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comme une intervention analogue à celle d'un fidéjusseur (M. Révillout).

Justinien, en étendant aux constituants le bénéfice de division (1) et en établissant pour tous les modes de cautionnement le bénéfice de discussion (2), rapprocha le constitut et la fidéjussion. De plus, l'effet extinctif de la litis contestatio ne se produisant plus à cette époque, le créancier put agir successivement, comme dans le constitut, contre le débiteur et contre le fidejusseur, jusqu'à parfait paiement.

3o Le constitut est fait à un nouveau créancier. - Bien entendu, il faut que le premier créancier donne son consentement à l'opération. Le plus souvent même, ce sera d'après son ordre que le débiteur promettra au nouveau créancier. Ici encore il faudra tenir compte de l'intention des parties. Elles ont pu se proposer deux buts différents adjoindre un autre créancier au créancier primitif, ou lui en substituer un nouveau.

:

Si les parties ont voulu produire le premier de ces résultats, le constitut ressemblera à une adstipulatio. L'ancienne créance, l'ancienne action subsisteront, et pourtant le nouveau créancier pourra se servir de l'action de pecunia constituta pour poursuivre le débiteur, sauf à rendre compte, comme l'adstipulator, au créancier primitif qui est considéré comme son mandant. De plus, M. Bodin estime que la règle d'après laquelle la créance de l'adstipulator ne passait pas à ses héritiers, ne s'appliquait pas au constitut fait à un nouveau créancier. L'utilité pratique de notre opération sera de permettre au créancier de s'absenter, tout en laissant

1. L. 3, C. h. t.

2. Novelles 4 et 136.

derrière lui quelqu'un pour sauvegarder son droit de

créance.

Les parties ont pu vouloir aussi substituer un nouveau créancier à l'ancien, et l'effet du constitut se rapprochera alors de celui que produirait une novation par changement de créancier. Avec cette différence, pourtant, que dans la novation l'ancienne dette est éteinte ipso jure, tandis que dans notre espèce de constitut, la dette primitive subsiste, l'action de l'ancien créancier étant seulement paralysée par l'exceptio pacti.

Lorsque l'intention des parties sera douteuse, il pourra être bien difficile de déterminer les effets du constitut, les textes étant muets sur ce point. Je crois cependant qu'il vaudra mieux présumer une sorte d'adstipulatio, car cette solution a l'avantage de ne pas enlever son action au créancier primitif.

Maintenant que nous connaissons les effets du constitut, il nous est facile de résumer les avantages pratiques que présentait ce pacte :

1.

Supposons d'abord que le constitut intervienne entre le débiteur et le créancier primitifs. Il permettra aux parties de changer l'objet de la dette, de modifier le lieu du paiement et d'en avancer ou reculer l'époque. Et même si les parties ne veulent pas modifier l'obligation primitive, le constitut offrira les avantages suivants 1° si l'obligation première n'est que naturelle, elle sera désormais sanctionnée par une action ; 2o le constitut pourra valoir reconnaissance de la dette; 3° l'obligation nouvelle pourra être munie de sûretés qui ne garantissaient pas l'ancienne; 4° le constitut, bien qu'il ne vaille pas, en général, interruption de la prescription de l'obligation première, sera le

:

point de départ d'une prescription nouvelle; 5° il donne au créancier une nouvelle action, renforcée au besoin par une sponsio dimidiæ partis.

II. Le constitut intervient entre l'ancien créancier et un nouveau débiteur. Dans ce cas, la principale utilité du constitut sera d'offrir le moyen le plus commode de réaliser un cautionnement. Il aura l'avantage de ne pas exiger de formalités et de permettre à la caution de s'engager à payer rem pro re: aussi était-il le mode de cautionnement le plus généralement employé.

III.

C'est un nouveau créancier qui figure dans le pacte. Dans cette hypothèse, la moins fréquente, le constitut offrait les mêmes avantages que la délégation, si ce n'est qu'il n'opérait qu'exceptionis ope. Ou bien, en dehors des cas de délégation, le créancier, à la veille de partir pour un long voyage, était sûr, en employant notre pacte, de laisser derrière lui quelqu'un pour sauvegarder sa créance et en poursuivre le paiement en justice, ce que n'aurait pu faire un mandataire ordinaire.

CHAPITRE II

DE L'ACTION DE CONSTITUTA PECUNIA.

L'action, c'est le moyen pratique, la procédure, à l'aide desquels on obtient de l'autorité publique la reconnaissance ou la protection de son droit. De nos jours, tout droit est en principe garanti par une action et les actions empruntent leurs caractères aux droits qu'elles sanctionnent. A Rome, au contraire, pour reconnaître un droit, on commençait par établir les règles de l'action; si bien que c'étaient les règles de l'action qui déterminaient les conditions du droit. L'organisation d'une instance, à l'époque classique, chez les Romains, différait profondément de la procédure moderne.

Les parties se présentaient d'abord devant le préteur (in jure) pour lui exposer leur contestation. Lorsque les faits étaient évidents, ce magistrat prononçait luimême la condamnation. Mais lorsqu'il y avait des allégations à contrôler, le préteur se contentait de rédiger un écrit appelé formule, dans lequel il traçait la conduite que le juge aurait à suivre, établissait les prétentions du demandeur, consignait les moyens de défense ou exceptions invoqués par le défendeur, déterminait les points douteux à vérifier, et, pour le cas où la preuve en serait faite ou non, indiquait la sentence à rendre ou l'absolution à prononcer. Puis il renvoyait

les parties devant le juge, simple particulier, désigné par la formule.

Ces notions préliminaires établies, étudions le fonctionnement de l'action de pecunia constituta.

SECTION I

Caractères et conditions de l'action constituta pecunia.

Nous avons vu, au début de cette étude, la restitution, proposée par Bruns, de l'Édit du préteur sanctionnant le constitut. Il est assez facile, avec cette donnée, de rétablir la formule par laquelle le magistrat renvoyait les parties devant le juge. Cette formule devait être à peu près la suivante:

Titius judex esto. - Si paret Numerium Negidium Aulo Agerio decem millia calendis januariis se soluturum constituisse, neque eam pecuniam calendis januariis solvisse, neque per Aulum stetisse quò minus fieret quod constitutum est, eamque pecuniam cum constituebatur debitam fuisse, -quanti ea res erit, Numerium Negidium Aulo Agerio, judex, condemna; si non paret, absolve. »

« S'il est prouvé que Numerius Negidius a promis << par constitut de payer à Aulus Agerius, aux calendes « de janvier, la somme de dix mille, qu'il n'a pas payé <«< cette somme aux calendes de janvier, et qu'Aulus Agerius n'a mis aucun obstacle à l'exécution du constitut, et que d'ailleurs cette somme était due au « moment du constitut, juge, condamne Numerius

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Negidius à indemniser Aulus Agerius; si la preuve << n'est pas faite, absous-le. »>

Nous remarquons d'abord que l'intentio, c'est-à-dire

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