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du constitut, mais rien dans l'édit ne s'oppose à l'insertion de cette modalité. Nous avons même vu, dans la loi 19 § 1, que l'obligation primitive étant pure et simple, le constitut pouvait être fait sous condition. Pomponius dit dans ce cas « in hunc (le constituant) utilem actionem esse». Le mot utilis n'a pas ici le sens spécial qu'on lui connaît dans la langue juridique : l'expression action « utilis» veut dire dans notre texte. une action «< efficace ». Nous savons aussi que la condition est sous-entendue dans le constitut portant sur une obligation conditionnelle, et que cette condition est la même que celle qui affecte l'obligation primitive.

D'après la définition que nous avons donnée du constitut, l'indication d'un lieu pour le paiement paraît être aussi de l'essence du constitut. L'idée d'un lieu de paiement, comme celle d'un terme, se trouve contenue dans le mot constituit. Le constitut des Babyloniens, des Chaldéens et des Égyptiens contenait le plus souvent l'indication d'un lieu, et il devait en être de même chez les peuples plus voisins des Romains. Nous avons déjà dit que cette indication ne parait pas avoir été jamais exigée pour le constitut romain.

Le lieu de paiement était réputé être le même que celui de l'obligation primitive. Les règles de l'action de eo quod certo loco enlevaient du reste toute importance à cette détermination. Cette action, ainsi qu'on l'a vu, permettait au créancier de réclamer en tous lieux l'exécution de l'obligation: mais on tenait compte de l'intérêt que le débiteur pouvait avoir à payer dans l'endroit convenu. Aussi, toutes les fois que le constitut n'avait pas précisément pour but de changer le

lieu du paiement, il était inutile de rappeler dans le pacte l'endroit où devait s'exécuter l'obligation primitive.

TROISIÈME PARTIE

EFFETS DU CONSTITUT

CHAPITRE PREMIER

EFFETS PROPRES DU CONSTITUT

L'effet général du constitut est d'obliger le constituant à tenir la promesse qu'il a faite, et cette obligation est sanctionnée au besoin par l'action de constituta pecunia que nous étudierons dans le chapitre suivant.

Le constitut étant une convention indépendante des conditions de forme, les résultats particuliers qu'il produira pourront varier suivant les circonstances, et il est impossible de les déterminer tous a priori. Nous sommes ici en présence d'un pacte, et dans chaque hypothèse il faudra rechercher quelle a été l'intention des parties contractantes, afin de donner issue à leur volonté.

Mais, en dehors des cas particuliers qui peuvent se présenter, le constitut n'a-t-il pas quelques conséquences forcées? On peut se demander, par exemple, si la naissance d'une dette nouvelle, créée par le constitut, n'aura pas quelque influence sur le sort de l'obligation primitive.

Et d'abord le constitut aura-t-il pour effet d'interrompre la prescription de l'obligation primitive? Nous avons vu, dans la loi 18, § 1, que le constitut était valable, même s'il était fait, licet in id tempus quo non tenebatur, pour un temps où le débiteur ne serait plus obligé. Ce texte est formel, et prouve, quoi qu'en dise M. de Savigny, que le constitut n'arrête pas le cours de la prescription. Dans la législation de Justinien, cependant, notre solution ne serait plus aussi sûre, puisque cet empereur décida que la reconnaissance de la dette produirait interruption de la prescription. Sans doute le constitut ne vaudra pas toujours reconnaissance de la dette, surtout s'il contient des réserves sur ce point, ce qui arrivait fréquemment (si quid debitum tibi adprobatum fuerit, L. 5). Mais lorsque le constitut contiendra une reconnaissance évidente de la dette, il faudra décider, sous Justinien du moins, que la prescription sera interrompue.

On peut se demander encore si l'obligation primitive est ou non éteinte par le constitut, et remplacée par une nouvelle dette? Les auteurs sont loin d'être d'accord.

De Savigny (1) et Kuntze (2) essaient de prouver que le constitut emportait novation et que par conséquent l'ancienne action était éteinte; mais ce n'est là qu'une conjecture qu'ils n'appuient sur aucune base solide. Les jurisconsultes romains, à en juger par les textes,ne se sont même pas posé la question; et on ne voit pas bien ce qui a pu autoriser les deux auteurs précités à prétendre que le constitut avait toujours un effet extinc

1. Obligationen Recht, § 18. 2 Obligat., p. 96.

tif, ou que tout au moins, les jurisconsultes romains ne s'entendaient pas sur ce point.

En France, M. Demangeat (1) s'en tire par une distinction qui a le tort d'être trop absolue. Lorsque le constitut est fait avec le débiteur, il éteindrait la dette primitive; lorsqu'il est fait avec un tiers, il la laisserait, au contraire, subsister entièrement.

M. Machelard, arrivant au même résultat que de Savigny, croit que, dans les deux cas, l'obligation primitive est éteinte par le constitut.

Nous aimons mieux dire avec M. Bodin (Revue pratique, tome XII, année 1866, p. 209 et s.), que la question de l'extinction de l'obligation primitive par le constitut se résout en une interprétation de la convention, que le seul point qui fasse difficulté, c'est de savoir ce qu'il faut présumer dans le silence des parties. Examinous les différentes hypothèses qui peuvent se pré

et

senter.

1o Le constitut intervient inter easdem personas, entre l'ancien créancier et l'ancien débiteur. Les parties ont voulu changer soit la date, soit le lieu du paiement, l'objet de la dette ou les modalités. Le constitut entrainera-t-il dans tous ces cas l'extinction de l'obligation primitive? M. Bodin, s'appuyant sur un argument a contrario tiré de la loi 28, estime que dans ce cas, il faut présumer une sorte de novation prétorienne, et décider que l'ancienne créance est éteinte exceptionis ope mais l'intention contraire des parties pourrait s'induire des circonstances. Par exemple, on s'est contenté d'avancer l'échéance de la dette il sera difficile

1. Des obligations solidaires, page 83.

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