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tique des jacobins. Le bonnet rouge sur la tête, il avait (le 3 septembre 1792, second jour des massacres aux prisons) ouvert la séance du Lycée, où il professait, par déclamer, à propos du manifeste du duc de Brunswick, un Hymne à la liberté:

<< Le fer, amis, le fer! il presse le carnage;

« C'est l'arme du Français, c'est l'arme du courage,

« L'arme de la victoire et l'arbitre du sort.
« Le fer! il boit le sang! Le sang nourrit la rage,
<< Et la rage donne la mort ! »

Dans une fête décadaire, La Harpe, coiffé du bonnet rouge, monte sur le maître-autel de Notre-Dame et lance ses anathèmes contre Jésus-Christ, niant sa divinité et bravant sa toute-puissance. Les continuels éloges d'une révolution devenue malfaisante et hideuse; sa rédaction du Mercure, tout-à-fait ultrarévolutionnaire pendant l'année 1793; le caractère de violente démagogie qu'il imprimait à ses actions comme à ses écrits, tout cela ne put le sauver de la proscription. Ayant parlé avec quelque mépris des talents oratoires de Robespierre (car l'amour-propre le plus exclusif caractérisait le littérateur La Harpe), il fut incarcéré pendant cinq mois en 1794. Aussitôt s'opéra dans son âme un changement complet. Entré au moins incrédule dans la prison du Luxembourg, il en sortit dévot et pénitent. Dès lors il ne cessa de se signaler par la fougue avec laquelle il anathématisait ses précédentes opinons, et la ferveur qu'il mettait à désavouer ses apologies en prose et en vers du système pratique des jacobins. Ainsi La Harpe a consumé ses dernières années à contredire toute sa vie antérieure. Cependant c'était un homme très éclairé, doué de

quelques estimables qualités, ayant du fiel, de l'acrimonie, mais peu de méchanceté.

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19. Un acte de médiation est rendu par Bonaparte, premier consul, pour terminer les différents survenus entre les cantons suisses, depuis que les intrigues du gouvernement français y ont divisé les esprits. Cet acte impose à la Suisse un nouveau pacte fédératif, et détermine en outre la constitution particulière de chacun des dix-neuf cantons (V. 27 septembre). La désapprobation qu'éprouvent ces nouvelles formes de gouvernement attire aussitôt sur le territoire helvétique trente mille hommes de troupes françaises. Aussi le nouveau pacte fédératif imposé à la Suisse par l'acte de médiation, quoique froidement accueilli en général par les Suisses, n'éprouvera qu'une faible opposition. Ils ne sauraient reprocher au consul d'abuser de sa prépondérance au détriment d'un voisin aussi faible, et, de tous les états renfermés dans son système continental, l'Helvétie aura joui seule, et jusqu'en 1814, d'un certain degré d'indépendance nationale, en se soumettant toutefois à la médiation de Bonaparte, médiation qui est une espèce de protectorat politique.

d'estime pour

26. Bonaparte, qui a conçu peu les anciens souverains, parce qu'il a cru démêler peu de nobles qualités dans ceux qu'il a vaincus ou détrônés, et qui lui-même aspire à la couronne, a fait proposer à Louis XVIII de renoncer à ses droits d'hérédité, lui offrant en échange un établissement en Italie, ou un revenu considérable. La personne chargée de faire cette proposition d'une manière assez détournée pour qu'elle puisse être désavouée si elle échoue reçoit de ce prince, résidant alors à Varsovie, la réponse suivante :

<< Je ne confonds pas M. Bonaparte avec ceux qui l'ont << précédé; j'estime sa valeur, ses talents militaires; je <«<lui sais gré de quelques actes d'administration.............. << Mais il se trompe s'il croit m'engager à renoncer à «mes droits: loin de là, il les établirait lui-même, s'ils « pouvaient être litigieux, par les démarches qu'il fait « en ce moment................. » Les princes de sa famille et de son sang adhéreront à ce refus par une déclaration faite à Londres, le 23 avril. La démarche faite par Bonaparte est une erreur politique à peine croyable. Quelque pressé qu'il fût de mettre sur son front la couronne des Bourbons, pouvait-il penser qu'ils lui feraient cession d'un droit qu'il reconnaissait lui-même d'une manière si positive en sollicitant leur renonciation? La démarche du consul décelle en outre une présomption inouïe jusqu'à ce jour. Suppose-t-il donc qu'une couronne soit un effet de commerce qui puisse se vendre et s'acheter sur place? Si de misérables usurpateurs, tels que Mazaniello et Rienzi, avaient écrit une lettre semblable, elle étonnerait encore! Bonaparte luimême reconnaîtra, dans ses mémoires écrits à SainteHélène, l'impertinence et le ridicule de ses propositions; il voudra s'en défendre. Mais comment pourraitil faire croire qu'il n'était pas frappé des titres de son adversaire?

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8 MARS. Le roi d'Angleterre adresse un message au parlement, où il fait connaître que, d'après l'étendue des préparatifs qui ont lieu dans les ports de France et de Hollande, il a jugé convenable d'adopter des mesures de précaution pour la sûreté de ses états, et que des discussions d'une grande importance, mais dont l'issue est douteuse, divisent les deux gouvernements. Les dispositions prises par le roi sont unanimement

(nemine dissentiente ) approuvées dans les deux

chambres.

10.- Un second message du roi d'Angleterre au parlement annonce qu'afin de pourvoir à la sécurité de ses sujets, le roi a jugé nécessaire de convoquer et d'organiser les milices de ses royaumes (V. 13 mai).

25.

Une loi fixe les contributions pour l'an 12 (du 24 septembre 1803 au 22 septembre 1804).

Contribution foncière. 210,000,00 fr. en principal.

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Nota. La France compte cent huit départements, y compris les six du Piémont.

25.— Une loi accorde au gouvernement cent vingt mille conscrits. Trente mille de l'an 11 (du 22 septembre 1802 au 23 septembre 1805), et trente mille de l'an 12 (du 24 septembre 1803 au 22 septembre 1804), seront destinés à l'armée active; trente mille conscrits de l'an 11, avec trente mille autres de l'an 12, formeront une réserve uniquement destinée à porter l'armée au pied de guerre si cela devenait nécessaire. Les dispositions de la présente loi rappellent en outre, confirment et étendent celles de la loi du 18 mai 1802.

27. AVRIL. Toussaint-Louverture, chef des noirs, enlevé de Saint-Domingue le 10 juin 1802, et renfermé d'abord au château de Joux (Doubs), ensuite à Besançon, meurt. Toussaint connaissait à fond le caractère

des noirs; il avait précisément toutes les qualités nécessaires non seulement pour les gouverner, mais pour les civiliser. Il avait eu le grand art de substituer à l'esclavage dont les fers étaient brisés l'état moins dur de serfs à la glèbe ou d'ouvriers de fabrique, en l'appuyant sur un régime militaire très bien organisé pour le maintien de la subordination et la continuation des travaux.

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30. Un traité entre la France et les Etats-Unis est signé à Paris. La Louisiane, rétrocédée par l'Espagne à la France (V. 1er octobre 1801), est vendue aux États-Unis d'Amérique la somme de quinze millions de dollars (quatre-vingt-un million de francs, à cinq francs quarante centimes le dollar). Le gouvernement français a commencé les négociations pour ce marché dès qu'il a résolu de détruire son état de paix avec l'Angleterre.

Carnot, dans un pamphlet publié lors de sa proscription du 12 fructidor (Voyez 4 septembre 1797), révelle le projet qu'il avait fait adopter à ses codirecteurs d'exiger de l'Espagne la Louisiane et la Floride, moyennant quelques démembrements de l'état ecclésiastique cédés au duc de Parme. « Je découvrais un <«< avantage immense à républicaniser une vaste et belle «< contrée de l'Amérique qui nous eût donné une si << grande influence sur les États-Unis. » Bonaparte, désirant aussi les entraîner dans le tourbillon de sa politique, se proposait, en devenant leur voisin, de les inquiéter par des restrictions commerciales, des prohibitions, des contestations de territoire, ainsi qu'il en use avec ses voisins d'Europe, avec la Hollande, l'Allemagne, la Suisse. Les Américains tournent à leur avantage les difficultés diplomatiques élevées entre le cabinet de Londres et de Paris; ils achètent

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