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dont elle se constitue la providence. Elle va chez eux, prépare leur ménage, allume leur feu, procède aux soins de toilette et autres, et, le plus souvent, fournit à leurs besoins, leur apporte des aliments, des vêtements, du linge, des couvertures qu'elle a été mendier pour eux. Pour vous citer tous ses actes de charité, il faudrait vous raconter sa vie entière, jour par jour, minute par minute. Aussi est-il probable que le prix que nous sommes heureux de lui offrir servira à ses chers vieillards plus qu'à l'amélioration de son très modeste ordinaire.

Je regrette de ne pouvoir vous lire en entier les témoignages multiples qui nous sont parvenus sur Mme Citerne, demeurant à Vichy. Vous verriez comment, après des revers de fortune, cette femme admirable a élevé, à elle seule, cinq enfants, grâce à un travail acharné, toujours vaillante en dépit du mauvais sort. Non contente de travailler toute la journée, bien souvent elle passait la nuit auprès des malades. Pendant la guerre, ne pouvant nourrir sa petite famille avec l'allocation qu'elle tou-chait, elle s'est employée à soigner les blessés dans les hôpitaux, avec un zèle et une énergie qui ne se sont jamais démentis. Depuis, elle a repris sa vie de labeur, faisant des ménages dans la journée, travaillant une partie de ses nuits pour raccommoder le linge de ses enfants, répondant sans hésiter aux appels que les malades lui adressent. Tout dernièrement encore, pendant huit nuits de suite, elle a prodigué ses soins à un pauvre bébé, enfant d'une voisine, atteint de méningite. Quelques jours après, la même maladie devait lui enlever sa fille aînée, qui commençait à être d'âge à lui venir en aide. Durant trois semaines, jour et nuit, sans la quitter une minute, elle a lutté désespérément. Elle n'a pas eu, hélas ! la consolation de l'arracher à la mort, et après avoir conduit la pauvre petite au cimetière, elle a dû s'aliter elle-même, le cœur brisé par la douleur, le corps usé par la fatigue. Les malheurs de cettevaillante femme n'ont de comparables que son courage et son dévouement. Aussi, nous a-t-il paru de toute justice de lui décerner le prix Tarrieux-Desmanèche.

C'est par des religieuses qu'a débuté ce palmarès de la vertu. C'est par une ancienne religieuse que nous le terminerons. Le prix Montlaur-Chamerlat est attribué à Mile Antoinette Detellière, directrice de l'externat Sainte-Procule, à Gannat,

où se trouvent avec elle Miles Marguerite, Amédée, Eudoxie et Louise. Par quels prodiges d'économie, de privations, de courage, ces respectables personnes, dont la plus jeune a 58 ans et la plus âgée 80, arrivent-elles à assurer le fonctionnement de leur maison, qui compte une cinquantaine d'élèves, reçues, en partie, gratuitement? Croiriez-vous qu'en ces temps de vie chère, elles disposent à peine de 400 francs par mois pour se nourrir toutes les cinq, se chauffer, s'éclairer, subvenir à leurs frais divers? Comment, avec une somme aussi modique, arriventelles à se tirer d'affaire ? C'est là un de ces mystères que peut seule expliquer l'ardente charité qui les anime. Dût la modestie de Mlle Antoinette en souffrir, rappelons qu'en 1870, alors qu'elle était jeune religieuse, elle avait rendu, pendant l'occupation allemande, dans les hôpitaux d'Orléans, d'immenses services qui lui avaient valu la médaille des ambulances.

Devant les mérites de nos lauréats tels que je viens de vous les présenter brièvement, ne vous sentez-vous pas, Mesdames et Messieurs, envahis à la fois d'un sentiment d'admiration pour ces personnes de bien et d'une impression d'humilité vis à vis de vous-mêmes, car, en toute sincérité, si nous nous étions trouvés dans leurs situations, aurions-nous été capables d'égaler leurs vertus ? C'est pourquoi nous saisissons avec joie l'occasion qui nous est offerte de leur rendre un public hommage. Nous sommes heureux de pouvoir ainsi mettre en lumière des actes admirablés dont les auteurs, le plus souvent, se cachent avec autant de soin que d'autres dissimuleraient une mauvaise action. Puissions-nous, par ces exemples, répandre de plus en plus dans nos populations d'Auvergne la contagion de la Vertu! Nous atteindrions ainsi le but principal poursuivi par les généreux donateurs qui, en instituant ces prix ont surtout voulu apporter un encouragement à la vertu plutôt qu'une récompense la récompense, la vraie, se trouvera ailleurs, là où les hommes ne peuvent plus rien !

Pour le Comité de publication:

Le Secrétaire de l'Académie, Maurice BASSE.

Clermont-Ferrand, Imprimerie Générale. Le Gérant: J.-B. GENEIX.

ACADÉMIE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS

DE CLERMONT-FERRAND

BULLETIN HISTORIQUE & SCIENTIFIQUE

DE L'AUVERGNE

PROCÈS-VERBAL

Séance du 5 mars 1925

La séance est ouverte, à 14 h. 1/4, sous la présidence de M. Féry d'Esclands, président.

Le secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance précédente qui est adopté sans observations.

Le secrétaire perpétuel fait l'énumération des ouvrages reçus. Le président communique une lettre du Maire de Clermont, en réponse au vou de notre Compagnie relatif à l'apposition d'une plaque commémorative sur la maison de Savaron. Le maire répond favorablement, mais demande une participation de l'Académie et des représentants de la famille de Savaron aux frais. de cette plaque. L'Académie prendra une décision, après la communication du devis que doit faire exécuter la municipalité.

Le président donne aussi lecture d'une communication de le Société des lettres de l'Aube relative à un concours de poésie pour l'année 1925, concours doté d'une médaille et d'un prix de 1500 francs en espèces.

M. Féry d'Esclands a convoqué les présidents des sociétés savantes locales pour trancher la question d'un concours commun pour la publication d'un bulletin. La Commission doit se réunir à l'issue de la présente réunion. M. Roturo, au nom de la commission des comptes, lit un rapport sur les écritures du Trésorier et son projet de bilan pour l'année 1925. Il conclut à la parfaite régularité de ces comptes et propose un vote de remerciement au trésorier, ce qui est voté à l'unanimité.

Sur la proposition de M. du Ranquet, l'Académie adresse des félicitations à M. Ruprich-Robert, que la Direction des BeauxArts vient en récompense de ses services de nommer à l'Inspection générale des Monuments Historiques. Pendant 25 ans, 2. Série. Février 1925.

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elle a vu M. Ruprich-Robert veiller à la conservation et à la restauration des édifices classés dans ce département avec une compétence et un zèle auxquels tous les archéologues rendent hommage. Elle émet le vœu que, dans ses nouvelles attributions, M. Ruprich-Robert, garde la surveillance des travaux qui s'exécuteront à l'avenir dans le Puy-de-Dôme.

M. Guidy lit son travail sur la suppression des séances de l'Académic pendant la Révolution et la réinstallation de notre Compagnie en 1825. Renvoyé au Comité de publication.

Le marquis de Montlaur, au nom du Comte de Pontgibaud, donne lecture d'une étude sur le livre récent d'un membre de notre Compagnie, M. Geoffroy de Grandmaison: L'Espagne et Napoléon. Renvoyé au Comité de publication.

Plus rien n'étant à l'ordre du jour, la séance est levée à 15 h. 1/4

Séance des Prix de Vertu

(Suite et fin)

CONCOURS DE POÉSIE

Poème à Notre-Dame du Port

Cabrant dans l'infini superbe leurs étraves,
Les puy's, ces grands vaisseaux des terres, sont parés
Et sous les vols oblongs des aigles effarés
Les voici tous dans l'ombre étirant leurs entraves.

Des chaînes de basalte et des grappins de laves
Fondus dans les brasiers des volcans effondrés
Fixent leurs flancs géants et les gardent ancrés
Sur le flot vert des pins et sur l'encens des gaves.

C'est le couchant. Les grands vaisseaux ont à babord
Des flammes de feux roux avivés où se tord
Le jour agonisant dans le creux des abîmes.

Les pâtres attardés chantent le branle-bas,
Puis, se taisent soudain pour regarder, là-bas,
Le boulet du soleil s'écraser sur les cimes.

Mais puisque c'est la nuit fatale à qui s'égare Pourquoi ne point construire une église et sa tour Qui seraient à Clermont ce qu'est Rocamadour Aux Causses ténébreux; une Lumière, un phare?

Holà ! sur les fardiers accumulez les pierres,
Celles qui dans le sol pressent leur grain durci
Et celles des rochers à l'éclat obscurci

Par les lichens rugueux, les mousses et les lierres

Plus haut, les compagnons ! Dressez le mât des ormes,
Equarrissez les pins et les vieux chênes tors,
Et que des profondeurs des gouffres similors
Surgisse la beauté frémissante des formes.

Hisse à toi sur le treuil ! Hisse à toi sur la chèvre !
Fixe le granit clair dans l'empois des bétons,
Inscris dans la coupole et mets sur les frontons
Tout le vertige d'art qui s'exalte en ta fièvre.

Que la chaux fume et que la forge s'illumine,
Que le ciseau stylise, et que sous les marteaux
La mosaïque scelle au bloc des chapiteaux
Ses dés de lave noire et son marbre d'hermine.

*

Hosanna! te voici dans ta robe romane,
Debout sur le mobile et farouche océan
Des bitumes jaillis des parois d'un volcan
Notre-Dame du Port, ô Vierge capitane!

Comme l'apôtre aimé qu'effrayait la tempête,
Que de fois n'ai-je point crié : « Nous périssons » !
O Vierge, et vous avez dissipé mes frissons
En posant votre main doucement sur ma tête.

Que de fois n'ai-je point roulé dans les cratères
Où bouillonne le flot ardent des passions,
O Vierge des pardons et des compassions!
Et vous avez calmé le feu de mes artères.

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