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toujours et partout, lorsqu'il appelle hautement sur toutes infractions à la loi du silence les rigueurs de la loi pénale, qu'on ne dise pas qu'il réclame le plus beau des priviléges, celui d'exercer noblement selon les prescriptions morales de la loi, sans danger pour sa conscience et pour son honneur, enfin d'une manière rassurante pour la société, une profession qui a besoin pardessus toutes les autres de la confiance et de la considération publiques.

Toutes ces idées morales se confondent à la pensée d'un médecin venant révéler, dans quelque intérêt que ce soit, le secret de ses malades, et l'on sait à quel point une ordonnance récente qui tendait à prescrire, même dans un but d'intérêt public, une pareille révélation, a excité la réprobation de tous les honnêtes gens. Un arrêt qui déciderait en principe qu'un médecin qui n'a connu un accouchement et le nom de la mère qu'à raison de l'exercice de son art, et sous le sceau du secret, peut et doit violer ce secret, serait également une chose déplorable. Il n'est pas à redouter qu'une pareille décision émane jamais de la cour suprême.

M. le procureur général de la cour d'appel de Gand combattait le pourvoi par les considérations suivantes :

La difficulté, disait-il, réside tout entière dans l'interprétation des articles 56 du code civil et 378 du code pénal. Il s'agit en premier lieu de voir si les personnes désignées à l'article 56 ne sont tenues qu'à déclarer le fait unique de la naissance ou bien si l'obligation qui leur est imposée exige qu'elles fournissent les renseignements nécessaires pour la rédaction de l'acte de naissance avec les énonciations que l'article 57 énumère. Ensuite, et dans le système consacré par l'arrêt de la cour d'appel, il reste encore à déterminer le véritable sens et la portée de l'article 378 du code pénal, et à établir que cet article n'a introduit pour les docteurs en médecine ou en chirurgie aucun privilége qui les dispense de se conformer à une prescription positive de la loi.

Avant d'entreprendre l'examen des dispositions qui régissent aujourd'hui la matière, nous croyons devoir jeter un rapide coup d'œil sur la législation en vigueur à l'époque où la tenue des registres de l'état civil rentrait dans les attributions du clergé. Le plus ancien monument législatif qui ait quelque rapport à l'état des personnes date de 1539. Ce fut une ordonnance rendue par François 1er au mois d'août de cette année,

qui prescrivit, la première, aux chapitres, colléges, monastères et curés de tenir registre des sépultures des personnes tenant bénéfices, et des baptêmes de tous, avec mention du temps et de l'heure de la nativité.

Une autre ordonnance, de 1559, exigea que le dépôt des registres eût lieu entre les mains des greffiers en chef de chaque siége royal et décréta qu'ils feraient foi en justice et remplaceraient la preuve par témoins à l'égard des naissances, mariages, morts et enterrements.

Ces mesures, auxquelles on ne peut dénier une importance réelle, étaient cependant bien loin d'offrir des garanties complètes pour assurer l'état civil des citoyens. Si les registres faisaient foi en justice, ils ne pouvaient servir qu'à prouver le fait matériel de la naissance et du baptême, et ils n'établissaient point la filiation. C'est l'opinion de Danty sur l'article 55 de l'ordonnance de Moulins (Traité de la preuve par témoins, no 10). C'est aussi l'opinion d'Anselmo, dans son Commentaire sur l'édit perpétuel de 1611, dont l'article 20 enjoignait aux échevins et autres gens de loi, «tant des villes que des villages, de lever « par chacun an, doubles authentiques des « registres des baptêmes, mariages et sé<< pultures que chacun curé desdits lieux << aura tenus de ceux advenus en sa pa« roisse et ordonnait qu'auxdits registres « et doubles d'iceux ainsi levés et gardés il « fût ajouté pleine foi sans qu'il fût besoin << aux parties d'en faire autre preuve. » Licet autem hic articulus, dit Anselmo, § 14, statuat quod registrum baptisatorum plene probet ætatem et matrimonium non tamen aliquid decernit circà probationem qualitatis filiationis aut natalium.

Cependant la véritable origine des registres de baptême, ainsi que l'enseigne Bornier (Conf. des ordonnances de Louis XIV, t. 1er, p. 151) « n'a pas été pour la preuve « de l'âge, mais plutôt pour celle de l'état « des enfants, parce que comme c'est assez «< aux enfants d'être nés d'une femme légi<< time, les plus sages peuples ont voulu << qu'il y eût des témoignages publics de « leur naissance, » et dans son rapport au nom de la section de législation du tribunat à l'assemblée générale du 17 ventôse an xi, Siméon énonce la même idée en disant que la nécessité de conserver et de distinguer les familles avait dès longtemps introduit chez les peuples policés des registres publics où sont consignés la nais

sance, le mariage et le décès des citoyens: (Locré, Législ. civile, etc., sur l'article 54 du code civil ).

L'utilité des registres ne répondait donc pas suffisamment au motif qui en avait fait rendre l'usage obligatoire, et leur force probante, circonscrite dans des limites trop étroites, laissait subsister dans la législation une lacune que l'ordonnance de 1667 est venue combler.

L'article 9 du titre XX prescrit que dans les actes de baptême il sera fait mention du jour de la naissance, et que l'enfant, le père et la mère, le parrain et la marraine, y seront nommés. L'extrait baptistaire depuis cette époque ne fait donc pas seulement preuve de la naissance et du baptême, mais il rattache désormais le nouveau-né à sa famille, et par la désignation de ses père el mère fixe la place qu'il occupe dans la société. Si l'acte de baptême produisait de tels effets pour l'enfant légitime, il était loin d'être sans influence sur le sort de l'enfant né hors du mariage et à qui l'indication de sa mère donnait au moins le droit de prendre le nom qu'elle portait.

Du reste laissons parler à cet égard un des plus éloquents interprètes de l'ancien droit français. Dans son 47 plaidoyer, d'Aguesseau, examinant l'extrait baptistaire d'un enfant naturel, s'exprime en ces

termes :

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« C'est la grande, allons plus loin, c'est << presque l'unique preuve que l'on puisse "avoir de l'état des hommes; qu'on ren« verse cette preuve, tous les fondements « de la société civile sont ébranlés; il n'y a plus rien de certain si l'on retranche cel << argument. Qu'on dise tant que l'on vou<«<dra que ce principe est douteux, que rien « n'est plus facile à altérer, à dissimuler, à changer même, que le contenu d'un ex«trait baptistaire, toutes ces réflexions sont justes, mais quelque douteuse que puisse « étre cette preuve, tout sera encore plus << douteux si on ne l'admet pas, si on la « rejette sans des preuves convaincantes de «faussetė.» (Merlin, Questions de droit, vo Maternité, t. 10, p. 106.)

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Aux termes de l'article 8 du titre précité, qui reproduisait sur ce point les dispositions des précédentes ordonnances, il devait être fait par chacun an deux registres pour écrire les baptêmes, les mariages et les sépultures en chacune paroisse l'un était destiné à servir de minute et demeurait entre les mains du curé ou du vicaire, tandis que l'autre devait être porté au juge royal pour

servir de grosse; mais les curés du plus grand nombre des paroisses négligeaient de déposer le double de leur registre au greffe du siége royal, et il fallut la déclaration du 9 avril 1756, qui vint les rappeler à leur devoir par le motif « que les lois atten«tives à l'intérêt commun des familles et « au bon ordre de la société auraient voulu << inutilement que les preuves de l'état des « hommes fussent assurées par des actes « authentiques, si elles ne veillaient avec « une égale attention à la conservation des « mêmes actes. »

Ces expressions du préambule démontrent que les lois concernant la forme des registres de baptême, etc., sont tout à la fois d'ordre public et d'intérêt privé, et nous pouvons dès à présent en tirer la conséquence que toute convention contraire qui tend à en éluder les prescriptions est entachée d'une nullité radicale.

La déclaration de 1736 introduisit divers changements dans les dispositions qui étaient alors en vigueur; ainsi l'article 1er ordonna que les deux registres où l'on inscrivait les baptêmes seraient réputés tous deux authentiques et feraient également foi en justice; l'article 3, que tous ceux qui doivent signer les actes de baptême, etc., signeraient sur l'un et l'autre registre, mais c'est l'article 5 qui mérite surtout une mention spéciale. Cet article prévoit le cas où un enfant a été ondoyé et détermine les devoirs des personnes qui ont fait l'ondoiement si c'est le curé, il est tenu d'en inscrire l'acte sur les deux registres, si c'est la sage-femme, elle doit, à peine de dix livres d'amende et de plus grande peine en cas de récidive, en avertir sur-le-champ le curé à l'effet d'inscrire l'acte sur lesdits registres, et l'article exige qu'on mentionne dans l'acte « le jour de la naissance de l'en«fant, les noms des père et mère et de la << personne qui aura fait l'ondoiement. »

S'il est indispensable que l'acte énonce les noms des père et mère, et que ce soit une condition de sa régularité, nous sommes fondé à en induire que la sage-femme ne peut se dispenser de les comprendre dans sa déclaration, car le silence qu'elle garderait à cet égard serait un obstacle à l'accomplissement des formalités auxquelles le législateur attache, à juste titre, une si grande importance.

C'est la première fois que nous trouvons nettement formulée dans la loi une obligation de cette nature. A la différence du code civil, ni l'ordonnance de 1667, ni la décla

ration de 1756, n'imposent au père de l'enfant ou à son défaut aux témoins de l'accouchement le devoir de déclarer la naissance, et l'on conçoit l'inutilité d'une semblable recommandation, car les actes législatifs émanés des rois de France, et concernant l'état civil, s'adressaient à des populations catholiques qu'on ne pouvait croire capables de négligence quand il s'agirait de présenter au baptême leurs nouveau-nés.

Mais au cas que l'enfant eût été ondoyé, cette garantie basée sur le sentiment religieux du peuple échappait au législateur, qui jugea nécessaire d'y suppléer par une disposition impérative, accompagnée de sanction pénale. Chez nous, les susceptibi lités du gouvernement en matière de religion avaient imposé aux sages - femmes, avant qu'on les admit à pratiquer leur art, le serment de faire les déclarations de naissance au curé de la paroisse endéans les vingt-quatre heures, ensuite le délai fut fixé à trois jours (ordonnance du 27 mai 1569; Plac. des Flandres, tit. IV, p. 1559; Syn. prov. Cameracensis hab. an. 1586, et édit du 1er juin 1587; Zb. II, p. 50 et 58, tit. VI, no 11, p. 89 et 90; Syn. prov. Mechliniensis hab. an. 1607, et édit du 31 août 1608; 7b. II, p. 96 et 101, Verloo, Codex Brabanticus, vo Concilia, p. 53).

Les ordonnances ne frappent non plus d'aucune peine le refus des renseignements nécessaires pour la rédaction de l'acte de naissance avec les énonciations qu'il doit contenir, et les raisons que nous avons données précédemment, et qui étaient déduites de l'influence du culte suivi par les familles que cette législation était destinée à régir, expliquent l'absence de toute pénalité.

Comment, en effet, aurait-il usé de réticence envers les ministres de la religion, celui qui implorait les prières de l'Eglise pour attirer sur son enfant les bénédictions du ciel? comment aurait-il refusé, en ce qui concerne le jour de la naissance, les noms des père et mère, une déclaration complète au prêtre tenu, sous peine de voir saisir son temporel ou d'être condamné à dix livres d'aumône, de consigner les énonciations dans l'acte même qui servait à établir que le nouveau-né avait reçu le sacrement du baptême (ordonnance de 1667, titre XX, article 13; déclaration de 1736, article 39).

La généralité des dispositions que nous avons successivement analysées, les principes proclamés par d'Aguesseau dans le passage que nous avons extrait de son 47° plaidoyer, le droit de suppléer aux registres

PASIC., 1854. Ire PARTIE.

publics, s'ils sont perdus, par la preuve testimoniale et par les registres ou papiers domestiques des père et mère décédés ( ordonnance de 1667, titre XX. article 14), droit commun aux bâtards et aux enfants légitimés, démontrent que, pour les uns comme pour les autres, la régularité de l'acte de baptême reste subordonnée à des conditions identiques.

Quoiqu'il n'existât en France aucun texte positif sur ce point, il peut y avoir d'autant moins de doute à cet égard que la recherche de la paternité y était admise aussi bien que celle de la maternité.

Du reste la question est résolue dans ce sens pour les Pays-Bas par l'article 7 de l'édit du 6 août 1778 (Verloo, C. Brab.. p. 32), dont la plupart des dispositions semblent empruntées aux ordonnances françaises. Cet article interdit au curé, si l'enfant qu'on lui présente est né hors mariage, d'insérer dans l'acte de baptême le nom du père qu'on lui aurait déclaré, à moins que celui-ci ne consentit à signer sur les registres; et par la restriction de cette défense à l'unique désignation du père dans l'acte de baptême d'un enfant naturel, il dispose implicitement que les autres énonciations qui concernent le lieu, le jour, l'heure de la naissance, le nom de la mère, ne cessent pas d'être obligatoires.

Une déclaration de Louis XVI, en date du 12 mai 1782 (Coin Delisle, sur l'article 35 du code civil) apporta une grande amélioration au système introduit par l'ordonnance de 1667. Nous avons vu que les ecclésiastiques qui ne satisfaisaient pas aux prescriptions de l'ordonnance pouvaient y être contraints par la saisie de leur temporel, et qu'on substitua plus tard à ce moyen de contrainte une amende de dix livres. Les curés avaient donc un intérêt direct à n'omettre dans l'acte de baptême aucune des énonciations requises par la loi, et il est permis de croire qu'en plus d'une circonstance ils s'étaient livrés à des investigations indiscrètes.

La déclaration du 12 mai 1782 eut pour objet de mettre un terme à cet abus, et il fut défendu à tous curés d'insérer dans les actes aucunes clauses autres que celles contenues aux déclarations de ceux qui auront présenté les enfants au baptême, sans pouvoir faire aucune interpellation directe sur les déclarations qui leur seront faites.

On a pu remarquer que l'édit du 6 août 1778, antérieur de quatre ans, consacre

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déjà l'application du même principe à un cas spécial..

Tel était l'état de la législation française, lorsque la constitution de 1791 décréta que le pouvoir législatif établirait pour tous les habitants sans distinction le mode par lequel les naissances, mariages et décès seraient constatés, qu'il désignerait les officiers publics qui en recevraient et conserveraient les actes.

Ces divers points furent réglés par la loi organique du 20 septembre 1792, dont le titre III, le seul qui doive nous occuper, traite des naissances.

L'article 1er dispose que les actes qui doivent servir à les constater seront dressés dans les vingt-quatre heures de la déclaration qui sera faite par les personnes que la loi désigne, et qui sont : le mari, en quelque lieu que la femme mariée accouche, s'il est présent et en état d'agir (article 2). Lorsque le mari sera absent ou ne pourra agir ou que la mère ne sera pas mariée, le chirurgien ou la sage-femme qui auront fait l'accouchement (article 3). La loi veut en outre que cette déclaration contienne le jour, l'heure et le lieu de la naissance, la désignation du sexe de l'enfant, le prénom qui lui sera donné, les prénoms et noms de ses père et mère, etc., et qu'il en soit dressé acte sur le registre double à ce destiné (articles 7 et 8). Elle adresse également aux officiers publics la défense d'insérer dans les actes aucune autre clause que celles contenues dans les déclarations qui leur sont faites (article 12).

Il suffit d'un simple rapprochement entre ces différents articles pour se convaincre que, sous l'empire de la loi de 1792, nul chirurgien n'aurait pu élever, avec la moin dre chance de les voir accueillir, des prétentions analogues à celles du docteur Lecluyse, et soutenir que sa profession, qui le constitue dépositaire par état des secrets qu'il découvre ou qu'on lui confie, l'exempte de l'obligation d'indiquer les nom et prénoms de la mère d'un enfant né hors mariage dont il déclare la naissance. Le langage du législateur est trop formel pour qu'il puisse subsister du doute sur l'étendue des obligations de l'accoucheur. C'est précisément lorsque la mère n'est pas mariée que la loi requiert l'intervention du chirurgien et qu'elle lui impose un devoir dont il lui est interdit de se départir sous peine d'encourir une condamnation à deux mois d'emprisonnement (article 5). Il remplace le père qui refuse de se faire légalement

connaître, la mère que son état rend presque toujours incapable de se mouvoir, et sa mission ne se borne pas à faire une déclaration du fait matériel de la naissance, mais elle l'oblige à fournir toutes les indications propres à fixer l'état civil du nouveau-né, et entre autres l'indication de la mère dont le nom doit figurer dans l'acte, et qui ne peut y être inséré que sur une désignation émanée de lui. D'ailleurs avec la loi du 20 septembre 1792 on publia des modèles pour la rédaction des actes relatifs aux naissances, etc., et il résulte de leur contexture que ces actes doivent énoncer le nom de la mère de l'enfant naturel avec mention de ses père et mère à elle. C'est un commentaire qui révèle la volonté du législateur en même temps qu'il détermine l'esprit de son œuvre, et il serait inutile d'insister davantage sur la signification d'une loi dont le texte clair et précis éloigne toute incertitude (voy. Huyghe, Recueil des lois, t. 8, p. 574 et 375).

Si la loi de 1792 exige du chirurgien qui a fait l'accouchement qu'il déclare la naissance et que sa déclaration contienne les noms et prénoms des père et mère du nouveau-né, le code civil a-t-il modifié ce système pour se relâcher des exigences de la législation antérieure, exigences éminemment protectrices de l'état des familles et de l'ordre social? On soutient l'affirmative en s'attachant à une simple difference de rédaction que présente le code avec la loi ancienne, et on s'efforce d'en induire que de nos jours il n'y a d'autre prescription réellement obligatoire que celle relative à la déclaration de naissance dans le délai légal, et l'on va jusqu'à prétendre, comme le proclame du reste le premier juge, que les énonciations de l'article 57 du code civil, si elles offrent une certaine utilité, ne sont pas essentielles. Ces énonciations ne sont qu'utiles! Il ne sera plus nécessaire d'indiquer le jour de la naissance qui déterminera l'âge de l'enfant à toutes les époques de la vie et que l'acte de naissance a surtout pour objet d'établir; il peut être utile, mais il ne sera plus essentiel d'énoncer dans l'acte les prénoms du nouveau-né, les noms et prénoms de ses père et mère, quoique ces énonciations soient indispensables pour faire connaitre la famille à laquelle il appartient et le distinguer des autres membres qui la composent. Ces conséquences démontrent le peu de fondement de l'opinion contraire à la thèse que nous soutenons et les inconvénients d'une interprétation qui ne consulte que le texte d'un arti

cle isolé du code, sans rechercher l'esprit qui a dicté l'ensemble de ses dispositions. La sagacité des jurisconsultes romains n'a pu manquer d'apercevoir et de signaler les dangers de cette méthode. « Scire le«ges, dit Celsus, non est verba earum te« nere, sed vim ac potestatem. Incivile est, « nisi totâ lege perspectâ, unȧ aliquà particulâ ejus proposità, judicare vel respon« dere. » (L. 17, D., de leg.; 1. 24, D., eod.) Ce serait donc à tort qu'on voudrait appliquer au code un pareil mode d'interprétation.

Nous croyons que les auteurs de cette loi, en traitant des actes de l'état civil, loin de vouloir changer dans ses principales dispositions le système qui était en vigueur à cette époque, n'ont eu en vue que de reprendre et de continuer l'œuvre de leurs devanciers.

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« Tout ce que la loi du 20 septembre 1792 contenait d'essentiel sur la forme des actes, dit Thibaudeau, dans l'Exposé des « motifs, a été conservé dans le projet de loi, on y a seulement fait des additions " ou des modifications qui sont le résultat « de plusieurs années d'expérience. » Ainsi quelques additions, quelques modifications dont l'expérience a constaté l'utilité, nous ajouterons quelques variantes de rédaction, mais rien de plus; le titre du code qui règle tout ce qui concerne les actes de l'état civil est conçu dans le même esprit que la loi de 1792, le but du législateur est resté le même, il s'agit toujours pour lui de la base fondamentale de la société et de la constitution des familles (Exposé des motifs).

Maintenant que son intention nous est connue, voyons si les dispositions de la loi nouvelle atteignent le résultat que le législateur avail en vue.

1er

Après avoir fixé à l'article 55, conforme sous ce rapport à l'article 1er de la loi du 19 décembre 1792, un délai de trois jours à dater de l'accouchement pour les décla rations des naissances, il désigne au de l'article 56 les personnes qui sont tenues de faire ces déclarations : c'est le père d'abord, et à son défaut ce sont les docteurs en médecine ou en chirurgie, les sagesfemmes ou autres personnes qui ont assisté à l'accouchement; si la mère est accouchée hors de son domicile, c'est la personne chez qui elle est accouchée. Ce paragraphe correspond aux articles 2, 5 et 4 du titre III de la loi du 20 septembre 1792; il est vrai que le code ne parle point de la mère qui n'est pas mariée, ni de l'accouchement dans

un établissement public, mais il est incontestable que ces cas tombent sous l'application de la loi commune.

Le § 2 du même article porte que l'acte de naissance sera rédigé de suite en présence de deux témoins, et l'article 55 ne permet à l'officier de l'état civil d'y insérer que ce qui doit être déclaré par les comparants. Or, aux termes de l'article 57, il faut que l'acte de naissance énonce le jour, l'heure et le lieu de la naissance, le sexe de l'enfant et les prénoms qui lui sont donnés, les prénoms, noms, profession et domicile des père et mère et ceux des témoins. Mais, d'une part, l'officier de l'état civil ignore presque toujours ces détails et ne les connaîtra que par la déclaration des personnes dénommées à l'article 56; d'autre part, il ne suffit pas que les comparants se prétent à lui fournir les renseignements nécessaires pour la rédaction de l'acte, il ne peut y insérer que la déclaration qui se fait en exécution de la loi, que ce qui doit être déclaré.

« Or, ce qui doit être déclaré par les « comparants, disait Chabot, en présentant « le vœu d'adoption du tribunat, à la séance « du corps législatif du 20 ventôse an XI, «c'est ce que la loi ordonne d'insérer dans <«<les actes, et rien de plus. Ainsi les parties « ne pourront faire d'autres déclarations « que celles qui sont exigées par la loi, et "les officiers de l'état civil ne pourront en « demander ni en recevoir d'autres. Ces « déclarations ne pourront porter que sur les faits que la loi veut faire consigner << dans les actes et devront être rigoureuse«ment restreintes dans les bornes qu'elle a << fixées. »

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«L'article 55, disait Siméon, dans son rapport fait au nom de la section de législation du tribunat, à la séance du 17 << ventose an XI (no 55), règle avec une « louable précision les devoirs de tous ceux « dont les actes civils sont l'ouvrage. Les «officiers rédacteurs ne peuvent ajouter ni <«< diminuer aux déclarations qui doivent leur être faites, mais les parties ne doi« vent déclarer que ce que la loi demande. »

Ce raisonnement, étayé sur la lettre et l'esprit de la loi, prouve à l'évidence que si l'acte doit ou peut énoncer le jour, l'heure et le lieu de la naissance, les prénoms de l'enfant, les noms et prénoms de ses père et mère, c'est que le code exige, comme la loi du 20 septembre 1792, que la déclaration contienne tous ces faits, et ses prescrip. tions sont également obligatoires, qu'il s'agisse de constater la naissance d'un enfant

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