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-lettre d'un certain Leyret, dit Bellefleur.

Pendant ce temps, Mme de Champétières ne restait pas inactive. Impuissante à obtenir la liberté de son mari, malgré qu'il eut adressé un certificat médical au Comité, elle écrivait au citoyen Musset, représentant du peuple à Riom, près le département du Puy-de-Dôme :

«Jacqueline-Marie-Louise Scépeaux, épouse Blaise DaurelleChampétières, est victime d'une erreur dont les effets ont été très funestes. Pendant toute la Révolution, on n'avait porté aucune atteinte à sa liberté. Ses concitoyens rendaient hommage à son civisme et convenaient que sa conduite n'avait rien que de louable. Mais depuis trois mois, le comité de surveillance de ce district a fait arrêter l'exposante. Une lettre écrite à Blaise Daurelle son mari, est dit-on, la cause de cette mesure rigoureuse. On a vu dans cette lettre qu'il était fait mention de l'exposante. On lui adressait les compliments d'usage que la politesse fait insérer lorsque l'on écrit au mari. Et ces hommages stériles et insignifiants ont causé son malheur. Et le scul adoucissement qu'on ait porté à son infortune a été de la laisser en arrestation chez elle avec un garde. L'état habituel d'infirmité de la remontrante lui a valu ce trait d'humanité. Mais sa santé exige absolument l'exercice de la promenade. Depuis trois mois qu'elle en est privée, son état a empiré d'une manière effrayante. Elle a fait des sacrifices multiples en faveur de la Révolution. Elle devait s'attendre à être traitée avec plus de ménagements. Elle a demandé au comité de surveillance la communication des notes qui sont à sa charge afin de se justifier à vos yeux. Elle ajoute n'avoir jamais connu la lettre incriminée, disant qu'il était notoire qu'il n'y avait aucune intimité entre elle et son mari, que d'autre part, toutes ses liaisons sont avec des personnes du plus pur patriotisme et depuis vingt ans ses amis les plus intimes sont de l'ordre du tiers-état. Elle termine : « Citoyen représentant, l'exposante est opprimée; cette espèce de flétrissure afllige son cœur sensible, son arrestation nuit à sa santé et augmente les infirmités qui l'accablent. Elle a recours à votre justice. La renommée qui vous a devancé, sage représentant, a déjà publié partout votre

douceur et votre humanité. Elle fait éprouver une joie universelle dans tous les cœurs. L'exposante s'applaudit d'avance d'y participer au nom de sa patrie et vous demande la fin de ses malheurs. Scépeaux-Champétières ». (1)

On ne sait si cette lettre, pleine d'aussi subtiles flatteries, fut goûtée du citoyen Musset : il en recevait tant de semblables. Toujours est-il que ces flatteries ne semblent pas empreintes de trop d'exagération le citoyen Musset traita les Riomois avec bienveillance (2).

Il n'y avait aucune charge grave contre Blaise d'Aurelle, n'eussent été les malencontreuses lettres du curé Chaslus. Dans la première, Chaslus traite d'affaires domestiques, puis souligne « Les paroissiens de notre voisinage commencent à gronder et murmurent beaucoup sur la menace qu'on a déjà faite que les tailles auront de l'augmentation. Je ne dois pas vous laisser ignorer en finissant ma lettre que votre château de Domaize est devenu un couvent de religieux, un petit séminaire : la subordination, la paix et même le silence qui y règnent en rendent le séjour fort agréable. J'en goûte moi-même les premiers agréments ». (1er février 1792).

Du même : « Domaize, le 14 février 1792. Il nous semble qu'à mesure que la mauvaise saison nous abandonne, il nous arrive un temps plus doux et plus tranquille dans le moral. Ce que nous appelons enragé s'humanise chaque jour. Le peuple aveuglé pour quelque moment paraît vouloir ouvrir les yeux et voir plus clair. Les impôts dont il se voit menacé prochainement contre son attente ne contribuent pas peu à le faire revenir des fausses espérances dont on l'avait sevré. Notre intrus voit diminuer chaque jour le nombre de ses adhérents et souffre cruellement de voir que nos messes catholiques sont plus fréquentées que les siennes ce qui lui a fait prendre le parti de nous obliger, Monsieur Besse et moi, à ne point sonner nos messes, de ne point donner la communion à personne et de

(1) Archives du Puy-de-Dôme, Déclarations et interrogatoires, Paquet 4. Comité de surveillance, an II, an III, liasse 1, folios 15 à 29; liasse 3, folios 1 à 4; folios 5 à 11.

(2) Voir à ce sujet : Michaud, Biographie universelle, et Docteur Roux, Riom pendant la Révolution, p. 120.

dire nos messes les dimanches et fêtes depuis huit heures jusqu'à neuf. Nous nous y sommes conformés et il n'y a rien gagné pour cela : nos messes n'en sont que plus suivies » (1).

Comme on le voit, Chaslus ne manquait pas de vigueur dans la description d'une paroisse réfractaire aux idées nouvelles. Une lettre de ce genre eut, à Paris, fait tomber cinquante têtes. Mais jamais les révolutionnaires auvergnats ne se départirent de cette sage modération qui est la caractéristique de la race et Mme de Champétières fut enfin exaucée. Le rapport fait à la suite de sa demande s'exprime ainsi : « Champétières, 70 ans, faibles moyens moraux. Obligeant. On ne le considérait pas comme un patriote. Il avait des absences et commettait des inconséquences ridicules, résultats des préjugés dans lesquels il a vécu. Jamais on ne songea à lui comme un être dangereux ni contre-révolutionnaire. Son épouse ne s'est pas mêlée à la Révolution. Elle a habité le district de Billom. Sa société, très resserrée, a toujours été avec des citoyens patriotes, ce qui donne lieu de croire qu'elle a plus aimé la Révolution qu'elle ne lui a été opposée. Quant à Sophie Mascon Duchey, elle n'est pas de notre district. Elle a habité celui de Billom. Le Comité révolutionnaire de Billom qui nous a écrit contre Champétières était composé d'hommes dont plusieurs sont aujourd'hui en état d'arrestation. A Riom, le 20 brumaire an III. »

Le 7 nivôse an III, le président et les membres du comité révolutionnaire du district de Riom décidaient la mise en liberté des deux Champétières et signaient la levée d'écrou Gomot, Chaduc, Dulaure, Pontanier, Morel, Bordes, Soalhat. (2)

:

La même année, Blaise d'Aurelle mariait sa fille Louise-Madelaine Marie à Jacques-Gilbert-Amable de Beynaguet, marquis de Pennautier. Louise d'Aurelle de Champétières (3), dernière représentante de cette branche, vivait encore en 1840. En 1846, ses héritiers vendirent l'hôtel de Champétières à M. ArchonDespérouses duquel il passa aux Vissac puis aux Champflour.

(1) 1. c. 2o paquet, liasse 4, folio 1 à 7.

(2) Registre des délibérations du comité, an III, t. IV.

(3) Veuve, Louise d'Aurelle se remaria en 1795 à Jacques Amable, comte de Beynaguet de Pennautier, son beau-frère, ancien mousquetaire au régiment de Brie. Tous deux étaient fils de Jean-Baptiste de Beynaguet, écuyer, seigneur de Saint Pardoux, chevalier de Saint Louis et de Saint Lazare, né

SOURCES

Archives départementales du Puy-de-Dôme. · Archives révoiutionnaires. Fonds non inventorié (1).

Tableau de l'ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Riom. Riom, Desgouttes, 1789.

Docteur Roux. Riom pendant la Révolution.

Bibliothèque nationale.

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Cabinet des titres, Dossiers bleus.

art. Beynaguet; ms. fr. No 29.614, liasse 1622.

H. DURANDARD D'AURELLE,

6 as as as as as as as * * * * * * *

Agénor BARDOUX

(Suite)

C'est vers la même époque aussi que se place une autre anecdote, rapportée par Jules Claretie, et qui dépeint bien le caractère de Bardoux, de cet historien de la Bourgeoisie Française, bourgeois lui-même dans le meilleur sens du mot, et ne détestant rien tant que la frivolité et les opinions toutes faites:

« Un soir qu'un ambassadeur étranger... parlait avec un léger <«< sourire de Paris, la ville évaporée, légère, inconstante, vi«cieuse, M. Bardoux l'interrompit :

«Voilà bien votre erreur, dit-il, à vous autres étrangers.

le 13 et baptisé le 16 de septembre 1701, étant parrain Jean de Montrognon, seigneur de la Combe et de Manzat, et marraine Marie-FrançoiseThérèse de Mascon du Chey, reçu page de la grande écurie du duc d'Orléans par l'intermédiaire de la duchesse de Lauzun, puis capitaine au régiment d'Orléans-Infanterie, marié le 7 février 1711 à Amable Soubrany de Bénistant, fille de Jacques-Amable Soubrany, conseiller à la sénéchaussée et siège présidial de Riom et de Gilberte Rollet d'Avaux. La filiation de la maison de Beynaguet remonte à François de Beynaguet, capitoul de Toulouse en l'an 1521 :

Cil de noblesse a gran titoul

Qui de Toulouse est capitoul.

Les Beynaguet ont été maintenus dans leur noblesse le 10 avril 1700 par M. Le Gendre, intendant de la généralité de Montauban. Armes : D'argent à une canette de sable becquée et membrée de gueules nageant sur une rivière de sinople ; au chef cousu d'or à trois losanges de gueules.

(1) Ce fonds n'était pas inventorié à l'époque où nous l'avons consulté (1906). il l'est peut-être aujourd'hui. En tous cas, nous croyons nos références assez précises pour permettre la consultation des pièces originales,

Vous jugez Paris et la France par ce que vous en voyez, par «la cohue du boulevard, la bigarrure d'une salle de « première », « le tapage de Mabille. Vous ne connaissez point Paris. Et savez« vous pourquoi ? C'est que vous ne montez pas assez haut dans les visites que vous faites à des Français. La France n'habite pas au premier; la France loge au troisième étage, « au quatrième parfois, même sous les toits. Etes-vous quelquefois monté jusqu'au troisième étage ?

-Non !

- Eh bien, c'est là que je voudrais vous inviter à quelque « dîner de famille, sans fracas, où l'on cause de tout et avec « esprit, où l'on connaît tout et avec sûreté, où l'on passe en « revue la pièce nouvelle, le roman d'hier, la poésie à la mode, « la question politique à l'ordre du jour, où l'on porte la santé « du père en buvant un vin vieux, honnête et franc comme la maisonnée, où le fils sera médecin, soldat, ingénieur, commis<qu'importe ! - laborieux certainement, où la fille, tandis «qu'on prend le thé, joue une sonate de Beethoven. Il en est « des milliers, de ces logis, dans ce grand Paris que vous regardez comme la capitale du vice, logis aimables où l'honneur « n'affecte point de puritanisme, mais hausse les épaules devant tant de turpitudes ou plutôt les ignore, et où le cœur et la « main sont tout grands ouverts. Seulement, ces logis, pour les « découvrir, il faut parfois grimper très haut, et les étrangers «n'aiment pas à franchir beaucoup d'étages. Seulement, je « vous le répète.....

« Et l'ambassadeur était un peu étonné.

་ ...

Vous pouvez poser cet axiome en principe : La France «loge au troisième étage! » (1)

Ce fut aussi pendant son année de ministère qu'il fut nommé, par 139 voix sur 151 votants, vice-président de l'Association Française pour l'avancement des Sciences. Comme le faisaient remarquer les journaux de l'époque, cette nomination était d'autant plus honorifique qu'à ce moment Bardoux ne se trouvait pas au Hâvre, où se tenait le congrès annuel de cette Association, et qu'il avait dû cette élection à son seul mérite.

(1) Jules Claretie, Temps du 9 août 1881.

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