépôt, le droit civil dut admettre que la simple tradition de la chose suffirait pour engendrer l'obligation.

Mais tout accord de volontés qui ne rentrait pas dans les cas prévus, ou qui ne satisfaisait pas aux conditions rigoureuses des contrats formalistes, n'était qu'un nudum pactum, un pacte nu, c'est-à-dire dépourvu de toute action pour le faire respecter.

Le nombre des véritables contrats se trouvait ainsi très limité.

On conçoit aisément qu'avec le progrès de la civilisation, avec le développement du commerce et des relations avec les peuples voisins, une semblable limitation du nombre des contrats ne tarda pas à devenir intolérable. Il fallut bien élargir le cadre.

Mais, ici encore apparaît un des caractères les plus curieux du droit romain. Respectueux de leurs vieilles lois avec une sorte de superstition, les Romains se gardaient bien d'abroger ces lois ou de les modifier. Lors

qu'elles ne répondaient plus aux besoins de la pratique, on les éludait, on les tournait, le plus souvent au moyen de fictions. Les magistrats, notamment les préteurs, loin de réprimer ces fraudes, les facilitaient et allaient même au-devant d'elles.

Aussi, à côté du vieux droit civil, qu'on n'osait abroger, on vit se développer un droit nouveau, essayant de faire prédominer l'équité sur le droit pur, sorte de coutume formée par l'ensemble des décisions des magistrats qui avaient pouvoir de déclarer le droit c'est le droit prétorien ou honoraire.

L'attention des préteurs fut tout d'abord appelée sur les inconvénients qui résultaient de la maxime de droit civil: ex pacto actio non nascitur, les pactes ne produisent pas d'action. Prise à la lettre, cette maxime signifiait que les parties qui avaient fait un pacte, convention dépourvue des formes exigées par le droit civil et intervenue en dehors des cas où ce droit dispensait des formalités, n'avaient produit aucun effet juridique, puisque le moyen de faire respecter cette convention, l'action, leur était refusée. Une pareille interprétation devait fréquemment aboutir à une iniquité. La reconnaissance par le droit civil de deux classes de contrats non formalistes, les contrats réels et les contrats consensuels, qui comprenaient pourtant les opérations les plus fréquentes dans la pratique, n'avait été qu'un remède insuffisant. Le préteur porta un premier coup à la rigueur du droit civil, en déclarant qu'il donnerait une exception pour faire respecter tout pacte conclu sans dol et qui n'aurait rien de contraire aux lois. Pour comprendre à quel résultat il arriva, il faut distinguer entre les pactes qui tendent à éteindre une

obligation et ceux qui tendent à en créer une nouvelle. Pour les premiers, leur exécution était parfaitement garantie le débiteur poursuivi au mépris du pacte était protégé par l'exception. Mais cette exception n'était d'aucune efficacité pour faire respecter les pactes qui avaient pour but de créer ou d'augmenter une obligation c'était une action qu'il aurait fallu dans ce cas, et la maxime ex pacto actio non nascitur s'appliquait alors avec toute sa rigueur.

La brèche était faite, et la jurisprudence fut bientôt amenée à reconnaître certains effets aux pactes qui sont adjoints à un vrai contrat de droit civil. Les contrats de droit civil sont de droit strict ou de bonne foi.

Supposons d'abord un pacte adjoint à un contrat de bonne foi. Il pouvait lui être adjoint de deux manières: ex intervallo ou in continenti. Supposons-le adjoint in continenti, incontinent, c'est-à-dire fait au momentmême de la conclusion du contrat. On peut dire dansce cas qu'il n'en est qu'une clause, et une clause qui a peut-être exercé une influence décisive sur le consentement des parties. On admit alors que les obligations ajoutées au contrat par un tel pacte seraient sanctionnées par l'action même qui naissait du contrat; et que celles des obligations, produites naturellement par le contrat, mais que le pacte avait pour but de supprimer, seraient réputées ipso jure n'avoir jamais pris naissance. La règle générale était donc que les pactes adjoints in continenti à un contrat de bonne foi faisaient partie de ce contrat. Et la jurisprudence poussa cette idée si loin qu'elle admit à la fin que même les pactes qui avaient pour but de détruire le contrat, par exemple les pactes résolutoires dans une vente, seraient aussi garantis par l'action du contrat.

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