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Le pacte pouvait être adjoint au contrat de bonne foi, ex intervallo, après coup. Un tel pacte n'avait été pour rien dans la volonté originaire des parties, et il n'avait évidemment pour but que de modifier un résultat déjà acquis. Aussi, il n'opérait que par voie d'exception. Donc, s'il retranchait quelque chose des obligations nées du contrat, son exécution était toujours assurée. Mais s'il tendait à augmenter ces obligations, l'exception ne pouvait pas toujours servir à le faire respecter, et alors il n'était d'aucun effet, à moins que le créancier ne trouvât l'occasion de l'invoquer comme défendeur. Par exemple, supposons une vente dans un pacte adjoint ex intervallo, l'acheteur a promis de donner des fidéjusseurs. Si le vendeur avait livré avant d'avoir reçu les garanties qu'il demandait, il ne pouvait pas faire exécuter le pacte. Mais si le vendeur n'avait pas livré la chose vendue, l'exceptio pacti lui permettait de repousser la demande en délivrance, jusqu'à ce que l'acheteur eût fourni les garanties promises.

Le pacte pouvait aussi être adjoint à un contrat de droit strict. lei la règle générale paraît être que, adjoints in continenti ou ex intervallo, ces pactes ne produisaient jamais qu'une exception. Peut-être cette solution n'était-elle plus exacte à la fin de l'époque classique pour les pactes adjoints in continenti. Mais l'examen de cette que tion sort du cadre de notre étude.

La jurisprudence, allant encore plus loin, admit en outre que, si après un simple pacte, convention non obligatoire, mais contenant des promesses réciproques, l'une des parties avait volontairement exécuté ce qu'elle avait promis, il fallait voir dans cette exécution une cause d'obligation pour l'autre partie. Ce fut le point

de départ de la théorie des contrats innommés, sanctionnés par l'action præscriptis verbis.

Enfin le préteur, s'enhardissant à son tour, distingua certains pactes particuliers, et les rendit obligatoires par l'effet du seul consentement, en les munissant d'une action spéciale qu'il créa à cet effet. Ce sont ces pactes qu'on appelle les pactes prétoriens.

Le plus remarquable est le pacte de constitut que nous avons à étudier ici.

Bruns rétablit en ces termes le passage de l'édit du préteur qui sanctionnait le Constitut :

«Si appareat eum qui constituit neque solvisse, neque fecisse, neque per actorem stetisse quo minus fieret quod constitutum est, eamque pecuniam quum constituebatur debitam fuisse, judicium dabo.» «S'il est démontré que celui qui a promis de payer à jour fixe n'a pas fait le paiement, ni désintéressé son créancier, que le demandeur ne s'est point opposé au payement, et que cette somme était due au moment où le constitut était fait, je donnerai une action. »

Nous étudierons d'abord l'origine du Constitut, puis les conditions qu'il doit réunir, enfin ses effets; et nous indiquerons, dans les deux dernières parties, les modifications que Justinien fit subir à notre pacte.

PREMIÈRE PARTIE

DÉFINITION ET ORIGINE DU CONSTITUT

CHAPITRE PREMIER

DÉFINITION DU CONSTITUT.

Que veut dire le mot constitut? Ce mot vient du verbe constituere, formé lui-même de cum et de statuere ; l'expression désigne donc une résolution arrêtée entre deux ou plusieurs personnes, une convention, un arrangement. Mais dans les écrits des littérateurs, comme dans ceux des jurisconsultes, le verbe constituere évoque constamment une idée de temps et de lieu; et même, employé seul, il signifie fixer un rendez-vous (1). Donc l'expression constituere pecuniam debitam, que l'on trouve dans les textes, veut dire « promettre de payer une somme d'argent déjà due, à un moment et dans un endroit déterminés ».

Mais je dois dire dès maintenant que dans l'institution qui nous occupe, la détermination d'un lieu pour le paiement ne paraît pas avoir eu une grande importance, et qu'on la laissa de côté quand on régla les conditions du constitut.

1. Constitutum factum est ut venirent ad balneas (Cicéron, Pro Cælio, 25).

On peut dès lors définir le pacte de constitut: une convention munie d'action par le préteur, convention par laquelle une personne prend l'engagement de payer, à jour fixe, une dette préexistante. Nous verrons que cette dette peut être, soit une dette personnelle au promettant, soit une dette d'autrui.

CHAPITRE II

ORIGINE DU CONSTITUT.

L'origine du constitut est assez dificile à préciser. -— Une opinion, qui fut longtemps admise sans conteste, enseigne que cette institution fut tirée par les préteurs du receptum des argentarii, contrat de droit civil.

Cette opinion a pour point de départ le texte suivant de Justinien (Institutes, de actionibus, livre IV, titre 6 §8) veluti de pecunia constituta, cui similis videbatur receptitia, - par exemple l'action de constitut, à laquelle ressemblait l'action receptitia. » Ce passage des Institutes est confirmé par Théophile qui dit que « constitutæ pecuniæ actioni similis erat actio receptitia quæ competit argentario, » qu'à l'action constitute pecuniæ ressemblait l'action receptitia qui compète à l'argenta

rius.

Qu'était-ce donc que ces argentarii et cette action receptitia?

Les argentarii avaient à Rome un cercle d'attributions très étendu. Installés autour du Forum, dans des taberna que leur louait l'État, ils étaient à la fois banquiers, changeurs, courtiers, commissaires-priseurs, agents de change.

Cicéron (pro Cecina, 6) nous les montre faisant des ventes aux enchères de meubles et même d'immeu

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