DE FRANCE. DEPUIS LA FIN DU RÈGNE DE LOUIS XVI JUSQU'A L'ANNÉE 1825. SUITE DU LIVRE IV. GOUVERNEMENT CONSULAIRE. CHAPITRE V. ANNÉE 1803. 23 JANVIER. Un arrêté des consuls donne une nouvelle organisation à l'Institut national. Sa division en quatre classes est conservée, savoir : première classe, sciences physiques et mathématiques, ayant deux secrétaires, cinquante-sept membres en dix sections, huit associés étrangers et cent correspondants; deuxième classe, langue et littérature française, ayant TOME VI. I quarante membres et un secrétaire; troisième classe, histoire et littérature anciennes, ayant quarante membres, un secrétaire, huit associés et soixante correspondants; quatrième classe, beaux-arts, ayant vingthuit membres, un secrétaire, huit associés et trentesix correspondants. Chaque membre reçoit par an quinze cents francs d'honoraires, et chaque secrétaire touche six mille francs. Les associés étrangers n'ont aucune rétribution. On distribue des prix chaque année; les premiers de trois mille francs, les seconds et les troisièmes de quinze cents francs. Celui qui, dans la quatrième classe, reçoit le premier prix, est entretenu à Rome aux frais du gouvernement. Les associés de la première nomination sont : Bruks, Maskelyne, Fox, Cawendish, Herschell, en Angleterre; Pallas, en Russie; Jefferson, à Philadelphie; Villefort, à Calcutta ; Webuler, à Stockholm; Canova, à Rome; Calderari, à Vicence; Rumford, à Munich; Heyne, à Goettingue; Klopstock, à Hambourg; Wieland, à Weimar; Heyden, à Vienne. 31.- Le général Moreau donne un bal somptueux auquel ne paraît aucune personne de la famille du premier consul, ni aucun fonctionnaire de l'état, excepté quelques généraux; mais un grand nombre d'étrangers y sont présents. Ce fait en lui-même ne serait pas digne d'être mentionné, s'il n'indiquait une mésintelligence prononcée entre Bonaparte et Moreau. Les généraux, jaloux de l'élévation de Bonaparte au pouvoir suprême, ont fomenté autant qu'ils ont pu cette mésintelligence. En élevant jusqu'aux nues le talent militaire de Moreau, en plaçant le vainqueur de Hohenlinden au-dessus du vainqueur de Marengo, ils ont fait naître dans l'âme de Moreau un amour-propre et une rivalité de gloire que la belle-mère et la femme de ce général ne cessent d'exciter pour s'élever elles-mêmes au-dessus des grandes dames qui composent déjà la cour des Tuileries. Elles se livrent sans ménagement aux plus violentes déclamations contre le premier consul. Moreau sort de son caractère, et commet, avec autant d'imprudence que de vivacité, des actes d'une inconvenance marquée; il censure les dispositions du gouvernement et tourne ses institutions en dérision: on dirait qu'il veut se créer un parti dans l'état. On a institué de nobles récompenses, des sabres d'honneur, des pistolets d'honneur, etc., en faveur des militaires qui se sont distingués par de beaux faits d'armes: Moreau affecte de tourner ces récompenses en ridicule, quoiqu'il ait reçu lui-même des pistolets d'honneur entièrement garnis de diamants sur tout le bois. Il fait appeler son cuisinier en présence de nombreux convives, et, après lui avoir prodigué de grands éloges sur l'excellence d'un ragoût, il lui décerne une casserole d'honneur. Que d'enfantillages et de bouderies dans un homme qui devait être un grand homme, et qui ne sera que l'instrument et le jouet de deux femmes ambitieuses et de quelques mécontents subalternes ! 11 FÉVRIER. —La Harpe, poète froid et sans invention, mais critique distingué, meurt dans sa soixantequatrième année. Pendant plus de trente années il avait été l'adepte et l'enfant gâté de ces hommes de lettres mutins, et non indépendants, qu'on appelait philosophes. La révolution arrivant et la révolution faite, il se fit remarquer de deux manières opposées : à son début et jusqu'en mars 1794, par un dévouement absolu aux idées d'une fausse régénération, c'est-à-dire de la décomposition politique, ainsi qu'au système théoré |